Après une élection comme celle-ci, le réveil est souvent difficile : gueule de bois pour les fêtards et soupe à la grimace pour les déçus.
Mais la vie continue. Après une avalanche de discours et de commentaires, les réalités politiques et économiques reprennent leurs droits. Si la campagne des Législatives (programmées les 10 et 17 juin 2012) vient d'être lancée en France, la récession menace aux États-Unis et le parlement grec fraîchement élu inspire aux observateurs que le pays serait devenu ingérable.
On commence à parler de l'État social. Encore un petit effort, et on discutera de l'Europe sociale. Ce n'est pas un État-Providence, mais la matérialisation des acquis politiques, économiques et sociaux obtenus après bientôt deux siècles de luttes : suffrage universel, égalité homme-femme, sécurité sociale et retraite, éducation et formation pour tous, réglementation et droit du travail, assurance chômage et minima sociaux...
Ce n'est pas une exigence idéaliste d'appeler à la constitution d'une Europe sociale où salaires, taxes et impôts, assurances et assistances sociales seraient harmonisés. Non pas nivelés vers le bas, mais élaborés dans la perspective d'une existence décente à laquelle tous les Européens aspirent légitimement.
On y oppose l'endettement des pays européens au cours des dernières décennies. Or cette dette est le reflet de toutes les aides qui ont été apportées aux populations pour les préserver du pire : pour assurer une éducation aux enfants au lieu de les tuer au travail, comme ce fut encore le cas au 19e Siècle en Occident, comme c'est toujours le cas dans certains pays dits pauvres, à la merci des excès de la mondialisation libérale ; pour soigner les gens au lieu de les laisser mourir ; pour permettre aux anciens de se reposer après une vie de labeur ; pour aider la foule croissante des chômeurs, des sans domicile, de ceux qui, même dans nos pays dits riches, vivent en-dessous du seuil de pauvreté ; bref, pour assurer un service public convenable, équitable.
Il s'agirait de savoir si les financiers, les spéculateurs, les désertificateurs, les exploiteurs, les va-t-en-guerre n'ont pas, eux aussi, une dette à régler, qui s'annonce bien plus importante que celle de l’État social. Si la réponse est oui, il faudrait réfléchir aux moyens de faire payer ceux qui se distinguent par un autisme antisocial (pléonasme) et une inconscience croissante, résumés dans cette formule bien connue : Après moi, le déluge.