La tendance au populisme dans le monde occidental n'aura échappé à personne. Plutôt bien ancré en France et dans d'autres pays de l'Union (ici), il s'empare à nouveau de l'Allemagne et menace les États-Unis. Mais, comme le concept antagonique de la « bien-pensance » ou du « politiquement correct », ce terme de « populisme » est devenu un fourre-tout à vocation polémique, où cohabitent les Mélenchon, Le Pen, Poutine, Erdoğan, Orbán, Petry, Trump, Berlusconi et al.
Tout le monde aura également remarqué
le durcissement des conditions de vie, l'augmentation du fossé entre
riches et pauvres, les conflits interminables aux portes de l'Europe
et l'afflux de migrants qui fuient non seulement les scènes de
guerre et les massacres, mais également la misère causée par une
mauvaise gestion des ressources et une destruction progressive de
l'habitat naturel, cette migration du Sud vers le Nord ayant été
prévue depuis longtemps, car elle est la conséquence logique de
l'évolution du monde sous la houlette de l'économie ultra-libérale avec son « anything goes » (au nom du profit).
L'impuissance actuelle du pouvoir
politique face à la détérioration constante de la situation
économique, mais aussi le vide idéologique et la misère
intellectuelle ont ouvert une voie royale aux populistes : se
situant en dehors de ce qu'ils appellent le « système »,
abordant les « vrais problèmes » (ceux du « pays
réel ») et entendant soulager « la souffrance du
peuple », ils s'érigent en « sauveurs de la
Nation ».
Deux constantes : les problèmes
sont simples et la magie du verbe permet de les résoudre par simple
conjuration rhétorique. Or, devant la prise en main effective du
monde par le pouvoir économique globalisé, toute réduction de
complexité se trouve confrontée à la difficulté suivante :
bien que profondément injuste – comme l'ont été les régimes
féodaux ou monarchiques (absolutistes) du passé – ce système
garantit à la fois – du moins pour le moment et sous nos latitudes ! –
l'existence d'un État de droit et d'une protection sociale, la liberté d'expression et la séparation – revenue à l'ordre du jour – des pouvoirs politique et religieux, ce dernier
n'ayant en principe aucun droit de s'exercer dans l'espace
public.
Il faut dire que, dans la furie
rhétorique du monde contemporain, on assiste à une sorte
d'inflation des concepts, des terminologies, et l'on se demande si les mots ont encore un sens et un lien quelconque avec la fameuse « réalité » ou « vérité » sans cesse invoquées, s'ils engagent encore un tant soit
peu leur énonciateur ou s'ils sont devenus de simples jetons démonétisés
que l'on se balance à la figure au gré des polémiques ambiantes.
Si, comme à l'époque du fascisme qui fut l'un des premiers
populismes des temps modernes, les intellectuels ont à nouveau
mauvaise presse – ce dont ils sont certes en partie responsables –
il faudrait pourtant que nos analystes patentés s'attaquent de toute urgence à la rhétorique
populiste contemporaine pour montrer ce qu'elle est d'abord et avant
tout : une rhétorique. - En effet, la fonction première de la parole est
de « présenter » ce qui est absent et, par
extension, ce qui ne saurait exister : l'utopie. Ainsi, la parole est intimement liée aux idées, aux idéaux, par définition inaccessibles. C'est là un
outil magnifique, éminemment civilisateur. Or, le mensonge consiste
à faire croire au « peuple » qu'il est
possible de réaliser l'utopie, puisqu'il suffit de la verbaliser pour la
rendre « présente », pour lui assigner un « topos »,
qui n'est pourtant jamais qu'un lieu du discours.
Si la mise en évidence de leurs standards
rhétoriques est indispensable, les populistes se caractérisent
également - avec leur prédilection pour un peuple épuré par leurs soins et une farouche volonté d'exacerber les polarités et les conflits – par leur refus de tout compromis et donc des alliances démocratiques : Face aux quelque 5000
ans d'histoire humaine qui nous sont accessibles, il faut alors se
demander si – tout comme les « Trente Glorieuses » – la
démocratie telle que nous l'expérimentons en Occident ne
relève pas elle aussi d'une « parenthèse enchantée »
avant un nouveau saut dans l'abîme de l'autocratie.
Une question se pose alors : Le système démocratique et l'État de droit ne sont-ils concevables qu'au sein de l'économie libérale qui leur a donné naissance à la faveur des révolutions dites « bourgeoises » de la fin du 18e Siècle ? Ou bien, formulée à l'envers : Un système économique plus juste et donc au moins partiellement sous tutelle étatique n'implique-t-il pas automatiquement une gouvernance autoritaire et une restriction des libertés publiques ?
Mais, au fait, comment se portent la Hongrie de M. Orbán, la Russie de M. Poutine ou la Turquie de M. Erdoğan ? Peut-on dire que ces politiciens agissent dans l'intérêt des peuples, des nations qu'ils dirigent ? Est-ce que l'évident déficit de démocratie est compensé par plus de justice sociale ? Ou bien la corruption, l'oligarchie, l'ultra-libéralisme sévissent-il là-bas comme ici ? Questions rhétoriques ?
Une question se pose alors : Le système démocratique et l'État de droit ne sont-ils concevables qu'au sein de l'économie libérale qui leur a donné naissance à la faveur des révolutions dites « bourgeoises » de la fin du 18e Siècle ? Ou bien, formulée à l'envers : Un système économique plus juste et donc au moins partiellement sous tutelle étatique n'implique-t-il pas automatiquement une gouvernance autoritaire et une restriction des libertés publiques ?
Mais, au fait, comment se portent la Hongrie de M. Orbán, la Russie de M. Poutine ou la Turquie de M. Erdoğan ? Peut-on dire que ces politiciens agissent dans l'intérêt des peuples, des nations qu'ils dirigent ? Est-ce que l'évident déficit de démocratie est compensé par plus de justice sociale ? Ou bien la corruption, l'oligarchie, l'ultra-libéralisme sévissent-il là-bas comme ici ? Questions rhétoriques ?