dimanche 24 février 2013

[Ex-RDA] Gysi et la Stasi

Juriste de formation et ancien avocat de célèbres dissidents de RDA comme Rudolf Bahro et Robert Havemann, Gregor Gysi vient d'être nommé pour conduire la fraction berlinoise de Die Linke, ce parti qui regroupe l'extrême gauche et les ex-communistes de l'Allemagne de l'Est, en vue de l'élection fédérale du 22 septembre 2013.

Cette nomination est problématique car l'homme fait depuis longtemps l'objet d'investigations quant à sa possible collaboration "inofficielle" avec le redoutable Ministère pour la Sûreté d'Etat (Ministerium für Staatssicherheit ou Stasi) de l'ex-RDA sous les noms de code "Gregor" et "Notar", comme le documente la vidéo en langue allemande ci-dessous. En effet, dans les dossiers de la Stasi, on retrouve sous ces pseudonymes différents rapports sur les dissidents Bahro et Havemann ou Thomas Klingenmann (né Erwin), tous clients de l'avocat Gysi, qui fut à l'époque membre du parti communiste officiel, le SED (Sozialistische Einheitspartei Deutschlands), issu de l'unification forcée en 1946 entre les partis socialiste et communiste allemands dans la zone d'occupation soviétique. Or, le politicien a toujours nié cette collaboration et en particulier déclaré sous serment qu'il n'avait jamais rapporté à la Stasi les entretiens confidentiels qu'il avait eus avec ses clients. C'est d'ailleurs cette déclaration sous serment qui est aujourd'hui contestée dans le cadre d'une nouvelle procédure diligentée par le procureur de Hambourg impliquant un major de la Stasi, accusé d'avoir "couvert" Gysi...

Ce sont moins les éventuelles activités de Gregor Gysi comme "collaborateur inofficiel" (IM - Inoffizieller Mitarbeiter) de la police politique qui sont ici en cause que le refus de reconnaître son implication dans l'appareil répressif et surtout le possible mensonge face à l'institution judiciaire. En effet, vu sa fonction d'avocat de dissidents sous haute surveillance, l'ex-membre du SED a obligatoirement croisé la route des officiers de la Stasi. S'il les a renseignés, il ne leur aura sans doute pas livré beaucoup de scoops puisque tout était sous contrôle (et sous écoute). Son rôle fut bien davantage celui d'un "go-between", d'un négociateur qui, sans être à même de faire acquitter ses clients, pouvait leur éviter une condamnation lourde, voire la peine de mort toujours possible dans un système totalitaire, qu'elle soit d'ailleurs exécutée par un bourreau officiel ou un tueur inofficiel. De plus, il pouvait veiller à ce que leurs conditions de détention soient supportables, et c'est d'ailleurs ce que confirme le fils de Robert Havemann, Florian, qui soutient Gysi en disant dans une interview de 2008 que l'avocat avait toujours agi dans le sens de son père.

Or, dans une campagne électorale où l'on fait feu de tout bois, Die Linke - l'équivalent du Front de Gauche en France - risque d'être déstabilisée par la suspicion qui pèse sur Gregor Gysi et le feuilleton médiatico-judiciaire qui n'est pas près de s'arrêter. Paradoxalement, l'actuelle majorité aurait plutôt intérêt à renforcer ce parti, qui refuse toute alliance nationale avec les autres formations de gauche, afin d'affaiblir la coalition SPD / Les Verts. Et cette dernière doit à tout prix prendre des voix à Die Linke (et au Parti des Pirates) si elle veut conquérir la majorité en septembre. Donc ...



Die Akte Gysi (Le dossier Gysi), un documentaire de Hans-Jürgen Börner et Silke König (2011)

vendredi 22 février 2013

[Aparté] About DSK

Depuis longtemps, l'opinion se doutait que cet homme était un sex-addict : la chose éclata au grand jour avec l'affaire du Sofitel en 2011. Il a donc dû renoncer au poste de "l'homme le plus influent du monde" et accessoirement à sa position de favori pour la magistrature suprême en France.

L'homme a des compétences certaines qui lui ont permis entre autres d'occuper des postes ministériels et de conduire le FMI. On ne sait d'ailleurs toujours pas qui a organisé la mise en scène - car il pourrait bien s'agir d'une mise en scène - à l'hôtel newyorkais. On préfére épiloguer sur sa sexualité débridée, c'est-à-dire déplacer l'affaire sur le plan privé, anecdotique. Un bon fait divers à épisodes qui, s'il ne mange pas de pain, fait les choux gras des médias.

Or, s'il est une "bête de sexe" sautant sur "tout ce qui bouge", DSK était également un homme politique et un économiste de tout premier plan. Personne, ou presque, n'en doute. Les psychiatres parleraient ici d'une personnalité clivée, dont le "côté obscur" continue actuellement d'être utilisé - sans vraie compétence en la matière - par les médias et les médiatiques pour y greffer toutes sortes de discours, tantôt à la limite du délire, tantôt enfreints d'une bien-pensance en acier trempé, avec le résultat de passer sous silence la question principale de cette affaire : Qui a donc "dégommé" Dominique Strauss-Kahn ?

Certains commentateurs franco-français ont commencé par incriminer le camp du président sortant, soucieux d'éliminer un concurrent caracolant en tête des sondages. Et comme le Sofitel est un établissement français, et comme un SMS aurait été envoyé immédiatement après les faits à l'UMP...

Cela permet d'oublier ou de minimiser l'action de DSK à la tête du FMI, et notamment sa gestion des problèmes économiques de l'Europe : car cette politique n'avait pas l'heur de plaire à tout le monde, loin s'en faut, d'autant que le directeur général du Fonds Monétaire International n'avait pas complètement abandonné ses convictions de social-démocrate.

Et voilà qu'une autre femme prend la plume. La troisième déjà ? On loue ses talents littéraires, son anticonformisme, si on ne crie pas au scandale. Et, s'ils existent, les possibles metteurs en scène du Sofitel se réjouissent de l'aveuglante lumière des spotlights médiatiques puisqu'elle génère cette ombre dont ils ont tant besoin pour préserver leur anonymat.

jeudi 21 février 2013

[Désinformation] Promesses et bienfaits des super-riches


Mercredi

La fondation The Giving Pledge (Promesse de Dons) initiée par Bill Gates et Warren Buffett annonce qu'elle vient d'être rejointe par l'Allemand Hasso Plattner, co-fondateur de la société de logiciels SAP, qui promet de léguer au moins la moitié de sa fortune estimée à 5,4 milliards d'euros, comme titre le Spiegel. Le site web de la fondation précise que : La Promesse de Dons est un engagement des industriels et familles les plus fortunés du monde pour consacrer la majeure partie de leur fortune à la philanthropie (The Giving Pledge is a commitment by the world's wealthiest individuals and families to dedicate the majority of their wealth to philanthropy).

C'est donc très bien. En principe. Car si Bill Gates s'occupe de la lutte contre le VIH et de l'assistance aux jeunes mères dans ce qui, autrefois, s'appellait le Tiers-Monde, le concept reste cependant pour le moins flou et peut faire penser à ces belles et bonnes intentions qui président aux dîners de charité organisés par et pour les possédants - The Rich and The Beautiful - dont la véritable motivation est la "bonne conscience" des uns et des autres face aux injustices économiques et à la pauvreté planétaire.

Car le problème est bien celui-ci, résumé dans le titre d'une chanson de Ry Cooder : The Very Thing That Makes You Rich Makes Me Poor. En effet, dans nos systèmes économiques, toute richesse génère de la pauvreté. Si la fondation de MM. Gates et Buffett ou la Taxe Tobin sont un petit pas vers la prise de conscience, la plus grande partie du chemin reste à parcourir. Or, bientôt, il risque d'être trop tard car - les riches le savent - quand la pauvreté et l'injustice deviennent vraiment insupportables, les gens se soulèvent et le système s'effondre. Cependant, la faillite des révolutions humaines, ou leur incapacité à instaurer un système équitable et non répressif, ne sont pas de bonne augure...

Jeudi

Un article du Tagesspiegel nous apprend aujourd'hui que Hasso Plattner dément l'information diffusée hier et qu'il "se sent exploité par Bill Gates". Il faut savoir que le co-fondateur de SAP subventionne déjà à hauteur de plusieurs centaines de millions un institut de recherche sur le développement de logiciels à l'Université de Potsdam près de Berlin, où il enseigne également. Et qu'il continue de s'occuper de son entreprise de logiciels, dont il perdrait le contrôle si la moitié de sa fortune était pour ainsi dire "hypothéquée" par la promesse de don à la fondation Gates-Buffett.

Ce ne serait d'ailleurs pas le première fois que Bill Gates solliciterait ce programmeur émérite de 69 ans, qu'il fréquente aussi parce que tous deux sont collectionneurs d'oeuvres d'art ("modernité classique"). Et Hasso Plattner avait toujours refusé. A Bill Gates de s'expliquer, conclut l'article.

****

Il faut souligner la facilité, l'insouciance avec laquelle nous - le sérieux hebdomadaire Der Spiegel et al. d'abord, des blogs comme celui-ci ensuite - reprenons certaines "informations" qui ne sont en fait que des rumeurs ou tout simplement des erreurs. En ajoutant du bruit à la gigantesque machine d'information globalisée, n'augmentons-nous pas ainsi la quantité de désinformation déjà énorme, peut-être majoritaire ?

Et, surtout, les réflexions, les dialogues - aussi pertinents soient-ils - que nous menons à partir de ces fausses informations ne perdent-ils pas toute crédibilité ? Car si on se trompe sur l'information, comment peut-on prétendre à la vérité du commentaire ?

Vendredi

L'article de la Süddeutsche Zeitung de ce jour soulève un problème important : L'une des raisons présidant aux dons des riches est - à côté de la "bonne conscience" évoquée plus haut -  l'influence qu'ils veulent exercer sur la société. Or, précise le journal, ils n'ont pour cela aucune légitimité démocratique. Et, surtout, il y a une différence entre quelqu'un qui reçoit un don finançant sa scolarité - l'une des activités charitables de Bill Gates - et quelqu'un qui peut bénéficier d'une scolarité libre et gratuite comme d'un droit fondamental : c'est la différence entre un assisté, qui doit lever les yeux plein de gratitude vers son généreux bienfaiteur, et un citoyen autonome qui ne doit le respect qu'au principe d'égalité d'une république démocratique.

Un raisonnement similaire peut également s'appliquer aux différentes "assistances" prodiguées aux malades et aux "nécessiteux" des pays pauvres. Car les pays riches sont directement ou indirectement responsables de cette situation de misère dans le reste - la majeure partie - du monde : nos richesses au prix de leur pauvreté.

dimanche 17 février 2013

[Cinéma] Berlinale, Ours d'Or

L'Ours d'Or de cette 63e Berlinale vient d'être attribué au film roumain  "Child's Pose" (Pozitia Copilului) de Calin Peter Netzer, dont voici la bande-annonce :


Les Ours d'Argent pour la meilleure actrice et le meilleur acteur vont respectivement à Pauline García pour le film chilien "Glorìa" de Sebastián Lelio et à Nazif Mujic qui tient son propre rôle dans "An Episode in the Life of an Iron Picker" (Epizoda u životu berača željeza) de l'oscarisé Danis Tanovic, l'histoire authentique d'une famille de Roms en Bosnie. Ce film obtient également le Grand Prix du Jury.

L'Ours d'Or pour le meilleur court-métrage va à Jean-Bernard Marlin pour "La Fugue"


La Fugue, photo @ Berlinale Shorts


D'autres récompenses ont été attribuées à l'Iranien Jafar Panahis, meilleur scénario pour "Pardé" (Closed Curtain), à l'Américain David Gordon Green, prix de la mise en scène pour "Prince Avalanche", et au Kazakh Aziz Zhambakiyev, meilleur caméraman dans "Harmony Lessons". - Le Prix Alfred Bauer ("pour un film qui ouvre de nouvelles perspectives dans l'art cinématographique") revient au Canadien francophone Denis Coté pour "Vic + Flo ont vu un ours", ce qui, pour une Berlinale, est un titre plutôt bien choisi.

[Aparté] Donnez-nous aujourd'hui nos infos quotidiennes...

Aujourd'hui, des deux côtés du Rhin et ailleurs, les gros titres sont plutôt homogénéisés : l'Astéroïde qui "frôle" la Terre, la Météorite qui explose au-dessus de la Russie, la fraude sur la viande de boeuf, l'inculpation pour meurtre du champion paralympique Oscar Pistorius.

Mais ces derniers jours, en France, on parlait d'une perte nette de 5 milliards d'euros en 2012 pour PSA Peugeot Citroën, alors qu'en Allemagne on annonce 1,3 milliards d'euros de "pertes operatives" en 2012 pour Opel. Chacun sa crise, mais de la bagnole partout.

De même, en France, on ignore plus ou moins les dix jours (et les 400 films) de la Berlinale, qui est pourtant l'un des grands festivals du cinéma mondial et le plus important en termes de fréquentation, comme on n'a pas approfondi la démission de la ministre allemande de la Formation et de la Recherche après la perte de son doctorat pour plagiat.

Et le nom de Spanghero ne dira rien aux Allemands : personne ne prendra donc la peine de leur parler de ces frères qui, après avoir savamment allié rugby et business depuis les années 1970, ont vendu 90% de leur entreprise de produits alimentaires et leur nom à Lur Berri en 2009. De même, les semaines de débats enflammés autour du mariage homosexuel se résument, dans la presse allemande, à l'"information" sur l'adoption de la nouvelle loi par l'Assemblée Nationale.

Le problème a déjà été évoqué dans l'article intitulé Le nationalisme des médias : lorsqu'on est à cheval sur plusieurs langues, plusieurs cultures, plusieurs pays, comme de nombreuses personnes le sont aujourd'hui dans le monde, la focalisation de la presse sur l'actualité "nationale" (voire régionale) peut paraître dérisoire (et provinciale) à l'heure de la soi-disant "mondialisation". Si les faits divers, les déboires des "célébrités" et les résultats sportifs accaparent une grande partie de ce qui porte le titre bien prétentieux d'"information", les problèmes politiques, économiques et sociaux subissent également un traitement "national", alors qu'à l'heure de la construction européenne la moindre des choses serait de proposer des comparatifs avec d'autres pays. Or, dans la presse française, l'Allemagne d'aujourd'hui se résume invariablement au personnage d'Angela Merkel. On n'a pas encore vraiment intégré le fait que des élections fédérales vont avoir lieu le 22 septembre 2013 et que le pays est donc déjà en pleine campagne électorale. Et on n'a pas vraiment rendu compte des derniers résultats des élections régionales où la coalition de gauche SPD-Les Verts a depuis un certain temps le vent en poupe. Sait-on que les écologistes allemands sont actuellement crédités de 16% dans les sondages ? et que le pays est en train de mettre en place un changement énergétique de grande envergure pour sortir du nucléaire ?

A l'inverse, on entend évidemment parler de l'affaire Depardieu en Allemagne, mais on ne sait rien de l'intensité des polémiques qu'elle a pu provoquer en France, ni du contexte général de l'évasion fiscale dans lequel ce fait divers a pu prendre de l'ampleur, alors que les mêmes problèmes se posent outre-Rhin. On n'est pas non plus très bien informé sur les formidables aides qui permettent au cinéma français d'être parmi les meilleurs du monde, ni sur le statut unique des intermittents du spectacle : ces informations jettent pourtant un éclairage différent - et beaucoup moins personnel -  sur l'affaire Depardieu.

Pour informer, il faut mettre en relief. Or, la plupart des événements qui nous parviennent de ces pays dits "étrangers" sont plats, s'ils ne sont pas tout simplement anecdotiques. Que pouvions-nous comprendre d'un pays comme la Libye ? Alors qu'il était sous les spotlights pendant des mois et des mois : qui nous a vraiment "informés" sur son histoire et son devenir ? Et, à l'heure actuelle, qui nous parle encore de la Libye ? Que savons-nous des Touaregs ? Quelle différence y a-t-il entre les tribus du désert libyen qui sont parties à Tombouctou armées jusqu'au dents et les Touaregs qui errent dans le Sahara algérien et malien ?

Oui, la question se pose : qui nous informe ? et de quelle manière ? et dans quel but ?

De façon plus précise : comment la sélection des informations s'opère-t-elle ? doit-on satisfaire aux attentes que l'on prête à ses "fidèles" lecteurs, auditeurs, spectateurs, tout en les fabriquant peut-être ? faut-il sans cesse leur donner leur dose quotidienne de faits divers et de petites horreurs, de sport et de show-biz, et accessoirement de politique, d'économie, de culture afin que la prétention d'"informer" ne soit pas complètement absurde et usurpée ?

Car, la plupart de ces "informateurs" ne maintiennent-ils pas leur clientèle dans une sorte d'abrutissement permanent où les résultats sportifs nationaux remplissent le même espace qu'un événement décisif pour la politique mondiale, où les déboires sentimentaux ou fiscaux d'une "gloire nationale" seront présentés "sans transition" - ou "sans solution de continuité", comme on dit dans les milieux éduqués - avec la faillite ou, au choix, les profits exorbitants d'une grande entreprise internationale ?

[Cinéma] Berlinale, impressions, courts

La première série´de courts-métrages en sélection officielle comprend cinq films faits par une Coréenne, deux Japonais, un Italien et un Français. Les deux premiers sont des animations, le troisième une histoire d'animaux étranges très bien réalisée, le quatrième un documentaire dans un camp de réfugiés syriens en Jordanie et le dernier une fiction autour d'une jeune délinquante à Marseille.

Outre le grand écran, la belle image, le bon son et le public averti - dont le jury - c'est la présence des cinq cinéastes qui viennent chacun(e) dire quelques mots après le passage de leur film, faisant ainsi le lien entre cinéma et spectateurs. La Coréenne, Joung Yumi, dit qu'elle s'est inspirée de vieux livres d'illustration pour son film d'animation en noir et blanc : Jeux d'amour (15'). - Naoto Kawamoto est peu loquace sur son impressionnant UZUSHIO -Seto Current (10'), où il a dessiné chaque image sur une pellicule 16mm (10x60x24=14440 dessins). - Hirofumi Nakamoto parle de ses surprenants crabes dont il filme l'étrange ballet dans une chambre d'hôtel : Le passager silencieux (15'). Ces trois premiers courts-métrages ne font pas appel à la parole. - Mario Rizzi parle du tournage extraordinaire de sept semaines dans le camp de réfugiés et de l'impossibilité de faire venir le personnage principal, une femme de Homs, à Berlin : L'attente (30'). - Et enfin Jean-Bernard Marlin précise que sa fiction très bien filmée fut précédée du tournage d'un documentaire sur la jeune délinquance : La Fugue (22'). 


The Waiting de Mario Rizzi @ Berlinale Shorts

Politique et paillettes

Soixante-trois ans après sa création, on a l'impression que la Berlinale se cherche encore, bien qu'elle fasse aujourd'hui partie des grands festivals de cinéma : on recherche le glamour tout en voulant privilégier le film d'auteur, le message politique, la recherche cinématographique. A première vue, les deux options ne semblent pas très compatibles. En effet, que serait le cinéma sans ses stars, ses tapis rouges et son luxe ? Mais que serait-il s'il n'était que ça ? Que l'on se souvienne du formidable apport des auteurs berlinois et viennois venus travailler à Hollywood pour fuir le nazisme ; de l'impact de la "Methode" de Stanislavski sur le travail des acteurs et des réalisateurs new-yorkais ; que l'on considère les films des Frères Coen ou certaines productions de Clint Eastwood comme Minuit dans le jardin du Bien et du Mal : le cinéma dit indépendant est tout à fait capable de concilier le spectacle "grand public" et la recherche, la cohérence artistique. Et donc la Berlinale devrait pouvoir l'être aussi.

Mais, ce qui fait peut-être encore problème, c'est cette fameuse Sélection Officielle qui croit devoir tenir compte d'un certain nombre de paramètres que l'on peut considérer comme contre-productifs. Il serait malaisé de vouloir les analyser ici, mais le simple mot de "politique", qui reste un des critères importants des sélections berlinoises, peut introduire une confusion, une incohérence dans les choix en cherchant à "satisfaire tout le monde", ce qui mène souvent à une bien-pensance finalement ennuyeuse, ou à l'effet pervers de "dépolitiser" le message politique en sélectionnant des films "politiquement neutres"...

Le film d'ouverture n'a pas été un grand succès. A force, on s'y est ennuyé. Et ce n'était même pas une première mondiale. C'était le film du Président du Jury. Voilà un autre point qu'il faudrait analyser. Mais bon. On en revient toujours à l'éternelle question : Qui sélectionne les sélectionneurs ?

Or, toutes différentes les autres manifestations telles que cette sélection - également officielle - de courts-métrages, une trentaine de films de longueur, de composition, de nature très différentes, qui donnent une image de l'état actuel de la recherche cinématographique. Et cette image-là vaut bien toutes les vidéos du monde quotidiennement régurgitées par nos tubes.

Nécros

En Allemagne, ce qui est resté de l'accession du cardinal Ratzinger à la papauté, c’est le titre de Bild, la feuille de chou populo-racoleuse : Wir sind Papst! (Nous sommes Pape !). Ce titre est devenu l’emblème du bon titre de presse, Bild l’a même affiché en grand sur son immeuble…


Quel titre aujourd’hui ? Wir waren Papst (Nous étions Pape)... ? Déjà pris : Tagesspiegel, Frankfurter Rundschau... ! - Mais de fait, dans ce contexte, le latin s'impose : Eramus Papam - Habebimus Papam...


En tout cas, après la démission forcée de l'amie Schavan samedi dernier, Angela Merkel avait un nouvel hommage à rendre :






On ne peut s’empêcher de sourire : alors que la nécro de Benoît XVI était déjà prête dans les tiroirs, voilà qu'il fallait tout réécrire ! - Ainsi, Angela Merkel termine son hommage à Joseph Ratzinger en lui souhaitant « plein de bonnes choses pour les prochaines années » („Alles Gute für die nächsten Jahre“). Heureuse chute : comme quoi l'hommage posthume à un vivant de 85 ans, ça ne s’improvise pas !

Et c'est donc à Pâques, quand la petite fumée annoncera la conclusion du conclave, que l'on s'écriera à nouveau : Habemus Papam... Mais dès ce soir, tous les rédacteurs sont sur la brèche : Qui sera Pape ? - Nous ? - Surement pas...

lundi 11 février 2013

[Feuilleton] Fin de partie

C'est donc ce samedi, après avoir perdu son titre de Docteur, que la ministre fédérale de la Formation et de la Recherche, Annette Schavan, présente officiellement sa démission, qui a été acceptée par son amie Angela Merkel.

Le téléphone pleure

On s'y attendait bien sûr. Mais on a fait durer le suspense depuis ce jour fatidique de mardi où l'Université de Düsseldorf a privé la "ministre des Sciences" de son doctorat pour plagiat. Mme Schavan se trouvait alors en Afrique du Sud, et elle n'est rentrée à Berlin qu'hier soir. Pour mijoter son thriller, la presse a donc insisté sur la déclaration d'un porte-parole de la chancellerie affirmant que les deux femmes amies allaient avoir un entretien en tête à tête. - Quand ? - Nous ne le savons pas... Peut-être dès vendredi soir... Ou samedi matin... Ce week-end, certainement...

Or, nos marchands de communication nous le rappellent à chaque instant : le téléphone existe bel et bien !

L'entretien entre la chancelière et sa ministre a donc certainement eu lieu dès mardi soir par ce téléphone rouge que tout chef d'Etat garde sans cesse à portée de main, mais il était évident que la démission programmée ne serait officielle que samedi, au retour des deux amies à Berlin, en provenance de Bruxelles pour l'une et de Johannisburg pour l'autre...

Le coeur très lourd

Mme Merkel [@tagesschau.de] : "...J'ai accepté cette démission le coeur très lourd (sehr schweren Herzens) [...] C'est uniquement le coeur très lourd que j'ai accepté cette démission parce que, avec Annette Schavan, l'une des politiciennes les plus reconnues et les plus chevronnées de la Formation et de la Recherche de notre pays, au fond la politicienne la plus reconnue et la plus chevronnée de la Formation et de la Recherche de notre pays, va quitter le gouvernement fédéral..."

Sans doute les experts en rhétorique sauront-ils dévoiler les raisons profondes de ces répétitions, figures de style si prisées en politique...

Mme Schavan [loc.cit. (!)] : "... Je remercie tout d'abord la chancelière, je te remercie, chère Angela, pour tes paroles et ton hommage aujourd'hui, ainsi que pour la confiance et l'amitié tout au long de ces années, l'amitié ne s'attache pas à la durée des fonctions et perdurera après ce jour. -  Mesdames et Messieurs, le 2 mai de l'année dernière, des accusations anonymes de plagiat ont été rendues publiques au sujet de ma thèse vieille de 33 ans. Le même jour, j'ai prié le recteur de l'Université de Düsseldorf de faire examiner ces accusations. Mardi dernier, la faculté philosophique a décidé d'invalider mon doctorat. Je n'accepterai pas cette décision et je la contesterai en justice. Je n'ai ni copié ni fraudé dans ma thèse. Ces accusations, je l'ai dit à plusieurs reprises ces dernières semaines, ces derniers mois, me touchent profondément. [...] Lorsqu'une ministre de la Recherche porte plainte contre une université, cela porte à conséquence pour ma fonction, le ministère, le gouvernement fédéral, mais aussi pour la CDU. C'est exactement ce que je veux éviter ; cela n'est pas possible, la fonction ne doit pas être abîmée [...]  Ma décision procède très précisément de la responsabilité avec laquelle je me suis efforcée de conduire ma fonction. Une responsabilité liée à la conviction souvent formulée comme ceci par Erwin Teufel [Ministre-Président du Bade-Wurttemberg de 1991 à 2005 et président de la CDU de cette région, n.d.t.] : 'D'abord le pays, ensuite le Parti et enfin moi-même.' Voilà pourquoi je pense que ce jour est un jour propice pour quitter mes fonctions au ministère et me concentrer sur mon mandat au Bundestag. Merci beaucoup." (traduction : skarlet)



Fin de Partie

Brièvement repris aujourd'hui par une dépêche de Reuters France, ce n'était en somme qu'un de ces feuilletons nationaux, qui est pourtant révélateur à plus d'un titre.

D'abord, le caractère prestigieux du doctorat en Allemagne, qui constitue un formidable accélérateur de carrière dans ce pays...

Ensuite, une question peu approfondie par les divers commentateurs : Quelles règles président à l'attribution de ce titre prestigieux ? L'université n'est-elle pas également fautive d'avoir laissé passer les thèses litigieuses de Mme Schavan (CDU), de M. zu Guttenberg (CSU) ou encore de Mme Koch-Mehrin (FDP), toutes trois annulées par la suite ?

Dans cet ordre d'idées, il n'est certainement pas très pédagogique de délivrer des diplômes aussi prestigieux à des étudiants peu sérieux quand on crée par ailleurs de l'échec scolaire pour beaucoup moins que ça. Et si ces "Docteurs" réussissent ensuite dans la vie publique, comment expliquer aux enfants que l'on a pu accréditer des "tricheurs" ?

D'où il suit que ce système basé sur des évaluations parfois peu objectives ou cohérentes, un carriérisme forcené et la concurrence féroce qui règne dans les écoles et les universités devrait sans doute être revu. Or, ce n'est pas le cas puisque, comme si souvent, on évacue le problème en le personnalisant, c'est-à-dire en reléguant une question générale dans la sphère privée, en transformant une possible erreur ou faute de méthode et de procédure en un accident de parcours qui subit bien souvent une dramatisation proche de la comédie de situation, comme on peut le constater dans ce "feuilleton" et ailleurs.

Alors, combien d'autres titres universitaires de personnalités publiques devront être invalidés avant que le système lui-même se remette quelque peu en question ?

Enfin, il faut rappeler que la principale raison pour un lâchage aussi "amical", outre le manque de crédibilité d'une ministre "dégradée", c'est bien sûr la bataille électorale qui s'annonce. Et sur ce terrain-là, une combattante sonnée avant l'heure compromet sacrément l'issue favorable des opérations. Quant à Mme Merkel, elle a une fois de plus fait la preuve d'un pragmatisme en béton armé !

Epilogue

Déjà désignée, la remplaçante, Johanna Wanka (CDU), 61 ans, qui vient de perdre son poste de ministre de la Culture en Basse-Saxe pour cause de défaite électorale, a certains points communs avec la chancelière sans pour autant être une intime, comme le précise Die Zeit : Scientifique, mariée à un professeur, originaire d'Allemagne de l'Est et militante pour la démocratie avant la Chute. Sa thèse de doctorat en mathématiques s'intitule : Solution de problèmes de contact et de commande avec des moyens de théorie du potentiel (Lösung von Kontakt- und Steuerproblemen mit potentialtheoretischen Mitteln). N'existant pas en version imprimée, ce travail de 121 pages, soutenu en 1980, ne serait disponible que dans trois bibliothèques universitaires : à Halle, Ilmenau et Berlin. - Avis aux amateurs !

vendredi 8 février 2013

[Aparté] Carnaval

En Allemagne, comme d’ailleurs à Rio, cette semaine, c’est Carnaval : on assiste à des défilés, mais aussi à des sessions carnavalesques en partie retransmises par la chaîne publique d’infos Phoenix où l’on peut encore deviner la raison profonde de cette fête païenne qui nous vient des origines du monde : les rôles sont inversés, les puissants – ou présumés puissants - sont mis sur la sellette, comme ce matin le politicien souabe Heiner Geissler (CDU), accusé de tous les maux de la terre, un peu à la manière des éphémères Flagrants Délires sur France-Inter (1980-83).



Le maître-mot, c’est l’exagération. En grossissant le trait, en caricaturant, on peut révéler une part de vérité, comme seul le fou du roi avait le droit de la dire à son maître, comme l’humour en général possède toujours un fond de vérité ou une part d’inconscient qui, parfois, provoque un éclat de rire incontrôlable : le « fou rire ». 



Par ailleurs, ces sessions carnavalesques permettent de démasquer un certain nombre de pseudo-vérités, quotidiennement servies comme autant de tours de passe-passe pragmatiques ou mensonges de fortune. En inversant, renversant les rapports de force d'une société, le Carnaval montre aussi le danger qui, toujours, menace les puissants : la colère populaire, les soulèvements et les révolutions. Et deux autres constantes de la perception ordinaire sont mises à mal : le monde réel, qui s'efface devant la puissance de l'imaginaire, et le principe d'identité, aboli par le travestissement qui ouvre sur une personnalité multiple, éclatée. Alors on pourrait croire que la vérité profonde du monde se joue peut-être dans cet espace imaginaire qui se réalise toutes les nuits lorsque nous rêvons...

Les déguisements d'enfants sont d'Agnès @ mode9.wordpress.com

jeudi 7 février 2013

[Cinéma] Berlinale (7 - 17 février 2013)

Ce jeudi 7 février 2013 s'ouvre la 63e édition du Festival International de Films de Berlin - la Berlinale - qui accueillera un grand nombre de productions cinématographiques du monde entier (plus de 400 films seraient projetés en tout), des rétrospectives (The Weimar Touch), des hommages (Isabella Rosselini, Rosa von Praunheim, Claude Lanzmann), des stars - entre autres les actrices Catherine Deneuve, Juliette Binoche, Isabelle Huppert, Anne Hathaway, Holly Hunter ou Jane Fonda, les acteurs Nicolas Cage, Matt Damon ou Ethan Hawke, les réalisateurs Steven Soderberg, Bille August, Ken Loach, Michael Winterbottom ou la réalisatrice Jane Campion, dont les films sont présentés ou en compétition - et bien sûr des paillettes plein les mirettes : demandez le programme.


La Berlinale a été créée en 1950/51, en pleine guerre froide. Il y a eu certains Ours d'Or remarquables, qui témoignent d'une nette préférence pour le cinéma d'auteur : Smultronstället  (Les Fraises Sauvages) d'Ingmar Bergman (1958) - Les Cousins de Claude Chabrol (1959) - La notte de Michelangelo Antonioni (1961) - Alphaville de Jean-Luc Godard (1965)Cul-de-sac de Roman Polański (1966). Et plus près de nous : L'Appât de Bertrand Tavernier (1995) - Sense and Sensibility d'Ang Lee (1996) - Central do Brasil de Walter Salles (1998) - The Thin Red Line de Terrence Malick (1999) - Intimacy de Patrice Chéreau (2001). L'année dernière, l'Ours est revenu aux frères Taviani pour Cesare deve morire.



Le metteur en scène chinois Wong Kar Wai présidera le jury qui décidera de l'attribution, le 17 février, des Ours d'Or et d'Argent 2013. Les autres membres du Jury International sont : Susanne Bier, Andreas Dresen, Ellen Kuras, Shirin Neshat, Tim Robbins et Athina Rachel Tsangari.

Trois films français´sont en compétition : Camille Claudel 1915 de Bruno Dumont, Elle s'en va d'Emmanuelle Bercot et La Religieuse de Guillaume Nicloux. A noter également : Effets secondaires (Side Effects) de Steven Soderbergh et Terre Promise (Promised Land) de Gus Van Sant.

Cependant, le plus grand nombre de films sera projeté dans le cadre d'autres manifestations du Festival : Berlinale Special, où l'on peut voir des nouvelles productions et des reprises en relation avec la Berlinale Kamera, qui récompense une personnalité ou une institution méritantes du Cinéma - Panorama, consacré au cinéma d'auteur et d'art allemand et international - Forum International du Jeune Cinéma, qui montre des films de fiction et documentaires de plus de 60 minutes, oeuvres expérimentales, politiques, avantgardistes - et enfin Generation, dédié au cinéma pour l'enfance et la jeunesse.

Mais c'est le dernier film de Wong Kar Wai - The Grandmaster (2012) - qui sera projeté en ouverture du festival, ce soir à 19h30 au Palais de la Berlinale (Berlinale Palast). Hors compétition s'entend. Et l'entrée, avec passage sur tapis rouge, est bien sur réservée aux titulaires d'une invitation. Les autres devront se consoler avec la bande annonce :



[Feuilleton] Partir ou ne pas rester ?

Annette Schavan, qui se voit déchue de son titre de Docteur par l'Université Henri Heine de Düsseldorf, déclare ce mercredi matin à Johannesburg qu'elle déposera plainte et ne démissionnera pas de son poste de ministre fédérale de la Formation et de la Recherche. Et qu'elle n'en dira pas plus en raison de la procédure judiciaire qui s'annonce...


Si les partis d'opposition (SPD / Verts / Linke / Pirates) réclament déjà sa démission à grand cris, la majorité (CDU / CSU / FDP) aura du mal à couvrir la confidente et amie d'Angela Merkel au cours de cette année électorale : tempêtes cérébrales en perspective à la chancellerie...


Il faut dire que si les choses en restaient là, Mme Schavan n'aurait plus aucun titre universitaire, car elle avait suivi un cursus direct, sanctionné par le seul doctorat en 1980, sans étapes intermédiaires comme une licence ou un master : situation compliquée pour une ministre de la Formation et de la Recherche...


Cependant, Mme Schavan semble très respectée par ses pairs et ses partenaires académiques, certaines voix universitaires se faisant d'ailleurs entendre pour minimiser cette accusation de plagiat et contester la sanction de la faculté de Düsseldorf. Et la presse, éternel avocat du diable, se jette également dans la mêlée, histoire de lancer les hostilités : "Pourquoi le retrait du titre de Schavan est une erreur" (Die Welt) - "Schavan doit rester" (Frankfurter Rundschau). Bien entendu, les répliques ne se feront pas attendre : "Schavan doit partir" (Die Zeit) - "Merkel et le cas Schavan : Mauvais départ" (Der Spiegel).


En début d'après-midi, un porte-parole de la chancellerie déclare que Mme Merkel fait "entièrement confiance" à sa ministre contestée et que, dès son retour d'Afrique du Sud où Mme Schavan effectue un voyage officiel, les deux femmes auront "tout loisir de parler"...


Malgré cela, et notamment la possibilité de plaider l'anticonstitutionnalité d'une procédure intervenant 33 ans après les faits, la plupart des commentateurs voient mal comment la ministre pourrait sauver un poste où elle représente officiellement la communauté scientifique et la recherche allemandes, tout en se voyant déchue de son titre académique. Et même si elle le récupérait, ce qui serait un précédent, les interrogations sur la régularité de son travail universitaire continueraient d'occuper les esprits...


S'ajoute la position que Mme Schavan a prise lorsque Karl-Theodor zu Guttenberg était dans la même situation, bien que le doctorat de l'ex-ministre de la Défense, confectionné à l'ère du copié-collé, fût encore beaucoup plus contestable : "Je n'ai pas seulement honte en secret", avait-elle déclaré en 2011, ce qui représentait un désaveu son collègue. Et actuellement, les médias rediffusent en boucle cette image d'Annette Schavan aux côtés d'Angela Merkel, au moment où cette dernière reçoit un texto lui annonçant la démission tant attendue du Baron zu Guttenberg : le sourire de sa voisine est alors pour le moins narquois lorsqu'elle prend à son tour connaissance de la nouvelle...


Et puis, les experts doutent sérieusement du succès de la procédure judiciaire que Mme Schavan semble vouloir entamer. Or, jusqu'au jugement, elle a le droit de conserver son titre et son poste. Sauf si son amie la chancelière trouve les arguments pour la persuader de partir. Car, puisque les écarts sont tout de même serrés dans la course au Bundestag 2013, un feuilleton comme celui-ci, qui traînerait sur des mois, pourrait bien finir par déstabiliser les sortants...


Quant à cet "entretien en tête à tête" entre la chancelière et sa confidente, que les milieux autorisés nous annoncent pour vendredi soir, date du retour de Mme Schavan à Berlin, gageons qu'il a déjà eu lieu - ou qu'il est en cours - grâce à cette merveilleuse invention dont on entend parler au quotidien mais qui, pour le coup, semble avoir complètement échappé aux commentateurs : le téléphone !

 

(à suivre)


merkel-schavan.jpg
Mesdames Merkel et Schavan, photo dapd @ Der Spiegel

 

 

mercredi 6 février 2013

[Feuilleton] Pas doc !

Ce mardi soir, l'affaire du plagiat présumé d'Annette Schavan (CDU) prend une nouvelle tournure : l'Université Henri Heine de Düsseldorf lui retire son prestigieux titre de Docteur, - un comble pour une ministre de la Formation et de la Recherche !

Comme le rapporte le Spiegel, le doyen Bruno Bleckmann déclare que, sur l'ensemble de la dissertation, la doctorante a "systematiquement et délibérement simulé des performances de réflexion (gedankliche Leistungen) qu'elle n'a pas accomplies par elle-même", concluant à une "intention délibérée de tromper" ("vorsätzliche Täuschungsabsicht", in Die Zeit). Le doyen précise que des textes non référencés auraient été repris en "nombre important" (in "bedeutendem Umfang") et que la décision de retirer ce titre est motivé par la qualité et l'ampleur du plagiat ainsi que par "l'intérêt public visant à protéger la régularité (Redlichkeit) de l'acquisition d'une qualification scientifique", Mme Schavan ayant cependant un mois pour contester cette décision rendue par le jury de la faculté avec douze voix favorables, deux avis contraires et une abstention. - D'ailleurs, les avocats de l'intéressée annoncent dès ce soir sa volonté de porter plainte.

Or, il semble peu probable que la ministre chrétienne-démocrate puisse désormais se maintenir à son poste fédéral, car le raz-de-marée médiatique ne tardera pas à déferler sur elle dès demain matin...



photo @ skarlet

(à suivre)

mardi 5 février 2013

[Feuilleton] Doc ou pas doc ?

C'est ce mardi que la faculté de Düsseldorf examine le cas Schavan : Pour rappel, l'actuelle ministre fédérale de l'Education et de la Recherche, Annette Schavan (CDU), est accusée d'avoir "copié" certains passages de son doctorat soutenu en 1980 sans signaler par des guillemets et des notes qu'il s'agissait de citations, ce qui est communément appelé du plagiat. Le titre de la thèse remise en question : Personne et conscience. Etudes sur les présupposés, la nécessité et les exigences de la formation contemporaine de la conscience (Person und Gewissen. Studien zu Voraussetzungen, Notwendigkeit u. Erfordernissen heutiger Gewissensbildung). Tout un programme, entendu qu'il s'agit ici de ce que les scolaires nomment la "conscience morale" (Gewissen) pour délimiter le terrain de la recherche (l'éthique) par rapport à la "conscience psychologique" que les philosophes désignent plutôt par "être conscient" (Bewusstsein).

Dès ce soir, la décision pourrait être rendue. Outre la possibilité qu'un haut fonctionnaire de l'Etat puisse avoir "copié" et - comble de l'affaire - une ministre de l'Education et de la Recherche, une autre problème se pose : sur quels critères sont jugées les dissertations de sciences humaines, qui donnent droit au prestigueux titre de docteur que l'on peut faire figurer, au même titre que les médecins, sur sa carte et sa plaque en Allemagne ? L'Université de Düsseldorf - comme celle de Bayreuth dans le cas de Karl-Theodor zu Guttenberg (CSU), ministre de la Défense (2009-2011) qui a dû démissionner lorsque sa supercherie académique fut découverte - doit en quelque sorte se déjuger elle-même si elle considère que le travail de Mme Schavan n'est pas régulier : alors, comment a-t-il pu passer à l'époque ? Et, dès lors, la question plus générale de l'attribution - parfois aléatoire - de ces prestigieux titres de Docteur serait également d'actualité. Mais celle-là, on prend soin de ne pas la poser trop fort.




Dr. Schavan, foto dpa @ Frankfurter Rundschau

vendredi 1 février 2013

[Chiffres] Le chômage selon "JobCenter"

L'Agence Fédérale Pour l'Emploi (AFPE) donne ce chiffre pour le chômage en Allemagne  : 3.138.000 de sans-emploi en janvier 2013, soit 7,4% des actifs, le niveau le plus haut depuis deux ans...

Dans un communiqué radio, j'entends également que plus de 4 millions de personnes seraient "sous-employées"...

Je ne sais pas si (tous) les bénéficiaires de Hartz IV,  l'équivalent allemand du RSA, mais beaucoup plus contraignant que celui-ci, sont compris dans ces chiffres. Je ne le pense pas, même si l'une des contraintes de Hartz vous oblige à être inscrit dans un JobCenter, l'appelation "réformatrice" (et pseudo-moderniste) de l'AFPE...

S'ajoutent bien sûr les handicapés, retraités au minimum vieillesse (qui en fait continuent à percevoir le Hartz s'ils n'ont aucun bien, et seulement dans ce cas), ceux qui errent sur les routes ou dans les gares, et bien sûr les enfants, ces "enfants de pauvres" qui subissent de plein fouet la condition sociale de leurs parents...

En comparant avec le récent rapport de Capital, les chiffres de la pauvreté ne sont finalement pas si différents dans les deux pays, pour une population totale de 64.667.000 personnes en France et de 81.923.000 en Allemagne (2012)...

Car je lis sur un site de statistiques que 7,4% de la population allemande bénéficiait du Hartz IV en décembre 2012 [ici] : avec une régle de trois, cela fait un peu plus de 6 millions de personnes (conjoints, concubins, enfants compris)... En France, au 1er janvier 2012, 4,33 millions de personnes (sur)vivent avec le RSA (conjoints, concubins, enfants compris) [] : la même règle de trois appliquée à l'envers donne 6,7% de la population française, un peu mieux donc... Mais avec tous les autres paramètres qu'il faudrait considérer, il me semble toutefois possible de maintenir l'hypothèse selon laquelle la proportion de pauvres est sensiblement la même des deux côtés du Rhin, et je pense que les "vrais chiffres", qui sont systématiquement passés sous silence, seraient proprement insoutenables !

(à suivre)

  Cologne, Gare Routière (2012) - photo @ skarlet

[Brève] La Deutsche Bank broie du rouge

Ce sont finalement des pertes nettes de 2,2 milliards d'euros au quatrième trimestre 2012 que la plus grande banque d'Allemagne annonce officiellement à Francfort aujourd'hui. Raisons : scandales, affaires judiciaires en cours, restructuration du groupe, comme l'écrit Der Spiegel.

Mais que l'on se rassure (si besoin est) : sur l'ensemble de l'année 2012, les gains de la Deutsche Bank s'élèvent malgré tout à 660 millions, comme précise l'hebdomadaire d'information. Et, "pour rassurer les actionnaires", une dividende de 75 cents leur sera tout de même versée...

(à suivre)

 En pleine crise de 1923, on ne pouvait pas acheter grand chose avec ce billet de 10 millions de marks - à New York, on vous en aurait donné 10 dollars (image@wikipedia)