Il semble donc que, dans ce pays, l'opinion publique - médias, éditorialistes, experts, politologues, publicistes, sondeurs, sans oublier les millions d'anonymes, dont nous sommes, qui ajoutent leur grain de sel sur Internet - voudrait ou pourrait décider du sort d'un président de la République démocratiquement élu pour cinq ans.
En agissant de la sorte, on semble ignorer que l'on :
- met à mal le processus démocratique lui-même, en dévalorisant les élections réelles au profit des spéculations toutes virtuelles de ceux - triés sur le volet - qui ont accès à la parole publique ;
- discrédite la fonction présidentielle et par là-même les institutions de l'État ;
- joue le jeu de l'ultra-libéralisme, qui mise à terme sur la disparition de l'État, et surtout de son "volet social".
Le mardi 16 septembre 2014, l'Assemblée votera, ou non, la confiance au nouveau gouvernement Valls. Quelques jours plus tard, Nicolas Sarkozy, ancien président de la République, annoncera, ou non, son retour en politique. S'il revient, il profitera de l'appel à un "homme fort", sinon au fameux "homme providentiel", explicitement ou plus implicitement pétitionné par l'opinion publique. Or, on fait mine d'oublier que :
- M. Sarkozy a déjà exercé le pouvoir à la tête de l'État de 2007 à 2012, sans parler des fonctions ministérielles qu'il a occupées, en particulier à l'Intérieur depuis 2002 ;
- son image est ternie par un certain nombre d'affaires, notamment celle du financement de la campagne présidentielle de 2012, avec l'implication de la société Bygmalion qui a tout de même donné lieu à la démission de M. Copé, secrétaire général de l'UMP depuis novembre 2010 ;
- c'est justement cette démission qui, laissant vacant le poste de chef de l'UMP, permettrait le retour de M. Sarkozy à la tête de ce grand parti de la droite parlementaire.
De l'autre côté, le parti socialiste - qui n'a toujours pas pris la peine de s'appeler parti social-démocrate ni de créer des liens forts avec les autres sociaux-démocrates européens, et notamment le SPD allemand qui - faut-il le rappeler ? - participe actuellement à une coalition gouvernementale avec la CDU de Mme Merkel (*) - le PS, donc, a réussi à éliminer, l'un après l'autre, les politiciens qui auraient eu quelque chance de réussite à la tête de l'État, face à la crise du capitalisme la plus grave depuis 1929 :
- En novembre 2006, M. Strauss-Kahn perd les "primaires" du PS, alors que, d'une part, il avait toutes ses chances contre M. Sarkozy et, de l'autre, il était solidement armé pour affronter cette présumée "crise" (**). - Le coup de maître du président Sarkozy consista à le "délocaliser" au FMI dès novembre 2007. - Sa propre inconscience - utilisée ou non par d'autres - fit ensuite le reste au Sofitel de New York en mai 2011, pour lui interdire une seconde fois de concourir à la présidentielle avec, à nouveau, de fortes chances de succès.
- On dira ce qu'on voudra de l'éviction de Mme Aubry (***), la fille de Jacques Delors, lors des "primaires" d'octobre 2011, au bénéfice de l'actuel président de la République : peut-être n'aurait-elle pas réussi à battre M. Sarkozy en 2012, mais si tel eût été le cas, sa force de caractère lui aurait sans doute permis de répondre efficacement aux pressions politico-médiatiques, tout en nous évitant le "roman de gare" qui, actuellement, condamne les citoyens que nous sommes au voyeurisme des impuissants.
- Ne parlons pas des départs de personnalités charismatiques comme MM. Chevènement et Mélenchon, quoi que l'on puisse penser de leurs options politiques. - Et si, conformément à leurs annonces, MM. Delors et Jospin ne sont jamais revenus en politique, cela montre au moins qu'il s'agit là d'hommes intègres, pour ne pas dire "d'honnêtes hommes".
Si, donc, Nicolas Sarkozy revient en politique, il profitera du même vide, à droite, que celui qui, à gauche, a permis l’accession au pouvoir de François Hollande. En effet, la personnalité de ce dernier n'a pas convaincu, pour des raisons diamétralement opposées aux reproches faits à son prédécesseur, dont la fonction "d'omniprésident", parée d'une bling-bling-attitude peu appréciée par une majorité de l'électorat qui tire le diable par la queue, a finalement conduit à sa chute.
Or, s'il revient en politique, Nicolas Sarkozy devra, entre autres, tenir compte de ceci :
- jamais un chef d'État battu n'a pu effectuer un retour convaincant ;
- l'ex-président possède un certain nombre d'ennemis puissants dans son propre camp, qu'il ne sera pas si facile de mettre sur la touche ;
- les "affaires", les cinq années passées à l'Élysée et une bonne partie des gens de gauche ne lui faciliteront pas l'opération "peau neuve" sans laquelle aucun come back réussi ne sera possible.
Ajout. - La situation présente pourrait éventuellement nous enseigner que le régime présidentiel, où dans les faits une seule personne concentre - et finalement "verrouille" - tous les pouvoirs, n'est pas à terme une solution pour une grande démocratie moderne. Mais lorsqu'on émet de telles réserves, le spectre de la 4e République est invariablement agité, comme s'il n'y avait pas d'alternative...
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Notes
(*) Après l'annonce enthousiaste du "triomphe historique" d'Angela Merkel aux élections fédérales de septembre 2013, on a un peu perdu de vue qu'une hypothétique coalition "rouge-rouge-verte" (SPD/Die Linke/Die Grünen) a obtenu la majorité - certes : d'un seul siège ! - dans l'actuel Bundestag. Bien sûr, tout le monde sait que cette "majorité" ne reflèterait pas le vote des électeurs allemands (les libéraux du FDP et les euro-sceptiques de l'AfD n'ayant pas passé la barre éliminatoire des 5%) et qu'elle ne serait donc pas viable, même si les trois partenaires de gauche parvenaient à un accord, qui mériterait alors en effet le qualificatif d'historique. Mais tout de même : la chancelière ne peut plus faire ce qu'elle veut, et elle a notamment dû accepter l'introduction d'un SMIC horaire de 8,50€ qui est attendu pour janvier 2015, au grand soulagement de la population sous-payée ! - De même, pour nuancer un peu l'image ultra-libérale de l'Allemagne : Le Bade-Wurttemberg est actuellement gouverné par un Ministre-Président écologiste (coalition SPD/Les Verts) et le Brandebourg par un Ministre-Président social-démocrate au sein d'une coalition avec Die Linke (l'équivalent du Parti de Gauche français). D'ailleurs, à en croire les sondages, les élections de Thuringe de ce dimanche risquent de porter au pouvoir pour la première fois un Ministre-Président appartenant à Die Linke. Et enfin : sur les 16 Länder allemands, 10 sont gouvernés par la gauche parlementaire, avec 9 Ministres-Présidents SPD, dont 2 dans le cadre d'une "grande coalition" avec la CDU. En retour, 3 des 6 Länder restants, gouvernés par la CDU, le sont également dans le cadre d'une grande coalition avec des partis de gauche (2 avec le SPD, 1 avec Les Verts). - Dès lors, il serait peut-être temps que le personnel politique français commence à chercher d'autres interlocuteurs que Mme Merkel outre-Rhin. Voici quelques adresses pour un début : >http://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_dirigeants_des_Län....
(**) Amorcée dès 1973, la longévité, la persistance ou, si l'on préfère, la "régénération" continuelle de la "crise" contemporaine, qui aura pourri la vie professionnelle de toute une génération, peut en effet surprendre. Deux possibilités : ou bien aucun effort soutenu n'a été produit pour l'éradiquer ou bien elle est pour ainsi dire "consubstantielle" à l'économie dite de marché. Les crises "financières" successives auxquelles celle-ci a dû faire face au cours de son histoire plaident pour la seconde hypothèse. On trouvera quelques dates clé ici : >http://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_crises... - En fait, les "crises financières" commencent véritablement avec la Révolution Française, coup d'envoi européen (et nord-américain) du "libéralisme", pour se succéder à un rythme infernal (en moyenne tous les dix ans). Seul répit : de 1945 à 1966 - on sait pourquoi !
(***) Ce samedi soir, Le Monde titre > Vote de confiance : Martine Aubry refuse d'appeler à l'unité. Or, dans l'article, on lit qu'elle en appelle à la « conscience » de chacun pour qu'il « vote en fonction de ce qu'il croit utile pour la réussite de notre pays, pour la réussite du président ». Cherchez l'erreur ! - Il faut croire que la presse se nourrit de désaccords : s'ils sont trop légers (pas assez "vendeurs"), il suffit de les amplifier avec des titres à sensation comme celui-ci...
Commentaires de l'Obs
Tout à fait d'accord avec vous. Et pourtant, je n'aime pas notre président...
Tout ce "bruit" fait le jeu du grand capital, alors à nous de ne pas en rajouter...
persiste à affirmer qu'une autre option, vraiment nouvelle, démocratique, innovante et volontariste était possible..(nonobstant une présentation partiale qui a encore été faite hier soir sur une émission de France 2 animée par un transfuge sakoziodépendant d'Europe 1 - mais je n'ai ni les mêmes yeux ni le même mode de fonctionnement intellectuel que la grande majorité de nos compatriotes..et surtout je suis las de claironner mes convictions dans le désert..alors, politiquement minoritaire, j'ai forcément juridiquement tort..
écrit par anneza
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anneza : je ne suis pas d'accord avec vous sur l'intérêt que représenterait Martine Aubry, volontiers
foireuse quand ça l'arrange (je suis du Nord et de la Communauté Urbaine de Lille) et, pour moi, elle sera toujours la "v0leuse" du Congrès de Reims de 2008 ! ça, je ne suis pas disposé à l'oublier..aidée
en cela par les Bartolone et Cambadélis..qui ont aujourd'hui droit de cité ! INCROYABLE !
écrit par hubert41
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Ceci dit, l'exemple Jospin montre si c'est nécessaire qu'on peut avoir un Premier ministre, véritable chef de l'exécutif sans avoir été élu au suffrage universel.
Mais un doute quand même sur sa volonté de mettre un frein à l'ultralibéralisme.
Par ailleurs la Droite qui avait occupé le pouvoir pendant douze ans et surtout Sarko qui en savait long sur ses goûts pour "la chose" en tant que ministre de l'Intérieur l'attendaient au tournant.
Enfin son côté dilettante (indépendemment de ses frasques sofitéliennes).
Ségolène (ceci fera plaisir à Hub) me semble avoir plus de ténacité, une vraie volonté politique et un réel sens de l'Etatmais son côté (cela fera moins plaisir) "au delà du parti pour s'adresser directement au peuple de gauche" laisse prévoir des difficultés relationnelles lors de la confection de son gouvernement.
Une formule pourrait être envisagée : le retour à un réel régime parlementaire mais tempéré par le suffrage majoritaire.
Au vu de la Présidence catastrophique de Sarkozy, de celle peut-être de Hollande, ne serait-il pas temps que la France s'interroge sur son exception ? Partout ailleurs, le président "préside", mais c'est le premier ministre qui mène le gouvernement.
Qui connaît le nom du Président allemand ? Par contre, tout le monde connaît la chancelière (premier ministre) Angela Merkel...
Plutôt qu'un retour à la IVe République, ne faudrait-il pas instituer rapidement une VIe République ? C'est-à-dire juste une démocratie comme elle est à l'oeuvre dans les pays voisins ? Plus d'élection donc pour la Présidence de la République mais seulement pour la gouvernance ! Et parmi les partis les plus plébiscités, on n'a plus qu'à choisir un Président, une personnalité au-dessus de la mêlée, et qui comme la royauté en Belgique, aux Pays-Bas et ailleurs encore en Europe, incarnera en quelque sorte la moralité de l'Etat.
Bon je suis pas experte en Droit constitutionnel ni en histoire politique française. Mais bon, c'est de plus en plus souvent à ce problème que je songe face à certaines difficultés terriblement franco-françaises.
Que de bonnes énergies perdues...
Le chômage de masse est devenu une donnée structurelle de cette économie. Sans lui, aucune des concessions faites depuis des années ne serait possible. Et ces concessions n'ont abouti à rien dès lors qu'une stagnation du chômage serait considérée comme un succès.
"Ségolène (ceci fera plaisir à Hub) me semble avoir plus de ténacité, une vraie volonté politique et un réel sens de l'Etat mais son côté (cela fera moins plaisir) "au delà du parti pour s'adresser directement au peuple de gauche" laisse prévoir des difficultés relationnelles lors de la confection de son gouvernement"
Mais, Benoit, faire appel à des pointures de la "société civile" - j'entends par là pas forcément des gens
faisant partie de l'Appareil - sera le choix de demain ! Y COMPRIS SI C'EST SARKOZY QUI REVIENT !!
ça n'est pas pour autant blouser les responsables politiques qui pourront toujours concourir pour devenir
Parlementaire.. The right men (women) at the right place..(voir par exemple la pratique en Norvège)
Les citoyens en ont marre du système auto-reproductif et des copains.. (demandez combien d'encartés à jour de leur cotisation dans les formations politiques..vraiment !) Ils veulent une démocratie participative et une représentation socio-économique (CSP) aux affaires moyennant une certaine éthique..QUI POSSEDE CETTE ETHIQUE ACTUELLEMENT, PREUVES EN MAIN ? SARKO, JUPPE, AUBRY ?
LE PEN ?
SR ne sera plus de la partie parce qu'elle est "clivante", "dérangeante", "cassante", "inconoclaste" mais
elle sait écouter, travailler, innover, décider..Quand on voit "les frondeurs" et l'entreprise de démolition
à la Fête de l'Humanité ! pour arriver à quoi ? et pour quoi faire ?..à part sauver son petit fauteuil..
http://youtu.be/xY4JrbR8HJU
C'est mon deuxième super 45 t/mn offert par my English pimpal alors que je n'ai eu un électrophone
qu'un an plus tard (moyennant un tableau d'honneur au bahut..c'était le deal)..Diabolo menthe à mort
On remarquera que sur cette gravure, Cliff Richard portait un blouson de "teddy boys" pour faire dur
et que les "Shadows" s'appelaient encore les "Drifters", appellation qu'ils durent abandonner parce qu'un groupe américain antérieur possédait déjà ce nom de spectacle (procès en marque déposée)
écrit par hubert41
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https://www.youtube.com/watch?v=lgd15XcAzys
Même époque, on va faire un envoi groupé !
écrit par sk
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