jeudi 20 août 2015

De quoi je me mêle ?


« Je ne me mêle pas... »

Je n'interviens pas dans un « différend » ?
Je ne m'occupe pas de « ce qui ne me regarde pas » ?
Je ne me mélange pas aux gens « différents » ?
Je ne conclus pas de « mariage mixte » ?

Qui sont donc ceux qui n'interviennent que lorsque tout le monde est d'accord, ne s'intéressent qu'à ce qui les regarde, ne fréquentent que leurs semblables et ne concluent que des mariages non-mixtes - si si : l'expression existe bel et bien ! - ?

En attendant, ceux qui ne veulent pas se mélanger sont de plus en plus nombreux. Ils insistent sur leur « origine », leur religion, leur nationalité. Ils sont carrément devenus militants : les intégristes de la non-mixité ! - On en trouve  aux quatre coins du globe, toutes origines, religions, nationalités confondues. Ça doit être un vieux truc d'humain. Un peu comme la violence : apparemment inexpugnable !

Alors faut-il faire avec ? Faut-il être « humain, trop humain » ? - Mais si la violence, la pensée de clan sont inscrites « à l'origine », est-ce une raison admissible pour bâtir les fondements d'une « civilisation » - ou plus modestement d'une « culture » - sur ces « paramètres naturels » ? Car j'avais cru comprendre que la « civilisation » sublimait au contraire nos instincts « primitifs ». Mais peut-être sont-ils simplement refoulés, pour ressurgir à tout moment sous le masque hideux de la « barbarie » ?


Le problème, c'est que nous évoluons désormais, à ce qu'il semble, sur un plan mondial, « globalisé », où le mélange se fait par la force des choses. Or, les « gardiens du passé » font valoir une opposition féroce à cette évolution : le retour en force des cultes de l'origine, des monothéismes, des nationalismes militants en témoigne.

Je n'ai pas la solution, mais je sais que ce qui se passe actuellement est inéluctable. Le système économique mondial tend à effacer les frontières tout en les conservant. Au début du 19e Siècle, le philosophe Hegel avait déjà forgé un concept pour décrire ce phénomène : l'intraduisible « Aufhebung ». - À côté de la migration massive de populations fuyant la misère et la guerre, cette dialectique infernale est également à l’œuvre au sein même de l'Europe : dans le cas contraire, l'union politique, sociale, fiscale serait faite depuis longtemps !

Je n'ai pas la solution. Mais le territorialisme de notre espèce est tout de même une sacrée tare, qui remonte également à nos origines animales. Et comme la sédentarisation des chasseurs-cueilleurs est considérée comme le point de départ des civilisations humaines, la persécution des nomades, des errants, des « sans-terre » a toujours été monnaie courante. Aujourd'hui, avec les ghettos et les camps de réfugiés, l'auto-mitrailleuse d'un rideau de fer ordinaire illustre à sa façon le sens technique du mot « frontière ».


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 Commentaires des bloguers/gueses de l'Obs


  • OUI. l'incapacité à se projeter.. à OSER L'INCONNU..sans doute..

  • "Oser l'inconnu", le mot d'ordre est lancé !

  • Cher SK,

    J'ai apprécié votre note. Juste "un détail" : L'homme ne me semble pas seulement avoir des "origines animales" mais l'être à part entière, hier, aujourd'hui et demain.

    C'est précisément, je pense, en s'affirmant contre les autres vivants, que les animaux humains se sont engagés dans le pire.

    En pensée philosophique (occidentale), nous sortons tout juste de telle préhistoire, c'est-à-dire, de celle qui nous a fait croire que parce que nous pouvions dominé (à quel prix ?) le monde des autres vivants à cause de notre raison, nous étions supérieurs, maîtres de la nature, voire carrément son dieu.

    C'est sans doute la conscience nouvelle de la finitude de notre vie sur terre, - accélérée parce que l'homme en épuise les ressources -, qui encourage certains penseurs enfin, mais timidement encore hélas, de penser l'humain dans sa connexion ontologique avec le reste du monde des vivants ; animaux humains enfin perçus pieds et poings liés aux autres vivants.

    Je ne sais si on me comprendra, mais au moins pour moi, c'est important d'essayer de montrer du doigt, et de loin encore, un paradigme radicalement nouveau qui n'influe à l'heure actuelle que timidement la pensée humaine en Occident.

  • Ce problème de notre "animalité" qui, dans la tradition occidentale, notamment monothéiste, a été catégoriquement niée, ne se pose, je crois, que depuis les découvertes de Darwin, mais n'a cessé, depuis, d'occuper les esprits. Les hypothèses anthropologiques récentes, auxquelles je souscris ici d'une manière plutôt personnelle, veulent que la "barbarie" - on peut également parler de "bestialité" - n'a jamais existé comme état "primitif", mais est le produit de la "civilisation" elle-même, en ce sens que la répression des instincts qu'elle prescrit n'est jamais totale et ne se fait jamais "une fois pour toutes", bien au contraire : la résurgence des pulsions - leur caractère impérieux - dans un contexte civilisé fait de l'Homme un être bien plus bestial que n'importe quel animal. Et, si la barbarie avait existé "à l'origine" comme le veulent les légendes des civilisations qui nous en auraient délivrés, on devrait également qualifier les animaux de barbares, ce qui est une absurdité pour tout observateur sérieux de la nature. À part quelques colonies d'insectes, les animaux ne font pas la guerre, ne tuent que pour manger et les combats territoriaux ne sont en règle générale pas des combats à mort. - Vous voyez, plumeplume, que le sujet est immense, et je ne sais pas s'il a vraiment été attaqué de front, car il ne peut l'être qu'avec la remise en question de la position anthropocentrique de l'Homme, ce qui - si la théorie était suivie de la pratique - constituerait en effet un vrai changement de paradigme...

  • Merci SK pour votre réponse et à laquelle j'adhère complètement.

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