dimanche 24 février 2013

[Ex-RDA] Gysi et la Stasi

Juriste de formation et ancien avocat de célèbres dissidents de RDA comme Rudolf Bahro et Robert Havemann, Gregor Gysi vient d'être nommé pour conduire la fraction berlinoise de Die Linke, ce parti qui regroupe l'extrême gauche et les ex-communistes de l'Allemagne de l'Est, en vue de l'élection fédérale du 22 septembre 2013.

Cette nomination est problématique car l'homme fait depuis longtemps l'objet d'investigations quant à sa possible collaboration "inofficielle" avec le redoutable Ministère pour la Sûreté d'Etat (Ministerium für Staatssicherheit ou Stasi) de l'ex-RDA sous les noms de code "Gregor" et "Notar", comme le documente la vidéo en langue allemande ci-dessous. En effet, dans les dossiers de la Stasi, on retrouve sous ces pseudonymes différents rapports sur les dissidents Bahro et Havemann ou Thomas Klingenmann (né Erwin), tous clients de l'avocat Gysi, qui fut à l'époque membre du parti communiste officiel, le SED (Sozialistische Einheitspartei Deutschlands), issu de l'unification forcée en 1946 entre les partis socialiste et communiste allemands dans la zone d'occupation soviétique. Or, le politicien a toujours nié cette collaboration et en particulier déclaré sous serment qu'il n'avait jamais rapporté à la Stasi les entretiens confidentiels qu'il avait eus avec ses clients. C'est d'ailleurs cette déclaration sous serment qui est aujourd'hui contestée dans le cadre d'une nouvelle procédure diligentée par le procureur de Hambourg impliquant un major de la Stasi, accusé d'avoir "couvert" Gysi...

Ce sont moins les éventuelles activités de Gregor Gysi comme "collaborateur inofficiel" (IM - Inoffizieller Mitarbeiter) de la police politique qui sont ici en cause que le refus de reconnaître son implication dans l'appareil répressif et surtout le possible mensonge face à l'institution judiciaire. En effet, vu sa fonction d'avocat de dissidents sous haute surveillance, l'ex-membre du SED a obligatoirement croisé la route des officiers de la Stasi. S'il les a renseignés, il ne leur aura sans doute pas livré beaucoup de scoops puisque tout était sous contrôle (et sous écoute). Son rôle fut bien davantage celui d'un "go-between", d'un négociateur qui, sans être à même de faire acquitter ses clients, pouvait leur éviter une condamnation lourde, voire la peine de mort toujours possible dans un système totalitaire, qu'elle soit d'ailleurs exécutée par un bourreau officiel ou un tueur inofficiel. De plus, il pouvait veiller à ce que leurs conditions de détention soient supportables, et c'est d'ailleurs ce que confirme le fils de Robert Havemann, Florian, qui soutient Gysi en disant dans une interview de 2008 que l'avocat avait toujours agi dans le sens de son père.

Or, dans une campagne électorale où l'on fait feu de tout bois, Die Linke - l'équivalent du Front de Gauche en France - risque d'être déstabilisée par la suspicion qui pèse sur Gregor Gysi et le feuilleton médiatico-judiciaire qui n'est pas près de s'arrêter. Paradoxalement, l'actuelle majorité aurait plutôt intérêt à renforcer ce parti, qui refuse toute alliance nationale avec les autres formations de gauche, afin d'affaiblir la coalition SPD / Les Verts. Et cette dernière doit à tout prix prendre des voix à Die Linke (et au Parti des Pirates) si elle veut conquérir la majorité en septembre. Donc ...



Die Akte Gysi (Le dossier Gysi), un documentaire de Hans-Jürgen Börner et Silke König (2011)

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