samedi 27 septembre 2014

Brèves considérations sur la situation présente




Avec le 11 septembre 2001 le terrorisme s'est globalisé, en ce sens qu'il est apparu en direct et simultanément sur tous les écrans du monde, donnant à voir une action qui dépassait de loin toutes celles qui, jusqu'alors, pouvaient être qualifiées de « spectaculaires ».


Les initiateurs des attentats new-yorkais connaissaient parfaitement le fonctionnement des chaînes d'infos en continu : dix-huit minutes, la durée séparant les deux impacts, suffiraient aux télévisions pour braquer leurs caméras sur la Tour Nord et saisir « en direct » l'instant où le second avion percuterait la Tour Sud.


Ce qui se passe à présent est « différent » : si la prétention à la mondialisation de la terreur est intacte, ces exécutions de personnes innocentes sont destinées à être visionnées non seulement « en différé » mais également et surtout en cachette. On a certes tendance à penser que peu de gens vont s'infliger ce « spectacle », qui n'est pas repris par les canaux habituels : or, caché quelque part dans les souterrains de la Toile, il est néanmoins disponible à tout moment pour être « consommé » par les « amateurs » ou les apprentis de l'horreur. Et, devenu « viral », il résistera à toute tentative de retrait.


C'est ce dernier point qui est véritablement « nouveau » : tant qu'Internet existera, personne ne pourra rien y effacer définitivement, toutes les informations, tous les écrits, tous les documents audio-visuels y circuleront virtuellement jusqu'au bout de notre aventure cybernétique (1). Ainsi, ces vidéos continueront indéfiniment de tourner en boucle et, surtout, de représenter une sorte de « défi » pour les monstruosités à venir, qui voudront paraître plus « spectaculaires » encore que les précédentes. Il faut ajouter que ces documents de la terreur, frappés d'interdit, vont immanquablement attirer le très jeune public, qui est pour ainsi dire préparé - et maintenu dans un état constant de déréalisation - par l'industrie du divertissement (2).


***


lundi 22 septembre 2014

Qui bien ou mal y pense

Le débat public tourne en rond. – D'abord, ce sont toujours les mêmes débatteurs : les médiatiques qui, seuls, ont accès à la parole publique ou à cette fameuse « visibilité » tant convoitée. Tout le reste – la majorité naguère silencieuse, aujourd'hui poussée à une expression quasi maniaque par les vendeurs d'« outils de communication » – végète quelque part dans le ventre mou ou les intestins d'un monde parallèle généré par un système prioritairement commercial et auto-promotionnel appelé « Internet ». – Ensuite, ce sont toujours les mêmes idées, convictions, opinions qui alimentent le champ médiatique, quotidiennement agité par quelque « actualité » fabriquée dans le laboratoire de l'expérimentation humaine. – En conséquence, nous sommes devenus les prisonniers d'une boucle indéfinie dont rien de véritablement nouveau ne pourra émerger : c'est le règne d'un éternel « degré zéro » de la réflexion, qui ne prend en compte ni les enseignements de l'histoire récente ou plus lointaine ni les avancées pourtant nombreuses de la pensée moderne et contemporaine.

Ce qui, pour l'instant du moins, semble encore fasciner le public dans ces débats menés sous les feux éphémères de l'actualité, c'est cette espèce de joute verbale entre différents « camps », dont les représentants appartiennent pourtant aux mêmes milieux, sortent des mêmes écoles, où jamais personne ne convaincra personne, où aucun intervenant n'a le temps de finir son raisonnement, où en somme tout le monde parle en même temps sans jamais écouter les arguments des autres, où l'on opère une sélection des « faits » et des « chiffres » à des fins résolument pragmatiques : ces débats publics sont devenus des « spectacles » de la même dignité que les « reality soaps », où ce qui est dit n'a plus aucune importance et n'est pas censé intégrer une quelconque mémoire, où seules comptent les énormités proférées, les capacités de poseurs des uns et des autres.

Si naguère l'écrivain, le philosophe ou le professeur étaient des personnages respectés, on constate aujourd'hui un ressentiment croissant envers les intellectuels, savamment entretenu par les « fabricants du consentement » qui, dans le cadre présent, sont en même temps des « créateurs de dissensions », de sorte que l'on se demande si ces deux activités ne sont pas désormais indissociables. Bien sûr, les intellectuels eux-mêmes ont une part de responsabilité dans cette affaire puisque leur refus de participer au cirque médiatique laisse la place libre aux « demi-savants » qui occupent actuellement le devant de la scène. Mais une telle désertion s'explique surtout par la mainmise des commerciaux et des publicitaires sur l'espace-temps médiatique, générant un « contexte », un environnement quasi-transcendantal, où toute pensée critique ou bien quelque peu avant-gardiste est hachée menue pour être intégrée (« embedded ») dans un magma, une bouillie indigeste faite de tape-à-l’œil, de vulgarité et de déjà-vu : en effet, le culte de la « nouveauté » sans cesse prêché par les marchands de vent et de pacotille s'accompagne paradoxalement d'un ruminement continuel et d'un « mix » aléatoire d'éléments pris dans le grand réservoir culturel de l'humanité où tout semble avoir déjà été dit et redit, vu et revu.


lundi 15 septembre 2014

Le voyeurisme de l'extrême

Lorsque nous sommes assis dans une salle de théâtre ou de cinéma, ou encore devant la télévision, nous occupons la place du « voyeur », assistant à un spectacle sans possibilité ni obligation d'intervenir. Or, au théâtre, et dans le cas des œuvres dites de « fiction » au cinéma et à la télévision, nous savons que nous ne voyons et n'entendons rien de « réel » au sens strict, puisqu'il s'agit d'une illusion produite par le jeu des acteurs, l'art des techniciens du spectacle, accessoiristes, maquilleurs, décorateurs, et plus récemment des concepteurs d'« effets spéciaux ».

Le metteur en scène Andrzej Żuławski avait réalisé un film – dans les années 1980 je crois, mais je n'ai pas pu en retrouver le titre – qui relate un épisode où une femme est l'otage de criminels produisant et vendant des « snuff movies », c'est-à-dire des films où la victime est vraiment assassinée : je me souviens avoir été énormément impressionné par cette séquence qui, tout en relevant de la fiction, est inspirée de faits réels. – J'ai ensuite eu vent d'un véritable snuff movie autour de l'affaire dite des « maniaques de Dniepropetrovsk », une ville ukrainienne où deux garçons de 19 ans ont commis 21 assassinats barbares entre le 25 juin et le 16 juillet 2007 : non contents d'exécuter leurs victimes, aléatoirement choisies, avec une brutalité extrême, ils ont filmé certains de leurs actes, comme la torture et l'assassinat d'un homme de 48 ans, Sergueï Yatzenko, dont la « vidéo virale » a circulé – et circule très certainement toujours – sur Internet sous le titre de « 3 Guys 1 Hammer » (« 3 gars 1 marteau »).

vendredi 12 septembre 2014

"I'll be back!"




Il semble donc que, dans ce pays, l'opinion publique - médias, éditorialistes, experts, politologues, publicistes, sondeurs, sans oublier les millions d'anonymes, dont nous sommes, qui ajoutent leur grain de sel sur Internet - voudrait ou pourrait décider du sort d'un président de la République démocratiquement élu pour cinq ans.

En agissant de la sorte, on semble ignorer que l'on :

- met à mal le processus démocratique lui-même, en dévalorisant les élections réelles au profit des spéculations toutes virtuelles de ceux - triés sur le volet -  qui ont accès à la parole publique ;

- discrédite la fonction présidentielle et par là-même les institutions de l'État ;

- joue le jeu de l'ultra-libéralisme, qui mise à terme sur la disparition de l'État, et surtout de son "volet social".

Le mardi 16 septembre 2014, l'Assemblée votera, ou non, la confiance au nouveau gouvernement Valls. Quelques jours plus tard, Nicolas Sarkozy, ancien président de la République, annoncera, ou non, son retour en politique. S'il revient, il profitera de l'appel à un "homme fort", sinon au fameux "homme providentiel", explicitement ou plus implicitement pétitionné par l'opinion publique. Or, on fait mine d'oublier que :

- M. Sarkozy a déjà exercé le pouvoir à la tête de l'État de 2007 à 2012, sans parler des fonctions ministérielles qu'il a occupées, en particulier à l'Intérieur depuis 2002 ;

- son image est ternie par un certain nombre d'affaires, notamment celle du financement de la campagne présidentielle de 2012, avec l'implication de la société Bygmalion qui a tout de même donné lieu à la démission de M. Copé, secrétaire général de l'UMP depuis novembre 2010 ;

- c'est justement cette démission qui, laissant vacant le poste de chef de l'UMP, permettrait le retour de M. Sarkozy à la tête de ce grand parti de la droite parlementaire.

De l'autre côté, le parti socialiste - qui n'a toujours pas pris la peine de s'appeler parti social-démocrate ni de créer des liens forts avec les autres sociaux-démocrates européens, et notamment le SPD allemand qui - faut-il le rappeler ? - participe actuellement à une coalition gouvernementale avec la CDU de Mme Merkel (*) - le PS, donc, a réussi à éliminer, l'un après l'autre, les politiciens qui auraient eu quelque chance de réussite à la tête de l'État, face à la crise du capitalisme la plus grave depuis 1929 :

dimanche 7 septembre 2014

Lamento

Le plus terrible, c'est leur discours : celui de la Walkyrie par exemple qui parle au nom du « peuple de France », une double abstraction qui vient combler un abîme rhétorique, simuler une consistance. - Le « peuple de France », voyons, ça ne mange pas de pain !


Ce sont des gens qui ont parlé toute leur vie, comme avocat, enseignant, militant puis responsable politique. Ils ne savent ni ce que ça fait d'être subalterne ni ce que ça fait de trimer dans un boulot stupide : d'encaisser une condition non choisie pour une banale histoire de survie dans un monde brutal sous le coup de l'horreur économique. - Non, ils ne savent pas ce que ça fait !


Ce sont des gens qui vous expliquent le monde, celui dont ils profitent : ils vous expliquent ce qu'il faut que vous fassiez pour qu'ils puissent en profiter longtemps encore. - Mais écoutez-les donc sans aucune gêne vous expliquer le monde !



Que faut-il faire ? Et que penser ? Nous sommes si désorientés, la paye est si mauvaise, ils sont si nombreux à convoiter notre place de larbin. - Et pendant ce temps-là, ça parle, ça parle, ça parle !


Aucun silence, surtout pas de  « blanc » : lorsque le public est lassé par les beaux discours, les idées généreuses, les explications du monde, il faut le faire rire, l'amuser, le divertir. Car si on ne remplissait pas toutes les niches, toutes les cases, si on n'accaparait pas tout son temps « libre », il pourrait se mettre à réfléchir. - Et quand le larbin commence à avoir des idées personnelles, voyons, ça nuit à la bonne marche des affaires !


samedi 6 septembre 2014

Poubellisation

On a du mal, quelquefois, à comprendre ce qui suscite l'intérêt des gens : si du temps de Carla et Nicolas, on subissait déjà la pipolisation - lire : personnalisation - de la vie politique, et ce après une longue phase de guignolisation, nous voici arrivés, au plus tard depuis l'épisode du Sofitel de New York, au stade de la poubellisation de la politique, où la trash-attitude occupe résolument le devant de la scène...

200.000 exemplaires ! - Tout le monde doit l'avoir lu, puisqu'il faut en parler et que l'on ne peut en parler sans l'avoir lu...

Et nous sommes si naïfs : tout ça est si spontané, personne ne devrait en profiter, pas de coups en-dessous de la ceinture, tout est normal, et vogue la galère !

Comme il paraît que nous vivons dans une « société de l'information », les gens ont l'impression d'être – virtuellement – informés sur tout. Or, nous assistons surtout à la plus grosse entreprise de désinformation qui soit : la subjectivité y règne en maîtresse absolue, l'opinion, le « sentiment », le « jugement » saturent tous les réseaux...

Ici, c'est surtout le « devoir de réserve » qui part dans le caniveau : impensable, naguère, de divulguer des secrets d'alcôve lorsqu'on a été locataire du « Palais ». Et la pudeur ? - Comment peut-on en arriver à exhiber son « intimité » et surtout celle d'un chef d'État en exercice devant la Nation tout entière ?

Il est évident que tout journaliste qu'elle est, elle n'a pas écrit son bouquin toute seule, la moindre des prudences exigeant le recours aux services d'un conseil juridique. Partant de là, la possibilité d'un « téléguidage » n'est plus complètement absurde, d'autant qu'elle paraît suffisamment aveuglée par ses propres sentiments et donc inconsciente au point de ne pas se rendre compte d'une possible manipulation ou utilisation de sa personne : une proie idéale !