jeudi 17 mars 2011

[Libye 2011] Kadhafi avance sur Benghazi


~ note commencée le 14, actualisée les 15, 16 et 17 mars 2011 ~

 (image : al jazeera)

~  lundi 14 mars 2011 ~
Fils d'actualité : [Al Jazeera] [Le Monde]

Ce matin, les flux d'information et les live blogs restent focalisés sur le Japon aux prises avec une possible catastrophe nucléaire après le tremblement de terre et le tsunami de vendredi, qui risquent à présent d'entraîner une récession économique.

Si les insurgés déclarent avoir repris ce matin la ville de Brega, dont ils avaient été chassés dimanche par les troupes kadhafistes, celles-ci auraient bombardé Ajdabiya, située plus à l'Est, qui est un point stratégique pour la conquête de Benghazi. En effet, la route côtière mène ensuite à cette deuxième ville du pays, tenue par les insurgés, et une autoroute conduit également à Tobruk, dont la prise permettrait aux forces loyalistes d'encercler le fief de l'insurrection. Voici la carte routière de l'Est libyen [original] :


Il était également question, ces derniers jours, de forces kadhafistes "dormantes", prêtes à s'activer dans les villes encore contrôlées par les insurgés. - Tout semble maintenant indiquer que les forces loyalistes s'acheminent vers une victoire, tout au moins provisoire, si tant est que les puissances internationales continuent d'hésiter pour mettre en place une zone d'exclusion aérienne. Mais même sans son aviation, le colonel K. dispose de forces terrestres supérieures, et il lui reste également l'option (déjà utilisée) d'un pilonnage des villes insurgées depuis ses navires de guerre. Un débarquement de troupes par cette voie est également envisageable.

Le combat autour de Benghazi risque de faire un grand nombre de victimes, puisque 700.000 personnes vivent dans cette ville. Si les populations civiles étaient exposées massivement aux opérations militaires, une intervention internationale pourrait cependant venir à leur secours et empêcher par la même occasion la défaite complète de l'insurrection ...

À midi, Al Jazeera annonce que Khalifa Belqasim Haftar, ancien commandant de l'armée libyenne, notamment dans la guerre contre le Tchad, serait rentré au pays pour soutenir l'insurrection. - De son côté la TV publique de Libye envoie un message aux déserteurs : ils seront "pardonnés" s'ils se rendent. - Et Le Monde relaye l'information de Reuters : Les forces de Kadhafi attaquent en ce moment même la ville de Zouahara, dans l'ouest du pays ...

[14:45] Le quotidien revient sur la situation à Zouahara. Les forces fidèles à Mouammar Kadhafi ont attaqué lundi cette ville contrôlée par la rébellion et située à 120 km à l'ouest de Tripoli. - "Il y a des poches de résistance à Zouara. Les forces armées vont purger la ville", a indiqué à l'AFP une source proche des autorités libyennes sous couvert de l'anonymat. - Cette source a minimisé les combats. "Il y a quelques éléments saboteurs qui résistent. Mais rien de grave", a-t-elle ajouté, sans élaborer. - Une source de l'opposition a indiqué de son côté qu'"un bataillon de Sabratha (70 km à l'ouest de Tripoli) composé notamment d'une dizaine de chars et des 4x4 équipées de mitraillettes est en train d'attaquer la ville du côté de l'ouest".

Dans l'après-midi, les attaques aériennes sur des "positions rebelles" aux environs d'Ajdabiyha sont confirmées par Reuters.

Sur le front diplomatique, David Cameron et le Premier ministre, puis le président turcs se sont exprimés, l'un pour, les deux autres contre une intervention en Libye. Ce soir, on attend des précisions sur les réunions entre les ministres des Affaires étrangères du G-8 et les entretiens de Catherine Ashton avec des envoyés du Conseil libyen de transition ...

[19:30] Reuters relaye une information donnée par un habitant de Zouara (ou Zouahara) : les combats auraient pris fin et la ville serait maintenant sous contrôle kadhafiste.

[20:00] Les journaux télévisés et les reportages des chaînes d'information continue sont en grande partie consacrés au Japon où le risque d'une catastrophe nucléaire existe toujours. - La Libye paraît abandonnée de tous ...

On ne saura rien du G8 ce soir : conférence de presse après la réunion de demain matin. - Toutes les connections avec la Libye sont interrompues cette nuit ....



~ mardi 15 mars 2011 ~

 Flux d'actualité : [Al Jazeera] [Le Monde]

Alors qu'une explosion s'est produite dans le réacteur 2 de la centrale de Fukushima, qui  implique un risque nucléaire "extrêmement élevé" au Japon, comme titre Le Figaro ce matin, la presse internationale semble "jeter l'éponge" en Libye. En effet, ces événements dramatiques en Extrême-Orient ont tiré la "couverture" (médiatique) à eux. Tout se passe comme si les médias d'information n'avaient qu'un seul œil : le "braquage" des projecteurs sur une scène génère le black-out ailleurs, et notamment en Libye, dont les habitants sont déjà coupés du monde avec la censure d'Internet, le brouillage des télévisions satellitaires et de la téléphonie mobile.

Mais, bien plus important que le "lâchage" des médias, celui de la "communauté" internationale : Une intervention militaire "déclarée", sous la forme d'une interdiction de l'espace aérien de la Libye, paraît de plus en plus improbable. Il ne reste que le soutien verbal, l'aide "humanitaire" et quelques trafics de logistique, tant que la frontière égyptienne n'est pas bouclée. Or, si la ville d'Ajdabiya est reprise, les forces terrestres du régime kadhafiste pourront rouler sur Benghazi par la côte et sur Tobruk par l'autoroute du désert (410km) pour encercler l'insurrection et couper les communications avec l'Égypte. - Sauf intervention maritime pour empêcher un bain de sang à Benghazi, ce sera la fin (provisoire) de la Révolution du 17 Février.

J'insiste sur le "provisoire". Personne n'aurait prévu un tel soulèvement populaire en Libye, même lorsque les Révolutions tunisienne puis égyptienne se sont produites. Le mouvement de libération n'en restera certainement pas là, et la prise de Benghazi ne sera pas aussi facile que l'on pourrait l'imaginer à l'heure actuelle, devant les défaites répétées des insurgés. Mais, si la ville est défendue par des commandants expérimentés, ce sont les armements lourds qui manquent, et bien sûr l'interdiction de survol qui, seule, pourrait protéger l'insurrection contre la menace de l'aviation kadhafiste.

Autour de midi, on apprend que la réunion des diplomates du G8 ne débouchera pas sur une résolution visant à interdire l'espace aérien de Libye. Le ministre allemand des Affaires étrangères, Guido Westerwelle, s'était d'ailleurs exprimé en amont contre une intervention militaire. La Russie y est également hostile. Le Figaro écrit  (avec Reuters) : Le communiqué final du G8 réuni à Paris ne mentionnera pas de zone d'exclusion aérienne en Libye, a-t-on appris aujourd'hui auprès d'un des délégués à la réunion des ministres des Affaires étrangères du groupe. - L'Allemagne et la Russie se sont opposées à toute mention de ce type, a-t-on dit de même source ... - Le ministre français des Affaires étrangères, Alain Juppé, a déclaré ce matin qu'il n'était pas parvenu à convaincre ses partenaires de la nécessité d'une intervention militaire en Libye.

Pendant ce temps, Tony Birtley d'Al Jazeera rapporte de Benghazi que la ville n'est pas "immédiatement menacée" d'autant qu'un "nouveau commandant, expérimenté, qui a déserté des forces de.Kadhafi" est en charge de sa défense. Le journaliste ajoute que "ce sont de bonnes nouvelles pour les forces rebelles, car il semble qu'il ait 8.000 hommes avec lui, ainsi que des armes lourdes."

Et Radio-Canada nous apprend que :  D'intenses combats étaient rapportés mardi matin en Libye dans les villes de Brega et d'Ajdabiah où les insurgés tentent de stopper l'avance des troupes gouvernementales qui progressent vers Benghazi ... - Les forces gouvernementales assiègent aussi les rebelles retranchés à Misrata (...) qui est la troisième ville d'importance en Libye après Tripoli et Benghazi. - Elle comptait environ 400.000 habitants en 2005.


Sur les chaînes d'information continue, on peut voir les images des villes "libérées" par le colonel K. dont les portraits s'affichent à nouveau dans les banques où les familles viennent retirer la "prime" offerte par le Guide suprême ...

Vincent Jauvert (du Nouvel Observateur) écrit sur son blog : Selon mes informations, le Conseil de Sécurité de l'ONU devrait, dans les heures qui viennent, adopter la mise en place de zones humanitaires protégées en Libye. - Ce serait le compromis auquel le G8, la Chine et les autres membres du Conseil seraient parvenus cette nuit ... - Les zones humanitaires protégées viseraient à établir des couloir d'évacuation des civils et des blessés vers l'Est quand Kadhafi attaquera Benghazi et les autres villes tenues par l'opposition. - C'est mieux que rien. 

[14:00] Conférence de presse des diplomates du G8. Alain Juppé fait une longue introduction sur le Japon. - Puis il fait état de mesures (non précisées) pour venir en aide à la population libyenne et parle d'accroître les pressions, notamment économiques, sur le régime kadhafiste. Il évoque ensuite la portée historique des événements au Moyen-Orient et en Afrique du Nord et dit que "la démocratie et la paix peuvent avancer ensemble". Après une brève promotion de l'Union pour la Méditerranée, M. Juppé passe à la lutte contre le terrorisme, où il faut "renforcer la coopération" dans un "cadre élargi". Fin de la déclaration finale du G8 sur la Libye. - Les deux premières questions posées et leurs réponses concernent à nouveau le Japon. Puis le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov,  soutient sa position pour le moins attentiste et par principe non-interventionniste sur la Libye et Alain Juppé la reconnaissance "précoce" du Conseil de Benghazi. Le ministre français précise qu'il s'agit d'une reconnaissance "politique", puisque ce n'est ni un État ni même un gouvernement. Une sacrée reculade ! - Quant aux aides "concrètes" apportés aux opposants,  MM. Juppé et Lavrov se défaussent sur la Ligue Arabe (et l'Union Africaine) qui doivent prendre "leurs responsabilités". Puis l'Italien Franco Frattini bétonne la position non-interventionniste. Et le Canadien Lawrence Cannon reste évasif. Côté États-Unis, Hillary Clinton et côté allemand, Guido Westerwelle brillent par leur absence dans cette conférence de presse où triomphent le jargon diplomatique et l'art de ne rien dire.

Au milieu des beaux discours, les forces kadhafistes sont signalées à l'entrée Ouest d'Ajdabiya. La TV du régime fête déjà le "contrôle total" (non confirmé) de la ville (Al Jazeera).

[14:30] Le live blog du Monde écrit :  Le verrou stratégique d'Ajdabiya, dernière ville avant la capitale des insurgés libyens Benghazi, est en train de tomber, rapporte Rémy Ourdan, envoyé spécial du Monde sur place. - La chute a été extremement rapide. Il y a actuellement quelques bombardements sur la ville mais assez limités. Le défilé des voitures et des pick-up est incessant. - Dix minutes plus tard, cette précision : Les bombardements contre les rebelles à Ajdabiya ont fait au moins trois morts et une quinzaine de blessés, selon l'AFP.

[15:30] Al Jazeera publie une bonne nouvelle pour la résistance (qui reste à confirmer) : Deux vedettes de guerre du régime auraient été détruits et une troisième endommagée par des jets de l'opposition. En effet, un certain nombre de généraux et de soldats, en particulier dans les forces aériennes du régime, ont déserté pour rejoindre l'insurrection avec un arsenal d'armes et d'avions de combat. (sources : "activistes anti-gouvernementaux" et le site de presse d'opposition Libya al-Youm)

[15:50] L'AFP annonce que les forces fidèles à Mouammar Kadhafi, lancées à l'assaut de la localité stratégique d'Ajdabiya, ont coupé la route principale la reliant à Benghazi, bastion des rebelles dans l'est de la Libye. - De son côté, Reuters indique que l'armée de Mouammar Kadhafi contrôle désormais la ville pétrolière de Brega, dans le golfe de Syrte. - "Nous avons totalement perdu Brega. Nous ne pouvions pas faire face aux forces de Kadhafi", a déclaré un rebelle à l'agence. (in Le Monde)

[16:25] L'agence française publie des extraits d'une interview du colonel K. : "Mon ami" le président français Nicolas Sarkozy est "fou", estime le dirigeant libyen dans une interview qui devait être diffusée mardi soir par une télévision allemande. [RTL] - "C'est mon ami, mais je crois qu'il est devenu fou. Il souffre d'une maladie psychique. C'est ce que dit son entourage. Ses collaborateurs disent qu'il souffre d'une maladie psychique" ...  - Concernant les violences dans son pays, M. Kadhafi a affirmé que "ce petit événement" a fait "seulement 150 à 200 morts", pour moitié dans les rangs des forces de sécurité. - La rébellion "sera brisée et tout redeviendra normal", a-t-il ajouté lors de cette interview réalisée dans une tente sur la base militaire de Bab al-Azizia à Tripoli, selon RTL. (in Le Monde)

Selon Tony Birtley d'Al Jazeera, l'opposition conteste la reconquête d'Ajdabiya. D'après le Conseil de l'insurrection, des positions de l'infanterie kadhafiste (et non des navires de guerre) auraient été attaqués avec les avions de combat dont dispose Benghazi. - Ceci étant, des centaines de civils et de combattants fuyant Ajdabiya arrivent dans la capitale de l'insurrection, alors que la route entre ces deux villes serait coupée par les troupes loyalistes (in Libération)...

Pendant ce temps, au lendemain de l'arrivée d'un millier de soldats saoudiens, l'état d'urgence a été déclaré pour trois mois à Bahreïn, où de violents affrontements continuent de se produire entre manifestants et policiers, faisant au moins deux morts et plus de 200 blessés (in L'Express)

En écho à la visite, lundi, de Marine Le Pen (FN) à Lampedusa, l'Italie interdit ses eaux [territoriales] à un ferry marocain de [1850] personnes évacuées de Libye (titre du Parisien)

Ce soir, alors que les journaux annoncent la victoire loyaliste à Ajdabiya, Al Jazeera signale des "rapports contradictoires" pour ce qui est du contrôle de cette ville stratégique sur la route de Benghazi et de Tobruk ...

Je viens de voir un documentaire intitulé Kadhafi, notre meilleur ennemi, que vous pouvez visionner pendant quelques jours encore sur pluzz.fr. - A l'occasion de sa première diffusion sur France 5, le 1er mars dernier, Téléobs avait publié une note, dont voici l'essentiel : Dans ce documentaire, Antoine Vitkine analyse comment l’Occident a pactisé avec Kadhafi, sur fond de realpolitik, de pétrole, de terrorisme. Comment le dictateur, paria mis sous embargo par l’ONU en 1992 (après les attentats du DC 10 d’UTA et de Lockerbie) est parvenu dans les années 2000 à côtoyer les chefs d’Etat et les responsables européens et américains, aussi bien à Tripoli qu’à Paris ou New York. - Pour Antoine Vitkine, interrogé par téléobs.com, Mouammar Kadhafi est “obsédé par sa survie” et n’a qu’une peur, “finir jugé et pendu comme Saddam Hussein”. Le tournage a débuté bien avant les soulèvements dans les pays arabes, en mars 2010, et s’est achevé en octobre dernier. “Ce qui était important pour moi, c’était de rencontrer et de faire parler les gens qui avaient mené cette politique auprès de Kadhafi”. - “J’ai une réelle indignation, mais ce n’est pas un film indigné. C’est un film de décryptage, je n’ai pas voulu dépeindre Kadhafi comme le diable” , explique le réalisateur, qui affirme cependant que le point de départ de cette recherche documentaire a été la visite de Kadhafi en France en 2007. “La position de la France est assez horrifiante, par la politique qu’elle a menée” , dit-il avant de souligner qu’aucun politique n’a voulu s’exprimer. “Les hommes politiques français, c’était très difficile de les rencontrer, ils avaient tous peur de parler, même Dominique de Villepin, qui connaît bien les pays arabes. J’ai quand même eu Roland Dumas et une petite intervention de Lionel Jospin”, confie aujourd’hui le réalisateur.

[22:45] Le colonel K. est en train d'adresser l'un de ses discours à une assistance de supporters, tandis que sur l'autre partie de l'écran, Al Jazeera montre des manifestations hostiles au régime à Benghazi, où la foule suit le discours sur écran géant en lançant des chaussures et des détritus en direction de l'image ...


En considérant les derniers tweets de @ShababLibya (Libyan Youth Movement), certaines nouvelles (qui attendent bien sûr confirmation) émergent : Il est question d'un bateau capturé par les révolutionnaires, qui  appartiendrait à Hannibal Kadhafi, en route pour la Grèce depuis le port de Zaouia. D'une "brigade de la mort" de Kadhafi, responsable de l'assassinat d'un journaliste, qui aurait été arrêtée par les révolutionnaires. D'un avion de combat qui se serait écrasé sur Bab Azizia, la place forte du colonel K. à Tripoli, provoquant un grand incendie (source : Al Manara). De Brega et d'Ajdabiya, qui ne seraient certainement pas sous le "contrôle total" du régime. - ShababLibya remarque également que les médias occidentaux ont une propension à reprendre les informations données par la TV publique libyenne, citée comme "source". - A suivre !

 Les hashtags sur Twitter sont toujours #Libya - #Feb17 - #gaddaficrimes


~ mercredi 16 mars 2011 ~

Flux d'actualité : [Al Jazeera] [Le Monde] [Guardian]

Ce matin, l'attention médiatique mondiale continue de se porter sur le Japon, où la situation nucléaire reste toujours incertaine. Peu de nouvelles donc en provenance de Libye : aucun des tweets de ShababLibya (ci-dessus) n'a été confirmé, cependant que les médias continuent de se référer à la TV publique de Libye comme "source d'information"...

Si Brega semble à présent abandonnée par les insurgés, les pilonnages continueraient sur Ajdabiya, ce qui tendrait à montrer que la ville n'est pas sous le "contrôle total" du régime. Tôt ce matin, les bombardements ont également commencé à Misrata, encerclée par les forces loyalistes.

[10:00] La panique gagne du terrain. L'ONG Médecins sans Frontières (MSF) a retiré son personnel de Benghazi, soulignant que "tout le monde évacue [la ville], humanitaires comme journalistes". (in Le Monde)

[11:00] Dans une interview à Euronews, Saif al-Islam Kadhafi dit que les troupes loyalistes sont proches de Benghazi et que "tout sera terminé dans 48 heures". Et  il fait cette "révélation"  : Tout d’abord, il faut que Sarkozy rende l’argent qu’il a accepté de la Libye pour financer sa campagne électorale. C’est nous qui avons financé sa campagne, et nous en avons la preuve. Nous sommes prêts à tout révéler. La première chose que l’on demande à ce clown, c’est de rendre l’argent au peuple libyen. Nous lui avons accordé une aide afin qu’il œuvre pour le peuple libyen, mais il nous a déçu. Rendez-nous notre argent. Nous avons tous les détails, les comptes bancaires, les documents, et les opérations de transfert. Nous révélerons tout prochainement.


[14:20] Le Monde fait le point sur la situation à Misrata (300.000 habitants) : des combattants anti-kadhafistes contactés par l'agence Reuters se sont dits résolus à se défendre malgré leur infériorité militaire. - "Des bombardements très intenses sont en cours, en provenance de trois directions. Ils ont recours à des armes lourdes, notamment des chars et des pièces d'artillerie", a déclaré l'un d'entre eux, joint par téléphone. "Ils pratiquent le pilonnage lourd parce qu'ils semblent chercher à frayer un chemin à leur infanterie pour qu'elle pénètre dans la ville. -  Selon un médecin, l'hôpital de Misrata a reçu les corps de cinq personnes tuées dans les tirs d'artillerie. Il a dit avoir été informé qu'il y avait d'autres morts. L'assaut lancé sur Misrata coïncide avec une progression rapide des forces de Kadhafi vers l'est du pays et Benghazi. 

[16:00] Le Monde (avec l'AFP)  rapporte que Zintan, une ville à 145 km au sud-ouest de Tripoli encore aux mains des insurgés, est attaquée à l'arme lourde : "Il y a des tirs de chars à quelques kilomètres au sud de la ville et des tirs de missiles en série type Grad, ainsi que des accrochages à l'arme légère", a déclaré un témoin. - Selon lui, il y aurait au sud une quarantaine de véhicules avec des chars et des lance-missiles tandis qu'au nord, une colonne de véhicules avec 15 chars s'est rapprochée de la ville pendant la nuit. "Tout le monde s'attendait à une attaque dans la nuit ou au petit matin", a-t-il raconté. - Il a précisé que les combats avaient commencé vers 13h, entre des "rebelles légèrement armés" et des forces du régime appuyées par des chars. -  Et le journal de rappeler : Zintan est la première ville de l'Ouest libyen à avoir manifesté contre le régime de Mouammar Kadhafi, dès le 16 février. L'opposition en a pris le contrôle quelques jours après le début de la révolte contre Mouammar Kadhafi, partie le 15 février de l'Est du pays.

[17:30] La situation à Ajdabiya est toujours incertaine. Alors que sa reconquête par le régime a été un peu trop rapidement annoncée mardi, les insurgés continuent de la tenir contre les chars et l'artillerie du colonel K. qui l'encerclent. Al Jazeera signale que les combats font rage. Jamal Mansur, le commandant de la ville, accuse les troupes kadhafistes de pratiquer la "politique de la terre brûlée". Il dit que les tanks pilonnent la ville en continu, que des raids aériens ont été menés plus tôt dans la journée, mais que sept chars ont été récupérés par les révolutionnaires. - L'AFP rapporte que, depuis mardi (hier), il y aurait déjà eu 26 morts, selon un médecin d'Ajdabiya. - L'agence fait également état d'un flot croissant de réfugiés fuyant les combats de l'Est libyen en direction de la frontière égyptienne ...

Il apparaît clairement aujourd'hui que les puissances étrangères, mais surtout les médias, ont sous-estimé le colonel K. On a trop vite estimé que l'insurrection libyenne était promise à un dénouement semblable à celles de Tunisie et d'Égypte et assimilé le sort du leader libyen à ceux des présidents déchus Ben Ali et Moubarak. Dans cet éclairage, le colonel K. ne pouvait que passer pour "fou". Or, un certain nombre de facteurs distinguent la situation libyenne de celles de ses voisins. - En premier lieu, le pétrole : c'est un bon moyen de pression qui y est pour beaucoup dans la réserve dont font preuve actuellement l'Italie et l'Allemagne. De plus, la richesse qu'il génère, permet au régime de surpayer ses hommes en armes, d'offrir des "primes" au peuple des "fidèles" et d'intervenir sur le prix des produits de première nécessité. - Ensuite, le pays ne vit pas du tourisme : une guerre civile et l'image effrayante du pays qu'elle peut susciter à l'étranger ne sont donc pas un "handicap" sur le plan économique. - Enfin l'armée : sans elle, les révolutions tunisienne et égyptienne n'auraient eu aucune chance. Or, s'il y a eu des défections importantes, le noyau dur de l'armée libyenne, qui dispose d'un arsenal important comparé au matériel des insurgés, reste fidèle au leader, d'autant plus que ses membres se recrutent surtout dans sa propre tribu, les Kadhafa.

[20:30] En moins de trente secondes, le journal de TF1 a réussi à "boucler" le sujet de la Libye ... - Après le retrait de Médecins Sans Frontières, on apprend le repli de la Croix-Rouge qui quitte Benghazi pour Tobruk.

[23:00] Reuters rapporte que l'armée libyenne a fixé un ultimatum pour dégager (clear) Benghazi  à partir de minuit [23:00, heure française]. Une incrustation sur l'écran de la TV Al-Libya avertit les résidents de Benghazi : "L'armée arrive pour vous soutenir et nettoyer la ville des bandes armées ... Il est urgent de vous tenir à l'écart dès minuit des zones où les hommes armés et les stocks d'armes sont localisés". (Al Jazeera)

~ jeudi 17 mars 2011 ~

Flux d'actualité : [Al Jazeera] [Guardian] [Le Monde]

[00:30] Citant une dépêche de l'AFP, Al Jazeera écrit que le Conseil de Sécurité de l'ONU s'est mis d'accord sur un texte de résolution (non communiqué) qui sera soumis au vote ce jeudi, selon des sources diplomatiques. - La chaîne d'information qatarie signale également que l'envoyé des USA à l'ONU a déclaré que "le Conseil de Sécurité doit aller plus loin qu'une zone d'exclusion aérienne".

Rentré en France avant-hier, Cyril Vanier de France 24 fait partie des nombreux journalistes qui ont quitté Benghazi. Il raconte : "Ce qui a changé entre notre arrivée et notre départ, c’est qu’au sein de la population, le soutien indéfectible au mouvement de révolte a commencé à se fissurer. On a eu le sentiment, pendant quelques jours, que la révolution ne pouvait pas perdre, raconte-t-il. Tous les Libyens le partageaient et, officiellement, tout le monde soutenait la révolution. Mais, au moment de notre départ, on commençait à voir que cette homogénéité se fissurait. Des personnes commençaient à nous arrêter pour nous dire qu’elles étaient favorables à Kadhafi".

Pas de nouvelles d'Adjabiya ce matin. Rue89 relaye une information donnée par Mohammed Nabbous (présenté comme un  "cyber-activiste" de Benghazi), selon laquelle trois avions auraient décollé mardi de l'aéroport benghazien de Benina et mis fin aux bombardements d'Adjabiya par les kadhafistes.

[11:00] Des avions de combat kadhafistes ont bombardé l'aéroport de Benina, à 10 km au Sud de Benghazi City,  selon un correspondant d'Al Jazeera. - C'est la confirmation implicite de l'information ci-dessus.

Pendant ce temps, RFI titre : L'ONU peine à s'accorder sur une zone d'exclusion aérienne en Libye. - Pour la première fois, le Conseil s’est penché sur un projet de résolution prévoyant une interdiction aérienne dans le ciel libyen. Le texte rédigé par la France, le Royaume-Uni et le Liban, a rencontré les réticences de certains membres du Conseil qui n’ont guère d’appétit pour une intervention militaire en Libye, au premier rang desquels la Russie, la Chine et l’Inde. - Selon France Info, un vote pourrait intervenir en fin de journée, c'est-à-dire tard dans la soirée en Europe et en Libye ...

[12:10] Le Guardian rapporte (avec AP) que les forces kadhafistes ont encerclé Ajdabiya, ne laissant libre que la route de Benghazi : "Des véhicules calcinés, des pick-ups criblés de balles et un char renversé jalonnent l'autouroute du désert où les forces pro-Kadhafi ont combattu pour entrer à Ajdabiya, une ville de 140.000 habitants. Un cameraman d'Associated Press TV a compté au moins trois corps au bord de la route, preuves d'un combat acharné. Les troupes du gouvernement ont amené par convoi de camions des munitions, des missiles et du ravitaillement."

[12:20] On ne sait pas qui a le "contrôle" de Misrata. Les deux camps le revendiquent ... (Guardian)

[12:25] La TV publique libyenne rapporte des bruits d'explosion et de tirs sur l'aéroport de Benghazi. - Information ou désinformation ? - Elle signale également la prise d'Ajdabiya, contestée par l'insurrection (Al Jazeera) ...

Il faut remarquer que "le temps de parole" accordé par les médias internationaux aux Kadhafi (Mouammar et Saif al-Islam) est infiniment supérieur à celui de la résistance dont les membres, pourtant disponibles à Benghazi,  ne sont pratiquement jamais interviewés. La "bataille médiatique" avec son flottement entre information et désinformation ("intox") profite largement au régime qui la mène sur tous les fronts : presse internationale "invitée" (et encadrée), black-out (coupure d'Internet, brouillage des signaux satellitaires  et téléphoniques), SMS et tracts envoyés à la population, annonces sur la TV d'État ...

Voici le lien sur le document du Conseil de Sécurité de l'ONU (PDF en anglais), qui propose l'imposition d'une zone de non-vol sur la Libye. Susceptible d'être modifié, il sera soumis aux votes des pays membres, en principe dès ce soir ...

[14:30] Plusieurs nouvelles :  ShababLibya (Libyan Youth Movement) tweete que deux avions auraient été abattus au-dessus de Benghazi. - Le Monde confirme un peu plus tard : Concernant les avions militaires abattus par la rebellion aux abords de Benghazi, l'AFP vient de réévaluer son bilan. Selon ses sources, deux avions ont été détruits par les insurgés. - Un capitaine de l'armée libyenne affirme détenir les preuves que l'Algérie prêterait main forte au régime kadhafiste (interview sur BBC Arabic, traduction anglaise dans la description de la vidéo). - Le correspondant d'Al Jazeera signale de nouveaux bombardements sur Benghazi. Mais, alors qu'une bonne partie de la presse annonce que les troupes du régime seraient aux portes de la ville, cette information est catégoriquement démentie (c/o Reuters) par un porte-parole de l'insurrection. Celle-ci disposerait également de trois avions de combat qui auraient attaqué les positions kadhafistes à l'entrée Ouest d'Ajdabiya (information déjà citée plus haut et reprise à présent par AP et le Guardian).

[14:50]  Un porte-parole de l'insurrection s'exprime sur les attaques de l'aviation kadhafiste : "Nous n'avons aucune preuve que ces raids aériens ont fait des dégâts. Il nous a semblé qu'il s'agissait d'un avertissement, d'un défi à la communauté internationale." (Al Jazeera)

Anders Fogh Rasmussen, le chef de l'OTAN, parle de "crimes contre l'humanité" perpétrés en Libye. Et il dit ceci :  "Le temps, c'est l'essentiel. Il vient à manquer. Mais ce n'est pas trop tard. Beaucoup de choses dépendront du Conseil de Sécurité de l'ONU... J'imagine que la communauté internationale et les Nations Unies se rangeront résolument aux côtés de la population libyenne si le régime affaibli continue d'attaquer son propre peuple" (in Guardian, qui rappelle que M. Rasmussen est en principe opposé à une intervention armée de l'OTAN en Libye sans mandat de l'ONU).

[15:20] Le Monde rapporte ce communiqué "officiel" : l'armée libyenne vient d'annoncer l'arrêt à partir de dimanche de ses opérations militaires contre l'insurrection, pour donner une chance aux "terroristes" de déposer leur armes et qu'ils profitent d'une grâce, a rapporté l'agence libyenne Jana. 

On peut (et on doit) se poser la question : Pourquoi cette déclaration des autorités libyennes ? Pourquoi cet après-midi ? Et pourquoi les opérations seront-elles suspendues précisément dimanche prochain ?

Les rédacteurs du live blog du Monde écrivent ceci : Il est difficile de comprendre le sens de cette annonce. Dans les commentaires que nous recevons, certains semblent y voir une volonté de la part de Kadhafi de paraître à l'écoute des insurgés alors que le monde a les yeux rivés sur lui, quand d'autres pensent qu'il désire plutôt frapper un grand coup militairement parlant d'ici dimanche. 

Il y a certainement autre chose. Le Conseil de l'ONU doit prendre sa décision aujourd'hui même. Et, vu les réticences de certains de ses membres, elle pourrait bien être influencée dans le sens souhaité par le régime (la non-intervention) avec ce communiqué, qui pour l'heure n'est rien de plus qu'une "déclaration d'intention". - Dimanche : cela laissera du temps au colonel K. pour mener des offensives (dans son esprit) "décisives" sans avoir à craindre une intervention étrangère afin de "démoraliser" les Benghaziens au point de rendre les armes sans combattre, ce qui éviterait une guérilla urbaine, dont l'issue serait incertaine et le bilan sanglant. Un tel bilan n'est certainement pas pour effrayer le colonel K. mais la réaction de l'ONU, de l'OTAN et de la Ligue Arabe risquerait alors de lui être fatale ...

[15:40] Le Monde rapporte cette nouvelle : Selon plusieurs chaînes de télévision par satellite, l'artillerie libyenne pilonne actuellement des quartiers d'habitation d'Ajdabiya, dans l'Est. - Un insurgé joint au téléphone par Reuters a également fait état d'intenses combats ... - "Il y a des batailles acharnées dans le centre d'Ajdabiya et d'intenses bombardements, et des quartiers résidentiels sont en cours de destruction", a confirmé Hami al Hassi, l'un des cadres militaires de l'insurrection, interrogé à Benghazi par la chaîne Al Arabia. - Al Djazira, qui cite des témoins, signale elle aussi d'intenses bombardements.

[15:50] Al Jazeera rapporte ces propos de William Burns, sous-secrétaire d'État US : "Les forces de Kadhafi ont fait des progrès significatifs sur le terrain. Je pense qu'ils ne sont plus qu'à environ 160 km de Benghazi en ce moment-même"  (i. e. la distance qui sépare ce haut-lieu de l'insurrection de la ville d'Ajdabiya).

[16:00] L'ambassadeur de France à l'ONU vient de déclarer avoir demandé au conseil de sécurité de voter à 18h (soit 23h en France métropolitaine) sur le projet de résolution prévoyant la mise en place d'une zone d'exclusion aérienne en Libye. - Et : Selon une source diplomatique relayée par Reuters, le projet de résolution autorise des opérations militaires qui pourraient intervenir dans les heures suivant son vote ... ces opérations aériennes pourraient être menées par la France, le Royaume-Uni, les États-Unis et plusieurs pays arabes.  (in Le Monde

Voici un point fait par Abdul Hafeeth Ghoga, porte-parole de l'opposition, résumé et traduit de l'arabe en anglais par libyafeb17 : "- Massacres à Misrata après avoir coupé toutes les communications de la ville. Des bombardements terrestres, aériens et maritimes. - Idem à Zouara et dans les montagnes de l'Ouest. - De même à Benghazi aujourd'hui, 4 raids à Benina et Bu Atni, ils ont essayé de détruire l'aéroport. C'est la réponse de Kadhafi à la révolution du peuple. - En ce qui concerne la communauté internationale, nous pensons qu'elle conviendra même de bombardements stratégiques contre les forces de Kadhafi. - Tout ce qu'a fait le peuple libyen était de manifester pour ses droits fondamentaux. - Nous avons entendu qu'ils se sont mis d'accord sur un texte réclamant une zone de non-vol et qu'ils discutent de mesures allant au-delà. - Nous sommes totalement opposés à des troupes terrestres. Mais si cela se passe sous l'égide de l'ONU, nous serons d'accord. -  A Ajdabiya, les choses tournent actuellement en faveur de la Révolution. Kadhafi ne fait rien d'autre que de bombarder massivement et sans aucune distinction. - Saif peut parler tant qu'il veut.  S'agissant de progrès RÉELS, ça n'a aucune existence sur le terrain. Il sait qu'une zone d'exclusion aérienne se rapproche de plus en plus, alors on essaye de tuer le plus de gens possible avant sa mise en place." (source : Al Jazeera Arabic)

[17:20] L'Égypte ne participera à aucune intervention militaire en Libye, selon Menha Bakhoum, un porte-parole du ministère égyptien des Affaires étrangères  (Reuters et Al Jazeera).

[17:40] Au moins deux États arabes se déclarent prêts à participer à une opération en Libye, selon la Ligue Arabe. Yahya Mahmassani, son envoyé aux Nations Unies, dit que les Émirats Arabes Unis et le Qatar "pourraient être" de ceux-là. (Al Jazeera).

[18:10] Trois dépêches du Monde, coup sur coup : - Le nouveau projet de résolution au Conseil de sécurité de l'ONU sur la Libye prévoit "toutes les mesures nécessaires" pour protéger les civils, sauf une force d'occupation du pays, a indiqué jeudi un diplomate cité par l'AFP. -- La Russie veut avoir des éclaircissements concernant un projet de résolution de l'ONU qui prévoit la mise en place d'une zone d'exclusion aérienne au-dessus de la Libye, a déclaré le porte-parole de la diplomatie russe, avant le vote au Conseil de sécurité. - "Quels seront les mécanismes de contrôle concernant cette décision, qui va la mettre en oeuvre, sous quelles formes ? Toutes ces choses ne sont pas claires", a déclaré le porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Alexandre Loukachevitch, cité par  l'agence Interfax. --- Le ministère libyen de la Défense a mis en garde contre toute opération militaire étrangère contre la Libye, menaçant de s'attaquer au trafic aérien et maritime en Méditerranée, a rapporté l'agence officielle Jana.

Ce deuxième communiqué du régime (le premier à 15:20) montre qu'il tente par tous les moyens de s'inviter à la réunion du Conseil de l'ONU et d'influencer son vote final. Y réussira-t-il ? Sans doute, mais peut-être pas dans le sens escompté ...

Le live blog du Monde donne ses statistiques : nous sommes "plus de 3000" à suivre les événements libyens contre 22.000 pour ceux du Japon ! - C'est dire comment la catastrophe naturelle, puis la menace nucléaire qui n'est toujours pas bannie, ont pu "divertir" les gens avec le déplacement du "centre d'intérêt" des médias internationaux qui ont braqué leurs caméras sur la centrale de Fukushima.

Je note également que si les insurgés libyens, mais aussi les brigades d'intervention dans la zone irradiée de Fukushima témoignent d'un héroïsme quasi surhumain, le courage d'un grand nombre de journalistes laisse un peu à désirer : au Japon, les "correspondants" se sont retirés à Osaka, tandis que ceux de Benghazi sont partis (en taxi) à Tobruk ou en Égypte. Quelques téméraires et francs-tireurs sont restés. J'en profite pour leur rendre hommage : ce sont les Hemingway, les Jack London de la profession !

Après avoir été annoncé à 20:30, le vote du Conseil de Sécurité de l'ONU devrait intervenir vers 23:00, heure de Paris.

[18:50] La réunion du Conseil de Sécurité vient d'être suspendue jusqu'à 23:00 (heure française). Les membres passeront alors directement au vote, selon Benedict Moran, un correspondant d'Al Jazeera à New York.

[19:05] Un nouveau discours du colonel K. (adressé aux  Benghaziens) est annoncé sur la TV publique. Après les deux communiqués officiels de l'après-midi, le leader libyen semble vraiment redouter une opération militaire sous mandat de l'ONU, qu'il cherche à éviter par tous les moyens (trêve, menaces...). Son intervention, qui se fait souvent attendre une fois l'annonce faite, devrait être diffusé avant le vote du Conseil de Sécurité ! - Le problème est celui-ci : Le colonel K. peut faire les promesses qu'il veut pour apaiser les Nations Unies, mais si le vote du Conseil était défavorable à une opération militaire sous mandat de l'ONU, il y a fort à parier qu'il ne tiendrait pas ses engagements. Une nouvelle résolution, une autre réunion et un second vote seraient alors nécessaires, qui lui feraient gagner un temps précieux pour tenter d'écraser Benghazi et l'insurrection.

[19:40] Voilà : le colonel K. parle ! On ne le voit pas à l'image, retransmise par Al Jazeera.  Il parle d'honneur, crachant presque ses mots : "Nous sommes le peuple de Libye ! ... Il y aura une amnistie pour ceux qui déposeront les armes ... Laissez vos armes dans la rue et rentrez chez vous, fermez les portes ... Qui défendez-vous ? On s'est moqué de vous ... Jetez vos armes et quittez la ville, vous serez en sécurité ... Il n'y a pas de danger (si vous jetez vos armes) ... Ceux qui ont été forcés de suivre, ceux-là seront amnistiés ... ceux-là sont mes enfants ... Vous qui avez été contraints de dire des choses .... contre moi ... vous êtes mes enfants .... Nous arrivons .... Nous allons effacer cette page noire ... Soyez prêts à vous rebeller contre les traîtres ... Benghazi n'est pas une ville de traitres ... (Sur l'écran d'Al Jazeera, on voit la foule rassemblée à Benghazi qui crie et agite le drapeau de la Révolution) ... Un cimetière a été bombardé ... Comment est-ce possible ? Comment avez-vous pu bombarder des morts ... vos ancêtres ... Un pilote serait mort en bombardant Bab Azizia ? ... Ce sont des rumeurs ... des mensonges ... Vous allez sortir et nettoyer Benghazi ... Un petit problème qui est devenu international ... Nous allons les chasser (les traitres) ... rue par rue ... Moi, Mouammar Kadhafi, je mourrais pour mon peuple ... Le moment de vérité est arrivé ... Détruisez les stations de diffusion (radio, TV) ... C'est le jour où nous allons libérer la ville ... (les Benghaziens scandent leurs slogans hostiles) ... Dieu est grand." - Fin de la transmission.


Rien d'apaisant dans ce discours. Aucune mention de la trêve annoncée auparavant. Rien sur la menace d'intervenir en Méditerranée. - Le commentateurs de la chaîne qatarie évoquent un possible coup de force kadhafiste sur Benghazi cette nuit. Le correspondant de New York dit qu'une zone de non-vol et d'autres mesures ("frappes ciblées") pourraient être imposées quelques heures seulement après un vote de l'ONU favorable à l'intervention militaire en Libye. Or, celui-ci constituerait tout de même une surprise. Le Conseil est composé de 5 membres permanents - Chine, États-Unis, Fédération de Russie, France, Royaume-Uni - et de dix membres élus pour deux ans : Afrique du Sud, Allemagne, Bosnie-Herzégovine, Brésil,  Colombie, Gabon, Inde, Liban, Nigeria,  Portugal. Chaque membre dispose d'une voix, et il faut 9 avis favorables (sur 15) pour que la résolution soit adoptée. Les membres permanents ont un droit de véto, qui équivaut au rejet de la résolution, mais ils peuvent également s'abstenir. Dans le meilleur des cas, la Russie et la Chine s'abstiendront. Il faut alors que 6 membres non-permanents approuvent la résolution. L'Allemagne et l'Inde voteront sans doute contre ou s'abstiendront. Idem pour la Colombie. L'incertitude concerne notamment deux États africains : le Nigeria et le Gabon. S'ils votent contre ou s'abstiennent, l'affaire est entendue !

Ce soir, dans la perspective du vote imminent, France 24 a ouvert un fil d'actualité

[21:25] La BBC vient d'annoncer que cinq pays, dont la Russie et la Chine, s'abstiendraient (source diplomatique, relayée par libyafeb17.com). Dans ce cas la résolution risque de passer ... 

[21:30] Un témoin vient de confirmer que la ville de Zintan est bombardée en ce moment même par les forces de Kadhafi. Le bombardement a commencé après son intervention à la radio (Al Jazeera Arabic sur libyafeb17).

[21:50] La direction du Conseil transitoire de Benghazi dit que les combattants de l'opposition resteront "droit dans leurs bottes" (stand firm) et ne seront pas découragés par les menaces de Kadhafi (Reuters relayé par Al Jazeera). - De son côté, le ministre italien de la Défense Ignazio La Russa, déclare : “Nous ne nous déroberons pas à notre devoir, même si notre ligne a toujours préconisé l'équilibre et la modération.” (Reuters) -  L'agence précise que l'Italie est "une base potentielle pour toute action militaire contre la Libye" et qu'elle ne "ferait pas obstacle" si l'ONU imposait une zone de non-vol.

[22:45] Interview d'Alain Juppé sur Al Jazeera. Le ministre français dit que certains membres du  Conseil ont été très réticents, voire hostiles à la résolution, mais qu'un travail a été effectué pour les convaincre. A la question de savoir si la France endossait le leadership dans une action militaire, M. Juppé répond : "La France est prête à agir avec d'autres". Et d'ajouter qu'il a bon espoir que certains pays arabes se joindront à l'opération. - Puis sur France 24 : Pour Alain Juppé, la déclaration de Mouammar Kadhafi plus tôt dans la soirée était une "provocation". Il a expliqué qu'il est important pour la crédibilité de la communauté internationale de réagir.

[23:00] Le résultat du vote devrait filtrer dans peu de temps ... La séance du Conseil vient de reprendre ...

[23:05] Joli petite faute de frappe sur le live de France 24 : "On s'attend à ce que cette révolution passe avec 10 voix sur 15", assure Emmanuel Saint-Martin, correspondant de France 24, qui se trouve au siège de l'ONU. 

[23:10] Tony Birtley d'Al Jazeera est resté à Benghazi ! Il dit que les insurgés ont récupéré beaucoup d'armes, qu'ils sont préparés, qu'ils ont fait un plan de défense rue par rue ... Les combattants pourront faire beaucoup de mal à Kadhafi. Assez pour l'arrêter ? Le correspondant l'ignore ... 

[23:25] Intervention de M. Juppé devant le Conseil. Il évoque le "Printemps arabe", les "grandes révolutions qui changent le cours de l'histoire", puis parle des opérations "meurtrières" du colonel K. et défend la résolution qui sera mise aux votes dans quelques instants. Une chose est sûre : la diplomatie française se relève ! Jusqu'où ira-t-elle ? Nul ne le sait ... 

[23:32] Pas d'autre déclaration. On passe au vote.  

[23:35] 10 votes pour, aucun contre, 5 abstentions (dont la Chine, la Russie et l'Allemagne) : La résolution n°1973 imposant une zone d'exclusion aérienne et d'autres mesures nécessaires pour protéger la population civile, à l'exclusion d'un opération terrestre,  est donc adoptée !

Les Benghaziens manifestent leur joie en chantant, en scandant des slogans de victoire et en tirant des coups de feu en l'air ... Il semble même qu'il y ait un feu d'artifice ... Benghazi est sauvée du pire.

2 commentaires:

  1. Le journal de France 2 de 13 h ne consacre plus que 30 secondes à la Libye !!! Je suis consterné.

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  2. mais que fichent donc les pays voisins ? Tunisiens et Egyptiens pourraient assez facilement fournir des armes aux insurgés libyens, notamment des missiles sol-air qui font cruellement défaut !

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