vendredi 22 juin 2007

[France 2007] Fin de partie

France 2007

Fin de partie
(mardi 12 juin 2007)


Vers 18 h, dimanche dernier, 10 juin 2007,  la radio (RTL, France Inter) annonçait plus de 50% d’abstentions au premier tour des Législatives. Puis, vers 21 h, la télévision (France 2) faisait retomber ce chiffre à 39%. Il faut croire qu’il y a 11% de « vote-tard » en France. Peut-être certains d’entre eux, qui ne seraient pas allés voter du tout, se sont-ils précipités dans les isoloirs sur la seule foi de cette annonce inquiétante à l’heure de l’apéro. Mais les quelque 60% de votants annoncés le lundi 11 juin au matin sont tout de même peu nombreux, comparés au 83% qui se sont déplacés le 22 avril. Et qui, en majorité (à 55%), avaient voté pour François Bayrou, Ségolène Royal ou un(e) candidat(e) d’extrême-gauche. C’est-à-dire contre Nicolas Sarkozy, qui a pourtant recueilli 53% des suffrages le 6 mai 2007 (voir ci-dessus). Or, ce dimanche 10 juin 2007, quelque 23% des électeurs qui ont répondu présent aux Présidentielles ne se sont pas dérangés. Ces « vote-une-fois-sur-deux », dont les « instituts d’opinion » auront très vite dressé le portrait robot, auraient-ils pu contrer ou tempérer cette « vague », ce « raz-de-marée », ce « tsunami » sarkoziste annoncés à coups de marteau par les médias puis accomplis par la partie  « docile » de l’électorat qu’il faut actuellement estimer à 60% ? Les 23% d’électeurs « indociles » sont-ils quant à eux apparentés à la foule d’« indécis » dont il a été beaucoup question au cours de la campagne présidentielle ? En tout cas, on constate un phénomène de déstabilisation, ou de désorientation, associés à une évidente lassitude au sein de l’électorat français. Déstabilisation avec ce « gouvernement d’ouverture » mis en place par le président Sarkozy. Désorientation avec le brouillage de la ligne de démarcation traditionnelle entre la droite et la gauche. Lassitude avec ces élections à répétition, cet « électhon » français, cette parade incessante de polémiqueurs et de commentateurs, mais surtout ces résultats annoncés, martelés à coups de sondages et, dans le cas des Législatives, le verrouillage de l’expression démocratique par un mode de scrutin aussi dépassé que le découpage des circonscriptions, qui élimine notamment ce que l’on appelle les « extrêmes », comme par exemple le Front National dont la très grande majorité a « voté utile » en plébiscitant Nicolas Sarkozy. Mais les 18% d’électeurs « centristes » qui ont voté François Bayrou devraient également être en proie à une certaine forme d’écœurement, quand ils constatent l’utilisation sarkozienne de leur idée maîtresse avec la soi-disant « ouverture », qu’il faut surtout considérer comme un « coup » opportuniste, et le score ou encore le nombre de députés que les Législatives réservent à François Bayrou, après le fameux « ralliement » au « camp adverse » de certains de ses « alliés » de naguère. Sans parler de la gauche anti-libérale, quasi obligée de soutenir une alliance entre le PS et le PC, réclamée par le mode de scrutin et le découpage des circonscriptions basé sur le recensement de 1982. Toutefois, si la vie peut changer en 25 ans (à l’image des données démographiques ou sociologiques), certaines choses semblent avoir une propension à passer du pareil au même avec une ponctualité et une constance proprement effrayantes. Ce qui peut finir par lasser au moins 23% des électeurs français que l’on ne peut plus raisonnablement situer dans un camp ou un autre, aux extrêmes ou au centre, mais qui sans doute préfèrent l’école buissonnière, les dimanches à la campagne ou les promenades en ville à une participation « citoyenne » qu’ils n’ont peut-être pas tort de considérer, dans l’état actuel des choses, comme une mascarade traversée d’un ennui mortel. Ce qui est le cas de le dire.


 Législatives 2007, résultats du premier tour

Nombre
% Inscrits
Inscrits
43 896 043
100,00
Abstentions
17 374 219
39,58
Votants
26 521 824
60,42

Nombre
% Votants
Blancs ou Nuls
495 358
1,87
Exprimés
26 026 466
98,13



Voix
% Exprimés
  Extrême gauche
888 234
3,41
  Communiste
1 115 663
4,29
  Socialiste
6 436 521
24,73
  Radical de gauche
343 565
1,32
  Divers gauche
513 407
1,97
  Les Verts
845 977
3,25
  Écologiste
208 477
0,80
  Régionaliste
133 473
0,51
  Chasse Pêche Nature Traditions
213 427
0,82
  Divers
267 755
1,03
  UDF- Mouvement Démocrate
1 981 107
7,61
  Majorité présidentielle
616 440
2,37
  Union pour un Mouvement Populaire
10 289 732
39,54
  Mouvement pour la France  
312 581
1,20
  Divers droite
641 842
2,47
  Front national
1 116 136
4,29
  Extrême droite
102 124
0,39

source : ministère de l’Intérieur
Commentaire succinct
Si l’on s’amuse à additionner les voix des différentes gauches, des écologistes et du "MoDem", on atteint tout de même 47,63% des voix exprimées, ce qui semblerait alors correspondre à la force réelle de l’opposition politique actuelle en France. Le problème, soulevé plus haut, reste celui des 23% d’électeurs qui, contrairement au scrutin présidentiel, ne se sont pas déplacés pour les Législatives. Si l’on considère que, lors du premier tour des Présidentielles, cette "opposition" totalisait 55% des voix exprimées (voir ci-dessus), on peut commencer à se poser des questions. Toujours est-il que l’histoire du "raz-de-marée sarkoziste" ou de la "vague bleue" paraît quelque peu "abracabradantesque", pour reprendre le mot du désormais ancien président de la République. Et comme le désormais actuel président de la République dispose lui aussi de ces chiffres et que l’on peut lui concéder la même capacité d’analyse, son "gouvernement d’ouverture" n’est absolument pas du luxe. Ce qui, une fois encore, est le cas de le dire.

Législatives 2007, résultats du second tour(mardi 19 juin 2007)



Inscrits
35 223 520
Votants
21 132 355
Abstentions
40%
Blancs ou nuls
3,43%
Exprimés
20 406 733



Suffrages
exprimés
Nombre de
député(e)s
UMP (& apparentés)
47,79%
323
PSLE
1,77%
20
Extrême droite
0,08%
0
TOTAL DROITE
49,64%
343



PS (& apparentés)
46,06%
205
PC (& apparentés)
2,74%
18
Verts
0,45%
4
TOTAL GAUCHE
49,25%
227
MoDem
0,57%
4
Divers
0,55%
3
Source : Le Monde, daté du mardi 19 juin 2007

Commentaire succinct


On peut être surpris par le fait, encore peu commenté, que la droite et la gauche fassent pratiquement jeu égal en termes de suffrages exprimés (49,64% vs. 49,25%) et qu’aucune de ces deux coalitions n’obtienne la majorité absolue dans ce registre. De plus, si un tel mode de scrutin faisait autorité pour constituer le nouveau parlement français, tout dépendrait des scores (plutôt dérisoires) du Modem et de l’attitude des «Divers » pour réunir une majorité au parlement, qui serait alors très précaire si l’on y ajoute les changements de camp toujours possibles et, d’une certaine manière, « mis à la mode » par le nouveau président français qui, dans un tel cas de figure, aurait tout le mal du monde à gouverner comme il l’entend, ou comme il l’a laissé entendre au cours des campagnes présidentielle, puis législative avec son « gouvernement d’ouverture » (« Fillon 1 »), dont la formation ne l’a pas empêché d’essuyer un premier revers avec l’accueil hostile fait à son projet d’une « TVA sociale ».
Toutefois, le mode d’élection (et de sélection) des députés étant ce qu’il est en France, les choses ne se passeront pas ainsi, puisque la majorité présidentielle peut compter dès à présent sur 343 député(e)s (contre 227 parlementaires d’opposition) pour mettre en pratique son projet gouvernemental, quel que celui-ci puisse d’ailleurs être, car la détermination ne semble pas, pour l’instant, le point fort du nouveau pouvoir, comme le montre son recul en ce qui concerne la TVA sociale, recul qui ne pourrait d’ailleurs être que provisoire. Cependant, la « vague bleue » n’a pas déferlé à la hauteur escomptée par les sondeurs et commentateurs « amis du pouvoir » pour reprendre l’expression de Mme Royal. D’ailleurs, il est fort possible que l’électorat français ait voulu « marquer le coup » face à ce rabâchage incessant et démontrer aux « faiseurs d’opinion » médiatiques qu’il n’accepterait pas que ces derniers se permettent de voter à sa place ou d’anticiper d’une manière peu démocratique et sans gêne le « verdict des urnes ». 


- FIN -