dimanche 6 décembre 2015

[Régionales] Quelle honte !

Que tous les jeteurs d'huile sur le feu, tous les abrutisseurs de France et de Navarre se réjouissent. Que tous les constructeurs de cités dortoir, tous les destructeurs d'emplois se félicitent. Que tous les Européens ultra-libéraux, tous les fossoyeurs de la démocratie jubilent. Que tous les aboyeurs politico-médiatiques, tous les lobbyistes économico-financiers pavoisent.

- La bête est ressuscitée !

Bien sûr la comparaison avec les années 1930 est malvenue. Toute tentative de comprendre est aujourd'hui malvenue. Tout essai de réflexion en profondeur est immédiatement taxé de « bien-pensance ». Le discours irresponsable et le délire ont pris la place d'une parole prudente, éclairée.

- Assez pensé, passons aux actes !

Tête baissée, les électeurs français se précipitent dans les bras d'un clan familial, comme les électeurs allemands ont accordé 33,1% à la mafia de la NSDAP en novembre 1932. Et 33,1% des voix exprimées ont suffi pour enterrer la démocratie, mettre l'Europe à feu et à sang pendant douze longues années.

- Quelle honte !

Soixante millions de morts plus tard, nous n'avons toujours rien appris de l'histoire. Rien appris des erreurs commises. Nous n'avons même pas identifié les véritables sources de nos erreurs. Incorrigibles, nous voici une nouvelle fois arrivés au bout du rouleau.

- Voici revenir le temps des assassins !

Et ils causent dans le poste. Les uns pour faire du remplissage. Pour occuper le terrain. Les autres pour dispenser leurs contre-vérités. Leurs idéologies dénuées de bon sens. Fermés qu'ils sont à toute forme d'amendement ou de compromis. - Au soir du premier tour des Régionales 2015, le Front National est crédité de quelque 30% des voix exprimées en France. Et près de la moitié des inscrits ne se sont même pas rendus aux urnes.

- Allons enfants de la patrie, le jour infâme est arrivé !




mardi 17 novembre 2015

Deutschland vs. Niederlage !

I


J'écoute les infos du soir sur l'annulation du match Allemagne / Pays-Bas à Hanovre. Conférence de presse attendue du ministre de l'intérieur De Mazière. Un commentateur meuble. « Les journalistes commencent à entrer dans la salle ». C'est une information capitale. Je suis content de la connaître. Un autre envoyé spécial raconte l'évacuation du stade : schnell et bien ordonnée. Le public évidement surpris : « C'était soudain ? demande un journaliste. - Oui soudain ! » répond un ancien sous son bonnet de laine. Son calme rassure l'Allemagne rivée au poste. L'émission se termine sur un lapsus entre Niederlande (Pays-Bas) et Niederlage (défaite), lâché d'un air catastrophé par la présentatrice qui reprend en conclusion (et en attendant la conférence de presse) le titre principal du flash : l'annulation du match Deutschland vs. Niederlage ! - Ben ouais, c'est vrai qu'elle n'a cessée de se battre contre la défaite, l'Allemagne. Mais ce soir, heureusement, c'est annulé ! 

 
 II


Conf de presse en direct. De Maizière fait une longue introduction sur l'importance symbolique du match. La difficile et douloureuse décision de l'annuler. Aucune information concrète sur la véritable raison de cette mesure. Dans le doute. Pour la sécurité. Etc. - Boris Pistorius, premier flic de Basse-Saxe, insiste. Remerciements aux forces de sécurité. Puis la formule qui tue : « La situation est ce qu'elle est. » - Enfin un manager de foot parle des fans de foot, qui se faisaient une joie, de la solidarité avec Paris, rappelle que « notre équipe » subit ce genre de situation pour la deuxième fois en quatre jours. - La foule des journalistes, dont nous avons tout à l'heure suivi en direct l'entrée dans la salle de presse, n'aura droit qu'à quelques rares questions. Thomas de Maizière justifie sa volonté de ne pas donner d'informations concrètes. Action en cours. Mise en danger de la source. Panique de la population. Mais pour l'heure, ajoute son homologue bas-saxon, aucun explosif n'a été trouvé, aucune arrestation n'a été effectuée. Le direct finit sur cette info, et je ne peux m'empêcher de penser que ça sent un peu le bide, tout de même.

SUITE AU PROCHAIN NUMÉRO


dimanche 15 novembre 2015

Paris, nuit du 13 au 14 novembre 2015

Après avoir suivi une grande partie de la nuit la boucle médiatique sur les attentats terroristes du vendredi 13 novembre 2015 à Paris, je me retrouve vidé, sans aucune émotion, au petit matin : étrange vacuité pour laquelle je n'ai d'autre explication que le matraquage, la surenchère, l'instrumentalisation, servis en continu aux consommateurs moyens que nous sommes, à chaque fois qu'un drame de cette envergure se produit sous nos latitudes. Tandis que, du côté obscur, les massacres se poursuivent inlassablement. Et que dans cette ombre générée par nos spotlights aveuglants, la souffrance demeure : invisible, muette, atroce.

En effet, nous sommes en guerre. D'ailleurs on a l'impression que l'humanité n'a jamais cessé de l'être, qu'elle trouve toujours de nouveaux modes d'affrontement, de plus en plus sophistiqués, imprévisibles, déshumanisés. Or, nous n'avons peut-être pas encore pris la mesure de cette guerre-ci, et en particulier des déséquilibres économiques qui lui servent de catalyseur. Par une loi de compensation, qui semble entièrement nous échapper, cette abondance de marchandises, caractérisant encore et toujours nos modes de vie, crée une misère, une pauvreté indicibles ailleurs, là où nous ne voyons et n'entendons rien. Ailleurs et toujours plus près de nous.

Nous, qui tenons aujourd'hui le rôle de victimes, continuons de profiter d'une aisance relative, générée en particulier par nos industries, dont celle de l'armement. Pourtant, nous sommes encore à nous étonner que les armes que nous fabriquons et vendons aux quatre coins du globe, puissent à l'occasion se retourner contre nous. Et les politiciens pacifistes, qui nous servent de voyageurs de commerce, de fustiger la barbarie de ceux qui ont l'outrecuidance de s'en servir sur le sol même des fabricants.

mardi 10 novembre 2015

Helmut Schmidt, un homme du 20e Siècle

Si l'événement inaugural, mais aussi la « catastrophe originaire » du siècle passé fut incontestablement la Première guerre mondiale, le social-démocrate Helmut Schmidt, né le 23 décembre 1918 à Hambourg, est certainement un homme du 20e Siècle. Il aurait fêté ses 97 ans dans quelques semaines.

Les Allemands se souviendront du chancelier émérite fumant clope sur clope à la télévision et commentant les faits marquants de l'actualité avec sa culture politique et sa connaissance de l'histoire contemporaine.

Les Français se souviendront du tandem européen qu'il formait avec Valéry Giscard d'Estaing entre 1974 et 1981, remplaçant à la chancellerie de RFA le mythique Willy Brandt, parti pour une sombre affaire d’espionnage, tandis que son partenaire français venait d'aménager à l'Élysée. Fin décembre 1982, Helmut Schmidt fit à son tour place au chrétien-démocrate Helmut Kohl qui formera avec François Mitterand une paire plus inégale. L'histoire de ces binômes franco-allemands depuis De Gaulle/Adenauer jusqu'à Merkel/Hollande serait d’ailleurs un sujet d'étude intéressant qui, à ma connaissance, n'a pas eu l'attention qu'il mérite.

jeudi 1 octobre 2015

Race ? Vous avez dit "race" ?

Race signifie également course en anglais (déformation professionnelle). - J'ai déjà publié une ou deux notes sur le sujet, bien que la vie m'ait appris qu'il est vain de vouloir "ramener à la raison" un raciste convaincu en usant d'arguments scientifiques, notamment biogénétiques. En ce sens, le racisme relève bien de la doxa, de l'opinion, de la conviction, de l'idéologie, voire de la foi.

Mais dites à un religieux que son dieu est une invention humaine, destinée à servir - justifier, légitimer - un pouvoir politique, résolument terrestre : vous allez entendre parler du pays ! - Et dites à un raciste invétéré que les races humaines sont des inventions pour asseoir la supériorité d'un clan, d'une tribu, d'une ethnie. d'un peuple, d'une nation sur d'autres, vous aurez gagné votre journée !


lundi 28 septembre 2015

D'Allemagne

Certaines lectures sur notre plate-forme de L'OBS et ailleurs m'inspirent une réaction que je ne voudrais ni personnelle ni inutilement polémique. D'où cette nouvelle note sur l'Allemagne.
 
Ce n'est pas un secret que mon métier m'a amené à vivre dans ce pays, dont je connais parfaitement la langue et, dans une moindre mesure, l'histoire, la culture et les gens qui y vivent. Un savoir tout de même suffisant pour remarquer la persistance des images d'Épinal de ce côté-ci du Rhin, qui sont parfois encore - du moins entre les pixels - empreintes d'un esprit revanchard étrangement anachronique. Peu importe. Chacun assume ses dires et ses délires. S'il peut exister, se rassurer avec des demi-vérités, des approximations, si la dénonciation de coupables, de responsables lointains lui permet de fermer les yeux sur ce qui se passe autour de lui, il y a peu de chances qu'il ôte ses œillères ou ses vieilles lunettes, d'autant moins qu'elles lui rendent encore de fiers services.

Je note trop souvent l'ignorance partielle ou complète du fonctionnement de la démocratie allemande, puisque le pouvoir d'un chancelier est régulièrement confondu avec celui du président français : méconnaissance donc de l'importance du parlement fédéral (Bundestag), des négociations et des coalitions qu'un tel régime parlementaire impose ; à cela s'ajoute le pouvoir des gouvernements régionaux au sein des Länder, qui interviennent également au niveau "fédéral" - lire "national" en français - à travers la chambre haute du Bundesrat. - Avec ces erreurs d'appréciation, dues certainement aussi à un manque d'intérêt pour ce qui se passe chez les voisins, je remarque une nouvelle forme d'instrumentalisation de la période "national-socialiste", qui marque en effet une apogée de l'horreur humaine. Alors que les responsables de l’Allemagne contemporaine font tout ce qui est en leur pouvoir - au niveau constitutionnel, institutionnel, éducatif etc. - pour que cela ne puisse plus jamais se reproduire.

dimanche 20 septembre 2015

Le cas Onfray

Michel Onfray n'est pas certainement pas un "politique". Ni un "philosophe" au sens noble de ce terme qui, comme le reste, est victime d'une prodigieuse inflation, prouvant au besoin que l'Homme moderne est le contraire du légendaire alchimiste, capable de transformer les excréments en or.


Mais médiatique, il l'est assurément. Sous ce label de "penseur médiatique" - et donc forcément de "bon client" - il forme avec les agrégés B.-H. Lévy et A. Finkielkraut, rejoints par E. Zemmour, tout de même diplômé de Sciences Po, un quatuor d'enfer que le monde entier doit - ou devrait - nous envier.

mardi 15 septembre 2015

Bien-pensance

De toute évidence, le sens actuel de la « bien-pensance » n'englobe pas celui de « bien penser ». Car ceux qui utilisent cette expression polémique pour fustiger les  « bien-pensants » sont eux-mêmes convaincus de bien penser. En conséquence, ils pensent également que les autres pensent mal. – Je ne sais pas si le concept de « mal-pensance » existe. Si oui, il ne devrait pas non plus avoir le sens de « mal penser », mais bien celui de penser du mal des « bien-pensants ». – En revanche, les «  bien-pensants » pourront toujours se référer à une devise qui, ne datant pas d'hier, rassurera au moins les traditionalistes : « Hon[n]i soit qui mal y pense. » [ici p.ex.]

En feuilletant l'encyclopédie Wikipédia, on est surpris de lire ceci : « L'expression apparaît en 1931, sous la plume de l'écrivain catholique et royaliste Georges Bernanos, à l'époque ouvertement antisémite, dans l'ouvrage La Grande Peur des bien-pensants. Les "bien-pensants" désignaient les démocrates libéraux, coupables selon lui d'intégrer des citoyens d'origine juive et de diluer l'identité française. » Et l'article se poursuit ainsi : « Lors de la 2ème guerre mondiale, Georges Bernanos décide cependant de rejoindre la Résistance estimant que "Hitler a déshonoré l’antisémitisme" ». Si, avec cette précision hors sujet dans un article sur la bien-pensance, le rédacteur cherche à excuser l'écrivain, je dirais que c'est plutôt raté. Et quand bien même  : tout publiciste, surtout lorsque son œuvre est appréciée du grand public, a une certaine influence sur le formatage de l'opinion et donc, indirectement, sur le cours des événements. L'irresponsabilité et la « viscéralité » – bref : la « mal-pensance » ! – risquent alors de se transformer rapidement en poison mortel.


Mais bon. Apparemment, de l'eau aurait coulé sous les ponts. Aujourd'hui notre expression fait référence au « politiquement correct » ou encore à la « pensée unique », qui seraient avant tout imputables à « la gauche ». Et comme il s'agit d'un concept polémique, nous ne sommes pas étonnés de constater qu'il est surtout utilisé par ceux qui se réclament de « la droite ». – Mais en regardant de plus près, on s’aperçoit que la controverse actuelle mélange un certain nombre de choses, si tant est, bien sûr, que les mots aient encore un sens. En parlant de « pensée unique », je suppose qu'on fait implicitement référence aux systèmes totalitaires alors que, pour l'instant, nous vivons encore dans un pays libre où toutes les opinions sont permises (et où le racisme n'est pas une opinion mais un délit). Il s'agit alors d'un emploi délibérément abusif. – Quant au « politiquement correct », sérieusement, j'ai du mal à repérer de la « correction » dans ce registre, quand les politiciens professionnels de tous bords démontrent au quotidien que tous les coups – même les plus bas – sont permis. Mais peut-être la bien-pensance n'a-t-elle rien à voir avec la politique ? Dès lors, que viennent faire la « droite » et la « gauche » dans cette galère ?

En effet – et il s'agit d'une autre utilisation détournée – le politiquement correct consiste, selon la définition de Wikipédia, « à adoucir excessivement ou changer des formulations qui pourraient heurter un public catégoriel, en particulier en matière d'ethnies, de cultures, de religions, de sexes, d'infirmités, de classes sociales ou de préférences sexuelles. » Dans un entretien intitulé Le bien-pensant, c’est toujours l’autre, la médiatique Natacha Polony va plus loin [ici] :  « Il faudrait déjà rappeler qu’au départ, le politiquement correct désigne une façon d’édulcorer le langage pour éviter de nommer les choses parce que cette dénomination pourrait choquer. Derrière ce terme, il y a l’idée que le réel est violent et qu’on va l’adoucir en niant ou en contournant les problèmes. » – J'ignore cependant si la journaliste s'est rendue compte d'une méprise : ce ne sont pas tant les « choses » que les personnes, et plus précisément les minorités, qu'il s'agit de désigner avec « correction », avec respect. Que l'hypocrisie et le ridicule soient ici de la partie, cela ne fait aucun doute. Mais préfère-t-on vraiment revenir aux insultes et aux brimades d'un passé encore récent ?

***

En Allemagne, le mot « Gutmensch » – littéralement « homme bon » (plutôt que bonhomme)  ou « homme de bien » – possède à peu près le même emploi que l'expression « bien-pensant » en France. Le Duden, dictionnaire de référence, définit comme suit ce mot, en précisant son emploi « en général péjoratif ou ironique » : « Homme [naïf] dont le comportement et l'engagement, perçus comme crédules, exagérés, énervants etc., relèvent du politiquement correct. » – Wikipedia confirme l'affinité entre Gutmensch et bien-pensant, puisque les articles correspondants sont interconnectés. La version allemande valide la tendance française : « Dans la rhétorique politique des conservateurs et de gens de droite, Gutmensch est utilisé comme un concept militant. » – Or, le 23 mars 2015, le quotidien Die Welt propose ce titre surprenant pour un journal libéral-conservateur du groupe Springer : Qui dit Gutmensch mérite sa vague d'indignation [Shitstorm]. Le chapeau résume l'article : « La longue route vers la droite : Ancien patronyme originaire de Moravie, Gutmensch s'est transformé en une expression de haine. Aujourd'hui, il n'est plus possible de l'utiliser. Mais il y en a qui ne s'en sont pas encore aperçus. » Et Matthias Heine d'amorcer sa chronique : « Aujourd'hui, Gutmensch est une expression sarcastique. Une de celles qu'une personne responsable n'utilise plus. Son emploi excessif par les mauvaises personnes l'a rendue inutilisable. Il n'y a plus que les nazis et les idiots sans finesse linguistique pour dire Gutmensch. Et parfois – encore et toujours – des gens qui portent une pince sur le nez et ne sentent pas l'odeur nauséabonde. »


lundi 7 septembre 2015

Social-démocratie (une mise au point)

En plein débat « droite-gauche », qui tend à se vider de son sens et être privé de tout rapport à la réalité par des discours extrémistes de plus en plus nombreux et fanatiques, il me paraît utile de rappeler quelques fondamentaux.



Il s'agit de comprendre que la social-démocratie est à la fois indispensable dans le système qui l'a vu naître le libéralisme, l'économie libérale, le « capitalisme » et impensable ou absurde en dehors de ce même système.

Le  capitalisme moderne a mis longtemps avant de prendre sa forme industrielle au 19e Siècle et donner naissance aux mouvements de contestation qui s'appelaient alors « socialistes » ou « communistes », dont l'objectif était de mettre fin au système d'exploitation « de l'homme par l'homme ». Quelques rappels peuvent illustrer sinon légitimer ces motivations (1) :

En 1832, les quatre personnes d'une famille ouvrière gagnent en tout avec les quatre salaires à peu près 760 francs. Les quatre salaires sont différents. Pour 300 jours de travail, le père ramène 450 francs au foyer. La femme, elle, travaille 200 jours pour une paie annuelle de 180 francs. Quant aux deux enfants, ils ne sont à l'usine que 80 jours [par an] pour un salaire de 65 francs chacun. Mais les salaires varient selon les régions. Le budget familial est divisé en fonction des besoins les plus pressants. Dans ces conditions, il est très difficile d'économiser car il n'y a jamais trop d'argent. Le salaire journalier pour quinze heures de travail se monte à deux francs pour un homme, à un franc pour une femme. Les deux enfants sont payés de 30 à 40 centimes selon leur âge.

Si quinze heures de travail quotidien (en 1832) sont déjà à la limite du supportable, les salaires versés ne peuvent se comprendre que sur la base du coût de la vie à cette même époque (2) : 

samedi 5 septembre 2015

Philosophie et vérité (1965)



Philosophie et vérité (1965)


Un demi-siècle plus tard, ce document pourrait paraître un peu décalé si d'éminents représentants de la philosophie française du 20e Siècle - l'une des plus brillantes de l'histoire des idées - n'étaient invités à s'y exprimer : Jean Hyppolite et Georges Canguilhem, Michel Foucault et Paul Ricœur, avec la complicité de Dina Dreyfus et du jeune Alain Badiou. - C'est Jean Fléchet qui réalise cette série intitulée : L'Enseignement de la Philosophie, cinq entretiens filmés pour la Radio-télévision scolaire (édition en cassettes par Nathan et le CNDP en 1993), dont la vidéo présentée ci-dessus est extraite.

Je suis tombé par hasard sur ce document plutôt technique, qui pourrait de ce fait être perçu comme rébarbatif. Or, justement : on appréciera peut-être la rigueur et le sérieux des intervenants en y comparant le "relâchement" de ceux qui revendiquent aujourd'hui le titre d'intellectuel sur cette agora truquée qu'est la scène médiatique. Voilà pourquoi un effort de concentration et de compréhension ne saurait être que bénéfique car la seule chose que nous risquons, c'est de nous réconcilier avec la profession de penseur.

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Quelques précisions

On trouvera plus d'informations à propos de la série L'Enseignement de la Philosophie, destinée aux classes de terminale, sur le site du > CNDP . Pour l'épisode Philosophie et vérité en particulier, on pourra consulter le > livret en pdf.

Jean Hyppolite (1907-1968) était un grand spécialiste et traducteur de Hegel. Professeur au Collège de France et ami de Maurice Merleau-Ponty, il fut l'un des maîtres de la génération suivante (Gilles Deleuze, Jacques Derrida, Gérard Granel...). - On retrouve également certaines de ses interventions dans les Séminaires de Jacques Lacan.

Georges Canguilhem (1904-1995) fut docteur en philosophie et en médecine. On lui doit un essai qui fit date : Le Normal et le Pathologique (1943/1966). Élève de Gaston Bachelard, il dirigea la thèse de Michel Foucault et eut également une certaine influence sur le travail de Pierre Bourdieu.

Michel Foucault (1926-1984) forgea le concept de l'Archéologie du savoir (1969). Professeur au Collège de France, son influence est loin de se limiter à la pensée française ou francophone. Certains de ses ouvrages - comme l'Histoire de la folie à l'âge classique (1964, sa thèse d'État) ou Surveiller et punir (1975) - ont connu un succès mondial et ouvert de nouvelles voies dans la recherche en sciences humaines.

Paul Ricœur (1913-2005), longtemps professeur à Paris-X (Nanterre), fut un spécialiste de la phénoménologie husserlienne, puis se tourna vers les sciences de l'interprétation (herméneutique, exégèse) tant littéraire que psychanalytique ou théologique.

Dina Dreyfus (1911-1999), épouse de Claude Lévi-Strauss (entre 1932 et 1945), était agrégée de philosophie. En sa qualité d'inspectrice de l'Académie, elle fut à l'origine du concept audio-visuel de L'Enseignement de la Philosophie présenté ci-dessus.

Alain Badiou (*1937) - également investi dans ce projet comme "fil rouge" -  est professeur émérite de l'Université Paris-VIII (ex-Vincennes, aujourd'hui Saint-Denis), où il fut le collègue de Jean-François Lyotard et de Gilles Deleuze, mais également de l'École normale supérieure rue d'Ulm où, cacique de l'agrégation, il avait notamment subi l'influence de Louis Althusser. - Contrairement à beaucoup de ses camarades, il n'a jamais renié son engagement politique d'extrême-gauche, qui n'est cependant qu'une facette de sa pensée, comme la philosophie n'est que l'une des cordes à son arc.

lundi 31 août 2015

Politiques politiciennes

Après l'irresponsabilité des uns, voici celle des autres : voici des politiciens sociaux-démocrates et écologistes qui s'entre-déchirent, non seulement au sein de leurs propres formations avec ce qu'il est convenu d'appeler les « frondeurs » au PS (pour les Verts le qualificatif manque encore) mais également en vue d'une éventuelle alliance des deux partis pour les Régionales. – Nicolas Sarkozy se frotterait les mains si le même scénario ne menaçait pas son propre camp. Tandis que l'extrême-droite, en quête de « respectabilité », va jusqu'à (essayer de) virer son père fondateur et président d'honneur.


C'est tout de même curieux, cette façon que la majorité des politiciens ont de considérer la politique. D'une part, ils sont convaincus d'être les propriétaires à vie des voix que les électeurs leur ont un jour accordé. D'autre part, ils semblent totalement oublier que dans un régime démocratique un bon politicien ne se distingue pas uniquement par son charisme ou plus modestement par sa maîtrise de la rhétorique, mais en premier lieu par l'art du compromis.


Apparemment, Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon ne se posent pas cette question. On peut éventuellement en conclure qu'ils ne comptent pas arriver au pouvoir par voie démocratique. Ou bien qu'ils estiment que cette voie est à bout de souffle, suffisamment molle ou corrompue pour pouvoir la détourner à leurs fins. Et ils ont cet avantage sur les autres qu'ils sont – ou paraissent – « cohérents » aux yeux de leurs électorats respectifs : en théorie, ils maintiennent en effet le cap contre vents et marées, aussi et surtout parce que l'une ne s'est jamais « sali les mains » en exerçant le pouvoir et que l'autre se radicalise toujours plus pour faire oublier ses deux années de ministre délégué à l'Enseignement professionnel dans le gouvernement de Lionel Jospin (2000-2002). - On peut y comparer le destin du charismatique Alexis Tsirpas.



Quant aux « modérés », ils donnent actuellement un spectacle lamentable : dans l'ensemble, ils visent le pouvoir et les honneurs, un poste d'influence –  si possible un portefeuille ministériel – avec les avantages matériels qui l'accompagnent. Alors que la tâche du politicien consisterait avant tout à gérer le bien commun au profit de tous les citoyens. Et c'est ici – ici seulement – que les différences entre les uns et les autres sont véritablement pertinentes : Veut-on conserver l'État social ou le démanteler tout à fait ? L'étendre à l'ensemble de l'Europe ou simplement gérer la situation actuelle ? L'écologie est-elle, ou non, compatible avec cette économie basée sur une croissance indéfinie ? La situation globale de la planète – guerres, misères, catastrophes climatiques – doit-elle nous concerner ou bien pouvons-nous nous « payer le luxe » de l'ignorer et de nous isoler  tout en continuant d'en jouir (ventes d'armes, inégalité des termes de l'échange, pollution exportée etc. etc.) ?


Ces questions essentielles ne peuvent plus se régler avec de grands discours, mais appellent à choisir entre deux attitudes bien distinctes, l'une consistant à maintenir coûte que coûte le status quo, l'autre à concrètement et rapidement faire face au désastre planétaire qui n'est plus aujourd'hui une menace future, mais bien un état de fait, un problème d'une telle importance que la survie de l'humanité dépend à terme de sa résolution. En effet, si nous ne faisons rien, si nous continuons dans les pays dits riches – riches parce qu'ils imposent les termes de l'échange au reste du monde – à surexploiter à l'échelle planétaire et notamment dans les pays dits pauvres – pauvres parce qu'ils subissent l'inégalité des termes de l'échange – les ressources naturelles et détruire progressivement ce que nous appelons en bons anthropocentristes notre « environnement », à sacrifier au dieu « croissance » avec des cycles de consommation de plus en plus brefs qui entraînent une destruction et une entropie immenses, à surarmer la planète et à exporter la guerre : si nous continuons ainsi, le destin de l'espèce humaine – soi-disant l'espèce la plus intelligente sur Terre, ce dont il est actuellement permis de douter – semble définitivement scellé.


Face à cette apocalypse promise et due – crises économiques à répétition, migrations de grande envergure, catastrophes hypocritement appelées « naturelles » – il est aussi absurde que stupide de continuer à se complaire dans des logiques binaires du style « droite vs. gauche ». Il faut commencer à s'entendre, à négocier, car les solutions doivent engager tout le monde, et notamment ceux qui, en misant toujours plus sur le court terme, profitent sans vergogne des « crises » ainsi générées. Des personnalités politiques à la hauteur de cette tâche sont requises à l'échelle mondiale, puisque nous sommes probablement confrontés au défi le plus important de l'histoire humaine. Pour l'heure, on ne voit que des gestionnaires du chaos et des aboyeurs professionnels qui s'accrochent à leur poste ou convoitent celui du voisin en cherchant à diviser les populations, selon une tradition décidément bien ancrée. Et des penseurs institutionnels qui font la leçon aux uns et aux autres du haut de leur chaire sécurisée. Pour l'heure.

août 2015

jeudi 27 août 2015

Aux vieux de la vieille

Je ne suis plus très jeune non plus, mais j'essaye de me convaincre qu'il n'y aura pas après moi le déluge. Ce qui peut-être me sauve du cynisme ambiant, ce sont les enfants. Un jour, ils en auront marre de jouer à Clash of Clans, d'y perdre leur temps, leur enfance. Pour l'instant, ce que l'industrie du divertissement – comprenez : de l'abrutissement – fait avec nos enfants est un véritable scandale : elle leur vole leur temps, leur enfance. Pourquoi ?


Avez-vous fait la guerre ? Je ne parle pas du grattage de couilles dans une quelconque planque à l'arrière, mais de batailles à mort comme la Première, la Seconde guerre mondiale, Verdun, Stalingrad. Moi, je ne les ai pas faites, mais elle m'ont été racontées, en long et en large, la Première, la Seconde, les tranchées, les camps de prisonniers où tous les jours on mourait de faim. Pourquoi ?

Aujourd'hui, le monde a changé et nous devons nous poser la question : que laisserons-nous aux enfants ? Car ce sont les enfants qui feront le monde de demain avec notre passé, comme à l'enfant que j'étais on a raconté la Première, la Seconde guerre mondiale, les persécutions, les barbelés. Et j'ai dû me débrouiller avec ça.

jeudi 20 août 2015

De quoi je me mêle ?


« Je ne me mêle pas... »

Je n'interviens pas dans un « différend » ?
Je ne m'occupe pas de « ce qui ne me regarde pas » ?
Je ne me mélange pas aux gens « différents » ?
Je ne conclus pas de « mariage mixte » ?

Qui sont donc ceux qui n'interviennent que lorsque tout le monde est d'accord, ne s'intéressent qu'à ce qui les regarde, ne fréquentent que leurs semblables et ne concluent que des mariages non-mixtes - si si : l'expression existe bel et bien ! - ?

En attendant, ceux qui ne veulent pas se mélanger sont de plus en plus nombreux. Ils insistent sur leur « origine », leur religion, leur nationalité. Ils sont carrément devenus militants : les intégristes de la non-mixité ! - On en trouve  aux quatre coins du globe, toutes origines, religions, nationalités confondues. Ça doit être un vieux truc d'humain. Un peu comme la violence : apparemment inexpugnable !

Alors faut-il faire avec ? Faut-il être « humain, trop humain » ? - Mais si la violence, la pensée de clan sont inscrites « à l'origine », est-ce une raison admissible pour bâtir les fondements d'une « civilisation » - ou plus modestement d'une « culture » - sur ces « paramètres naturels » ? Car j'avais cru comprendre que la « civilisation » sublimait au contraire nos instincts « primitifs ». Mais peut-être sont-ils simplement refoulés, pour ressurgir à tout moment sous le masque hideux de la « barbarie » ?

lundi 13 juillet 2015

Εχουμε ομόφωνη συμφωνία

13 juillet 2015 (soir)

Il ne faudrait pas que la vindicte populiste s'acharne outre-mesure sur l'Allemagne au motif de l'intransigeance de ses dirigeants actuels. Le pays a changé, plusieurs fois déjà depuis 1945. Les comparaisons historisantes, la résurrection d'un vocabulaire haineux tout particulièrement dans cette France qui n'a pas vraiment fait la peau à Vichy ne sont que la conséquence d'un demi-siècle de Traité de l'Élysée jamais suivi par la population française, les responsables politiques et culturels, professeurs etc. qui, en parlant d'Allemagne, continuaient de privilégier l'analyse du nazisme aux dépens des évolutions contemporaines des deux côtés du mur, tout en réservant le devant de la scène à un Jünger ou un Heidegger et en traitant la période de l'occupation dans des films comme "La 7e compagnie", championne de la rediff., à l'usage du petit peuple. - Pendant ce temps, les Français et la belle France ont toujours eu une excellente réputation à l'Ouest et à l'Est de l'Allemagne. Un amour non partagé, comme qui dirait...

jeudi 9 juillet 2015

Jacques Bouveresse : Les Intellectuels et les médias



 « Les Intellectuels et les médias » est la suite de « Le Besoin de croyance et le besoin de vérité », entretiens avec Jacques Bouveresse filmés par Gilles L'Hôte, A la source du savoir, Paris, 2008.


Présentation du diffuseur


Les politiques, publicitaires, experts, journalistes, philosophes et autres nous racontent des histoires à propos desquelles il est légitime de se demander si on doit les croire. Doit-on croire que de passer de l’opposition à la majorité n’est qu’une mise à disposition des compétences ? Que la berline qui roule en silence sur une petite route d’Écosse n’a qu’à être désirée ? Qu’il faut boire deux litres d’eau minérale par jour ? Que le marché du travail n’existe que pour permettre aux gens de se réaliser ? Que l’Amour gouverne le monde ? Qu’il y a une vie après la mort ? Que réduire l’impôt des riches va relancer la croissance ? Où est la vérité et quel poids lui reste-t-il ? Mais tenons-nous vraiment à la connaître ? Le faux et l’erreur ne seraient-ils pas plus importants pour nous que la vérité, à laquelle nous sommes censés tenir passionnément ? Nietzsche a même dit que la naissance d’une illusion a été une exigence de la vie. Cependant… les dangers de l’illusion sont bien réels. Ces questions et bien d’autres du même genre sont traitées dans ces deux films par Jacques Bouveresse.


Influencé par Wittgenstein, le Cercle de Vienne et la philosophie analytique, Jacques Bouveresse plaide pour une forme de rationalisme que l’on pourrait appeler « satirique ». Il a étudié aussi bien les œuvres d’écrivains comme Robert Musil et Karl Kraus que celles de la philosophie de la logique et du langage, de la philosophie mathématiques et de la philosophie des sciences. Il est aussi connu pour des ouvrages critiques sur les impostures issues d’une partie de la philosophie française des années 1970-1990 et sur celles de la presse, en particulier du journalisme philosophique à sensation. Il est aujourd’hui Professeur au Collège de France, où il occupe la chaire de Philosophie du langage et de la connaissance, succédant à un de ses maîtres et amis, Jules Vuillemin.


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Le philosophe, les médias et les intellectuels
Entretien avec Jacques Bouveresse


J’ai toujours eu du mal à comprendre la façon dont, à l’époque que l’on peut appeler celle du « Tout est politique », la politique a pu être acceptée et fonctionner, pour une bonne partie du monde intellectuel, comme une sorte de théologie de remplacement. Il est particulièrement difficile, pour un intellectuel qui croit à l’importance de vertus comme l’honnêteté intellectuelle et une certaine sensibilité à la vérité, et qui est épris de clarté et de précision, de prendre réellement au sérieux la politique, tellement le langage politique et la pratique politique donnent à première vue l’impression de représenter en permanence à peu près le contraire exact de cela : l’équivoque, la duplicité, le mensonge, l’approximation, le vague, la rhétorique creuse et, dans bien des cas, le non-sens pur et simple.

Entretien réalisé en juillet et août 2009 par Thierry Discepolo .

Jacques Bouveresse, « Le philosophe, les médias et les intellectuels », revue Agone, 41-42 | 2009 (voir le lien ci-dessous, note 4)



Références

1) Les écrits d'Alan Sokal - dont son fameux canular de 1996 - sont sur sa page personnelle. En français, on y trouvera par exemple Les mystifications philosophiques du professeur Latoure (1997) ou la "Réponse à Jacques Derrida et Max Dorra", coécrit avec Jean Bricmont (*) et publié dans Le Monde du 12 décembre 1997. On pourra également y lire le papier sur "l'Affaire Sokal" de Jean-François Revel paru dans Le Point du 11 octobre 1997. Un grand nombre d'autres articles autour de la polémique sont disponibles en français sur le site de Patrick Peccate.


(2) Jacques Bouveresse cite une publication de Karl Kraus (1874-1936) dans sa revue Die Fackel (N° 293, 11e année, Vienne, fin décembre 1909) sur le Procès Friedjung que l'on peut consulter dans le texte. - Quant au canular de l'ingénieur Schütz suite au tremblement de terre de 1911 (l'histoire du "Grubenhund"), Karl Kraus en réfère dans un texte intitulé "Après le séisme" > "Nach dem Erdbeben" (1911). 
(3) Signalons aussi cet échange entre Pierre Vidal-Naquet (1930-2006) et Bernard-Henri Lévy (Nouvel Observateur, 18/25 juin 1979) autour du Testament de Dieu de BHL remis en ligne par les amis de l'historien.
 
(4) L'article de Jacques Bouveresse dans le Monde Diplomatique (mai 2006) a été importé ici-même > On_en_est_la.pdf. - Citons enfin son texte intitulé « Le philosophe, les médias et les intellectuels » (revue Agone, 41 -42 | 2009)
(*) Je tiens à préciser, si besoin est, que je ne cautionne nullement certaines positions ultérieures prises par physicien Bricmont, qui démontre ainsi que l'inverse est également vrai : lorsqu'un scientifique s'aventure
sur le terrain de la philosophie, de l'analyse historique, sociale, politique, il n'est jamais à l'abri de la vulgarité et du ridicule...

lundi 6 juillet 2015

Ziggi Gabriel - Qui veut faire l'ange fait la bête !




Le chef du SPD, vice-chancelier et ministre de l'Économie allemand Sigmar Gabriel, dit Ziggi, a perdu une occasion de se taire ou, au choix, gagné sa carte d'adhérent à la CDU d'Angela Merkel. Après la nette victoire du NON en Grèce, il a pleuré comme ceci dans les colonnes du Tagesspiegel berlinois (je traduis) : "Tsipras et son gouvernement conduisent le peuple grec sur une voie faite d'âpre renoncement et de désespérance."
Conscient de ne pas avoir rendu justice au lyrisme de Ziggi dans la précipitation, je me demande toutefois quel est le sens caché d'une telle tumescence rhétorique...


Selon le soi-disant social-démocrate, Alexis Tsipras aurait fait croire à son peuple que la base de négociation de la Grèce se trouverait renforcée par un 'non'. Mais, en fait, le chef du gouvernement grec aurait "coupé les derniers ponts sur lesquels l'Europe et la Grèce pouvaient aller vers un compromis". - Et d'ajouter : "Avec le refus des règles du jeu de la zone euro, qui ressort du non majoritaire, les négociations sur des programmes pesant des milliards ne sont guère envisageables".

Quand je pense que les sociaux-démocrates allemands se sont illustrés par des figures comme August Bebel, Friedrich Ebert, Kurt Schumacher, Willy Brandt ou même Helmut Schmidt - le dernier survivant d'une génération perdue qui, à 96 ans passés, fume toujours clope sur clope à la TV allemande où il continue de faire preuve d'une faculté d'analyse plutôt exceptionnelle (ici) - je reste sans voix devant le conformisme, le manque de courage et de charisme des dirigeants actuels. - Parce que l'Europe sociale, Mesdames et Messieurs, c'est maintenant (ou jamais) !

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Conférence de presse de Sigmar Gabriel ce 6/7/2015 sur > Phoenix

samedi 4 juillet 2015

Mauvais temps pour l'Europe

άσχημη περίοδος για την Ευρώπη

La « crise de la dette » actuelle a ceci de particulier que son issue est devenue totalement imprévisible, non seulement pour la Grèce, mais pour l'Europe entière et « globalisation » oblige pour l'ensemble du système économique mondial via les marchés financiers.

Il existe pourtant un large consensus sur l'erreur consistant à introduire une monnaie commune sans un début d'harmonisation fiscale et « sociale » des différents pays appelés à l'adopter. Depuis Maastricht jusqu’à Lisbonne, cette erreur a été perpétuée avec une foi inaliénable dans la puissance quasi « surhumaine » pour ne pas dire divine émanant de ces nouveaux temples que sont les établissements financiers. En effet, à côté du silence religieux qui règne habituellement dans ces lieux véritablement « cultes », un billet de banque ne vaut que si tout le monde partout et en même temps - « croit » en sa valeur.

Dans cet esprit, les responsables européens du moment cherchent encore et toujours à « sauver » l'euro, sans rectifier l'erreur initiale : ainsi, la réalisation pourtant indispensable d'une « Europe sociale » est sans cesse renvoyée aux calendes grecques !

Il est donc impossible que les parties engagées dans la négociation actuelle puissent s'entendre car les uns parlent « chiffres rouges » et « austérité » quand les autres cherchent à obtenir un peu de justice sociale, à commencer par un taux raisonnable de l'impôt le plus injuste, qui touche riches et pauvres de la même manière : la taxe sur la valeur ajoutée (TVA).

samedi 20 juin 2015

L'Europe en voie de dégraissage

Un pigiste qui se respecte a deux articles en préparation, l'un sur le « Grexit », l'autre sur le maintien miraculeux de la Grèce dans l'union monétaire.

Il travaillera davantage le premier puisqu'il s'agit du cas le plus probable. Aux conséquences pourtant imprévisibles...

Bien que ça se passe toujours de la même manière : On est d'abord surpris, choqué, notamment - en ce qui me concerne - par l'ignorance ou le dédain de l'histoire européenne, le sort fait à ses civilisations fondatrices. Puis on s'habitue un peu plus à cette pure actualité commerciale, cet éternel présent de l'économie de marché, où seules « comptent » les dettes et les actifs. Le reste n'est jamais que littérature ou, pour rendre hommage au génie grec, berceau négligé de l'Europe : philosophie, théâtre ... démocratie !

lundi 8 juin 2015

Pour bien démarrer la semaine





Vendredi 5 juin 2015 / opéra de Nice :
Michel Onfray vs. Éric Zemmour
Modérateur : Franz-Olivier Giesbert

En écoutant les pros de la polémique, les plus intelligents d'entre nous comprendront peut-être que...

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HEIDEGGER

En fait, et de manière plutôt spontanée, un échange à mes yeux très intéressant et sans véritable impétus polémique s'est développé dans les commentaires, en partant de ce qu'il faut bien appeler le "cas Heidegger".

jeudi 4 juin 2015

Brève philosophique

Je voudrais apporter une brève contribution à la discussion sur les notions de « réalité » et de « réel » (*).



Traditionnellement, la réalité désigne l'être en acte par opposition à l'être en puissance (Aristote). - Il semble que le concept de realitas ait été forgé au 13e Siècle par Duns Scotus, peut-être dans le cadre du débat entre « nominalistes » et « réalistes » (sur la « réalité », ou non, des idées). - Aux temps modernes, on peut l'associer à l'anglais « effectivity » (Berkeley) et à l'allemand « Wirklichkeit » (Hegel). - Au 20e Siècle, Freud opposera un « principe de réalité » et un « principe de plaisir ». 

Quant au « réel », il s'insère logiquement - comme moyen terme - dans la trilogie : « possible / réel / nécessaire ». C'est d'ailleurs en tant que négation du « possible » que Jacques Lacan a pu écrire : « Le réel, c'est l'impossible ». - Or, par opposition à la nécessité, le « réel » peut également être assimilé à la contingence. - Mais la théorie lacanienne inscrit ce mot dans une autre trilogie  - « réel, imaginaire, symbolique » - où il prend le sens d'un « innommable », impossible à symboliser au moyen du langage, du discours : il s'agirait donc de quelque chose d'inaccessible qui rappelle la « chose en soi », le noumène de Kant.

En admettant qu'il existe un discours « réaliste » qui permette de décrire – de « symboliser » - la  « réalité » du monde en termes compréhensibles - « acceptables » - pour tous, le caractère indicible – abyssal, incommensurable - du réel pur - non symbolisé car non symbolisable - pointe alors en effet une différence essentielle entre nos deux notions. Mais il faut préciser que cette pensée - issue de la psychanalyse - présuppose une autre différence : celle qui départage le conscient, accessible à la symbolisation du langage, et l'inconscient que nous ne pouvons connaître qu'à travers ses manifestations plus ou moins conscientes - « imaginaires » - dans le cadre d'une « phénoménologie de l'inconscient » (analyse des rêves, des analogies, des lapsus etc. etc.).

Dans cette différenciation, la « réalité » se situerait plutôt du côté conscient et collectif, quand le « réel » toucherait au côté inconscient et singulier de l'existence, l'un étant généralisable dans le discours et l'autre non. - À ce point, une nouvelle distinction serait à faire entre le discours comme « parole vide », et une « parole pleine » - comme elle se pratique en psychanalyse - qui tient compte de la dimension dont il est impossible de parler sans chercher à la combler, à la couvrir sans cesse de paroles absentes.

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dimanche 31 mai 2015

Un homme de parole





"Nous nous sommes battus pour que la République soit la République."
(Nicolas Sarkozy, 30 mai 2015)


Voilà qui est envoyé ! - Deux remarques en passant : 
- Il est en effet malaisé de revendiquer le titre de "Républicain" dans le cadre d'un débat polémique comme celui - bien rhétorique ! - entre la "droite" et la "gauche", car le revendiquer pour soi, c'est implicitement le refuser à l'autre.
- M. Sarkozy a lui aussi - comme son successeur - un bilan, qu'il essaye de faire oublier - de masquer - par de beaux discours, et ce changement de nom d'un parti qu'il présida déjà entre 2004 et 2007, qui lui fournit ici l'occasion d'une "refonte" - bien théorique ! - rappelle sa stratégie de la "rupture" lors de la campagne présidentielle de 2007 où il compte succéder au président Chirac dont il reste cependant le ministre de l'Intérieur jusqu'à la veille du scrutin.


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samedi 30 mai 2015

Step Back, Mr. Cameron!


C'est l'Europe qui devrait poser des conditions au Royaume-Uni, et non l'inverse. À commencer par un agenda pour le passage à l'euro. Or, au nom des citoyens britanniques, qui ne lui ont certainement pas tous donné mandat pour ça, Mr. Cameron exige le maximum sans aucune contre-partie. Autrement dit, au moyen d'un chantage à peine voilé, il compte imposer un cours encore plus libéral à l'Europe, sans même adopter sa monnaie, et ne daignera s'investir dans le maintien du Royaume-Uni en Europe que si certaines concessions lui sont faites qui nous éloigneront encore davantage de l'Europe sociale et d'un élan de solidarité continentale absolument indispensable pour la sauvegarde de l'Union

Comme Michel Platini l'a dit ces jours-ci à propos de la FIFA : « je suis écœuré... enough is enough... » Mais reste la question cruciale : que pouvons-nous faire pour empêcher ça ? Je veux dire : l'abandon du projet européen, une nouvelle parcellarisation du continent, la résurgence de querelles intestines, de désirs de « revanche » et, en dernière conséquence, le retour des conflits armés entre « nations ». On peut en effet craindre le pire, car pour l'instant nous en prenons – lentement mais surement le chemin : d'un côté les ultra-nationalistes et les identitaires, qui occupent de plus en plus le terrain, jouent les arbitres dans cette partie truquée de la « construction européenne » et de l'autre les ultra-libéraux, qui ont cru pouvoir créer une « super-nation » sur la seule base d'une monnaie commune et de la levée des frontières, continuent d'exploiter le continent au profit d'un pouvoir financier, abstrait, global, et de détruire un à un les acquis sociaux conquis de haute lutte.