L’homme est imprévisible : il décrète une fin de non-recevoir, puis l’annule ; décide, puis révoque sa décision. L’homme est nerveux, arrogant, égocentrique : le président élu de la première puissance économique et militaire du monde n’a de toute évidence pas été briefé sur les prérequis du job. Or, il se pourrait que certains responsables n’aient pas jugé que ce soit utile : avec un énergumène pareil, ils pensaient plus facilement arriver à leurs fins. Car ceux qui croient encore au côté improvisé de cette présidence devraient rapidement revoir leurs copies. – Dans le reste du monde, les autocrates en fonction ou en herbe sont ravis : voilà quelqu’un qui déstabilise l’Occident et en particulier l’indolente Europe, voilà quelqu’un qui met de gros coups de pied dans la fourmilière, et c’est vrai que ça se met à grouiller dans tous les sens. On le sait bien : la stagnation, ce n’est pas bon pour les affaires. Il faut de l’action, ou plutôt : donner l’impression que ça bouge !
Il semble que désormais, notre monde puisse être déstabilisé par un message de 140 ou 280 signes, expédié par un potentat médiatique sur le réseau planétaire. Si tel est le cas, il n’y a plus qu’un petit pas pour que l’ordre mondial bascule dans le chaos. – Voici donc un pragmatisme aux conséquences imprévisibles, qui résiste à toute analyse : le paradoxe d’un « arbitraire intentionnel » visant le déséquilibre, la perturbation, le désordre. Alors l’idée s’impose qu’une stratégie se cache derrière cette incohérence fondamentale. Par crainte du chaos, on se prend en effet à défendre un ordre hypocrite, basé sur l’exploitation, l’inégalité, la destruction. Et le tour est joué.