France
2007
Bayrou
recentre le débat
(26 avril 2007)
(26 avril 2007)
Au
moment où F. Bayrou s’adresse à la presse, Ph. de Villiers
appelle à voter pour N. Sarkozy qui, un peu plus tard, fait une
prestation télévisée sur TF1 (20:10) avant que S. Royal ne fasse
la sienne sur France 2 (21:00). Le bilan de cette journée hautement
médiatique d’hier (25 avril 2007) reste mitigé : l’annonce
attendue d’un nouveau parti démocrate par M. Bayrou, qui n’aura
donné aucune consigne de vote à ses quelque 7 millions d’électeurs
sans cependant se priver de faire un grand nombre d’allusions
permettant aux commentateurs de donner libre cours à leur
imagination, l’essoufflement de M. Sarkozy qui, pour la première
fois peut-être, est apparu comme un perdant potentiel ou, si l’on
préfère, comme un challenger, et enfin la cacophonie qui régna sur
le plateau de la chaîne publique où les deux journalistes (Arlette
Chabot et Gilles Leclerq) n’ont cessé de couper la parole à
Ségolène Royal. Cette dernière prestation de plus de 90 minutes a
sans doute été particulièrement pénible pour la candidate
socialiste car, interrogée sur tous les sujets possibles et
imaginables d’une façon pas toujours correcte, si l’on admet
qu’il faut laisser parler les gens, elle n’a que difficilement pu
aller au bout de ses idées en faisant cependant preuve de présence
d’esprit et d’humanité. Mme Royal doit en effet "tendre la
main" à son électorat potentiel du centre-gauche sans décevoir
les antilibéraux qui lui ont, au soir du premier tour, donné carte
blanche en appelant à voter contre le candidat sortant, une épreuve
dont elle s’est d’ailleurs plutôt bien sortie, quoi qu’en
pense A. Krivine, porte-parole d’O. Besancenot, qui commence à
amender les options prises par son mouvement pour le second tour.
Soumis à une épreuve plus courte et des questions succinctes qui
lui ont permis de s’exprimer librement, Nicolas Sarkozy n’a pas
vraiment convaincu : certainement plus médiatique que sa rivale, il
s’est laissé aller à la facilité de la répétition et de la
réduction de complexité tout en cherchant à ouvrir lui aussi la
porte vers le centre-gauche en reprenant, d’une façon un peu moins
crédible, certaines idées séduisantes pour l’électorat de M.
Bayrou qui ne lui est pas vraiment favorable. En effet, le leader
centriste a fustigé le candidat de l’UMP au cours de sa conférence
de presse: "Nicolas Sarkozy, par sa proximité avec les milieux
d’affaires et les puissances médiatiques, par son goût de
l’intimidation et de la menace, va concentrer les pouvoirs comme
jamais ils ne l’ont été. Par son tempérament, et les thèmes
qu’il a choisis d’attiser, il risque d’aggraver les déchirures
du tissu social, notamment en conduisant une politique d’avantage
au plus riche." Et l’on a également pu noter un léger
avantage pour la candidate du PS dans l’esprit de François Bayrou,
qui adresse cependant une critique sévère au programme trop
étatiste des socialistes: "Ségolène Royal paraît mieux
intentionnée en matière de démocratie, encore que le parti
socialiste n’ait rien fait quand il était au pouvoir pour corriger
ces maux, plus attentive à l’égard du tissu social, mais son
programme, multipliant les interventions de l’État, perpétuant
l’illusion que c’est à l’État de s’occuper de tout, et
qu’il peut s’occuper de tout, créant je ne sais combien de
services publics, va exactement à l’encontre, en sens contraire,
des orientations nécessaires pour rendre à notre pays et à son
économie leur créativité et leur équilibre." Ce soir (26
avril 2007), les dispositifs très différents de TF1 et de France 2
seront inversés : Mme Royal sera face à MM. Poivre d’Arvor et F.
Bachy de la chaîne privée, tandis que M. Sarkozy affrontera les
feux croisés de Mme Chabot et M. Leclerq. Ce sera la dernière
épreuve médiatique avant le duel télévisé du 2 mai 2007 (21:00)
qui déterminera sans doute le choix de ces électeurs de François
Bayrou, qu’il faut désormais appeler les "démocrates".
Sans doute faut-il régler un certain nombre de choses dans la démocratie française, comme l’influence grandissante des sondages sur l’opinion publique et l’organisation des débats entre candidats souhaitant prendre à témoin cette même opinion publique, par exemple en mettant l’accent non plus sur les points de discorde mais sur des accords qui pourraient être trouvés en vue d’une rénovation indispensable la vie politique et sociale du pays. D’un côté, on note que tous les instituts de sondage français misent systématiquement sur le même homme depuis le début de la campagne et que la publication de leurs résultats unanimes reste possible jusqu’à l’avant-veille du scrutin lui-même; de l’autre, on constate qu’il a été impossible d’organiser des débats entre les candidats présidentiables dès avant le premier tour afin que l’électorat puisse se faire une opinion personnelle et "juger sur pièces"; de plus, on peut craindre que seul le débat entre les deux "finalistes" aura lieu, alors que 18,5% des électeurs ont donné leurs suffrages à un "troisième homme" qui entend bien peser sur le scrutin du 6 mai 2007, ce qui paraît légitime. Plus avant, il semble que le régime présidentiel à la française, avec tous les risques de concentration du pouvoir qu’il comporte, n’est plus compatible avec le paysage politique actuel, qui tend aujourd’hui vers un gouvernement de coalition entre un "centre démocratique" et une "social-démocratie", deux nouveaux mouvements politiques en France, qui se heurtent encore au poids du passé et des traditions. Si l’on veut que le scrutin du 22 avril 2007 se traduise dans les faits, ce qui serait la moindre des choses pour une démocratie moderne, il faut profondément rénover le système électoral en donnant du poids au parlement, appelé à élire le chef du gouvernement par le jeu des alliances entre fractions parlementaires. Si le président peut continuer d’être élu au suffrage universel, son pouvoir devrait être réduit pour, par exemple, se limiter à une "Haute Autorité" garante de la Constitution avec une option d’intervention et de décision finale dans des situations de crise intérieure et extérieure. Mais c’est à l’Assemblée Nationale, qui pourrait être élue à la fois avec une bonne dose de proportionnelle et un "numerus clausus" à 5%, qui obligerait les petits partis à se regrouper pour entrer au parlement, de valider la proposition d’un Premier ministre faite par le chef de l’État ou, le cas échéant, de voter la défiance. Or, le système étant ce qu’il est, on peut craindre que le scrutin du 22 avril 2007 n’influencera que très moyennement, voire pas du tout, la politique effectivement suivie au cours de ces cinq prochaines années, ce qui donnera un espace encore plus grand à la "politique virtuelle", mise en scène par les sondages et les médias, et à la prévisible manipulation de l’opinion publique, frustrée pour combien de temps encore d’une "démocratie réelle" que, pourtant, elle appelle de ses voeux, à en croire la sanction des urnes, que l’on tente d’ignorer par tous les moyens.