Affichage des articles dont le libellé est Libye. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Libye. Afficher tous les articles

jeudi 4 août 2011

Que devient le "Printemps Arabe" ?


La Syrie reste sourde aux alertes de la communauté internationale  (Le Monde)
Au lendemain de l'une des plus sanglantes journées depuis le début, à la mi-mars, du mouvement de protestation contre Bachar Al-Assad, Européens et Américains ont tenté, sans succès, lundi 1er août, d'obtenir une condamnation de Damas au Conseil de sécurité de l'ONU. Environ 140 personnes ont été tuées dimanche, principalement dans la ville de Hama, l'un des bastions de la contestation, et 24 autres lundi, selon des défenseurs des droits de l'homme syriens.

Ultime ironie pour l'ancien compagnon de route de Kadhafi, c'est aux mains des rebelles qu'il avait rejoints dès les premiers jours qu'Abdel Fatah Younès, le chef militaire de l'insurrection libyenne, semble avoir trouvé la mort, à en croire un ministre rebelle. Rappelé de la région de Brega, où ses troupes peinent toujours à prendre le dessus sur les forces loyalistes, le général Younès, ancien ministre de l'Intérieur de Kadhafi, a été assassiné en arrivant jeudi soir à Benghazi. Deux autres responsables militaires qui l'accompagnaient, Mohammed Khamis et Nasser Madhour, ont également péri dans l'attaque.

Un fils Kadhafi assure que sa famille a conclu un pacte avec les islamistes (TV5 / AFP - 4/08/11)
Seif al-Islam Kadhafi, l'un des fils du dirigeant libyen, a déclaré mercredi dans la presse américaine que sa famille avait scellé une alliance avec les rebelles islamistes du pays pour en finir avec l'opposition laïque qui réclame le départ de son père.

jeudi 28 avril 2011

[Libye 2011] Vers une guerre civile sans fin ? (5)


~  note commencée le lundi 25, actualisée les mardi 26, mercredi 27 et jeudi 28 avril 2011 ~


Flux d'actualité [Al Jazeera] [Guardian] [libyafeb17] [Almanara Media]




TRIPOLI. - Peu après minuit, deux missiles au moins ont frappé deux immeubles situés dans le complexe du colonel K. de Bab al-Aziziya, comme le rapporte la correspondante du Guardian. L'un d'eux, un bâtiment à plusieurs étages qui abrite également une bibliothèque où le colonel, paraît-il, aimait à lire, s'est effondré. L'autre, destiné à recevoir les délégations étrangères, est sévèrement endommagé. La correspondante ajoute que le nombre des blessés légers varie de 0 à 45 et que l'on ignore le lieu où se trouvait le colonel K. - Le régime parle quant à lui de 45 blessés, dont 15 graves, et estime que l'attaque visait à tuer le leader. De son côté, Saif al-Islam Kadhafi déclare : "Le bombardement qui a visé les bureaux de Mouammar Kadhafi aujourd'hui... n'effrayera que les enfants. C'est impossible qu'il puisse nous faire peur ou nous pousser à abandonner et hisser le drapeau blanc. Vous, l'OTAN, menez une bataille perdue parce que vous êtes soutenus par des traitres et des espions. L'Histoire a prouvé qu'aucun État ne peut s'en remettre à eux pour vaincre." En fin d'après-midi, un porte-parole du régime déclare à Reuters que trois personnes ont été tuées par le raid de l'OTAN, mais que le colonel K. était "en sécurité" et "de bonne humeur". (sources via Guardian)



MISRATA. - Le retrait de l'armée libyenne annoncé par le gouvernement, qui avait déclaré que les tribus prendraient le relais, n'a été qu'un leurre. Ces dernières douze heures 30 morts et 60 blessés ont été comptés par Ahmed al-Qadi, qui travaille dans une radio "pirate" de Misrata. Il parle d'un pilonnage intensif de zones résidentielles et dit que des corps carbonisés ont été amenés à l'hôpital. Se trouvant actuellement en Libye, la correspondante du Sunday Times, Hala Jabar, a mis en ligne la photo insoutenable d'un de ces corps en précisant que "tout le monde doit la voir". Ayant pris le parti de ne pas montrer de telles images dans ces pages, je me contente d'en donner le lien [ici]. Voici encore quelques tweets de Hala Jabar, qui témoignent de l'horreur vécue par les habitants [@] : "Rapport de médecin : 'famille arrivée -- bébés carbonisés, mère, père. Ils étaient dans leur voiture'." - "Les gens endormis chez eux quand les FK [forces de Kadhafi] ont lancé des attaques au mortier sans discrimination. Les Chababs [jeunes combattants] incapables d'emmener les morts qui brûlent encore." - "La tête d'un bébé amenée sans son torse. Une famille carbonisée, brûlée à tel point qu'elle a dû être placée dans le même sac." (sources via Guardian)



SYRIE. - Alors que les nouvelles du pays sont toujours aussi ténues et difficiles à vérifier puisque les reporters étrangers ne sont pas autorisés à y travailler, on apprend que les frontières avec la Jordanie sont à présent fermées et que les téléphones sont coupés à Deraa depuis minuit. Des rapports émanant de cette ville du Sud, et de Douma en banlieue de Damas, parlent d'une vague d'arrestations et de coups de force du régime, qui utilise des tanks à Deraa, où entre 9 et 18 morts sont signalés, et des snipers à Douma pour terroriser la population. Dans cette dernière ville, un commandant de l'armée aurait pris le parti des habitants qu'il entendait protéger des snipers, une initiative qui se serait soldée par son arrestation. D'autres défections dans les rangs des militaires ont été rapportés, mais une observatrice du Guardian à Damas, Katherine Marsh, estime que l'armée restera fidèle au président al-Assad puisque ses membres sont recrutés de préférence dans sa "secte des Alaouites", une branche du chiisme. - On dénombre également treize morts à Jableh près de Banias depuis hier. (sources via Guardian) - Dans l'après-midi, le Nouvel Observateur relaye une dépêche de l'AFP rapportant les propos d'un militant des droits humains au téléphone [sans doute avec une carte SIM jordanienne], qui parle de la situation catastrophique à Deraa [ici] : "au moins 25 martyrs sont tombés, tués par les tirs et le pilonnage à l'artillerie lourde", après l'entrée avant l'aube de l'armée et des forces de sécurité dans la ville, appuyées par des chars et des blindés. - Il a ajouté que des corps étaient "toujours dans la rue". - Le militant a précisé que la ville était soumise dans l'après-midi "à un pilonnage intensif à l'artillerie lourde et aux mitrailleuses... - Des snipers ont pris position sur les toits et les chars sont dans le centre-ville", a-t-il ajouté. - D'autres sources de l'AFP parlent de 3000 hommes des forces de sécurité qui ont déferlé sur la ville. - L'hebdomadaire français rapporte également une réaction de l'ONU : La Haut commissaire des Nations unies aux droits de l'Homme, Navi Pillay, a demandé lundi "l'arrêt immédiat des tueries en Syrie", jugeant "inacceptable" la "réaction erratique et violente" du gouvernement syrien face à "des manifestants pacifiques".



Les événements syriens prennent à présent un tour aussi brutal et sanglant qu'en Libye. Après quelques annonces apparemment rhétoriques, comme la levée de l'état d'urgence et des lois d'exception en vigueur depuis 1963, le régime montre son visage barbare à ceux qui pouvaient encore douter de sa vraie nature en envoyant son armée, ses "forces de sécurité" et sa police "secrète" assassiner la population et arrêter les opposants, dont on peut imaginer le sort dans les geôles d'un État totalitaire. - Et dans cette histoire, il ne faudra pas s'attendre à une résolution de l'ONU autorisant une intervention pour arrêter le massacre. Avec le droit de véto de la Chine et de la Russie, on se demande d'ailleurs comment la résolution 1973 sur la Libye a pu passer au Conseil de sécurité. Hormis la réticence de ces deux grandes puissances à toute "politique d'ingérence", d'autres raisons peuvent être invoquées : Bien sûr, dira-t-on avec une pointe de cynisme, les réserves pétrolières de Syrie constituent une "quantité négligeable" sur le marché mondial. Il y a aussi la proximité de l'Iran et d'Israël qui font d'une intervention militaire conduite par l'Occident une opération à haut risque. Et on entend évidemment préserver cette fameuse "stabilité" de la région qui recèle les plus importants gisements de pétrole au monde, même si la Syrie n'en détient qu'une part très modeste. Enfin, on peut penser aux opérations en cours qui ne sont pas, loin s'en faut, couronnés de succès : En Afghanistan et en Irak, on "gère le chaos" comme on peut, et en Libye, on se dirige également vers une situation bloquée, si l'on n'y est pas déjà. Il faut ajouter que les opérations militaires engloutissent des sommes énormes, alors que les dettes de la plupart des pays "développés" se comptent  désormais en billions (mille milliards) d'euros.



TUNISIE. - A l'heure où la France, par la bouche du conseiller spécial du président Sarkozy, Henri Guaino, plaide pour une modification de "l'espace Schengen" pour maîtriser le flux migratoire en provenance de Tunisie, ce pays affronte l'affluence des réfugiés en provenance des montagnes de l'Ouest, pilonnée sans relâche par l'armée libyenne. Libyafeb17 relaye ce soir une dépêche de Reuters qui estime à 30.000 le nombre de Libyens qui fuient le massacre orchestré par leur propre gouvernement. Ils viennent s'ajouter à la première vague de réfugiés qui n'ont pas encore été évacués ou qui ne savent pas où aller. Si l'on considère que le gouvernement tunisien n'a pour l'heure formulé aucune plainte et semble considérer comme normal d'aider les gens en détresse, l'attitude du gouvernement français, si prompt à déclarer la guerre pour "protéger les civils", est à proprement parler lamentable. Car s'y reflète cette ambiguïté occidentale qui, jadis, fit dire aux premiers habitants d'Amérique, dépités par les promesses non tenues, que "les visages pâles ont la langue fourchue".



YEMEN. - Alors que l'on annonce de nouveaux morts et blessés dans les manifestations à Taïz, Ibb et dans la région d'al-Baïda, la transition du pouvoir semble en bonne voie ce soir puisque l'opposition  emboîte le pas au président Saleh en donnant lui aussi son "accord au plan de sortie de crise proposé par le Conseil de coopération du Golfe (CCG)", comme l'écrit Le Monde [ici] qui rappelle que ce plan "prévoit un transfert du pouvoir en trois mois. Les six États membres du CCG, alliance régionale militaire et politique, demandent au président Saleh de remettre les rênes du pays à son vice-président dans le délai d'un mois après la signature d'un accord. Un responsable de l'opposition devrait prendre la tête d'un gouvernement intérimaire chargé de préparer l'élection présidentielle deux mois plus tard. - Le projet accorde l'immunité à M. Saleh, à sa famille et à ses conseillers, qui ne pourraient pas faire l'objet de poursuites judiciaires comme le réclament leurs adversaires."

dimanche 24 avril 2011

[Libye 2011] Vers une guerre civile sans fin ? (4)


note commencée le jeudi 21, actualisée les vendredi 22, samedi 23 et dimanche 24 avril 2011 ~

Flux d'actualité [Al Jazeera] [Guardian] [libyafeb17] [Almanara Media]

Chris Hondros : Insurgé à Ajdabiya (photo : getty via guardian)

FRONTIÈRE TUNISIENNE. - Alors qu'un grand nombre de personnes continuent de fuir les zones de combat dans les montagnes de l'Ouest pour la Tunisie, Al Jazeera rapporte que les insurgés ont pris le contrôle du poste frontière de Wazin, à 200 km au Sud du passage principal de Ras Jedir près de la côte. - Un peu plus tard, le Guardian reprend un communiqué de l'agence TAP (via Reuters) qui annonce que treize soldats et officiers, dont un général, des forces loyalistes se sont rendus à l'armée tunisienne après des affrontements avec les combattants insurgés. Un correspondant d'Al Jazeera Arabic avait auparavant parlé d'une centaine d'éléments kadhafistes à s'être constitués prisonniers de l'autre côté de la frontière. - Puis l'AFP rapporte (via libyafeb17) que quelque 150 à 200 soldats de Kadhafi ont abandonné leurs armes et se sont enfuis en Tunisie.

ENLISEMENT. - De plus en plus d'observateurs considèrent que la guerre ne peut être gagnée par l'insurrection. Cantonnés à Ajdabiya face aux kadhafistes enterrés à Brega, les insurgés ont  peu de chances de faire bouger le front de l'Est de façon significative. S'ils paraissent mieux organisés qu'au début des combats, ils ne disposent pas de l'armement adéquat qui leur permettrait d'avancer sur Syrte ou Misrata. Et si la couverture aérienne de l'OTAN peut empêcher la progression des loyalistes vers Benghazi, elle n'est pas à même de les déloger des villes. - La seule option qui pourrait débloquer la situation militaire est une intervention terrestre de la Coalition. Or, les dirigeants occidentaux ne cessent de répéter qu'elle est exclue, si l'on excepte les quelques éléments des forces spéciales qui opèrent sur le terrain, les trois dizaines de conseillers militaires envoyés à Benghazi et peut-être telle ou telle unité armée appelée à protéger les convois humanitaires à Misrata, qui ne serait cependant pas autorisée à engager les combats.

APRÈS LE DRAPEAU, LE ROI ? - Exilé depuis 1988 à Londres, Mohammed al-Sanussi [ou El Senoussi], le prétendant au trône de Libye âgé de 48 ans, se déclare prêt à aider son pays. Le blog bruxellois du Wall Street Journal cite ses propos [ici] : "Que le peuple veuille la monarchie constitutionnelle ou la république, je ferai de mon mieux".  Le rédacteur, John W. Miller, résume le sens de cette déclaration : "En d'autres termes, si on lui demandait d'être roi, il dirait oui". Le fait que l'insurrection ait choisi comme emblème l'ancien drapeau de la monarchie lui donne peut-être des idées ? - M. al-Sanussi ajoute toutefois qu'il aiderait l'opposition à organiser “des élections libres et équitables", sa "tâche étant de servir le peuple".

 Idris Ier, roi de Libye (1951-1969), et son petit-neveu Mohammed, prétendant au trône

CHRIS HONDOS. - Dans cette vidéo, le photographe de guerre, qui a succombé hier à ses blessures dans la ville de Misrata, commente son travail et explique les raisons qui l'ont conduit à persévérer dans sa voie  :


mercredi 20 avril 2011

[Libye 2011] Vers une guerre civile sans fin ? (3)


~ note commencée le dimanche 17, actualisée les lundi 18, mardi 19 et mercredi 20 avril 2011 ~

Flux d'actualité [Al Jazeera] [libyafeb17] [Almanara Media]

BILAN. - Voilà deux mois que la Révolution du 17 Février a commencé en Libye et pratiquement un mois que la Coalition internationale y mène des opérations aériennes. Dans un premier temps, les bombardements alliés ont empêché la prise imminente de Benghazi et permis aux troupes insurgées d'avancer sur Syrte. Puis l'armée du colonel K., supérieure à tous les niveaux (armement, stratégie, entraînement des soldats ...), a mené une contre-offensive, repoussant les rebelles encore une fois jusqu'à Ajdabiya. Pendant ce temps, les pilonnages kadhafistes sur Misrata et dans les montagnes de l'Ouest se poursuivent sans que l'aviation de l'OTAN puisse y mettre fin. - Depuis quelque temps, on parle d' "enlisement" ("stalemate") pour décrire la situation militaire. Et toutes les tentatives pour amener les deux parties autour d'une table de négociation et parvenir à un cessez-le-feu ont échoué. Bien que l'expression soit encore évitée au possible, la Libye est bien en proie à une "guerre civile". Si tant est que l'unité du pays est intangible aux yeux des deux camps, la réconciliation après un tel épisode brutal et sanglant paraît très difficile. Reste alors la sécession de la Cyrénaique déjà évoquée à plusieurs reprises dans ces pages, mais qui semble hors de propos dans toutes les discussions menées sur l'avenir de la Libye. En effet, elle constituerait un demi-échec pour les trois parties engagées dans le conflit : l'Occident et les quelques pays arabes qui soutiennent les opérations militaires se verraient à nouveau contraints de "faire avec" le colonel K. sur la scène internationale et n'auraient pas réussi à faire plier le régime malgré leur impressionnante supériorité militaire et tout l'éventail des sanctions à son encontre ; les Libyens de l'Est seraient coupés de leurs familles et des ressources à l'Ouest, mais devraient également abandonner les populations de Misrata et de Zintan à leur sort ; et le colonel K. n'incarnerait plus l'unité du pays, mais se sera révélé comme un massacreur sans scrupules, mis définitivement au ban de la communauté internationale après tous ses efforts pour s'y faire accepter à nouveau. - Voici un rapide point sur la situation fait par BFM ce dimanche :


AJDABIYA. - Reuters écrit cet après-midi [ici] : Un témoin a indiqué avoir vu une dizaine de roquettes lancées sur l'entrée ouest d'Ajdabiah... - "Il reste encore quelques hommes (rebelles) près de l'entrée ouest mais la situation n'est pas bonne", a déclaré un des rebelles, Ouassim el Agouri, âgé de 25 ans, près de la porte est. - Samedi, des rebelles étaient parvenus à atteindre les faubourgs de Brega mais, après la mort de six rebelles touchés par des roquettes, ils ont dû battre en retraite et se réfugier à Ajdabiah. - La ligne de front orientale est difficile à déterminer avec précision en raison de la nature des combats, en forme de harcèlement, de pilonnages venus de loin et de la tendance grandissante des pro-Kadhafi à préparer des embuscades contre les rebelles le long de la route côtière.

SAIF AL-ISLAM KADHAFI. - Une nouvelle interview du fils du colonel K. a paru ce dimanche dans le Washington Post [ici]. Il continue de qualifier les rebelles de terroristes (Al-Qaida) et de criminels. Il estime que le seul "problème", c'est Benghazi qui sera "libérée par son propre peuple". Il pense que la démocratie n'est plus la "priorité" des gens qui veulent "la paix, la sécurité, à manger, à boire... des écoles". D'ailleurs quand il parlait "de constitution, de liberté, de démocratie" au cours de "ces dix dernières années", on lui "riait au nez" en disant : "nous voulons de belles maisons, nous voulons du bon argent, nous voulons de bons hôpitaux, nous voulons de bonnes voitures, nous voulons de bons hôtels". - Et si son père quittait le pays ? Réponse : "Somalie, deuxième acte. Tout le monde le sait". - L'entretien se conclut sur ces paroles : "Le cas de la Libye est très simple, il n'y a aucune difficulté, cela peut se résoudre très facilement. Mais si vous arrivez en disant que Kadhafi doit partir, vous compliquez la chose pour tout le monde. Alors ou bien vous voulez aider la Libye ou bien vous voulez détruire Kadhafi, vous devez choisir. Si vous voulez détruire Kadhafi, d'accord... mais ne dites pas 'je veux aider la Libye'. S'il vous plaît, ne le dites pas ... - Actuellement, la personne la plus importante en Libye, c'est le Premier ministre. Demandez à n'importe quel Libyen, [c'est] le Premier ministre. Mon père ne discute pas de contrats, de lois, d'entreprises, d'affaires... c'est le travail de l'exécutif, c'est le travail du Premier ministre. Il est la personne la plus importante en Libye, et la nouvelle Constitution prévoit un Premier ministre élu, ainsi qu'un Président élu. Mon père est comme un symbole du pays, il est symbolique... Mais ils en ont après Kadhafi, alors nous allons tous nous battre pour lui, c'est une mauvaise approche."

samedi 16 avril 2011

[Libye 2011] Vers une guerre civile sans fin ? (2)


~ note commencée le mercredi 13, actualisée les jeudi 14, vendredi 15 et samedi 16 avril 2011 ~

Flux d'actualité [Guardian] [Al Jazeera] [libyafeb17] [Almanara Media]

DIPLOMATIE. - Rencontre des ministres des Affaires étrangères du "groupe de contact" sur la Libye ce mercredi à Doha en présence de représentants du Conseil libyen de Transition (CNT). - Mousssa Koussa, l'ancien diplomate et espion en chef de Libye réfugié à Londres, qui a été autorisé à se rendre lui aussi au Qatar - "c'est un homme libre", a déclaré William Hague - ne participera pas directement à la réunion, mais mènera, semble-t-il, des discussions "en coulisses". - L'intérêt de la rencontre n'est pas très clair puisque le CNT refuse toute négociation avec le régime libyen tant que le clan Kadhafi reste au pouvoir. Et celui-ci n'a apparemment aucune intention de le quitter. De même, un cessez-le-feu n'est acceptable pour le CNT que si le régime retire ses troupes des villes occupées, et notamment de Misrata, ce que Tripoli a déjà refusé de faire.

MISRATA. - De nouvelles images en provenance de la ville martyre, tournées par une équipe de la chaîne britannique ITV, qui a rejoint Misrata par la mer [ici]. Au début du sujet, une carte montre le partage de la ville en deux zones. Une plan détaillé avec des légendes en anglais a été mis en ligne par libyafeb17 [ici]. Le reportage diffusé le 11 avril se conclut par un bombardement d'une aire de jeux, où l'un de enfants touchés ne survivra pas à ses blessures : ces images sont difficiles à supporter ...


INFORMATIONS. -  Aucune d'elles n'est neutre : Le mouvement de jeunesse libyen (libyafeb17), AlManara et beaucoup de comptes Twitter militent pour la cause révolutionnaire, le Conseil de Benghazi "enjolive" souvent les informations au profit des combattants comme les médias de Tripoli les "déforment" en faveur du régime. Al Jazeera est basée au Qatar, qui joue un rôle important dans le soutien économique, logistique et militaire de l'insurrection, et la plupart des médias occidentaux ont clairement pris parti pour l'intervention de la Coalition internationale. - Nous retrouvons donc cette constellation binaire, qui a pu frapper les esprits lors de l'attaque de l'Irak en 2003 : C'est un conflit entre les "axes" du bien et du mal. - Mais cette "vision du monde" ne prend pas en compte les zones d'ombre, cette fameuse "nuit où tous les chats sont gris". Elle ne prend pas en considération la "dialectique" entre le bien et le mal qui traverse et hante les individus. Car chaque homme, pour autant qu'il est "humain", a des arrière-pensées qui touchent parfois aux "instincts" les plus "vils", dissimulés sous un masque de bonté où le sourire s'est figé. - A l'image de cet homme balloté entre ses instincts et son intelligence, les informations parlent le double langage du désir et de la raison : Moi, "l'informateur", je livre l'analyse rationnelle d'une situation dont par ailleurs, entre les lignes, je désire la "fin heureuse" que "tout le monde" espère. Plus encore qu'en Libye, cette attitude s'est illustrée en Côte d'Ivoire, où des fraudes électorales et des massacres ont été commis des deux côtés, et où une plus grande "objectivité", que les journalistes aiment à revendiquer, eût été souhaitable ...

GROUPE DE CONTACT. - Voici le communiqué final, résumé en fin d'après-midi par Al Jazeera. Les participants ont convenu des points suivants :

- Une solution politique est le seul moyen de garantir une paix durable en Libye ; le groupe réaffirme son engagement fort pour la souveraineté, l'indépendance, l'intégrité territoriale et l'unité nationale de la Libye.
- La présence prolongée de Kadhafi serait un obstacle à toute résolution de la crise.
- Il est nécessaire de surveiller toute menace potentielle émanant d' "éléments extrémistes" qui pourraient chercher à profiter de la situation en Libye.
- Il est à noter que le régime de Kadhafi s'affaiblit à mesure que ses membres le quittent.
- Il faut soutenir les efforts de l'ONU pour aider le peuple libyen à développer un programme de transition politique, un processus constitutionnel et électoral.
- Il s'agit de continuer à fournir de l'assistance à l'opposition, y compris des aides matérielles et humanitaires.
- Un  mécanisme financier [fonds] temporaire pourra permettre à la communauté internationale de subvenir aux besoins financiers et structurels à court terme en Libye.
- 3,6 millions de personnes pourraient avoir besoin d'assistance humanitaire.

MOUSTAFA ABDEL JALIL. - Le président du Conseil national de transition (CNT) a publié une courte tribune dans Le Monde, datée du 12 avril et intitulée La liberté a besoin de temps [ici]. En voici un extrait significatif : ... Nous ne demandons pas que l'on fasse la guerre en notre lieu et place. Nous ne demandons pas à des soldats étrangers de venir contenir l'ennemi. Nous n'attendons pas que les amis de la Libye libèrent notre pays pour nous. Nous demandons que l'on nous accorde le temps et les moyens de constituer une force qui tiendra en respect les mercenaires et les prétoriens du dictateur puis libérera nos villes. - La communauté internationale, sauf à se déjuger, doit continuer à nous venir en aide, pas seulement grâce aux avions mais aussi sous forme d'équipements et d'armements. Qu'on nous octroie les moyens de nous libérer, et nous étonnerons le monde : Kadhafi n'est fort que de notre jeunesse et de notre faiblesse de départ ; c'est un tigre de papier ; attendez, et vous verrez. ...

CHAMPS DE BATAILLE. - Ce soir, le quotidien français fait le point sur la situation militaire [ici] : Si les forces rebelles ont repris la ville d'Ajdabiya, ... les unités pro-Kadhafi y maintiennent leur pression par des tirs d'artillerie sporadiques. - Les deux camps se disputent toujours la route qui relie Ajdabiya au port pétrolier de Brega, qui est encore occupé en grande partie par les troupes de Kadhafi. - Deux grosses explosions ont retenti mercredi à Tripoli. Des habitants ont affirmé avoir entendu des avions survolant la capitale avant les explosions. ... - A Misrata, ... la situation est toujours critique pour les 300.000 habitants, assiégés et bombardés depuis sept semaines. L'UE envisageait l'ouverture d'un couloir humanitaire maritime sous protection militaire pour aider la population, mais les ministres européens des Affaires étrangères ne sont pas parvenus à s'entendre mardi sur les grandes lignes d'une telle opération. - D'intenses bombardements ont visé lundi les abords de la ville de Nalout, dans l'ouest, provoquant un exode important de populations vers le poste-frontière tunisien de Dehiba. - Zintan, .... toujours assiégée, continue de résister.

mardi 12 avril 2011

[Libye 2011] Vers une guerre civile sans fin ? (1)


~ note commencée le dimanche 10, actualisée les lundi 11 et mardi 12 avril 2011 ~

Flux d'actualité [Al Jazeera] [libyafeb17] [Almanara Media] [Nouvel Observateur]

AJDABIYA. - L'AFP [ici] et Reuters [] rapportent que les combats se déroulent actuellement dans cette ville stratégique, dernière place forte avant Benghazi. Et, contrairement aux annonces sans doute prématurées, faites hier par Al Manara Media, la ville pétrolière de Brega semble bien aux mains des loyalistes. Voici ce qu'écrit l'Agence France Presse : De fortes explosions ont de nouveau secoué dimanche la ville d'Ajdabiya (...), au centre de violents combats depuis samedi entre forces fidèles à Mouammar Kadhafi et rebelles ... Plusieurs pick-up des insurgés armés de mitrailleuses et de lance-roquettes se dirigeaient dimanche matin en direction de la ville, qu'ils avaient dû fuir la veille ... "Il y a des bombardements intenses en provenance de l'ouest" d'Ajdabiya depuis des positions loyalistes, a témoigné un habitant, Hafeth Zwai, joint au téléphone par l'AFP. ... - Samedi, les rebelles avaient tenté de s'approcher du site pétrolier de Brega, à 80 km à l'ouest d'Ajdabiya, avant d'être repoussés par une offensive de l'armée loyaliste. Les soldats pro-Kadhafi ont progressé jusqu'à l'ouest de la ville, obligeant les rebelles à se replier à l'est de cette ville, nœud routier desservant Benghazi au nord et Tobrouk à l'est. - De son côté, l'agence Reuters rapporte ceci : "Selon les rebelles, les forces de Kadhafi ont tué au moins quatre insurgés au cours de la deuxième journée de combats pour la ville d'Ajdabiyah. - 'J'ai vu les quatre ce matin. Ils avaient la gorge tranchée et des blessures par balle sur la poitrine, et ils ont été abandonnés sur la route. Leur voiture était également criblée de balles', a constaté un rebelle, Mohammed Saad, à un checkpoint à la sortie Est d'Ajdabiya. - ... Un autre rebelle, Muftah, dit : 'Les forces de Kadhafi sont à l'intérieur d'Ajdabiyah dans des Land Cruiser couleur sable and nous savons qu'il y a également des snipers de Kadhafi habillés en civil dans la ville.' - Près de l'entrée Est d'Ajdabiya, un reporter de Reuters a entendu des fusillades et les impacts de l'artillerie, et il a vu des colonnes de fumée noire, suggérant que les forces  de Kadhafi avancent vers le centre-ville. - Les rebelles, pour la plupart sans entraînement, ont essayé de se réorganiser et de se rééquiper, mais ils étaient incapables de conserver du terrain face aux forces solidement armés de Kadhafi dans la lutte pour Brega, la semaine dernière."

SORTIE DE CRISE. - Au cours d'une interview à paraître dans le Spiegel, le secrétaire général de l'OTAN, Anders Fogh Rasmussen, déclare qu'il n'y a "pas de solution militaire à ce conflit" [ici]. Il adopte donc la position d'une partie de l'état-major américain, exprimée auparavant. Avec les informations confidentielles et la connaissance du terrain dont l'OTAN et les USA disposent, il ne devrait pas s'agir d'un jugement hâtif. Mais pourquoi s'empresser de le rendre public ? - Lorsque les États-Unis ont émis cet avis "éclairé" par la bouche de Carter Ham, chef du U.S. Africa Command, ils "levaient déjà le pied" en Libye. Avec sa déclaration, M. Rasmussen prévient-il que l'OTAN pourrait en faire autant ? - Sans doute pas, car la conséquence immédiate serait la "victoire militaire" de l'armée loyaliste et le bain de sang promis, qui avait conduit le Conseil de Sécurité de l'ONU à adopter la résolution 1973. - Devant le manque d'équipement, l'absence de stratégie et l'inexpérience de l'insurrection, c'est surtout la couverture aérienne de l'OTAN qui empêche une "solution militaire" de ce "conflit". Dès lors, que faut-il faire ? La zone de non-vol ne peut pas être maintenue indéfiniment. Et, sur le front économique, tout le monde appelle de ses vœux la reprise rapide de l'exploitation du pétrole libyen : Back to business as usual ! - Or, il me semble qu'il n'y a pas non plus de solution négociée à la "crise" libyenne. L'insurrection n'accepte un cessez-le-feu que si les loyalistes se retirent des villes qu'ils "occupent". Lesquelles ? Misrata bien sûr, les environs de Zintan sans doute, Brega et Ajdabiya assurément. Et l'opposition de Benghazi ne veut entamer des négociations sur l'avenir politique du pays que si le colonel Kadhafi et tout son clan quittent la scène. Le régime a déjà refusé les conditions du cessez-le-feu et les dirigeants ne sont pas près de renoncer au pouvoir. - Reste donc, comme je l'ai écrit précédemment, la partition du pays sous la forme d'une sécession de la Cyrénaïque, qui laisserait cependant orphelines les villes de Misrata et Zintan, toujours ardemment disputées ...

YEFREN. - Avec Zintan, Nalout et Kalaa, la ville appartient à la région des montagnes de l'Ouest, proche de la Tunisie. Reuters a pu s'entretenir avec des réfugiés de cette zone de combats et rapporte leurs témoignages [ici] : " 'Les pilonnages... visent des maisons d'habitation, des hôpitaux, des écoles', dit Mohammed de Kalaa, qui a passé la frontière tunisienne à Dehiba avec quelque 500 autres Libyens des montagnes de l'Ouest. 'Personne ne s'intéresse à cette région, qui souffre en silence', a-t-il confié à Reuters, samedi soir. - Hedi Ben Ayed ... originaire de la même ville, a dit : 'Figurez-vous qu'il n'y a plus de vie, là-bas. Les forces de Kadhafi ont utilisé du pétrole pour incendier les puits d'eau potable pour que nous ayons soif ... Croyez-moi, ses troupes ont même abattu les moutons. Vous ne devriez pas m'interroger sur le nombre des morts', a-t-il ajouté. Les dernières victimes, ce sont tous les membres d'une même famille, tués vendredi par des bombardements au hasard.' ... - ... Saïd Amrawi a dit que la menace de viol l'a fait quitter sa maison à Nalout. 'Pour être franc, il n'y a pas de bombardements à Nalout, mais j'ai peur que ma femme et mes filles se fassent violer'." - En effet, les troupes loyalistes ont fait passer le message dans la région qu'ils n'hésiteraient pas à commettre de telles exactions, parmi d'autres. - Un habitant de Yefren lance un appel au secours : "Nous ne voulons pas d'une intervention directe de l'OTAN, mais elle est nécessaire, sinon il ne restera plus personne à Yefren." - Aucune nouvelle de Zintan, dans cette dépêche de Reuters.

OTAN. - La déclaration du lieutenant-général Charles Bouchard, commandant de l'Opération Protecteur Unifié [ici].  : "La situation à Ajdabiya, et à Misrata en particulier, est désespérante pour ces Libyens qui sont pilonnés brutalement par le régime. Pour aider à protéger ces civils, nous continuons à frapper durement ces forces, avec 11 chars détruits aujourd'hui à l'approche d'Ajdabiya, et 14 chars détruits plus tôt ce matin dans les faubourgs de Misrata".

SYRIE. - L'AFP (via Le Figaro) rapporte ce soir [ici] :  Les forces de sécurité ont ouvert le feu aujourd'hui à Banias, dans le nord-ouest de la Syrie, faisant au moins trois morts, ont indiqué des témoins, alors que la tension reste forte dans le pays deux jours après des manifestations qui ont fait 26 morts à Deraa, dans le sud. - Des "tirs nourris de forces de sécurité visent depuis environ deux heures le quartier sunnite de Ras al-Nabee, où se trouve la mosquée d'Al-Rahman", centre de la contestation, ont déclaré dimanche après-midi deux témoins, précisant que les tirs provenaient du quartier d'Al-Qouz... - "Il y a au moins trois morts et douze blessés", ont indiqué à l'AFP les témoins qui ont précisé les noms des morts. "C'est un véritable massacre, il y a des snipers qui tirent pour tuer", a dit l'un d'eux.

FEUILLE DE ROUTE. - Avant de se rendre demain à Benghazi, une délégation de l'Union Africaine conduite par le président sud-africain, Jacob Zuma, est arrivée ce dimanche à Tripoli dans le but de soumettre sa feuille de route pour une "sortie de crise" au colonel K., qui  l'aurait acceptée. Anita McNaught d'Al Jazeera nous en donne les points essentiels :
1. Cessez-le-feu et protection des civils.
2. Aide humanitare pour les Libyens et les ouvriers étrangers, notamment africains.
3. Dialogue entre les deux camps.
4. Période transitionnelle ferme.
5. Des reformes politiques  "en rapport avec les aspirations du peuple libyen".

Sur la route du désert, entre Ajdabiya et Brega  (photo : reuters via al jazeera)


lundi 21 mars 2011

[Libye 2011] La guerre de Tripoli n'aura pas lieu


~ note commencée le 20, actualisée le 21 mars 2011 ~

Flux d'actualité : [Al Jazeera] [Le Monde] [Guardian] [Spiegel] [France 24]

Même si le mot continue d'être évité, nous sommes bien en guerre avec la Libye depuis samedi après-midi, 19 mars 2011. - Les attaques aériennes de la Coalition internationale sur les bases kadhafistes ont cessé vers 1:30 du matin. - 110 missiles ont déjà été envoyés sur une vingtaine de cibles différentes (non précisées).

Sur le plan diplomatique, la Chine s'est jointe à ceux qui, comme la Russie, "regrettent" l'intervention militaire. L'Union Africaine demande, quant à elle, la "cessation immédiate" des hostilités. Alors que la Turquie fait un volte-face spectaculaire en proposant son aide pour imposer la zone de non-vol en Libye, l'Algérie défend une position quelque peu ambiguë avec ce communiqué résumé cette nuit par Le Monde : L'Algérie a déclaré "prendre acte" de l'adoption de la résolution 1973, et "partager pleinement l'objectif de cessation immédiate des violences fratricides" en Libye. - "Partie prenante aux efforts de la Ligue des États arabes et de l'Union africaine, l'Algérie apportera sa contribution à tout effort de règlement visant à favoriser une réponse aux aspirations du peuple libyen frère dans le cadre du respect de sa souveraineté et de son unité et de la préservation de l'intégrité territoriale de son pays".- "L'Algérie, selon le document, réaffirme, à cet égard, qu'il revient au peuple libyen de décider par la voie du dialogue national de son devenir" et "se tient, dans ces moments difficiles, aux côtés du peuple libyen frère et continuera à lui témoigner sa solidarité".

Dans la nuit, Le Monde relaye également ce communiqué officiel : "La Libye demande une réunion d'urgence du Conseil de sécurité de l'ONU après l'agression franco-américano-britannique contre la Libye, un Etat indépendant et membre des Nations unies", a indiqué le ministère des Affaires étrangères de la Libye dans un communiqué publié dans la nuit de samedi à dimanche. - Les frappes militaires occidentales ont "visé plusieurs régions de l'ouest du pays, faisant des victimes parmi les civils et des dégâts dans des installations civiles, dont des routes, aéroports et hôpitaux", selon le ministère. - Le régime considère désormais comme "nulle la résolution 1973 instaurant une zone d'exclusion aérienne" et qu'il a par conséquent "le droit d'utiliser son aviation civile et militaire pour se défendre après que la France ait violé la zone d'exclusion aérienne", toujours selon ce texte.

Ce matin le Spiegel titre : Opération Aube de l'Odyssée - Guerre sans stratégie

[09:30] L'agence de presse italienne Ansa vient d'indiquer que l'équipage d'un navire italien était retenu à Tripoli par des hommes armés. Il s'agit d'un remorqueur de haute-mer italien, son équipage est composé de huit Italiens, deux Indiens et un Ukrainien, selon Ansa. (via Le Monde)

[09:45] Selon des journalistes de l'AFP présents sur place, les bombardements menés par la coalition internationale contre les objectifs militaires du colonel Mouammar Kadhafi ont cessé ce matin dans Tripoli et Benghazi. (in Le Monde)

[10:00] Un journaliste de Reuters annonce que des véhicules de rebelles équipés de mitrailleuses retournent actuellement vers Ajdabiya, à 160 kilomètres au sud de Benghazi. - Plusieurs dizaines de véhicules militaires calcinés jonchaient ce matin la route stratégique reliant Benghazi et Ajdabiya, dans l'est de la Libye, à la suite de frappes occidentales, a constaté un journaliste de Reuters sur place. - Au moins cinq cadavres se trouvaient à proximité. - Certains de ces véhicules étaient tellement endommagés qu'il était difficile d'en déterminer le type. Certaines carcasses avaient l'apparence de camions équipés de lance-roquettes multiples. - "Un char a été si violemment touché que la tourelle s'est détachée", a déclaré Mohamed Abbas, de Reuters. "Un porte-char, un char et un véhicule de transport de troupes sont encore fumants." - "C'est la France tout ça (...) Aujourd'hui, nous sommes venus et nous avons constaté que la route était libre", a dit un combattant rebelle, Tahir Sassi. - D'autres rebelles ont dit que ces carcasses de véhicules étaient aussi le fruit de combats au sol entre les forces de Mouammar Kadhafi et les insurgés. (via Le Monde)

samedi 19 mars 2011

[Libye 2011] ✈ Une zone d'exclusion aérienne dans le ciel de Libye ✈


~ note commencée le 18, actualisée le 19 mars 2011 ~  
(derniers développements à la fin de l'article)

Flux d'actualité : [Al Jazeera] [France 24] [Le Monde] [Guardian] [Spiegel]

[00:00] Le Conseil de Sécurité des Nations Unies a voté voici 25 minutes à New York. Avec 10 voix pour et 5 abstentions (Chine, Russie, Allemagne, Inde, Brésil),  la résolution n°1973 imposant une zone d'exclusion aérienne sur le territoire libyen et d'autres mesures nécessaires pour protéger la population civile, à l'exception d'une intervention terrestre,  vient donc d'être adoptée. [PDF anglais] [version française]

Selon un certain nombre de déclarations, la zone de non-vol pourrait être en place dans quelques heures. On devine que les militaires sont en état d'alerte maximale. Il s'agit maintenant de s'accorder, de mettre au point les derniers ajustements qui ne seront certainement pas criés sur les toits.

On peut craindre que le colonel K. prenne en otage les journalistes "invités" à Tripoli. Mais aussi qu'il prenne des mesures de rétorsion extrêmes, dont lui seul a le secret. Il a menacé de transformer la Libye en nouveau Vietnam. La situation afghane n'est pas non plus pour rassurer sur l'issue de cette confrontation, qui peut sembler "jouée d'avance". Or, aucune guerre ne l'est. Et il s'agit bien d'une déclaration de guerre (certes implicite) que les Nations Unies viennent de lancer au colonel K.

Une autre possibilité, déjà évoquée il y a quelque temps, est l'élimination pure et simple du colonel K. par son entourage. A l'image de l'empereur Néron, démis par le Sénat romain et poussé au suicide. Ce fut alors une opération de "salut public". Aujourd'hui, il suffirait de mettre le colonel aux arrêts et d'attendre la suite. Un possible massacre serait évité, et l'honneur des militaires libyens sauf.

[00:45] Une conférence de presse tenue par le vice-ministre libyen des Affaires étrangères, Khalid Kaim, vient de s'achever : Après avoir pris connaissance de la résolution de l'ONU, le régime semble disposé à collaborer avec les instances internationales pour "venir en aide" à la population civile et se dit prêt à réagir "positivement" à la décision prise par le Conseil de Sécurité. Ce n'est pas  vraiment le même son de cloche que tout à l'heure (voir, au bas de la page, l'intervention du colonel K.). - L'AFP résume d'autres propos du vice-ministre : la Libye est prête pour un cessez-le-feu contre l'insurrection, mais demande de discuter auparavant des détails de sa mise en œuvre. Il  [le vice-ministre] juge que la résolution de l'ONU menace l'unité du pays et constitue un "appel aux Libyens à s'entretuer".

[01:10] En bras de chemise, la foule exaltée dans le dos, Tony Birtley d'Al Jazeera est à bout de souffle dans la liesse  nocturne de Benghazi. Probablement est-il lui aussi content d'avoir échappé au coup de force annoncé, et désormais impossible. Personne ne le blâmera. Mais on peut s'inquiéter pour Anita McNaught, à présent à l'antenne sur la chaîne qatarie, en direct de Tripoli, où une escalade est toujours possible. - Au même moment, le Wall Street Journal, cité par libyafeb17, annonce que l'Égypte, qui a pourtant déclaré qu'elle ne participerait pas à une opération militaire, est en train de fournir en armes légères (fusils d'assaut, munitions) les combattants de l'insurrection.

 "Visage du front libyen" (al jazeera)

jeudi 17 mars 2011

[Libye 2011] Kadhafi avance sur Benghazi


~ note commencée le 14, actualisée les 15, 16 et 17 mars 2011 ~

 (image : al jazeera)

~  lundi 14 mars 2011 ~
Fils d'actualité : [Al Jazeera] [Le Monde]

Ce matin, les flux d'information et les live blogs restent focalisés sur le Japon aux prises avec une possible catastrophe nucléaire après le tremblement de terre et le tsunami de vendredi, qui risquent à présent d'entraîner une récession économique.

Si les insurgés déclarent avoir repris ce matin la ville de Brega, dont ils avaient été chassés dimanche par les troupes kadhafistes, celles-ci auraient bombardé Ajdabiya, située plus à l'Est, qui est un point stratégique pour la conquête de Benghazi. En effet, la route côtière mène ensuite à cette deuxième ville du pays, tenue par les insurgés, et une autoroute conduit également à Tobruk, dont la prise permettrait aux forces loyalistes d'encercler le fief de l'insurrection. Voici la carte routière de l'Est libyen [original] :


Il était également question, ces derniers jours, de forces kadhafistes "dormantes", prêtes à s'activer dans les villes encore contrôlées par les insurgés. - Tout semble maintenant indiquer que les forces loyalistes s'acheminent vers une victoire, tout au moins provisoire, si tant est que les puissances internationales continuent d'hésiter pour mettre en place une zone d'exclusion aérienne. Mais même sans son aviation, le colonel K. dispose de forces terrestres supérieures, et il lui reste également l'option (déjà utilisée) d'un pilonnage des villes insurgées depuis ses navires de guerre. Un débarquement de troupes par cette voie est également envisageable.

Le combat autour de Benghazi risque de faire un grand nombre de victimes, puisque 700.000 personnes vivent dans cette ville. Si les populations civiles étaient exposées massivement aux opérations militaires, une intervention internationale pourrait cependant venir à leur secours et empêcher par la même occasion la défaite complète de l'insurrection ...

À midi, Al Jazeera annonce que Khalifa Belqasim Haftar, ancien commandant de l'armée libyenne, notamment dans la guerre contre le Tchad, serait rentré au pays pour soutenir l'insurrection. - De son côté la TV publique de Libye envoie un message aux déserteurs : ils seront "pardonnés" s'ils se rendent. - Et Le Monde relaye l'information de Reuters : Les forces de Kadhafi attaquent en ce moment même la ville de Zouahara, dans l'ouest du pays ...

[14:45] Le quotidien revient sur la situation à Zouahara. Les forces fidèles à Mouammar Kadhafi ont attaqué lundi cette ville contrôlée par la rébellion et située à 120 km à l'ouest de Tripoli. - "Il y a des poches de résistance à Zouara. Les forces armées vont purger la ville", a indiqué à l'AFP une source proche des autorités libyennes sous couvert de l'anonymat. - Cette source a minimisé les combats. "Il y a quelques éléments saboteurs qui résistent. Mais rien de grave", a-t-elle ajouté, sans élaborer. - Une source de l'opposition a indiqué de son côté qu'"un bataillon de Sabratha (70 km à l'ouest de Tripoli) composé notamment d'une dizaine de chars et des 4x4 équipées de mitraillettes est en train d'attaquer la ville du côté de l'ouest".

Dans l'après-midi, les attaques aériennes sur des "positions rebelles" aux environs d'Ajdabiyha sont confirmées par Reuters.

Sur le front diplomatique, David Cameron et le Premier ministre, puis le président turcs se sont exprimés, l'un pour, les deux autres contre une intervention en Libye. Ce soir, on attend des précisions sur les réunions entre les ministres des Affaires étrangères du G-8 et les entretiens de Catherine Ashton avec des envoyés du Conseil libyen de transition ...

[19:30] Reuters relaye une information donnée par un habitant de Zouara (ou Zouahara) : les combats auraient pris fin et la ville serait maintenant sous contrôle kadhafiste.

[20:00] Les journaux télévisés et les reportages des chaînes d'information continue sont en grande partie consacrés au Japon où le risque d'une catastrophe nucléaire existe toujours. - La Libye paraît abandonnée de tous ...

On ne saura rien du G8 ce soir : conférence de presse après la réunion de demain matin. - Toutes les connections avec la Libye sont interrompues cette nuit ....

dimanche 13 mars 2011

[Libye 2011] Grandes manoeuvres diplomatiques



~ note commencée le jeudi 10, actualisée les 11, 12 et 13 mars 2011 ~
 (derniers développements à la fin de l'article)

Flux d'information : [Al Jazeera] [Guardian] [Le Monde] [France 24]

Dès hier (9-03-2011), les grandes offensives diplomatiques ont commencé : trois avions du régime kadhafiste sont partis au Caire, à Lisbonne et à Bruxelles (cette dernière destination reste à confirmer). Dans Le Monde, on peut lire : Kadhafi serait d'accord pour des contacts avec le Conseil national de transition, selon le quotidien portugais Publico jeudi, qui cite une source diplomatique, au lendemain de la rencontre du premier ministre portugais, Luis Amado [il s'agit en  fait du ministre des Affaires étrangères] , avec l'émissaire du Guide libyen, à Lisbonne. Selon cette même source, il est un peu tôt pour prendre réellement au sérieux cette proposition. Ceci étant, Luis Amado vient également de déclarer que le régime de Kadhafi est fini (Al Jazeera) - De son côté, le Conseil national de transition, sis à Benghazi, a lui aussi envoyé des émissaires en Europe, deux d'entre eux ayant été reçus pendant une heure à l'Élysée ce matin. Résultat : Paris reconnaît le Conseil national de transition comme seul  "représentant légitime" du peuple libyen, annonce l'Élysée. La France enverra un ambassadeur à Benghazi auprès du Conseil national de transition, annonce également la présidence française. (in Le Monde)

Deux pays résolument opposés à toute intervention en Libye :  La Syrie rejetant "toute forme d'ingérence étrangère dans les affaires libyennes qui constitue une violation de la souveraineté de la Libye, de son indépendance et de l'intégrité de son territoire... La Syrie suit avec une extrême inquiétude les développements tragiques en Libye" (source : ministère des Affaires étrangères, in Le Monde). Et la Russie :  Le ministre des Affaires étrangères russe, Sergueï Lavrov, a mis en garde jeudi les puissances étrangères contre toute ingérence dans les affaires de la Libye ou d'autres pays africains, réaffirmant que toute intervention militaire serait "inacceptable". - Lavrov a également jugé prématuré de débattre de la mise en place d'une zone d'exclusion aérienne au-dessus de la Libye, ajoutant que de telles propositions n'avaient pas encore été présentées devant le Conseil de sécurité de l'ONU. - Cela laisse présager que la Russie fera valoir son droit de véto lors de la réunion du Conseil de sécurité de l'ONU sur une zone d'exclusion aérienne en Libye.

Pendant ce temps, les combats font toujours rage. France 24 fait le point sur la situation à Zintan :


Une attaque de grande envergure est menée sur Ras Lanouf par les forces loyalistes. Ce matin,  l'AFP a signalé "une série de raids sur les positions rebelles" à l'Est de la ville. Vers midi, l'agence rapporte que "deux obus sont tombés sur le centre de la cité pétrolière libyenne tenue par la rébellion".  Puis, à 13h, c'est une attaque à l'artillerie contre un hôpital du centre-ville, qui a dû être évacué. À 13.45, l'AFP nous apprend que les "rebelles fuient Ras Lanouf, cible d'une attaque aux roquettes". (France 24 & Le Monde)

Al Jazeera signale également des bombardements sur Brega. Et dans la ville martyre de Zaouia, la situation reste "confuse" : les insurgés ont annoncé mercredi soir avoir repris le contrôle du centre-ville, tandis que la BBC indique jeudi matin que les forces de Kadhafi contrôlent de nouveau le quartier. (in Le Monde) 

mercredi 9 mars 2011

[Libye 2011] Le massacre du printemps

[page précédente[page suivante]

~ page commencée le dimanche 6, actualisée les 7, 8 et 9 mars 2011 ~

 (image : al jazeera)

~ dimanche 6 mars 2011 ~

Flux d'information : [Al Jazeera] [Guardian] [Le Monde] [France 24] [Der Spiegel]

Quelques titres à la mi-journée : La crainte d'une longue guerre civile augmente (Reuters) - Les troupes de Kadhafi contre-attaquent (Spiegel) - Coups de feu à Tripoli et rumeurs de positions rebelles reprises par les forces de Kadhafi (Guardian) - La France "salue la création du Conseil national libyen" (L'Express)

Les nouvelles en provenance de Libye font clairement apparaître ce que la presse nomme une "contre-offensive" du régime : après le siège et l'attaque de Zaouia, des combats violents se déroulent à Misrata et un raid aérien a été mené sur Ras Lanouf. De nouveaux affrontements ont lieu dans la petite localité de Ben Jaouad sur la route de Syrte et des avions de combat font feu sur les insurgés qui se dirigent vers l'Ouest. 

Pendant ce temps, le colonel K. poursuit sa campagne de propagande "en exclusivité mondiale" dans le JDD (accroche du journal) où il continue de rabâcher ses poncifs : Al Qaida, drogues hallucinogènes, pas de fortune ni de pouvoir personnels, aucune exaction contre la population civile etc.

Une question légitime : Quelle sera l'issue de la Révolution libyenne du 17 Février ? - Les réponses possibles varient de jour en  jour. Hier, la percée des insurgés était porteuse d'espoir. Aujourd'hui, la contre-offensive du régime est foudroyante. - Les Occidentaux interviendront-ils ? Le blocus maritime commence déjà à se mettre en place. Le bouclage de l'espace aérien serait l'affaire de quelques jours. - Mais ce serait une opération commandée par l'Otan, non par l'ONU, en raison du probable véto de la Russie. - Aujourd'hui plus qu'hier, une chose paraît acquise : sauf surprise, le colonel K. n'abandonnera pas le pouvoir sans la défaite complète de ses forces. Comme l'opposition non plus ne lâchera rien, cela signifie : une bataille "terrestre" acharnée avec d'énormes "pertes civiles". Mais aussi matérielles : la reconstruction du pays pourrait prendre des années. Et cette lutte fratricide sèmerait l'inimité, l'injustice, la vengeance parmi la population. La question n'est donc pas tant de savoir si l'insurrection finira par l'emporter, mais à quel prix ? - L'analyse du New York Times d'hier va dans le sens d'une "longue guerre" civile. C'est, hélas, une possibilité ...

Ce soir, la situation est résumée comme ceci par le live blog du Monde : La contre-offensive de Kadhafi semble être un semi-échec sur le terrain : la principale bataille, celle pour Misrata, a tourné à l'avantage des insurgés. L'autre ville d'importance que les troupes de Kadhafi ont essayée de reprendre ce week-end, Zaouïa, résiste également. Les rebelles ont en revanche été stoppés dans leur progression vers l'ouest, et ont même dû abandonner le bourg de Ben Jawad.

Le Conseil national temporaire a[urait] installé un fil Twitter @LibyanTNC - [actualisation 7-03-2011, 21:45] Selon  (Libyan Youth Movement) : "Nous avons parlé à un membre du Conseil libyen, ils ont dit qu'ils n'ont pas de compte Twitter et aucune intention d'en créer un" (We have spoken to a member of the Libyan council, they said they do not have a twitter account and no plans to create one). - À surveiller ...

Voici un reportage de France 24 tourné le 4 mars du côté de Brega, au cœur du combat : 



samedi 5 mars 2011

[Libye 2011] Bombes et grands discours

[page précédente] [page suivante]
 
~ page commencée le 2, actualisée les 3, 4 et 5 mars 2011 ~

[Traduction] Muhammad min Libya : Préservons la révolution populaire libyenne

 (image : spiegel -. reuters)

~ mercredi 2 mars 2011 ~ 

Flux d'information : [Al Jazeera] [Guardian] [Le Monde] [France 24] [Der Spiegel]

Trois nouveaux faits (ou informations) marquent la journée :

- Le régime contre-attaque : des villes sont bombardées, on reconquiert ou tente d'investir quelques places fortes, des opposants et Libyens de l'Est sont arrêtés à Tripoli.

-  Pendant ce temps, le colonel K. tient un discours fleuve (~2h30) à l'occasion du 34e anniversaire de la Jamahiriya (1977). Il dit quelque chose qui est sans doute vrai : toute intervention de l'Otan ou de l'Onu occasionnerait un massacre, une situation comparable au Vietnam ou à l'Afghanistan. De leur côté, les USA  redoutent que la Libye s'enfonce "dans le chaos" pour devenir une "Somalie géante" (AFP) .

- Enfin, le chiffre énorme de 6000 morts depuis le 17 février est maintenant avancé (par la Ligue libyenne des droits de l'Homme).

Ce soir, France 24 donne d'autres chiffres : Plus de 180.000 personnes ont quitté la Libye, a déclaré Melissa Fleming, porte-parole du Haut commissariat aux réfugiés de l'ONU. Elle précise que 77 320 personnes ont franchi la frontière libyo-égyptienne, parmi lesquelles une grande majorité d'Égyptiens. Un nombre similaire de réfugiés aurait quitté le pays pour la Tunisie ; un passage devant lequel 30.000 personnes seraient toujours retenues. (Source AP)


Voici quelques extraits conséquents du discours, de la "performance" du colonel K., dans sa langue natale avec un voice-over anglais, devant un parterre de caciques acquis à sa cause, ponctuée de manifestations d'une claque excitée et d'ambienceurs déchaînés, assaisonnée de quelques commentaires de la BBC. - On reconnaîtra également des correspondants étrangers dans l'assistance. - C'est une playlist de 5 vidéos.


Je ne peux pas m'empêcher de penser au 40e anniversaire de la RDA, le 7 octobre 1989. Les célébrations furent menées en grande pompe, les manifestations réprimées durement, le régime mettait en scène sa dernière apparition sur la scène de l'Histoire. Un mois plus tard, le 9 novembre au soir, les postes frontières de Berlin ont laissé passer le peuple de l'Est. La nuit la plus folle que la ville n'ait vécue. Et le régime de la Stasi disparut tel un mauvais rêve, comme les assassins de la SS et de la GeStaPo ont disparu du jour au lendemain, le 8 mai 1945, du paysage allemand en ruines. - C'est pourquoi je reste raisonnablement optimiste, convaincu que, vingt ans plus tard, la Guerre Froide est en train de s'achever, enfin, au Sud de la Méditerranée. L'Histoire a ceci de particulier que l'on ne peut pas revenir en arrière. Si l'on rate sa marche, on se fait broyer ! Voilà pourquoi je reste raisonnablement optimiste, et que je ne vois dans se discours, assorti de bombardements, qu'une posture anachronique (et chancelante) d''un vieux révolutionnaire qui a raté sa marche !

Berlin-Est, 7-10-1989. Parade militaire en présence de M. Gorbatchev !

~ jeudi 3 mars 2011 ~

Flux d'information : [Al Jazeera] [Guardian] [Le Monde] [Der Spiegel]

Contre-offensive du régime et résistance des rebelles à Brega et Aldabiya (reportage d'Al Jazeera publié aujourd'hui, commentaires en anglais)



À propos de ces attaques sur la résistance libyenne, Le Monde rapporte ce matin :  De nouvelles frappes aériennes ont visé jeudi la ville de Brega, dans l'est de la Libye, selon un témoin, cité par Reuters. La ville a fait l'objet d'une lutte violente mercredi entre les rebelles et les forces fidèles à Mouammar Kadhafi mais semble être restée sous contrôlé insurgé. Elle abrite l'un des deux grands terminaux pétroliers du pays.  - Et : Armés de lance-roquettes et de missiles antichars et antiaériens, les opposants libyens se préparent à de nouvelles offensives pour défendre la ville d'Ajdabiya, située à 160 km au sud de Benghazi, qui abrite une base militaire et un dépôt d'armes, indique Reuters. Les insurgés montrent plus d'enthousiasme que d'expérience dans leur utilisation des armes mais sont déterminés à tenir la ville, affirme l'agence. Les partisans de Kadhafi ont bombardé la ville mercredi tandis que des forces terrestres ont attaqué en vain Brega, à 75 km à l'ouest.

Sur le plan diplomatique, Hugo Chavez, le président du Vénézuela, autre grand pays producteur de pétrole, a proposé une médiation entre le régime libyen et les opposants, qui a été acceptée par colonel K et la Ligue Arabe. Mais la répression massive des manifestations pacifiques par un régime dictatorial et suranné a contraint l'opposition libyenne à la résistance armée pour obtenir la chute du tyran et de son clan. Dès lors, toute offre de négociation se heurte à un rejet massif dans l'Est libyen. Et la France, par la voix du nouvel arrivant au Quai d'Orsay, Alain Juppé, a également rejeté cette proposition : "Toute médiation permettant au colonel Kadhafi de se succéder à lui-même n'est évidemment pas la bienvenue" (Le Monde). - Ce soir,  le président Obama abonde dans ce sens : "La violence doit cesser. Kadhafi a perdu la légitimité de gouverner, il doit partir." (Al Jazeera)

L'interdiction de survol du territoire libyen est toujours une "option" en discussion : Se joignant à son homologue britannique David Cameron, Alain Juppé... vient d'affirmer que la France et la Grande-Bretagne étaient prêtes à agir pour planifier une zone d'exclusion aérienne si la force était utilisée contre les civils (Le Monde). - Si la sécurisation du ciel de Libye par l'aviation occidentale est largement approuvée par la population, l'idée d'une intervention terrestre est tout aussi massivement rejetée. L'article du blogueur Muhammad min Libya, qui est à Tripoli, explique pourquoi.

mardi 1 mars 2011

Préservons la révolution populaire libyenne

 [Nota Bene : Je ne connais pas Muhammad. Son profil au Guardian indique seulement que ce nom est le pseudonyme d'un blogueur à Tripoli. - C'est son texte qui m'a paru authentique. Au point d'avoir envie de le traduire pour le partager avec vous. Le lien sur la version anglaise se trouve au bas de la page. - Cordialement, SK. - بشكل ودي]

Muhammad min Libya
La Libye est unie dans la révolution populaire – s'il vous plaît, n'intervenez pas (*)

Nous approuvons une zone d'exclusion aérienne, mais le sang des morts libyens sera versé pour rien
si l'Occident dénature notre soulèvement avec une intervention ratée

"Embrasse ma mère pour moi, et dis-lui que son fils est mort en héros", a dit mon ami Ahmed, 26 ans, à la première personne qui s'est précipitée vers lui lorsqu'il a été abattu dans une rue de Tripoli.

Deux jours plus tard, mon ami est mort à l'hôpital. Comme ça.

Ce beau jeune homme, grand, drôle, plein d'esprit, n'est plus. Il ne répondra plus à mes coups de fil. Son compte Facebook restera figé pour toujours.

Une heure avant qu'on ne lui tire dessus, j'ai appelé Ahmed. Il avait l'air en pleine forme. Il m'a dit qu'il se trouvait place Verte, au cœur de Tripoli, et que nous étions libres. Puis les mauvaises liaisons téléphoniques ont fait que je n'ai pas pu le joindre pendant deux jours.

Ensuite, j'ai appelé le meilleur ami d'Ahmed qui m'a rapporté la terrible nouvelle. Ils étaient en train de l'enterrer. Alors je me suis précipité au cimetière, et j'y suis arrivé à la fin des funérailles. J'ai rencontré quelques-uns de nos amis. Ils ont désigné un endroit par terre en me disant que le corps d'Ahmed se trouvait là. On s'est embrassés et on a pleuré de tous nos cœurs.

C'est ce genre d'histoires que vous entendez à Tripoli, ces jours-ci. Des centaines, des milliers peut-être. Des histoires que vous auriez du mal à imaginer dans la vie de tous les jours.

Comme quand vous entendez qu'un bébé de six mois a été assassiné, vous espérez de tout cœur que les déclarations de Saif al-Islam Kadhafi soient vraies, qu'il y a très peu de violence par ici, qu'Al-Jazeera a inventé toute cette histoire. Vous espérez que l'enfant est en train de dormir paisiblement dans les bras de sa mère, en ce moment-même. Comme quand vous entendez qu'une personne de Tajura, qui avait une balle dans la tête pendant deux jours avant de mourir, laisse une épouse en deuil et un enfant. Vous priez Dieu pour que ce père puisse être en train de jouer avec son enfant. Mais les photos, les vidéos vous montrent la vérité crue. Les hurlements n'ont pas besoin de traduction. Des êtres chers fauchés par la mort : tous les Hommes comprennent ce cri.

Voilà la vie à Tripoli depuis quelque temps déjà. Voilà pourquoi la ville est surnommée la "Cité des Fantômes" par ses habitants, désespérés à la vue des protestataires fuyant les gaz lacrymogènes. La ville est à l'arrêt, la grande majorité des boutiques sont fermées, comme les écoles et les universités. Quelques rares magasins, qui vendent les produits de base, restent ouverts, quelques heures par jour seulement.

Mais malgré ce tableau sinistre de Tripoli, les gens ont de grands espoirs et la conviction que nous assistons aux dernières heures du régime Kadhafi. Cet homme ne gouverne plus la  Libye ; ce n'est plus qu'un homme avec un fusil braqué sur le peuple.

Ses deux discours, et celui de son fils auparavant, n'étaient que menaces –  et ils se sont retournés contre eux, pour le bien de la révolution libyenne. De l'Est à l'Ouest de la Libye, les tribus sont sorties pour affirmer l'unité nationale.

À l'étranger, son bilan n'est pas meilleur. Kadhafi voulait faire peur au monde occidental avec la menace présumée d'un émirat islamique. La communauté internationale lui a répondu en lui barrant la route de l'exil, en gelant ses avoirs et en portant les crimes de son régime devant la Cour internationale de Justice, avec une unanimité sans précédent, ou presque.

Tous les Libyens, même les minorités pro-Kadhafi, sont convaincus que ce n'est qu'une question de temps avant que la Libye ne retrouve sa liberté. Mais une question terrifiante demeure : Combien de martyrs devront tomber avant la chute de Kadhafi ? Combien d'âmes prendra-t-il avant que cette calamité ne cesse ?

Mais la fin heureuse, que nous entrevoyons, est troublée par une crainte que partagent tous les Libyens : celle d'une possible intervention militaire des puissances occidentales pour mettre fin à la crise.

Comprenez-moi bien. Comme tous les Libyens, je suis persuadé  qu'une zone d'exclusion aérienne serait une bonne chose pour infliger un coup fatal au régime à bien des niveaux ; elle couperait la route aux convois de mercenaires, recrutés en Afrique, empêcherait Kadhafi de se livrer au trafic d'argent et d'autres biens, et le plus important : elle empêcherait le régime de bombarder des arsenaux qui, comme l'affirment beaucoup de témoins, recèlent des armes chimiques ; cela entraînerait une catastrophe inimaginable, sans oublier que les avions de Kadhafi pourraient eux-mêmes transporter de telles armes.

Il n'empêche que quelque chose semble avoir réuni les Libyens de tous horizons ;  toute  intervention militaire terrestre, par quelque puissance étrangère que ce soit, donnerait lieu  - comme Mustafa Abud Al Jeleil, l'ex-ministre de la Justice et chef du gouvernement intérimaire d'opposition, l'a dit  – à des combats beaucoup plus acharnés que ceux qui ont été provoqués par les mercenaires.

Je ne suis pas non plus pour l'option de frappes aériennes limitées à des cibles spécifiques. C'est une révolution pleinement populaire, dont l'essence est le sang du peuple libyen, qui a combattu seul lorsque les pays occidentaux ont ignoré sa révolution naissante, craignant pour leurs intérêts en Libye. C'est pourquoi j'aimerais que la révolution soit accomplie par ceux qui l'ont commencée : le peuple libyen.

Alors que les appels pour une intervention étrangère se multiplient, je voudrais envoyer un message aux dirigeants occidentaux : Obama, Cameron, Sarkozy. C'est une opportunité sans commune mesure qui vous est tombée du ciel, l'occasion d'améliorer votre image aux yeux des Arabes et des musulmans. Ne la gâchez pas. Jusqu'à présent, tous vos programmes visant à rapprocher l'Occident et l'Orient ont échoué, et certains n'ont fait qu'empirer les choses. Ne commencez donc pas une action que vous ne pourriez terminer, ne transformez pas la pureté d'une révolution populaire en une calamité qui frapperait tout le monde. Ne gâchez pas le sang que mon ami Ahmed a versé pour moi.

Vivons simplement en voisins sur la même planète. Qui sait, un jour peut-être, le voisin que je suis se tiendra sur le pas de votre porte et vous serrera la main avec un sourire.

~ Traduit de l'anglais par SK. ~

(*) La version originale est parue le 1er mars 2011 dans la section Comment Is Free du Guardian

(photo : al jazeera)

[Lybie 2011] Le "délire" de Kadhafi


[Traduction] Muhammad min Libya : Préservons la révolution populaire libyenne 

~  mardi 1er mars 2011 ~

Fils d'actualité de la journée [Al Jazeera] [Guardian] [Le Monde] [France 24] [Der Spiegel] 

As-salâm ’aleïkoum | السلام .عليكم

Voici les premières nouvelles de la matinée .

- Dans le Guardian on apprend que les forces du régime "ont lancé des contre-offensives sur les territoires contrôlés par l'opposition. Des jets de l'armée ont bombardé Ajdabiya, à 160 km au Sud de Benghazi, et des témoins ont dit à l'AP que, dans la nuit, des troupes pro-Kadhafi accompagnés de chars ont essayé de reprendre Zaouia" (50 km à l'Ouest de la capitale) "sans y parvenir." [une dépêche d'AP parle d'un affrontement de six heures !] - "Al-Arabiya rapporte que des forces loyales au leader libyen se positionnent près de la frontière tunisienne." - Le quotidien britannique rappelle également que les États-Unis ont déployé leur flotte près des côtes libyennes tandis que le Premier ministre du Royaume-Uni, David Cameron, étudie l'option d'une zone d'exclusion aérienne dans le ciel de Libye.

- Le live blog du Monde fait état des "derniers soutiens de Kadhafi" :  Au Conseil de sécurité des Nations unies, le Brésil et la Colombie ont voté les sanctions contre la Libye, adoptées à l’unanimité. La plupart des pays d’Amérique latine ont condamné la répression des troupes du colonel Mouammar Kadhafi. Trois exceptions : Cuba, Venezuela et Nicaragua. - Comme possibles "refuges", on peut également penser à deux ou trois pays africains, et notamment au Zimbabwe. - Le journal cite également le président vénézuélien Hugo Chavez qui a fait part lundi [28-02-2011] de son souhait de créer une médiation internationale pour résoudre la crise en Libye et [qui] a accusé les États-Unis et ses alliés de l'OTAN de vouloir utiliser la force. 

- Pour ce qui est des "points de chute", le live ticker du Spiegel rapporte ceci :  "Le chef d'État Kadhafi et sa famille préparent peut-être une fuite en Biélorussie ; c'est ce que semblent indiquer, selon le Sipri, l'Institut de recherche sur la Paix de Stockholm, au moins deux atterrissages de l'avion privé de Kadhafi sur un aéroport biélorusse au cours de la dernière semaine. Le chef d'État biélorusse, Alexander Loukachenko, passe pour être le dernier dictateur européen. Il est également prouvé [toujours selon le Sipri] que son pays a livré 40 tonnes d'armes à la Libye ces dernières semaines. Comme moyen de payement, Kadhafi a sans doute acheminé des diamants en Biélorussie avec son jet privé."   

Et voici un extrait plus conséquent (toujours en anglais) de l'interview du colonel K., datant d'hier :


[10:10] Dans l'Ouest de la Libye, des témoins rapportent le rassemblement de soldats fidèles au régime : les résidents craignent une attaque sur la ville de Nalout [ou Nalut] à environ 60 kilomètres de la frontière tunisienne. Le secteur serait déjà sous le contrôle des opposants. (in Spiegel)


[10:25] Le situation est inquiétante à Zaouia. Les forces du régime, qui l'encerclent, bloquent le ravitaillement du centre-ville aux mains de l'opposition (in Guardian). - Depuis hier, le colonel K. cherche donc par tous les moyens (négociations, bombardements, actions de commando, coups de force, asphyxie) à regagner du terrain. Sans succès pour l'instant. ...

[11:10] Le Monde rapporte un "déploiement de force des partisans de Kadhafi" : L'armée libyenne renforce sa présence à Dehiba, poste-frontière avec la Tunisie, dans l'ouest de la Libye. Des véhicules militaires et des soldats armés de kalachnikovs se sont déployés à ce poste-frontière, qu'ils ont orné de drapeaux verts de la Libye. Lundi, il n'y avait aucune présence militaire à Dehiba, situé à une soixantaine de kilomètres de Nalout. L'armée libyenne a aussi déployé des renforts à Nalout pour ne pas voir la ville tomber aux mains des insurgés qui acculent le régime de Mouammar Kadhafi dans l'ouest du pays.