mercredi 8 décembre 2010

Le feuilleton WikiLeaks

 Compte rendu rédigé entre le 30 novembre et le 8 décembre 2010

Selon le Washington Post, une plainte pourrait être déposée contre Julian Assange, le (co)fondateur de WikiLeaks. Les autorités fédérales des Etats-Unis enquêtent sur la publication des documents gouvernementaux (notamment des dépêches internes des ambassades américaines) par WikiLeaks en cherchant à savoir s'il s'agit d'un acte criminel, voire d'un acte d'espionnage. Le garde des sceaux américain Eric H. Holder Jr. déclare que le département de la Justice et le Pentagon mènent "actuellement une investigation criminelle". De même, le FBI enquêterait sur toute personne ayant eu accès à ces documents et ayant pu les communiquer à WikiLeaks, mais aussi sur l'organisation elle-même. Cependant, on ne sait pas si ces enquêtes aboutiront ou non à une plainte fédérale. - Rappelons que "Julian Assange, un Australien de 39 ans, est [fait] l'objet d'un mandat d'arrêt international depuis la semaine dernière pour des faits de viol et d'agression sexuelle commis en Suède en août dernier." (AFP, 24/11/2010). - Sur Europe 1, une dépêche de ce jour (30/11) nous apprend que l'Equateur est prêt à accueilir Julian Assange. Sur le site Ecuadorinmediato, le vice-ministre équatorien des Affaires étrangères déclare: "Nous allons l'inviter à venir en Equateur pour qu'il puisse exposer librement, pas seulement sur Internet, mais aussi dans différentes instances publiques les informations qu'il possède et toute la documentation".
Les dernières publications de WikiLeaks ne sont pas tant des révélations que des "indiscrétions", selon un journaliste du journal Le Monde. On y apprend ce que l'on imaginait déjà : en diplomatie comme ailleurs, les acteurs possèdent une "pensée de derrière" selon l'heureuse expression du philosophe Pascal. - Mais, après les révélations sur les guerres en Irak et en Afghanistan, WikiLeaks annonce une nouvelle série de documents concernant les banques, comme on peut le lire dans Le Figaro daté d'aujourd'hui : "Après la sphère diplomatique, Wikileaks s'attaque à la finance. Le site spécialisé dans la fuite d'informations qui a mis sur la place publique des centaines de milliers de documents et télégrammes diplomatiques classés confidentiels révèle qu'il détient également des documents compromettants pour une grande banque américaine, sans donner aucun nom."
Dans une interview accordé au magazine Forbes (11/11/2010), Julian Assange précise : “Cela donnera un aperçu représentatif et vrai de la conduite adoptée par la direction des banques, et je suppose que cela occasionnera des enquêtes et des réformes." Dans la suite de l'entretien, on apprend qu'il s'agit de l'une des banques les plus importantes des USA et que la publication des documents devrait intervenir début 2011.
WikiLeaks constitue une sorte de nouveau contre-pouvoir, à la fois contre les pouvoirs des Etats, d'une "certaine presse" et du secteur privé (surtout économique), qui n'aurait pas été possible sans l'avènement d'Internet. Ainsi, WikiLeaks s'inscrit dans ce que l'on peut appeler le "Web alternatif", qui prend ici une tournure résolument politique et militante. L'entreprise est risquée, car les pouvoirs en question ne plaisantent pas et tous les moyens seront bons pour mettre fin au projet : piratage et virus, noyautage et désinformation, menaces sur la vie et l'existence des collaborateurs, Julian Assange en tête. Sans se "mouiller", certains grands journaux, comme Der Spiegel ou Le Monde reprennent les informations fournies par WikiLeaks. Mais iraient-ils jusqu'à protéger leur "source" ?
Voici encore Alain Frachon, directeur éditorial du "Monde" qui, contrairement à son collègue cité plus haut, estime que les notes diplomatiques américaines de WikiLeaks constituent bien une "révélation".