jeudi 11 décembre 2014

Je veux garder mon Allemagne de Mme Merkel


Jean-Luc Mélenchon, photo : dpa, choisie par Bild (lien ci-dessous)


« Maul zu, Frau Merkel ! Frankreich ist frei ». - Dans un allemand correct, mais un peu vieillot et rudimentaire, Jean-Luc Mélenchon interpelle la chancelière qui vient à nouveau d'être plébiscitée à la tête de son parti, la Christlich-Demokratische Union (CDU). - Et le politicien démissionnaire du Parti de gauche d'ajouter : « Occupez-vous de vos pauvres et de vos équipements en ruines ! »


Si le quotidien Les Échos considère que « La presse allemande en ligne reprend largement le message de l’homme politique de gauche qui a appelé la Chancelière allemande à "la fermer" vis-à-vis de la France », l'impact sur l'opinion d'outre-Rhin n'est guère plus important que la récente élection d'un ministre-président du Parti de gauche en Thuringe l'est en France. Il est étonnant, par exemple, que l'hebdomadaire du centre gauche Der Spiegel reprend pratiquement le même texte que le quotidien populiste Bild : on en conclut qu'il s'agit de la même dépêche d'agence (isa/AFP) que les rédacteurs de ces deux publications aux antipodes n'ont pas pris la peine de développer.


lundi 8 décembre 2014

Un ministre-président du Parti de Gauche en Allemagne ?

~ UNE CHRONIQUE ~
(16 octobre - 6 décembre 2014)



La spécialité de Thuringe :
viande en sauce, chou rouge cuit et boulette de pommes de terre


~ 16 octobre 2014 ~


Aux dernières nouvelles (Der Spiegel), le Land - officiellement : "l'État libre" - de Thuringe pourrait être gouverné par un ministre-président d'extrême-gauche dans le cadre d'une coalition "rouge-rouge-verte" (Die Linke/SPD/Les Verts). Ce serait une première en Allemagne fédérale. - "Historique", s'exclame-t-on déjà. Mais ce ne sont plus vraiment les mêmes qui avaient abusé de cette formule pour célébrer le "triomphe de Mme Merkel" aux dernières élections fédérales en septembre 2013.


La nouvelle peut paraître anodine, surtout en France où les références politiques d'outre-Rhin se limitent souvent à "Berlin" et "Merkel". Or, il faut tout de même dire ceci : si Bodo Ramelow (Die Linke) accède au poste de ministre-président en Thuringe, la coalition qui le soutient n'aura certes qu'un seul siège d'avance, mais - et c'est un mais de taille - l'actuel Bundestag présente exactement la même composition : une coalition rouge-rouge-verte y serait également majoritaire (avec 320 sur 631 sièges) ! - Si, donc, ce partenariat se passe bien en Thuringe, cela pourrait avoir un effet sur les élections fédérales de 2017 (1).


Ce vendredi, les trois partis se réunissent pour une dernière "consultation", mais le Spiegel affirme que l'on se dirige bien vers un accord de coalition et un gouvernement dirigé par Bodo Ramelow, dont la formation politique dépasse de loin le score de ses deux partenaires (2). Si une telle coalition était ensuite envisagée au niveau fédéral et que les trois alliés se rapprochent au Bundestag, Angela Merkel serait dans une position très inconfortable. Bien qu'un tel cas de figure extrême soit plutôt improbable avant l'échéance de 2017, la marge de manœuvre pour mener une politique ultra-libérale en Allemagne se rétrécit sensiblement, ce que l'introduction d'un salaire minimum dès janvier 2015 confirme déjà.


~ 17 octobre 2014 ~

dimanche 16 novembre 2014

Il est interdit d'interdire

Un pied de nez à ceux qui prenaient cette célèbre formule au pied de la lettre : elle a bien été lancée par un éminent contestataire, mais si l'humoriste Jean Yanne l'avait créée au cours de l'un de ses dimanches radiophoniques du printemps 1968, il ne ressemblait pas vraiment à la caricature du sorbonnard qui prenait la pose sur les barricades du Quartier Latin.

Bien sûr, la formule n'a pu atteindre un tel degré de popularité qu'avec sa réception enthousiaste : écrite sur les murs ou scandée dans les défilés, elle a fait le tour du monde, portée par le vent de révolte qui animait les mouvements de jeunesse en cette fin des années 1960.

Ce n'est donc pas son caractère paradoxal qui permettra de démontrer l'incohérence des revendications d'alors. Car, même sans connaître son auteur ou la parodie à l'origine de la formule, ceux qui l'utilisaient – et notamment les étudiants – ne pouvaient pas ne pas voir la contradiction logique qu'elle recelait, illustrée par ce Crétois légendaire qui affirmait que tous les Crétois sont des menteurs.

« Il est interdit d'interdire » figure une histoire sans fin puisque la formule implique avec la même logique paradoxale qu'il est « interdit d'interdire d'interdire ». C'est l'histoire sans fin d'une jeunesse qui ne cesse de rappeler aux anciens en bravant leurs interdits que chacun doit faire ses propres expériences avant de comprendre qu'il n'avait rien compris.

lundi 10 novembre 2014

La Chute du Mur. Et après ?

On imagine la liesse populaire. Les images ont été rediffusées à satiété. On imagine le soulagement après l'oppression et l'injustice. Tant d'exemples illustrent l'immense joie des peuples libérés, souvent de façon inattendue, parfois du jour au lendemain. - À Berlin, le mur était réputé infranchissable : il représentait pendant vingt-huit ans une réalité intangible. Puis, après quelques frémissements, il s'ouvre et tombe en une seule nuit sur un malentendu : la communication prématurée d'un arrêté de libre circulation lors d'une conférence de presse retransmise en direct à la télévision. Le monde entier - déjà en voie de globalisation - prend immédiatement connaissance de cette nouvelle sensationnelle, qui marque le début de la fin d'une quarantaine d'années de guerre froide.


Ouvriers rentrant du travail dans le métro de Berlin-Est
(photo : Harald Hauswald)

Depuis ce 9 novembre 1989, on continue de célébrer la chute du mur, la fin de la dictature communiste, de l'État policier, le début de la liberté de circulation, de presse et d'opinion, le retour de la propriété privée et de la libre entreprise. On célèbre cette nuit et les jours suivants, où les citoyens de RDA sont allés admirer les vitrines de l'ennemi de classe, ont un peu plus tard empoché leur "argent de bienvenue" (Begrüßungsgeld) - 100 D-Mark - et fait leurs premières emplettes, pris par un embarras du choix inconnu devant ces étals débordant de biens de consommation.

samedi 8 novembre 2014

Un certain 9 novembre

On peut se demander pourquoi cette date de la chute du mur de Berlin n'a pas été retenue comme jour de la fête nationale de l'Allemagne réunifiée :

- Le 9 novembre 1918, le chancelier Max von Baden décide de son propre chef d'annoncer l’abdication de l'empereur Guillaume II et nomme Friedrich Ebert (SPD) aux affaires. Vers 14 h, le social-démocrate Philipp Scheidemann proclame depuis le Reichstag la « République Allemande » (appelée ensuite « République de Weimar »). Deux heures plus tard, le spartakiste Karl Liebknecht proclame la « République allemande des Conseils » sur le modèle des soviets russes. C'est le début de la Révolution de Novembre qui sera réprimée dans le sang. Entre-temps, l'armistice de la « Grande Guerre » est signée à Compiègne.



lundi 3 novembre 2014

Un billet pour rien

Parfois je pense que la vie ressemble à un hall de gare où ceux qui partent croisent ceux qui arrivent. Certains se reposent dans la salle d'attente. Ils ont le temps. Entre l'arrivée et le départ. Quelques-uns n'ont pas de chez eux. Leurs regards se perdent dans le vague. D'autres sont plantés au buffet, le nez dans leur bière. Ou assis à une table, le mobile à l'oreille. Ceux-là n'ont plus une minute à perdre. Dans un quart d'heure, ils prendront le train pour la capitale. Ils s’entraînent déjà à vivre plus vite. On dormira quand on sera morts, qu'ils disent. - Moi, je stagne sur le parvis : au guichet, ils n'ont pas voulu me délivrer de billet pour n'importe où. La prochaine fois, j'en demanderai un pour nulle part. Peut-être qu'on me le laissera pour rien.




dimanche 2 novembre 2014

La paix sociale

Dans un régime démocratique, il semble qu'il y ait un seuil quantifiable - un certain pourcentage de gens pauvres, chômeurs ou exclus - au-delà duquel il n'est plus possible de garantir, de maintenir la paix sociale. Selon le ministère du Travail de la République de Weimar, 6.127.000 Allemands sont au chômage à la mi-février 1932 : soit un "actif" sur trois ! - En juillet de la même année, le NSDAP - pour mémoire : une organisation fasciste et criminelle - atteint son plus haut score à des élections parlementaires libres : 37,1% (contre 33,1% en novembre 1932).

Le recensement de 1925 ayant dénombré 62.411.000 habitants en Allemagne, on ne compte encore que 1,5 millions de chômeurs deux ans plus tard (en 1927). Et, lors des élections du Reichstag de 1928, le NSDAP réalise un score plutôt dérisoire - et peut-être surprenant pour les non-spécialistes - avec seulement 2,6% des suffrages exprimés (contre 29,8% au SPD) !

Mais alors : qu'est-ce qui a bien pu se produire en quatre ans, entre mai 1928 et juillet 1932, pour que le NSDAP passe de 2,6% à 37,1% (1) ?

Une communauté nationale est par principe composée de groupes hétérogènes, aux origines diverses et aux intérêts divergents, comme ceux des ouvriers et des patrons par exemple, "prolétaires" et "bourgeois" dans le jargon de l'époque. Et, lorsque l'on considère les pays de langue allemande des années 1900 à 1930, on ne peut que remarquer la diversité des mouvements artistiques et intellectuels : nul besoin de faire un inventaire des noms, mais on peut affirmer qu'il s'agissait d'une culture extrêmement riche, "absolument moderne", selon le vœu du poète, que ce soit dans les domaines de la littérature, du cinéma, de la peinture ou des sciences, toutes disciplines confondues. - Inconcevable à l'époque qu'une telle polyphonie culturelle puisse, du jour au lendemain, être extirpée de la conscience collective d'une nation (2).

mardi 28 octobre 2014

"Hooligans contre Salafistes"



Dimanche 26 octobre 2014, du côté de la place de Breslau et de la gare centrale de Cologne (*) : une foule de quelque 3000 personnes (**), composée de néo-nazis, de hooligans adeptes de la violence dans les stades de football et de rockers, qui en Allemagne sont connus pour se financer en "bandes organisées" avec les recettes de la prostitution, du racket et du deal, est venue - sous prétexte de manifester contre le soi-disant "État Islamique" - affronter la police, surprise par le nombre et la violence de la foule ayant suivi l'appel du groupe "Hooligans contre Salafistes" (HoGeSa). Surprises, les forces de l'ordre ont surtout été débordées. Résultat : 44 fonctionnaires blessés, selon le protocole de la police.


dimanche 26 octobre 2014

Comme ça vient...

Il y a comme une obligation de s'exprimer dans ce meilleur des mondes de la communication. Chacun derrière son écran, armé d'un clavier : qu'est-ce qu'on va bien pouvoir dire, aujourd'hui ? - Tiens, un nouvel article : on va lui commenter sa mère !


Et il y a les "grands communicants", un peu comme les grands électeurs. Le bouquin à Z. par exemple : là, Lulu, tu ne commentes plus, surtout si tu ne l'as pas lu. C'est sûr que de l'entendre causer dans le poste depuis des lustres, ça ne suffit pas. Quand il écrit, ce n'est pas pareil, c'est de la haute voltige : tu respectes ou tu dégages. - C'est un peu comme F. - Lui, il fallait se le farcir, tous les samedis : sous la présidence de S., il nous en a administré, de la philo ! Mais tu ne commentes pas, pigé ? Faut d'abord tout lire. Surtout qu'il est à l'A, maintenant !


Je voulais dire autre chose à l'instant. Il y a toujours un truc à dire. C'est génial, la communication. Et ça rime si bien avec consommation. Tiens, j'irais bien faire un tour au centre commercial pour voir les nouveaux modèles. C'est vrai que je souffre un peu d'agoraphobie ces temps-ci. Mais il y a peu de chances pour qu'on vienne me prendre la tête dans la rue : il suffit de mettre les bouchons dans les oreilles et l'écran sur les yeux pour être tranquille.


Voilà que j'ai encore oublié ce que je voulais dire. Mais ça me reviendra, ça me revient toujours, tôt ou tard. Et alors là, je ne vous dis pas : on va communiquer comme des bêtes ! toute la nuit ! comme des malades ! En attendant, je crois que je vais me coucher un peu : une petite fatigue de rien du tout.


~ repetitum ad libitum ~


mercredi 15 octobre 2014

My Taylor is Fitch !

Fitch précise qu'elle prendra sa décision d'abaisser ou non la note d'ici le 12 décembre, date prévue du prochain examen de la France pour cette agence. Elle pourrait passer à l'acte, via un abaissement de la note d'un cran, si aucune amélioration n'est constatée dans la maîtrise de la dette publique une fois que la Commission européenne aura donné son avis. Fitch indique ainsi qu'elle sera très attentive à toute nouvelle mesure de réforme structurelle qui serait annoncée par le gouvernement d'ici décembre.

Il n'y a pas grand-chose à commenter : c'est une agence de notation qui va déterminer la politique économique de la France ces deux prochains mois. On prévoit une embellie dans le textile, et notamment dans le taillage de costumes !

On se demande tout de même quel pourrait être le contre-poids à un tel pouvoir, qui peut remettre en question certaines décisions démocratiquement prises, comme une politique sociale conséquente par exemple et, finalement, un État fondé sur le bien public.

Or, la "réforme structurelle" est une jolie expression de la bienpensance économique - peu vannée mais très répandue - qui autorise, par exemple, la Commission Européenne de recommander à la France (en 2013) :

 - De diminuer les charges salariales, tout en restant dans les contraintes budgétaires du Tscg (déficit public nul requis par l'article 4, dés 2013), en assurant le financement à long terme (Cades) du système de retraites (dont le déficit en Mars 2013 est estimé à l'horizon 2017 à 21 Milliards ), celui de l'assurance chômage dont le déficit s'élèverait fin 2013 à 18 milliards d'euros et celui de la sécurité sociale, dont la prévision de déficit pour la seule année 2013 est de 14,3 Milliards d'Euros et dont le déficit cumulé est en 2013 de l'ordre de 160 Milliards d'Euros.


- D'augmenter la concurrence dans certains secteurs comme : le transport ferroviaire, le marché de l'électricité.


- De favoriser l'accès à certaines professions, qui serait trop difficile : avocats, vétérinaires...


sur > Wikipédia (avec la mention des sources)

Ainsi, ces deux prochains mois et sans doute pendant un temps indéfini, les sociaux-démocrates français doivent cesser de l'être, démocrates et sociaux, la nomination d'un banquier à l'Économie, fût-il "socialiste", ayant certainement déjà permis à Fitch de "constater une amélioration" : ne reste plus qu'à mettre en œuvre les "réformes structurelles" mentionnées, et le costard de la gauche française sera taillé pour longtemps. Mais qu'elle se rassure : après blairification et schröderisation, ceux des camarades européens sont encore vachement tendance !



samedi 11 octobre 2014

Obsession

[ papier retrouvé sous une pile de vieux journaux (*) ]

C'est sans doute une obsession mais j'ai l'impression qu'on veut tout le temps me vendre quelque chose.

Et tous ces trucs qu'on veut me vendre, je n'en ai pas vraiment besoin.

On cherche à me vendre du superflu : de la pacotille électronique, des idées confuses, de l'art mort, des sucreries et du gras, de la nourriture pour chat...

Mais pour me vendre tous ces trucs, il faut mentir pour me faire croire que j'en ai envie, que j'en ai vraiment besoin...

C'est sans doute une obsession mais j'ai l'impression qu'on est toujours en train de me mentir...

Et tous ces mensonges qu'on m'assène au quotidien m'éloignent constamment de l'essentiel.

On me travaille à coup de rhétorique et de pragmatique, d'images artificielles et de mondes parallèles, de mythologies et de paradis de la consommation...

Mais pour me travailler de cette manière, il faut faire croire que je n'ai rien de mieux à faire, rien d'autre à penser...

C'est sans doute une obsession mais j'ai l'impression qu'on est sans cesse en train de me voler mon temps.

[ da capo al fine. ]

samedi 4 octobre 2014

L'argument de la bienpensance

J'ai laissé aujourd'hui un commentaire chez une voisine dont j'apprécie par ailleurs les notes qui touchent à l'art, mais puisque la chose a également été reprise par une autre sympathique voisine dans un contexte différent, je voudrais développer un peu mon argument :

Il ne faudrait pas surestimer notre plate-forme. Je ne pense pas qu'elle soit le reflet de l'opinion publique qui me paraît de plus en plus le résultat d'une manipulation savante sur laquelle je ne m'étendrai pas, mais dont nous sommes tous les victimes, à des degrés divers. Ceux qui s'expriment ici se convainquent peut-être à leurs moments perdus qu'ils peuvent avoir une influence quelconque sur l'opinion des autres ou, pour les plus hardis, sur l'opinion publique en général. Ce que je constate au contraire, un peu comme tout le monde, c'est qu'à de rares exceptions et tentatives de dialogue près, il n'y a que deux réactions patentes : l'assentiment sans réserve et le désaccord le plus profond.

Cette constellation binaire donne lieu à des positions caricaturales, en supposant à l'autre - considéré comme "ennemi à combattre" - une certaine "pensée" inaltérable, toujours identique à elle-même, à l'image de cette fameuse "bienpensance" (*), invariablement attribuée aux gens dits de "gauche" en utilisant, comme une massue, ce signifiant sociologisant qu'est le "bobo", dont on ne sait plus très bien quel genre de personnes il désigne au juste, puisque de toute évidence il ne s'agit plus du "bourgeois bohème", ni d'ailleurs du bourgeois en général, ce qui est plutôt significatif, car on se souviendra peut-être d'une autre expression coup de poing, apparemment passée de mode aujourd'hui : la fameuse "pensée bourgeoise", dont la plupart des "ironiseurs" de la bienpensance conservent de beaux restes.

Dans la sphère où nous exerçons, l'un des problèmes à mon sens peu évoqué est celui-ci : lorsque vous caricaturez la pensée de l'autre pour asseoir la vôtre en contre-point, vous devenez vous-même une caricature ! - Car en assignant à l'autre, dans sa "différence" présumée essentielle, un caractère immuable, statique, vous ne lui interdisez pas seulement d'évoluer et - pourquoi pas ? - d'adhérer à votre point de vue, mais vous focalisez, vous arrêtez votre propre pensée sur le différend postulé, ce qui vous oblige vous aussi à endosser une identité rigide et vous condamne finalement à la stagnation.

Avec les fabricants du consensus, on assiste parallèlement à un nouvel essor des créateurs de dissension et en cela, notre plate-forme est en effet dans l'air du temps : paradoxalement, avec les principes d'identité et de non-contradiction, hérités de la logique formelle, il faut aujourd'hui être en désaccord permanent avec l'autre - camp, parti, clan etc. - que l'on a pris soin de réduire à sa "plus simple expression", dont on guette les moments où il ne serait pas en phase avec ses "principes", déclarés ou supputés, avec l'identité qu'on lui assigne ou qu'il s'octroie lui-même.

Il ne faut pas croire : les consensus sont bien plus larges qu'il n'y paraît. Pour ne prendre que ces exemples : faute de choix, nous avons tous plus ou moins accepté un système basé sur l'argent et les rapports marchands qu'il implique, nous utilisons pratiquement tous les "moyens de communication modernes" et nous consommons sans trop manifester notre désapprobation de la publicité à tous les étages. Toute critique semble ici vouée à l'échec : elle serait d'une trivialité consternante, n'est-ce pas ?

De même : certaines dissensions sont manifestement fictives puisque peu d'entre nous souhaitent, par exemple, que les massacres, qui enflamment à nouveau le monde, se poursuivent éternellement. Et pourtant, nous trouvons le moyen d'utiliser l'horreur ambiante pour nous invectiver copieusement. - De même : la grande majorité de gens trouve que les politiciens au pouvoir se valent par leur incapacité à résoudre la crise de l'hyper-capitalisme, qui frise actuellement la quarantaine, mais il faut continuer à marquer le "camp opposé" à la culotte alors que, dans le contexte présent, un consensus a minima serait requis. Or, puisque tout accord semble condamné d'avance, le maintien du status quo est assuré, et le tour est joué !
***

Petite conclusion personnelle : en essayant de prendre une part active à cet espace d'expression depuis l'été 2013, j'avais espéré des discussions à bâtons rompus sur ce qui s'appelle les "choses mêmes" car je reste convaincu que la pensée est une affaire collective. Mais j'ai assez vite compris ma douleur. On vous somme de vous engager, c'est-à-dire de choisir un camp, de vous ranger vous-même dans un tiroir qui servira ensuite à vous cataloguer, à vous "calculer", à jouer la carte maîtresse de la personnalisation. Les "choses mêmes" n'ayant alors plus guère d'importance, les polémiques ajoutent rapidement au chaos doxologique actuel où les mots n'ont qu'une fonction rhétorique ou pragmatique. - Et puis : lorsque vous essayez de préserver une certaine rigueur intellectuelle dans vos contributions, vous risquez d'être taxé - ouvertement ou plus sournoisement - de prétentieux, de "professoral", ou je ne sais quoi encore. Ce qui veut dire qu'il vous est fortement suggéré de niveler vers le bas, de renoncer à envisager les êtres, les choses, le monde, dans leur complexité, leur nature paradoxale, et finalement de "bétonner", de "fermer toutes les portes", comme diraient les criminalistes. - Enfin : publiant sur Internet depuis plus de dix ans, je savais qu'en venant ici, il ne fallait donner qu'un minimum d'informations personnelles pour ne pas risquer leur détournement abusif. Or, si j'avais parlé de mes origines, des expériences de mes parents et grands-parents, de ma propre vie, présente et passée, cela aurait peut-être clarifié certaines choses, levé quelques ambiguïtés, mais je ne crois pas que cela aurait permis de transformer un solide ressentiment en un début de bienveillance. Et quand bien même : peu importe le corps, l'incarnation, l'expérience que nous voudrions faire valoir dans ce cadre, nous y mènerons toujours une existence résolument cérébrale. - Indéfiniment !

L'homme n'est qu'un roseau le plus faible de la nature ; mais c'est un roseau pensant. Il ne faut pas que l'univers entier s'arme pour l'écraser. Une vapeur, une goutte d'eau suffit pour le tuer. Mais quand l'univers l'écraserait, l'homme serait encore plus noble que ce qui le tue ; parce qu'il sait qu'il meurt ; et l'avantage que l'univers a sur lui, l'univers n'en sait rien. - Ainsi toute notre dignité consiste dans la pensée. C'est de là qu'il faut nous relever, non de l'espace et de la durée. Travaillons donc à bien penser. Voilà le principe de la morale.  [Blaise Pascal, Pensées, 3e édition, Paris 1671, XXIII, Grandeur de l'Homme, pp. 171 ssq.]


samedi 27 septembre 2014

Brèves considérations sur la situation présente




Avec le 11 septembre 2001 le terrorisme s'est globalisé, en ce sens qu'il est apparu en direct et simultanément sur tous les écrans du monde, donnant à voir une action qui dépassait de loin toutes celles qui, jusqu'alors, pouvaient être qualifiées de « spectaculaires ».


Les initiateurs des attentats new-yorkais connaissaient parfaitement le fonctionnement des chaînes d'infos en continu : dix-huit minutes, la durée séparant les deux impacts, suffiraient aux télévisions pour braquer leurs caméras sur la Tour Nord et saisir « en direct » l'instant où le second avion percuterait la Tour Sud.


Ce qui se passe à présent est « différent » : si la prétention à la mondialisation de la terreur est intacte, ces exécutions de personnes innocentes sont destinées à être visionnées non seulement « en différé » mais également et surtout en cachette. On a certes tendance à penser que peu de gens vont s'infliger ce « spectacle », qui n'est pas repris par les canaux habituels : or, caché quelque part dans les souterrains de la Toile, il est néanmoins disponible à tout moment pour être « consommé » par les « amateurs » ou les apprentis de l'horreur. Et, devenu « viral », il résistera à toute tentative de retrait.


C'est ce dernier point qui est véritablement « nouveau » : tant qu'Internet existera, personne ne pourra rien y effacer définitivement, toutes les informations, tous les écrits, tous les documents audio-visuels y circuleront virtuellement jusqu'au bout de notre aventure cybernétique (1). Ainsi, ces vidéos continueront indéfiniment de tourner en boucle et, surtout, de représenter une sorte de « défi » pour les monstruosités à venir, qui voudront paraître plus « spectaculaires » encore que les précédentes. Il faut ajouter que ces documents de la terreur, frappés d'interdit, vont immanquablement attirer le très jeune public, qui est pour ainsi dire préparé - et maintenu dans un état constant de déréalisation - par l'industrie du divertissement (2).


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lundi 22 septembre 2014

Qui bien ou mal y pense

Le débat public tourne en rond. – D'abord, ce sont toujours les mêmes débatteurs : les médiatiques qui, seuls, ont accès à la parole publique ou à cette fameuse « visibilité » tant convoitée. Tout le reste – la majorité naguère silencieuse, aujourd'hui poussée à une expression quasi maniaque par les vendeurs d'« outils de communication » – végète quelque part dans le ventre mou ou les intestins d'un monde parallèle généré par un système prioritairement commercial et auto-promotionnel appelé « Internet ». – Ensuite, ce sont toujours les mêmes idées, convictions, opinions qui alimentent le champ médiatique, quotidiennement agité par quelque « actualité » fabriquée dans le laboratoire de l'expérimentation humaine. – En conséquence, nous sommes devenus les prisonniers d'une boucle indéfinie dont rien de véritablement nouveau ne pourra émerger : c'est le règne d'un éternel « degré zéro » de la réflexion, qui ne prend en compte ni les enseignements de l'histoire récente ou plus lointaine ni les avancées pourtant nombreuses de la pensée moderne et contemporaine.

Ce qui, pour l'instant du moins, semble encore fasciner le public dans ces débats menés sous les feux éphémères de l'actualité, c'est cette espèce de joute verbale entre différents « camps », dont les représentants appartiennent pourtant aux mêmes milieux, sortent des mêmes écoles, où jamais personne ne convaincra personne, où aucun intervenant n'a le temps de finir son raisonnement, où en somme tout le monde parle en même temps sans jamais écouter les arguments des autres, où l'on opère une sélection des « faits » et des « chiffres » à des fins résolument pragmatiques : ces débats publics sont devenus des « spectacles » de la même dignité que les « reality soaps », où ce qui est dit n'a plus aucune importance et n'est pas censé intégrer une quelconque mémoire, où seules comptent les énormités proférées, les capacités de poseurs des uns et des autres.

Si naguère l'écrivain, le philosophe ou le professeur étaient des personnages respectés, on constate aujourd'hui un ressentiment croissant envers les intellectuels, savamment entretenu par les « fabricants du consentement » qui, dans le cadre présent, sont en même temps des « créateurs de dissensions », de sorte que l'on se demande si ces deux activités ne sont pas désormais indissociables. Bien sûr, les intellectuels eux-mêmes ont une part de responsabilité dans cette affaire puisque leur refus de participer au cirque médiatique laisse la place libre aux « demi-savants » qui occupent actuellement le devant de la scène. Mais une telle désertion s'explique surtout par la mainmise des commerciaux et des publicitaires sur l'espace-temps médiatique, générant un « contexte », un environnement quasi-transcendantal, où toute pensée critique ou bien quelque peu avant-gardiste est hachée menue pour être intégrée (« embedded ») dans un magma, une bouillie indigeste faite de tape-à-l’œil, de vulgarité et de déjà-vu : en effet, le culte de la « nouveauté » sans cesse prêché par les marchands de vent et de pacotille s'accompagne paradoxalement d'un ruminement continuel et d'un « mix » aléatoire d'éléments pris dans le grand réservoir culturel de l'humanité où tout semble avoir déjà été dit et redit, vu et revu.


lundi 15 septembre 2014

Le voyeurisme de l'extrême

Lorsque nous sommes assis dans une salle de théâtre ou de cinéma, ou encore devant la télévision, nous occupons la place du « voyeur », assistant à un spectacle sans possibilité ni obligation d'intervenir. Or, au théâtre, et dans le cas des œuvres dites de « fiction » au cinéma et à la télévision, nous savons que nous ne voyons et n'entendons rien de « réel » au sens strict, puisqu'il s'agit d'une illusion produite par le jeu des acteurs, l'art des techniciens du spectacle, accessoiristes, maquilleurs, décorateurs, et plus récemment des concepteurs d'« effets spéciaux ».

Le metteur en scène Andrzej Żuławski avait réalisé un film – dans les années 1980 je crois, mais je n'ai pas pu en retrouver le titre – qui relate un épisode où une femme est l'otage de criminels produisant et vendant des « snuff movies », c'est-à-dire des films où la victime est vraiment assassinée : je me souviens avoir été énormément impressionné par cette séquence qui, tout en relevant de la fiction, est inspirée de faits réels. – J'ai ensuite eu vent d'un véritable snuff movie autour de l'affaire dite des « maniaques de Dniepropetrovsk », une ville ukrainienne où deux garçons de 19 ans ont commis 21 assassinats barbares entre le 25 juin et le 16 juillet 2007 : non contents d'exécuter leurs victimes, aléatoirement choisies, avec une brutalité extrême, ils ont filmé certains de leurs actes, comme la torture et l'assassinat d'un homme de 48 ans, Sergueï Yatzenko, dont la « vidéo virale » a circulé – et circule très certainement toujours – sur Internet sous le titre de « 3 Guys 1 Hammer » (« 3 gars 1 marteau »).

vendredi 12 septembre 2014

"I'll be back!"




Il semble donc que, dans ce pays, l'opinion publique - médias, éditorialistes, experts, politologues, publicistes, sondeurs, sans oublier les millions d'anonymes, dont nous sommes, qui ajoutent leur grain de sel sur Internet - voudrait ou pourrait décider du sort d'un président de la République démocratiquement élu pour cinq ans.

En agissant de la sorte, on semble ignorer que l'on :

- met à mal le processus démocratique lui-même, en dévalorisant les élections réelles au profit des spéculations toutes virtuelles de ceux - triés sur le volet -  qui ont accès à la parole publique ;

- discrédite la fonction présidentielle et par là-même les institutions de l'État ;

- joue le jeu de l'ultra-libéralisme, qui mise à terme sur la disparition de l'État, et surtout de son "volet social".

Le mardi 16 septembre 2014, l'Assemblée votera, ou non, la confiance au nouveau gouvernement Valls. Quelques jours plus tard, Nicolas Sarkozy, ancien président de la République, annoncera, ou non, son retour en politique. S'il revient, il profitera de l'appel à un "homme fort", sinon au fameux "homme providentiel", explicitement ou plus implicitement pétitionné par l'opinion publique. Or, on fait mine d'oublier que :

- M. Sarkozy a déjà exercé le pouvoir à la tête de l'État de 2007 à 2012, sans parler des fonctions ministérielles qu'il a occupées, en particulier à l'Intérieur depuis 2002 ;

- son image est ternie par un certain nombre d'affaires, notamment celle du financement de la campagne présidentielle de 2012, avec l'implication de la société Bygmalion qui a tout de même donné lieu à la démission de M. Copé, secrétaire général de l'UMP depuis novembre 2010 ;

- c'est justement cette démission qui, laissant vacant le poste de chef de l'UMP, permettrait le retour de M. Sarkozy à la tête de ce grand parti de la droite parlementaire.

De l'autre côté, le parti socialiste - qui n'a toujours pas pris la peine de s'appeler parti social-démocrate ni de créer des liens forts avec les autres sociaux-démocrates européens, et notamment le SPD allemand qui - faut-il le rappeler ? - participe actuellement à une coalition gouvernementale avec la CDU de Mme Merkel (*) - le PS, donc, a réussi à éliminer, l'un après l'autre, les politiciens qui auraient eu quelque chance de réussite à la tête de l'État, face à la crise du capitalisme la plus grave depuis 1929 :

dimanche 7 septembre 2014

Lamento

Le plus terrible, c'est leur discours : celui de la Walkyrie par exemple qui parle au nom du « peuple de France », une double abstraction qui vient combler un abîme rhétorique, simuler une consistance. - Le « peuple de France », voyons, ça ne mange pas de pain !


Ce sont des gens qui ont parlé toute leur vie, comme avocat, enseignant, militant puis responsable politique. Ils ne savent ni ce que ça fait d'être subalterne ni ce que ça fait de trimer dans un boulot stupide : d'encaisser une condition non choisie pour une banale histoire de survie dans un monde brutal sous le coup de l'horreur économique. - Non, ils ne savent pas ce que ça fait !


Ce sont des gens qui vous expliquent le monde, celui dont ils profitent : ils vous expliquent ce qu'il faut que vous fassiez pour qu'ils puissent en profiter longtemps encore. - Mais écoutez-les donc sans aucune gêne vous expliquer le monde !



Que faut-il faire ? Et que penser ? Nous sommes si désorientés, la paye est si mauvaise, ils sont si nombreux à convoiter notre place de larbin. - Et pendant ce temps-là, ça parle, ça parle, ça parle !


Aucun silence, surtout pas de  « blanc » : lorsque le public est lassé par les beaux discours, les idées généreuses, les explications du monde, il faut le faire rire, l'amuser, le divertir. Car si on ne remplissait pas toutes les niches, toutes les cases, si on n'accaparait pas tout son temps « libre », il pourrait se mettre à réfléchir. - Et quand le larbin commence à avoir des idées personnelles, voyons, ça nuit à la bonne marche des affaires !


samedi 6 septembre 2014

Poubellisation

On a du mal, quelquefois, à comprendre ce qui suscite l'intérêt des gens : si du temps de Carla et Nicolas, on subissait déjà la pipolisation - lire : personnalisation - de la vie politique, et ce après une longue phase de guignolisation, nous voici arrivés, au plus tard depuis l'épisode du Sofitel de New York, au stade de la poubellisation de la politique, où la trash-attitude occupe résolument le devant de la scène...

200.000 exemplaires ! - Tout le monde doit l'avoir lu, puisqu'il faut en parler et que l'on ne peut en parler sans l'avoir lu...

Et nous sommes si naïfs : tout ça est si spontané, personne ne devrait en profiter, pas de coups en-dessous de la ceinture, tout est normal, et vogue la galère !

Comme il paraît que nous vivons dans une « société de l'information », les gens ont l'impression d'être – virtuellement – informés sur tout. Or, nous assistons surtout à la plus grosse entreprise de désinformation qui soit : la subjectivité y règne en maîtresse absolue, l'opinion, le « sentiment », le « jugement » saturent tous les réseaux...

Ici, c'est surtout le « devoir de réserve » qui part dans le caniveau : impensable, naguère, de divulguer des secrets d'alcôve lorsqu'on a été locataire du « Palais ». Et la pudeur ? - Comment peut-on en arriver à exhiber son « intimité » et surtout celle d'un chef d'État en exercice devant la Nation tout entière ?

Il est évident que tout journaliste qu'elle est, elle n'a pas écrit son bouquin toute seule, la moindre des prudences exigeant le recours aux services d'un conseil juridique. Partant de là, la possibilité d'un « téléguidage » n'est plus complètement absurde, d'autant qu'elle paraît suffisamment aveuglée par ses propres sentiments et donc inconsciente au point de ne pas se rendre compte d'une possible manipulation ou utilisation de sa personne : une proie idéale !

dimanche 31 août 2014

Prérequis de débat

Pour qu'il y ait débat, il faut que les débatteurs soient ouverts : l'important, à mes yeux, n'est pas seulement de mettre en avant sa propre théorie, ce qui est parfaitement légitime, mais aussi et surtout de l'éprouver dans la confrontation avec d'autres, et notamment ceux qui, comme on dit, "en connaissent un rayon". Je prends - une fois n'est pas coutume - un exemple personnel : l'autre jour je discutais avec un militaire expérimenté, sans doute un haut gradé, à qui j'exposais ma théorie sur l'affaire d'espionnage qui avait conduit le chancelier Willy Brandt à la démission. Pour rappel : Günter Guillaume, agent de la Stasi est-allemande, était en poste à la chancellerie de RFA comme conseiller de Willy Brandt, c'est-à-dire dans une position où non seulement il avait accès aux "informations classifiées", mais où il pouvait de plus influer sur la politique gouvernementale en dispensant ses "conseils". Après deux ans de service (1972-74), l'espion fut découvert et le chancelier démissionna dans la foulée. Ma théorie fut la suivante : La mission de Guillaume consistait en réalité à se faire découvrir à un moment jugé opportun par la RDA pour faire tomber Willy Brandt, devenu trop populaire à l'Est. - Or, mon interlocuteur objecta ceci : La RDA avait réussi un coup de maître en plaçant l'un de ses hommes dans cette position, ce qui présentait une chance inouïe et un avantage considérable. Il était inconcevable de le faire sauter et d'abandonner ainsi la place : "S'il avait pu rester dix ans, il serait resté dix ans", conclut le militaire. Je ne pouvais qu'acquiescer. Et, s'il n'avait pas complètement invalidé mon hypothèse, puisque pour l'instant on n'en sait toujours rien, je ne me vois plus la défendre comme avant, en occultant l'argumentation de mon contradicteur.

Tout ça pour dire qu'on ne cesse d'apprendre, mais pour cela il me semble qu'il y ait plusieurs prérequis:

- Il faut s'intéresser aux choses elles-mêmes et non en faire des "prétextes" pour défendre je ne sais quelle théorie globale ou systématique qui serait la mesure de tout. Au contraire : l'étude spécifique des phénomènes doit pouvoir exercer une influence déterminante sur notre système de pensée - cette abstraction généraliste avec laquelle nous nous orientons dans le monde - qui, de ce fait, ne me semble possible que comme "système ouvert".

- La discussion devrait donc tourner autour de son "objet" dans le but avoué de parfaire sa connaissance : que cela en passe nécessairement par des "sujets", des expériences ou perspectives "subjectives", cela ne fait aucun doute et c'est cette contradiction - pour ne pas dire "dialectique" - qui fait évoluer le débat, lui confère tout son intérêt. - C'est ici que l'on conviendra peut-être que les théories, les interprétations, les hypothèses ne peuvent jamais que nous approcher un tant soit peu de ce qui est réellement le cas.

- Je ne vais pas ici m'appesantir sur le respect. S'il n'y en a pas, il suffit de se diriger vers la sortie puisque fort heureusement nous ne vivons pas (encore) dans un monde clos. Ce qui me fatigue, c'est à la fois cette bannière idéologique souvent agitée et la classification des débatteurs dans des cases qu'ils ont certes parfois eux-mêmes désignées : cela donne un univers où personne n'évolue jamais, le principe de non contradiction régnant en maître absolu pour pétrifier les êtres vivants que nous sommes.


Ajout. - Je me rends compte que, dans un nombre croissant de domaines, les discours se font de plus en plus pragmatiques : on cherche à produire un effet chez l'interlocuteur - le "destinataire" du "message" - qui doit voter pour tel parti, acheter telle marchandise, adhérer à telle organisation etc. etc. Tout, n'importe quel argumentaire est alors bon pour influer sur les conduites. Autant dire que la "vérité" n'y a plus qu'un statut rhétorique et ne devrait à terme plus intéresser personne avec ces appels incessants à l'émotion, au désir, au ressentiment, à la croyance : après le règne de l'objectivité radicale, voici venir le triomphe de la subjectivité absolue !

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Commentaires des blogueurs/gueses de l'Obs

Lu, approuvé et signé.

Écrit par : Pyroman | 31 août 2014

vous avez une manie, puis je vous le dire, vous vous repliez dans votre blog et développez des griefs (le mot est mal choisi) à l'encontre de on ne sait qui et faites leçon, c'est dommage, j'aime bien vos écrits, j'apprends, mais certains de mes profs bien aimés ne me donnaient pas l'impression d'être une gourde.......
si je cite Bourdieux ce n'est pas pour faire "genre" comme on dit vulgairement, je m'en suis expliquée ensuite, n'ayant pas de blog etant fusillée sans cesse par la modé, eh oui , je n'ai pas le style de la faculté,mais ensuite vous fuyez et on parle dans le vide, enfin chez Vlad je sais qu'il ne manquera pas de répondre point par point et souvent c'est en harmonie de ce que je pourrais développer plus avant et je reste prudente à ne aps trop torchonner son blog, je n'ai pas le niveau! figurez vous que peu me chaut
excusez moi, au bout d'un moment il faut se parler franchement

Écrit par : PARKER | 01 septembre 2014

Vous m'avez plutôt bien cerné, sauf peut-être pour le côté "donneur de leçons", mais si mes élucubrations présentes vous donnent cette impression, il doit y avoir un truc...

J'aime en effet discuter sérieusement des choses, et c'est ce que je dis ici en me repliant, comme vous le dites si bien, sur mon propre blog...

Vous avez également compris que j'ai écrit ces lignes à la suite de ce qui s'est dit chez Vlad :

Comme vous le savez, la sociologie est née avec Émile Durkheim et Max Weber, deux hommes qui n'avaient rien de "dangereux gauchistes" mais qui au contraire ont investi avec leur grande culture de nouveaux domaines d'études et de réflexion : j'ai un peu regardé la liste des éminents sociologues, certains peu connus en France comme Ferdinand Tönnies ou plus récemment Niklas Luhmann, et il y a tout de même du monde, que l'on ne devrait pas balayer du revers de la main en parlant de vaches laitières ou de légumes.

Bien sûr que vous n'avez pas cité Bourdieu pour "faire genre", à aucun moment je n'ai pu penser cela, la preuve : j'ai pris au sérieux votre remarque en "l'annotant", comme je l'ai dit...

Portez-vous bien PARKER !

PS. - J'en profite aussi pour saluer Mr. Pyroman & Mr. Hub

Écrit par : sk | 01 septembre 2014 |

j'approuve et contresigne également. Le tout étant surtout de ne pas oublier ces prérequis à l'avenir tant
notre tentation à délimiter les objets et à les enrober de subjectif est grande par confort de l'esprit..
Enfin, le respect devrait constituer le préalable implicite, le sésame sinon rien..mais le rappel est utile..

Écrit par : hubert41 | 01 septembre 2014

Bonjour SK

... D'autant plus que la sociologie ne saurait se réduire à du comptage aussi complexe soit-il. On ne peut imaginer démontrer un théorème en répétant à l'infini toutes sortes de comptages interminables. Je n'entends rien à ces questions, mais je crois savoir que comme dans toute science, le but est de révéler des déterminismes à l’œuvre pour tenter de s'en affranchir, des lois. Les lois régissant des groupes humains ne sont pas que directement corrélées à leurs simples sommes arithmétiques et il me semble qu'un des objectifs de la sociologie est de les mettre en évidence. Je vais d'ailleurs déposer ce commentaire chez Vlad.

Pour revenir à "notre" blogosphère et concernant les échanges, je vais prendre un exemple : j'apprécie, comme d'autres ici, l'intelligence et la culture de Vlad ainsi que certaines de ses compétences liées à son statut, je crois d'ancien officier. Dans le même moment j'apprécie aussi l'intelligence et l'humanisme manifestés par la blogueuse "Anna", tout comme d'autres. Ce sont là deux exemples pour le moins très opposés ! Mais j'ai précisément envie de prendre cette liberté de sortir du manichéisme par trop clivant et de ne pas rejeter ce que l'une et l'autre peuvent proposer en termes d'apports, tout comme vous l'avez fait dans l'exemple que vous avez rapporté.

J'ai particulièrement en aversion qu'on m'accule à choisir un camp, tout comme je suis à priori contre des excès entraînant des dommages irréversibles.

Cdlt
;-)

Écrit par : Pyroman | 01 septembre 2014

Accord parfait !

Écrit par : sk | 02 septembre 2014

Bonjour SK,

J'ai apprécié votre note. J'ajouterais, à propos du respect, celui de l'objet même qui est discuté. Et cela signifie qu'au minimum on se documente un brin sérieusement sur lui. Si l'on parle de Bourdieu par exemple, eh bien, cela supposerait que l'on prenne connaissance des grands lignes de son oeuvre, et que l'on fasse un minimum d'effort intellectuel pour les comprendre.
C'est un préalable avant tout débat d'idées. Sans quoi, on n'émet que des jugements de valeur ou des procès d'intention ("idéologique") ; et c'est lassant à la longue, je puis vous le confirmer !


Écrit par : plumeplume | 01 septembre 2014


je ne suis que la voix de l'échantillon cible qui ira grossir le gros du troupeau , convaincu "qu'on est le fils à son père", ton post est d'une violence incommensurable, et tu le sais, et c'est prémédité, que cherches tu à prouver?
excusez moi sk, je réagis au nom de ces enfants multicolores sur la fameuse photo qui n'auront peut être pas d'enseignants bienveillants pour les aider "à se taper tout Bourdieu" pour les éclairer

les mots sont des armes

Écrit par : PARKER | 01 septembre 2014


???

Parker, est-ce à moi que votre commentaire s'adresse ? Si tel est le cas, je ne le comprends pas, alors pas du tout.
Sauf si moi je me dis que vous vous êtes imaginé que je vous visais dans mon ajout au(x) préalable(s) au débat initié(s) par SK dans sa note. Ce n'est strictement pas le cas. Je n'ai pas une seconde songé à vous en partageant cette modeste réflexion à SK, et à lui adressée en priorité.

Il y aurait donc un autre préalable à suggérer pour qu'il y ait authentique débat : Que l'on cesse les projections agressives et que l'on se mette à interroger directement (en questions ouvertes) un tel ou une telle sur ce qu'il a écrit si ce qu'il écrit nous pose problème.

Je n'en prendrai pas ombrage, mais j'ai dû tout de même vous lire : "ton post est d'une violence incommensurable, et tu le sais, et c'est prémédité, que cherches tu à prouver ?"


Écrit par : plumeplume | 01 septembre 2014


Personnellement j'évite au possible le fameux "name dropping" dans les discussions (c'est un peu en contradiction avec ma remarque plus haut, mais j'assume)...

je ne sais pas à qui la réaction de Parker s'adresse réellement, mais je suppose qu'elle est inspirée par un vécu où une certaine arrogance - éternel complexe de supériorité - intellectuelle a joué un rôle..

je la comprends, mais c'est vrai qu'il faudrait éviter au possible la personnalisation, ça brouille le message et c'est très contre-productif...

je vous salue toutes les deux

Écrit par : sk | 02 septembre 2014

La subjectivité absolue (si elle est ressentie comme essence) sera toujours bien plus intéressante que toute radicalité objective, qui n'est jamais qu'un trompe-l'oeil à destination de gogos de la pensée


Écrit par : abou | 01 septembre 2014 |


merci de comprendre sk et veuillez m'excuser de cette....intrusion contraire à la nétiquette!


Écrit par : PARKER | 02 septembre 2014


Le point le plus difficile concernant ces prérequis est sans doute "s"en tenir au sujet proposé". Pour deux raisons au moins :
La première : comment essayer de penser sans faire -malgré soi souvent sinon toujours - des connections, des parallèles, des oppositions avec d'autres sujets.
La seconde : il suffit que l'un des commentateurs - même sans la moindre intention maligne - "dévie" quelque peu pour qu'on le suive surtout si la digression nous touche oui nous intéresse.

S'ajoute à cela le type de sujet proposé : l'affaire Willy Brandt par exemple peut être aujourd'hui traitée "à froid" et même l'expression d'une opinion personnelle peut être perçue comme une demande d'informations. Ce devrait être possible également pour des sujets d'actualité comme le conflit I/P. Mais dans la pratique, on assiste souvent à des renvois vers des liens informatique sans même s'interroger sur la source.

Reste quelque chose de précieux : la rencontre. Personnellement j'en ai fait quelques unes sur les blogs que je ne regrette pas. Et malgré ma lassitude des blogs, je me dit que cela en vaut la peine. Bien sûr, vient la tentation ou de se taire, ou de se retirer (une sorte d'home sweet home de la pensée mais qui est rarement sweet).

Écrit par : Benoît | 11 septembre 2014

dimanche 24 août 2014

De la nécessité d'une langue commune

En considérant le sentiment d'appartenance et la cohésion qui caractérisent les communautés musulmanes et juives dans le monde, chacune regroupant et fédérant des cultures, des peuples extrêmement divers, il faut se rendre à l'évidence que l'un des facteurs essentiels qui relie et unit ces populations hétérogènes est leur langue commune, respectivement l'arabe et l'hébreu. Et il ne s'agit pas de n'importe quelles langues, puisqu'elles sont les vecteurs de textes sacrés, considérés par les adeptes comme fondateurs. Ainsi, le rapport des locuteurs à ces langues touche lui aussi au sacré, leur origine commune émergeant du lien à une sphère dite divine ou, si l'on préfère, "métaphysique". Or, un certain archaïsme marque ces usages du LOGOS datant d'époques aujourd'hui révolues : le fait d'ignorer ainsi l'évolution qu'a parcouru l'humanité au cours des millénaires, qui a profondément modifié les langues et le rapport à l'écriture, confère tacitement un statut transcendantal à ces langues et textes anciens, dont on retrouve d'ailleurs le principe dans un autre livre sacré, le prologue de l'Évangile de Jean:  "Au commencement était le verbe (LOGOS)", une sentence sans doute inspirée par Héraclite (Fragment 50 : "Il est sage que ceux qui ont écouté, non moi, mais le LOGOS, conviennent que tout est un.").

Si l'on considère maintenant l'Europe contemporaine, force est de constater que toute cohésion, tout sentiment d'appartenance en sont absents : une monnaie commune, qui n'est même pas adoptée par tous les États membres, ne suffit certainement pas à constituer une quelconque "unité".

Or, ce problème d'une langue commune, ou plutôt de son absence, ne  préoccupe pas outre mesure les tenants actuels du pouvoir en Europe. L'anglais s'impose subrepticement, à la façon d'un Pidgin English, dont on s’accommode faute de langue commune décidée par et pour tous les Européens.

Pour ne pas m'attirer les foudres d'un intervenant, je ne défendrai pas ici le français, la langue traditionnelle de la diplomatie, écrite et parlée par les savants européens des 17e/18e Siècles et par les rédacteurs des droits humains, qui a pris la succession du latin, langue européenne par excellence.

Mais peu importe la langue choisie : c'est le problème d'une langue commune qui doit être résolu, non pas tant pour se reconnaître dans une tradition commune que pour s'exprimer et se comprendre à un niveau plus subtil, nuancé, complexe dans la perspective de construire un avenir commun qui ne soit pas purement économique.

L'euro fut mis en circulation le premier janvier 2002. Si on avait pensé à introduire en même temps une langue commune, apprise en cours intensif dès la maternelle par tous les petits Européens, ceux-ci seraient aujourd'hui proches de la majorité, et nous aurions surtout douze ans d'avance sur la résolution d'un problème qui, au fil du temps, va en s'aggravant : l'incommunication, faute d'expression relevée et de compréhension profonde.


samedi 23 août 2014

Apocalypso

Pour l'instant, c'est clair : ici le bon, là le méchant, ici le civilisé, là le barbare.

Mais imaginons un instant le scénario suivant : toutes les poudrières du monde explosent en même temps, comme si une force souterraine en avait assez de l'hégémonie humaine sur la planète ; plus personne ne saurait qui est qui, qui est bon et qui est méchant, la barbarie éclaterait partout, la civilisation ne serait plus qu'un lointain souvenir.

Tout soldat a besoin qu'on lui désigne un ennemi.

Mais imaginons un instant que l'ennemi est partout : ce ne serait plus alors une guerre traditionnelle avec une ligne de démarcation nette, mais un chaos où l'allié d'un jour serait l'ennemi du lendemain, et vice et perversa.

Il n'y a jamais eu autant de poudrières dans le monde qu'à l'époque présente. Inutile d'en faire l'inventaire. Certaines explosent, d'autres bouillonnent en sourdine, exploseront demain. Aucune véritable solution n'est en vue, aucun règlement des conflits prévu, aucune autorité assez puissante pour pacifier une humanité en proie à la folie meurtrière.

Et, comme si ce n'était pas suffisant, la guerre économique sévit de plus belle, affamant le plus grand nombre, engraissant quelques-uns, jetant les pauvres au bord du précipice dans les bras des diseurs de bonne aventure, qui les somment d'avancer.

Et, comme si ce n'était pas suffisant, il y a la destruction des ressources et des espaces naturels : profitons bien des images idylliques que nos explorateurs patentés injectent sur nos écrans virtuels car bientôt rien de tel n'existera plus.

Et, dans l'intervalle qui nous sépare encore de ce cauchemar prévisible, puisqu'il semble que nous n'ayons pas d'alternative, tapons-nous donc sur la panse et dansons l'apocalypso

samedi 12 juillet 2014

Mea Culpa






Je plaide coupable : pendant un mois, j'ai fatigué mes bienveillants lecteurs avec des notes sur le football, car une fois lancé j'ai ressenti le besoin de continuer moi aussi jusqu'en finale, stimulé par la beauté de certains matchs et la grande classe d'équipes comme les Black Stars et les Fennecs, Los Ticos et El Tricolor, les Diables Rouges et Oranje (0).

Mais je réclame également des circonstances atténuantes, car tout était parti d'une réflexion sur ce sport et sa "popularité". Or, il est évident qu'une analyse pertinente, et a fortiori une charge critique, réclament une connaissance intime de l'objet d'investigation : ainsi, je ne puis me satisfaire d'idées généralistes comme la "pourriture par le fric" ou la "commercialisation à outrance", qui s'appliquent un peu à tous les domaines constitutifs de nos sociétés ultramodernes.

Il s'agit donc d'abord de considérer les spécificités du football qui, avant de devenir l'actuel divertissement planétaire, a connu une grande popularité en Europe, en Amérique Latine et en Afrique, au plus tard depuis la première Coupe du Monde initiée par Jules Rimet en 1930.

Par ailleurs, il apparaît que le football simule une bataille, ce qu'il partage certes avec d'autres sports d'équipe (1), mais il importe cependant d'observer la manière dont l'affrontement est conduit : en principe sans toucher l'adversaire (2), en exécutant certains mouvements d'acrobate, voire de danse, qui constituent un moment très individuel, quasi artistique, au sein d'un jeu collectif relevant à la fois d'un ballet improvisé et d'une stratégie concertée.

Mais cela n'explique pas encore la popularité de ce sport, qui ne concernait d'abord que certaines régions du globe, ce mot de "popularité" étant ici à prendre au sens premier : en effet, il y avait - et il y a sans doute toujours - un véritable culte du football dans les milieux ouvriers et urbains, notamment en Angleterre, sa terre de naissance, où les générations partageaient ses histoires, mythes et légendes, tandis que les classes supérieures pratiquaient le cricket ou le polo. Car, comme le formule dès 1831 un élève de la très noble institution anglaise d'Eton dans ses mémoires :

« I cannot consider the game of football as being gentlemany; after all, the Yorkshire common people play it » (3). - Traduction proposée par Wikipédia : « Je ne peux pas considérer le football comme un sport de gentlemen ; après tout, le petit peuple du Yorkshire y joue. »

Un autre aspect est la simplicité des règles et l'absence d'accessoires : il suffit d'avoir un ballon, ou un objet de substitution, et quelques poteaux pour marquer les buts. C'est sans doute le plus puissant moteur de "popularisation" : tout le monde peut jouer au foot, et ce dans les endroits les plus improbables. - Chez les gamins, le côté acrobatique, le jonglage, le "beau geste" priment évidemment sur le jeu collectif, plus fondamental, auquel ils doivent s'astreindre en intégrant un club.

lundi 7 juillet 2014

Assez (encore) !

ASSEZ

[une ébauche]

Assez de ces trois monothéismes qui se disputent la grâce d'un seul Dieu.

Le dernier fait d'armes est ce « calife » qui veut prendre la place du calife, laissée vacante depuis des lustres : la seule chose qui est « révélatrice » dans cette démarche, c'est de vouloir ranimer un monde archaïque, fondé sur l'oppression et l'étroitesse d'esprit.

On ne peut pas inverser le sens du temps.

Assez de cette logique binaire qui divise le monde en « fidèles » et « mécréants ».

Dites-leur que vous ne croyez pas à leur légende divine, et vous vous retrouvez dans le « camp » des athéistes : cette détermination négative qui ne vous donne droit à aucune « position » puisqu'elle vous exclut de la sphère de l'Être.

Il y a d'autres voies pour communier avec l'immensité de l'Univers.

Assez de cette recherche de pouvoir qui se dissimule sous les robes sacrées.

Ce sont des hommes, tous autant qu'ils sont : n'importe quel philosophe digne de ce nom saurait démonter leur rhétorique, leur morale, leur dialectique, car leur légitimité transcendantale est usurpée et repose sur des sophismes.

Le véritable sage n'arbore aucun signe distinctif.

Assez de l'alliance théologico-politique qui, telle une épidémie inextinguible, ne cesse de ravager la planète.

Nous savons que les nouvelles églises sont les banques et que l'on y vénère l'argent : toute autre forme de culte ne vient, à l'époque dans laquelle nous sommes tenus d'exister, que travestir de façon particulièrement hypocrite sa propre adhésion à cet universel résolument « moderne ».

Or, les mortels que nous sommes ne peuvent emporter dans la tombe que quelques babioles insignifiantes.


lundi 30 juin 2014

Mondial 2014 | France/Allemagne : Replay




30 juin 2014 au soir


 3072014france


Le match Nigeria/France était attendu. Beaucoup d'occasions de part et d'autre, mais pas de but  : quelques longueurs, puis la délivrance tricolore avec la tête de Pogba à la 79e minute. Sous la pression de Griezmann, le capitaine des Super Eagles marque contre son camp dans les arrêts de jeu, et le score de 2:0 est parfait. Les Bleus passent en quart [images de la rencontre].

C'est au tour des Allemands et des Algériens d'entrer dans l'arène. La première demi-heure appartient clairement aux Fennecs avec un sauvetage in extremis du portier Manuel Neuer, obligé de quitter plusieurs fois sa surface, un but refusé pour hors-jeu et d'autres occasions en or. Les Nord-Africains sentent que, prise par le doute, la Mannschaft pourrait être à leur portée. En fin de mi-temps, celle-ci se ressaisit et génère quelques situations explosives dans la surface algérienne. - Repos. Tous - fans, joueurs et staff - peuvent souffler quelques minutes !

L'entame de la seconde moitié est visiblement allemande, mais les contres algériens restent dangereux. - Rien à dire : un match de haute qualité, vivace et plein de suspense, entre deux équipes qui, avec des styles divers, ne présentent pas pour autant une importante différence de niveau. - Dernier quart d'heure : la Mannschaft continue de dominer, et Rais Mbolhi bloque un ballon impossible sur sa ligne de but. La pression allemande augmente, les Fennecs résistent. "On se dirige vers les prolongations, ici à Porto Alegre", dit le commentateur.

3072014algerie


30 minutes supplémentaires donc. Et sans attendre, André Schürrle inscrit du talon le premier but allemand. On sent les Fennecs un peu émoussés après cette ouverture du score, mais une énorme chance d'égalisation leur redonne du mordant. - Changement de côté. Les Algériens se battent, le match s'emballe à nouveau, les supporteurs des deux camps angoissent. Les cinq dernières minutes. Même le vaillant entraîneur Vahid Halilhodžić, ancien joueur de Nantes, renvoie le ballon sur le terrain pour gagner du temps. Mais à la 119e minute, Mesut Özil met tout le monde d'accord : l'Allemagne mène 2:0. - Dans les arrêts de jeu, Abdelmoumène Djabou inscrit encore un but pour l'Algérie, faisant brièvement scintiller une lueur d'espoir, mais le tour est joué : les cousins franco-germains se retrouveront au Maracanã de Rio ce 4 juillet à 18 heures [images de la rencontre].

Excursus
(1er juillet 2014)


Comme nous l'apprend la presse ce matin [ici par exemple], il n'y a eu que très peu de "débordements" en France après la défaite algérienne. - Dommage, risquent de dire les jeteurs d'huile sur le feu, à court d'arguments pour cuire leur soupe immonde. En effet, ce que j'ai pu lire ici et là relève de la diffamation idéologique et du dénigrement systématique d'un peuple qui a été bafoué par les ancêtres de ces mêmes aboyeurs professionnels : que la troisième génération, née en France, victime du chômage et du délit de sale gueule, puisse en avoir marre d'être traitée en chien galeux dans une ambiance où le travail objectif d'analyse du passé laisse à désirer - c'est également le cas pour la période de l'occupation : d'où le terme de b0che toujours à la mode dans certains milieux, puisqu'il masque si bien la réalité de la collaboration française - que ces jeunes, donc, puissent réagir comme ils le font : personne ne va prendre la peine de chercher à le comprendre en profondeur et avec un brin d'empathie ou de bienveillance que les anciens, en principe, doivent à la jeunesse. Non, on fourre tout dans une marmite et on attend que ça cuise : c'est exactement la même attitude que celle qui a consisté à parquer leurs parents et grands-parents dans des cités dortoirs - si ce n'étaient pas des camps d'internement -  à leur arrivée en "métropole" à l'issue des "événements". - On s'éloigne du football ? - Ah bon ! Et ce n'est pas bien ?

 




jeudi 19 juin 2014

En vrac (encore)





À l'heure où nous écrivons ici – dans un environnement relativement pacifié – les affrontements en Irak (et en Syrie) frisent l'horreur absolue. Les exécutions sommaires me font penser à la progression des troupes nazies vers l'Est, du côté de l'Ukraine. Décidément, l'horreur est humaine : Horror humanum est !

Pendant ce temps, la fête du football bat son plein. Joue à fond son rôle de divertissement planétaire. Au Brésil même, où les « couches populaires » tirent le diable par la queue. Dans les pays dits « riches », où l'on est quotidiennement abreuvé d'atrocités aux heures des repas. Et du reste oppressé par le terrorisme économique. Dans les pays dits « pauvres » également. Pour oublier la misère noire, le temps d'un Mundial.
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Les interventions sous la note précédente consolident l'hypothèse qu'un match simule une bataille. La balle serait alors le projectile que l'on essaye de caser dans la « maison » adverse, les deux équipes figurant les armées qui s'affrontent, en principe sans se toucher, car il faut jouer le ballon et non l'homme : le combat mis en scène ici n'est donc plus ad hominem, mais déjà « médiatisé » par le projectile. Avant d'être médiatisé tout court.

C'est certainement sa diffusion planétaire – sa « mondialisation » au sens littéral – sponsorisée par les « global players », le merchandising et boosté par le « star system » qui fait de ce sport – naguère simplement « populaire » – une superproduction quasi-galactique, enclenchant cette spirale rétroactive bien connue des magnats du show business : chacun s'intéresse à ce qui est censé intéresser « tout le monde ».

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Du coup, c'est également la « socialisation » par le football qui importe : on regarde les matchs en petit ou grand comité, dans un bar, sur écran géant ou au stade, on soutient l'équipe de son pays, on commente et on critique. Ce sont ces discours, tous plus ou moins experts et tous plus ou moins vides, qui permettent de ne pas parler de l'essentiel : de la difficulté d'exister, de la solitude, de la mort.

Mais revenons un instant à notre bataille stylisée : contrairement à un combat réel, le terrain des affrontements est plat, sans aspérités, un rectangle rigoureux qui n'autorise aucun débordement. Et le temps est limité, créant ce suspense des dernières minutes où tout doit se décider, où tout semble encore possible. De plus, ce conflit symbolique partage une caractéristique essentielle avec le rêve : il ne porte pas à conséquence, si l'on excepte ce fameux « manque à gagner » en cas de défaite qui ne devrait pas être trop lourd à porter pour les bourses des joueurs professionnels. Et quelques larmes de supporters, cette perte de liquide corporel rapidement compensée par la tournée suivante.
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Il se pourrait donc que le football sublime notre instinct guerrier, notre condition d'êtres territoriaux et temporels, symbolisée par les limites du terrain et la mesure du temps : les deux prérequis de l'existence humaine, ces créatures que les anciens Grecs appelaient encore si justement les mortels. J'ajouterais : conscients de l'être. - L'origine du divertissement.