lundi 30 avril 2012

[Note] Fin de Partie

La dernière semaine de la campagne présidentielle 2012 commence. Dans l'attente de la Fête du Travail à Paris, où les adorateurs de Jeanne d'Arc, les syndicalistes et un rassemblement organisé par le sortant sous la bannière déjà obsolète du Vrai Travail semblent s'engager dans une lutte acharnée, mais aussi dans la perspective médiatique du traditionnel débat télévisé entre les deux finalistes programmé le lendemain sur tous les canaux, on assiste à un lancer de boules puantes plutôt contre-productif pour autant qu'une élection comme celle-ci ne saurait se jouer sur des accusations sorties d'une boîte de Pandore à la veille du scrutin.

D'abord la vraie fausse interview de Dominique Strauss-Kahn parue le 27 avril 2012 en "exclusivité" dans le Guardian, un quotidien britannique d'orientation centre gauche : En fait, il s'agirait du montage d'un entretien accordé au journaliste américain d'investigation Edward Jay Epstein le 13 avril 2012 pour son livre Three Days in May (Trois jours en mai) qui reprend l'affaire du Sofitel de New York en défendant la thèse que le scandale aurait été orchestré par les services français dans le but de nuire au présidentiable Strauss-Kahn.

Et le lendemain (28 avril 2012), la "révélation" du site Médiapart (€) dirigé par Edwy Plenel, qui produit un document daté du 10 décembre 2006, signé par Moussa Koussa, le chef démissionnaire du service libyen des renseignements extérieurs, et adressé à Bachir Saleh, ancien trésorier de Mouammar Kadhafi, portant sur le financement à hauteur de 50 millions d'euros de la campagne électorale 2007 de Nicolas Sarkozy. Les deux intéressés libyens ont déjà démenti en contestant l'authenticité de ce document et le président sortant a déclaré qu'il porterait plainte contre le site d'investigation. Fait troublant cependant : Ce dimanche 29 avril 2012, le corps sans vie de Choukri Ghanem, ministre libyen du Pétrole à l'époque (de mars 2006 à mai 2011), qui a lui aussi fait défection lors du soulèvement populaire contre Kadhafi, est découvert à Vienne, flottant dans le Danube. L'autopsie n'a pas encore été pratiquée, mais on n'a constaté aucune trace apparente de violence sur le cadavre. Il pourrait donc s'agir d'une simple coïncidence.

De façon bien plus pressante, l'économie s'invite elle aussi dans cette fin de campagne : Après avoir, le 26 avril 2012, abaissé de deux crans la note de solvabilité financière de l'Espagne - de "A" à "BBB+" -, l'agence de notation américaine Standard and Poor's achève ce lundi 30 avril 2012 le travail en "dégradant" neuf banques espagnoles alors que le pays entre à nouveau en récession. Si les agences de notation avaient déclaré ne pas intervenir dans la campagne française en publiant d'éventuels bilans négatifs avant le scrutin du 6 mai, elles le font tout-de-même de façon indirecte avec cette attaque frontale contre l'Espagne.

Et puis il y a l'éternelle Mme Merkel qui, en vérité, est également soumise à la loi temporelle de la Démocratie puisque des élections fédérales auront lieu en Allemagne à la rentrée 2013. Or, le résultat n'est absolument pas acquis, d'autant que le dangereux Monsieur Hollande (The Economist) a des chances d'être le prochain président français, risquant alors de galvaniser l'élan social-démocrate (SPD) outre-Rhin. C'est peut-être l'une des raisons qui poussent la Dame d'Acier à faire certaines concessions dès aujourd'hui en prescrivant, à côté du régime amincissant qu'elle impose à la population allemande, une cure de croissance pour l'Europe, comme on peut le lire dans une interview récente traduite ici-même. D'ailleurs, après la surprenante demande d'un salaire minimal en Europe, Bruxelles semble lui emboîter le pas avec un possible plan de croissance soutenu par la Banque Centrale Européenne.

Pendant ce temps-là, l'équipe de campagne du sortant, dont l'époustouflante Nathalie Kosciusko-Morizet, s'offusquent de la présence de l'érotomane DSK à l'anniversaire de Julien Dray (PS). Et même le "président-candidat" pense qu'une enquête s'imposerait pour connaître les noms de tous les camarades qui ont assisté à la fête : "Quand on voit la comédie à laquelle donne lieu le dîner d'anniversaire de Monsieur Dray, avec Monsieur Strauss-Kahn - rue Saint-Denis, ça ne s'invente pas -, on se demande si parfois les socialistes réfléchissent", s'est-il laissé aller à dire ce matin sur I>Télé. - Le débat de fond est lancé !

dimanche 29 avril 2012

Hollande à Bercy (29 avril 2012)


Discours de François Hollande au meeting de Paris-Bercy (29 avril 2012)

Sarkozy à Toulouse (29 avril 2012)


Discours de Nicolas Sarkozy au Parc des Expositions de Toulouse (29 avril 2012)

samedi 28 avril 2012

[Traduction] Merkel à propos de la France et de l'Europe (27 avril 2012)

Voici la traduction d'une partie de l'interview que la chancelière allemande Angela Merkel (CDU) a accordé à la Leipziger Volkszeitung le 27 avril 2012. Il s'agit du passage qui concerne l'élection française et l'Europe :

Q. - Est-ce que la possible élection d'un président socialiste en France vous pose des problèmes ? Helmut Kohl s'est montré capable d'une excellente collaboration avec un socialiste à Paris.

A. M. - Ce qui importe pour le moment, c'est qu'il y a, avec le président et son challenger, deux pro-européens dans le tour décisif du 6 mai, dont il faut attendre le résultat. Nicolas Sarkozy et moi-même appartenons à la même famille politique et collaborons très étroitement. Pour la maîtrise de la crise, nous avons initié certaines décisions importantes en Europe. Ceci dit, le président français et le chef du gouvernement allemand arrivent toujours à bien travailler ensemble. C'est une affaire de responsabilité politique, que portent les chefs de gouvernements, en particulier ceux de nos deux pays.

Q. - Peut-il y avoir, comme le veut Hollande, des réajustements pour relancer la croissance dans le cadre du pacte fiscal européen ?

A. M. - Il n'y aura pas de renégociation du pacte fiscal. 25 chefs de gouvernement l'ont signé. Au Portugal et en Grèce, il est déjà ratifié ; en Irlande, il fera l'objet d'un referendum fin mai. Dans beaucoup d’États membres, comme en Allemagne, le pacte fiscal est actuellement soumis aux parlements.

Q. - Donc pas de relance supplémentaire de la croissance ?

A. M. - Elle est déjà à l'ordre du jour dans l'UE depuis l'année dernière. Plusieurs conseils européens s'y sont déjà penchés très concrètement ; pour le conseil de juin, nous préparons un agenda de croissance. Dès à présent les pays peuvent
, par exemple, utiliser les fonds structurels de manière plus flexible afin de venir en aide aux moyennes entreprises. Notre politique pour surmonter la crise de la dette publique repose sur deux piliers : d'un côté, une politique financière solide, sans laquelle aucun dépassement de la crise de la dette ne sera possible, mais qui à elle seule n'est pas suffisante ; voilà pourquoi, de l'autre côté, il faut une politique qui encourage la croissance et l'emploi, qui rend à nouveau concurrentiels les États, mais sans une nouvelle croissance à crédit. De nouveaux programmes publics conjoncturels n'aideraient pas l'Europe. Ce dont nous avons besoin, ce sont des réformes structurelles. Nous devons lever les obstacles à un bon développement économique ; en Allemagne, nous avons nous-mêmes expérimenté l'efficacité de réformes en profondeur du marché du travail pour une croissance véritable et durable. J'imagine également que nous allons encore renforcer les capacités de la banque européenne d'investissement.

[Traduction de l'allemand : Stefan Kaempfer -  Lien sur le texte original de l'interview]

La lettre de M. Bayrou et les réponses de MM. Hollande et Sarkozy

La lettre de François Bayrou 

  [adressée mercredi 25 avril 2012 aux candidats du second tour de l'élection présidentielle]

"Vous participez au second tour de l’élection présidentielle. Il me paraît normal de vous rappeler ce qui a été essentiel pour les plus de trois millions d’électeurs qui m’ont apporté leur suffrage au premier tour.

Le premier élément crucial pour eux et pour moi aura été la vérité sur la situation du pays, la prise en compte de la réalité des faits.

Je ne crois nullement que la crise financière soit derrière nous. Je pense au contraire que la crise est devant nous, et qu’elle sera très dure. Je pense que les déficits, commerciaux et budgétaires, qui s’accumulent pour notre pays menacent à court terme notre modèle social et que la multiplication des promesses non financées aggravera encore ce risque.

Et parce que nous allons vivre ces moments difficiles, l’attitude personnelle des gouvernants comptera beaucoup. C’est une question de valeurs, personnelles autant que politiques. Depuis des années, c’est la violence des attitudes et des mots, la guerre d’un camp contre l’autre, la complaisance à l’égard des extrêmes qui caractérisent notre pays. Le refus de la violence perpétuelle dans la vie politique, les valeurs de respect des sensibilités différentes, la reconnaissance du pluralisme, la recherche de l’équilibre, sont la condition nécessaire à l’esprit d’unité nationale dont nous aurons besoin face à la crise.

C’est ainsi, et seulement ainsi, par la vérité et l’unité que la France pourra regarder en face les conditions de son redressement. Et d’abord de son redressement financier. Or la recherche de l’équilibre des finances publiques n’est obtenue dans vos deux projets que par l’affichage d’une croissance impossible à court terme. Je vous demande instamment de réfléchir à ce péril et d’envisager des mesures crédibles pour l’écarter s’il est encore temps.

Pour moi, la décision constitutionnelle, inscrite dans le traité européen, de renoncer pour l’avenir aux facilités du déficit, du moins en période de croissance, la « règle d’or », doit s’imposer à tous les pays qui ont l’euro en partage. Non pas pour faire plaisir aux « marchés », ou à « Bruxelles », mais parce que c’est le seul moyen d’éviter pour la France et les Français, particulièrement pour les plus fragiles, la catastrophe sociale qui s’annonce.

La France s’est construite depuis la guerre autour du modèle social né du Conseil National de la Résistance. Nous y tenons, non pas comme à une tradition, mais comme à notre principale aspiration nationale. Nous le regardons non pas comme notre passé, mais comme notre avenir. Nous savons qu’il devra se réformer, mais dans la justice et la solidarité. Or c’est dans le concret de la vie de tous les jours que justice et solidarité risquent d’être menacées.

La sauvegarde de notre modèle social et de services publics impose de restaurer et de développer fortement notre appareil de production. La France est, Grande-Bretagne exceptée, le seul des grands pays européens qui connaisse l’effondrement de son commerce extérieur. Ce n’est pas viable. Pourtant, nous avons d’immenses marges de progression, et donc de création d’emplois durables, de ressources pour les familles.

C’est là que va se gagner ou se perdre le combat de notre avenir national, en particulier dans la recherche de stratégies nationales de production, filière par filière. Une évolution de la démocratie sociale dans l’entreprise est aussi un élément crucial de ce redressement. La représentation des salariés, avec droit de vote, au conseil d’administration des grandes entreprises, sera un signe déterminant en ce sens.

La crise de l’éducation en France est un enjeu du même ordre. La situation de l’école, notamment à l’école primaire et au collège, ne peut être acceptée. Des centaines de milliers d’enfants voient leur avenir barré faute de se voir garantir les acquis nécessaires, maîtrise de l’écrit, du chiffre, de la langue. Faute de consacrer à ces fondamentaux le temps scolaire indispensable, les inégalités sociales se perpétuent et s’aggravent dans cet échec. Ce combat national oblige à un nouveau contrat entre l’école et la nation, qui touchera à la question des pratiques, de l’organisation, du développement de l'alternance et de l’apprentissage, aussi bien que des moyens.

La moralisation de la vie publique, le changement des pratiques du monde politique représentent une attente des citoyens dont vous ne pouvez ignorer la gravité. L’interdiction du cumul des mandats pour les députés, la diminution du nombre des parlementaires, le renforcement de la parité hommes femmes, le changement de loi électorale pour assurer la représentation des grands courants d’opinion, en tout cas de ceux qui atteignent 5 % des suffrages, à l’Assemblée nationale, au sens le plus large la garantie du pluralisme, la consécration de l’indépendance de la justice, le renforcement de l’indépendance des médias, l’assainissement du financement de la vie politique, la lutte contre la corruption et la prise illégale d’intérêts, tout cela est urgent. Les deux partis que vous représentez ont souvent pris des engagements, mais jamais ils ne sont allés plus loin. Je crois que cette moralisation est vitale pour que la confiance revienne entre citoyens et élus. Seule la voie référendaire permettra de les imposer à un monde politique qui n’a guère envie de voir changer les règles d’un jeu qui lui convient.

L’Europe a été durement attaquée pendant cette campagne. On lui a fait porter tour à tour la responsabilité de l’immigration et celle de l’absence de croissance. Je veux vous dire que pour nous, il est impossible d’envisager notre avenir national sans projet européen. L’Europe n’est pas seulement notre horizon : le jour où elle existera vraiment, elle sera notre seule arme politique et économique efficace dans la tourmente mondiale. L’Europe souffre aujourd’hui d’absence de gouvernance, de transparence et de lisibilité. Ce n’est pas avec moins d’Europe que la France s’en sortira ! C’est avec une Europe plus forte, plus solidaire, plus lisible, donc plus communautaire. Dans cette perspective, les renforcements de la zone euro, comme de l'espace Schengen, sont une étape prioritaire.

Des millions de Français partagent ces valeurs et ces préoccupations. Ils seront, je n’en doute pas, attentifs aux orientations qui seront les vôtres sur ces questions durant la campagne du deuxième tour.

Je vous prie de croire à l’assurance de mes sentiments cordiaux."

vendredi 27 avril 2012

[Billet] Grimassensuppe

Avec leurs deux derniers articles les forcenés de la Livre Sterling et un hebdomadaire allemand présumé centre gauche partagent la même ligne éditoriale : en somme, il faudrait dégraisser de plus en plus l’État social, qu'il soit d'ailleurs français, allemand ou britannique ; or le candidat social-démocrate François Hollande se refuserait apparemment à appliquer ce régime amincissant, tendance anorexique, prescrit par les rois de la finance. What a shame !

Mais ce n'est pas tant l'article de The Economist qui surprend puisque l'hebdomadaire britannique reste fidèle à lui-même en lançant sa formule d'un Monsieur Hollande plutôt dangereux. C'est le Spiegel qui déçoit ses lecteurs traditionnels en affichant - du moins dans le papier sur la politique européenne proposée par le candidat social-démocrate français - une nette préférence pour le régime amincissant que Mme Merkel impose aux travailleurs, chômeurs et retraités allemands. Or, puisque celle-ci doit se représenter dès septembre 2013 devant l'électorat allemand et que sa formation chrétienne-démocrate, la CDU, n'est absolument pas certaine de pouvoir créer une nouvelle majorité au Bundestag, on se demande si le Spiegel apporte dès à présent son soutien à la chancelière sortante, au risque de faire se retourner dans sa tombe le fondateur de l'hebdomadaire d'information, Rudolf Augstein. Was für eine Blamage !

L'austérité, la rigueur, voilà les médicaments qui soigneraient la maladie de la dette contractée par l’État social à force de pourvoir aux soins équitables pour tous les citoyens, à leur éducation, aux logements sociaux, services publics, transports en commun etc. etc.

Mais qu'en est-il de l'autre dette ? Celle dont personne ne parle jamais comme d'une faute grave, extrêmement ruineuse pour l'ensemble de l'humanité, comme d'une dette qu'il faudrait commencer à rembourser : la désertification de la nature et la destruction des espèces vivantes, la pollution des villes et des océans, la misère de tous ces peuples qui végètent sous le seuil de pauvreté dans l'étau d'un marché mondial inéquitable et implacable ? 

L'autre jour, j'ai vu une émission sur un entrepreneur satisfait d'avoir délocalisé ses activités dans une région où les habitants travaillent pour une bouchée de pain, dont il peut en outre épuiser sans vergogne les ressources naturelles. Le plus étonnant :  il n'éprouvait aucune espèce de culpabilité, pas le plus petit sentiment de faute, pas la moindre compassion pour le sort misérable de ses semblables. Ses arguments : mondialisation, rendement. The usual rationalization.

Pour changer, une alliance des sociaux-démocrates français et allemands, avec le soutien des écologistes et des mouvements citoyens, ne pourrait-elle pas contribuer à façonner le destin politique d'une Europe prise dans le carcan néo-libéral ? N'est-ce pas cela qu'il s'agit d'empêcher à tout prix, à coups de rationalisations et de moralisations économistes de personnes qui n'ont par ailleurs aucun scrupule à affamer les populations, à désertifier le monde et à alimenter les guerres entre les peuples avec leur "superproduction" d'armements ? Si les agences de notation ont la "décence" de ne pas lancer une nouvelle attaque contre la France en pleine campagne électorale - mais il leur reste encore une semaine pour affirmer une prise de pouvoir totalement antidémocratique et surtout antisociale -, la "dégradation" de l'Espagne est tout-de-même une déclaration d'intention - sinon de guerre contre l’État social - on ne peut plus claire. Dès lors, n'y-a-t-il donc aucun moyen - démocratique - de faire valoir une autre perspective que celle de ces "sujets supposés savoir" qui nous conduisent sans cesse au bord du gouffre ?

Et si la soupe à la grimace, pour une fois, changeait de camp ?


mercredi 25 avril 2012

[Note] L'effet FN et les calculs électoraux

Le score de 17,9% pour Marine Le Pen (FN) à la Présidentielle 2012 a été aussitôt qualifié d'historique par la grande majorité des commentateurs. Un petit calcul s'impose. Voici les chiffres :

Selon le Conseil Constitutionnel (25 avril 2012), 46.028.542 électrices et électeurs français ont été appelés aux urnes ce 22 avril 2012. 9.444.143 d'entre eux ne s'y sont pas rendus, 36.584.399 ont voté et 35.883.209 se sont exprimés pour l'un(e) des dix candidat(e)s. Le Front National de Marine Le Pen a réuni 6.421.426 voix, soit 17,9% des suffrages exprimés (non blancs ou nuls) ou encore quelque 14% sur la totalité des inscrits.

L'autre événement présumé "historique" était l'accession du père fondateur du FN, Jean-Marie Le Pen, au second tour de la Présidentielle 2002. Voyons à nouveau les chiffres :

Voici dix ans exactement, le corps électoral français comptait 41.194.689 personnes. 11.698.956 d'entre eux ont boudé les urnes, 29.495.733 seulement sont allés voter et 28.498.471 ont choisi l'un(e) des 16 candidat(e)s en lice. Le Front National de Jean-Marie Le Pen a réuni 4.804.713 voix au premier tour soit 16,68% des suffrages exprimés. Au second tour, il a totalisé 5.525.032 votes, soit 17,79% sur 31.062.988 suffrages exprimés (2.564.517 de plus qu'au premier tour) : il n'aura donc pris que 720.319 voix supplémentaires qui correspondent en gros aux 667.026 suffrages accordés au dissident frontiste Bruno Mégret au premier tour. Ainsi, sur les quelque 2 millions et demi de nouveaux suffrages exprimés au second tour de 2002, pratiquement personne n'a voté pour le Front National, ce qui autorise la conclusion que le parti d'extrême-droite n'a aucune réserve de voix parmi les abstentionnistes et que son score peut donc être calculé sur le nombre des inscrits : Au premier tour de 2002, Jean-Marie Le Pen réunissait quelque 11,7% des inscrits et au second environ 13,4%, un chiffre qui s'approche des 14% de sa fille le 22 avril 2012.

Pas grand-chose d'historique donc : un(e) inscrit(e) sur sept vote FN et 86% du corps électoral français ne le votent pas. - Dès lors, pourquoi tout ce remue-ménage médiatico-politique autour des quelque 6 millions et demi de votants favorables à Marine Le Pen sur 46 millions d'inscrit(e)s ?

En revanche, ce qui est "historique" pour avoir durablement marqué la Démocratie française, c'est le sabordage du suffrage universel en 2002 où un homme a pu, avec à peine 12% des électrices et électeurs inscrits sur les listes, effacer en un clin d’œil 12.218.585 voix pour les candidat(e)s de gauche, soit quelque 30% des inscrits. A titre de comparaison, les candidat(e)s de droite hors Le Pen et Mégret totalisaient 10.808.717 suffrages au premier tour de la Présidentielle 2002, soit un peu plus de 26% du corps électoral français, les deux candidats d'extrême-droite réunissant 13,3%, les abstentions, blancs et nuls se montant à plus de 30% des inscrits en ce dimanche funeste du 21 avril 2002.

Or les Français auront retenu la leçon : Marine Le Pen n'est pas au second tour de cette Présidentielle. C'est en cela, et en cela seulement, qu'elle appartient déjà à l'histoire : à la petite histoire de la campagne 2012.

mardi 24 avril 2012

[Note] L'entre-deux-tours

Très récemment, N. Sarkozy a fait savoir qu'il souhaiterait trois débats de second tour. Or, F. Hollande n'en acceptera qu'un seul (sans doute le 2 mai 2012), comme c'est d'ailleurs la coutume sous le régime présidentiel de la 5e République. Sans doute le président sortant accorde-t-il un caractère décisif à cet exercice médiatique, ou plutôt : puisqu'un effet déterminant de ces rituels duels télévisés sur la décision finale des électeurs n'a pu être détecté par les analystes, N. Sarkozy espère peut-être inverser une tendance qui lui est actuellement défavorable avec une triple couche de personnalisation médiatique.

Et voilà autre chose : au nom du "vrai travail", le président sortant en appelle bien intempestivement à un "grand rassemblement" le 1er mai, n'en déplaise aux nationalistes rassemblés autour de la statue de Jeanne d'Arc et aux syndicalistes qui défilent traditionnellement pour la Fête du Travail. - Le vrai travail ? Écoutons l'orateur de Saint-Cyr (Indre-et-Loire, lundi 23 avril 2012) :
Alors, on me dit : Mais qu’est-ce que c’est le vrai travail ? Je vais vous expliquer ce que c’est que le vrai travail. C’est celui qui a construit toute sa vie sans demander rien à personne. Il s’est levé très tôt le matin, couché très tard le soir, qui ne demande aucune félicitation, aucune décoration, rien. C’est celui qui a commencé tout en bas, qui s’est hissé le plus haut possible et qui se dit je veux que mes enfants puissent vivre mieux que moi et commencer plus haut que moi. Le vrai travail, c’est celui qui se dit, oh, je n’ai pas un gros patrimoine, mais le patrimoine que j’ai, j’y tiens, parce qu’il représente tellement de sueurs, tellement de milliers, de milliers d’heures de mon travail, tellement de peines, tellement de sacrifices, tellement de souffrances ! Ce patrimoine-là, on ne me le volera pas parce que c’est le mien ! C’est celui de ma famille ! J’ai trimé pour ce patrimoine-là et je n’ai pas l’intention de m’excuser d’avoir construit cette vie ! C’est ça le vrai travail ! - Le vrai travail, c’est celui qui dit, toute ma vie, j’ai travaillé, j’ai payé mes cotisations, j’ai payé mes impôts, je n’ai pas fraudé, au moment de mourir, je veux laisser tout ce que j’ai construit à mes enfants, sans que l’Etat vienne se servir en mes lieu et place ! Le vrai travail, c’est celui de cet homme ou de cette femme qui a sacrifié tant de fois ses week-ends, tant de fois ses vacances, simplement parce qu’il avait un souci, simplement parce qu’il voulait faire le mieux possible ce qu’il avait à faire. Le vrai travail, c’est celui qui a mis un genou à terre, qui a connu des problèmes, qui a connu l’échec et qui, quand on a connu des problèmes et connu l’échec, s’est dit, c’est d’abord moi qui vais m’en sortir, je vais m’en sortir par mon effort, par mon mérite. Parce qu’au fond, ma souffrance, j’ai trop de fierté pour l’étaler devant les autres. Le vrai travail, c’est celui qui est exposé à la concurrence, c’est celui qui, s’il ne va pas à son travail, il n’aura rien, s’il ne se donne pas du mal, il n’aura rien, s’il n’y va pas lui-même, il n’aura rien. C’est celui qui connaît la crise, parce que quand il y a la crise, il est pénalisé, par le chômage partiel, par le carnet de commandes qui diminue. Le vrai travail, c’est celui qui, malheureusement, n’est pas protégé de toutes les crises, de toutes les difficultés. J’ai envie que cette France qui travaille se rassemble à Paris le 1er mai et j’ai envie de lui parler de notre conception du travail !

lundi 23 avril 2012

Résultats définitifs du 1er tour de la Présidentielle 2012

Après la soirée électorale et les estimations de dimanche, les médias français donnent ce lundi matin 23 avril 2012 les chiffres "quasi définitifs" du ministère de l'Intérieur pourtant sur 99 % des inscrits (exceptés les Français de l'étranger) :

François Hollande (PS) : 28,63 % - Nicolas Sarkozy (UMP) 27,08 % - 

Marine Le Pen (FN) : 18,01 % - Jean-Luc Mélenchon (FdG) : 11,13 % -

François Bayrou (MD) : 9,11 % - Eva Joly (EELV) : 2,28 % -

Nicolas Dupont-Aignan (DlR) 1,8 % - Philippe Poutou (NPA) : 1,15 % -

Nathalie Arthaud (LO) 0,57 % - Jacques Cheminade (SeP) : 0,25 %

Taux d'abstention : 19,84 % 

***

Analyse succincte

Sur la base de ces chiffres et en posant un report optimal, les voix réunies de la gauche (PS, EELV, FdG, NPA, LO, SeP) s'élèvent à 44,01% contre 46,89% pour la droite (UMP, FN, DlR).

Or, les deux inconnues sont les décisions prises le 6 mai prochain par les électeurs nationalistes et centristes, sans doute influencées par d'éventuelles consignes des deux chefs de partis Le Pen et Bayrou, qui ont déjà promis de s'exprimer sur le sujet.

Basés sur des estimations, les premiers commentaires vont dans le sens d'une préférence plutôt surprenante du centre pour Hollande (40% contre 25% à Sarkozy et donc 35% d'abstentions) et d'une tendance au vote blanc pour les électeurs du FN. - Si le report des voix à gauche sur la candidature de Hollande semble acquis, d'autant que les autres candidats appellent à voter pour lui ou du moins à "battre Sarkozy" (hormis N. Arthaud qui entend voter blanc), tout reste donc ouvert à droite.

Devant cette constellation assez embrouillée, je reprends mon hypothèse qui, si elle ne s'est pas confirmée, permet cependant de mieux comprendre les forces politiques du pays. J'avais estimé que 50% des électeurs votaient pour l'un des deux "finalistes" : ce sont en fait 55,71%. Et j'avais pensé que 30% allaient aux extrêmes (FN, DlR à droite, FdG, NPA, LO à gauche) : il s'agit en fait de 32,66%. Ce ne sont donc plus 20% des suffrages exprimés qui, pour reprendre mon expression, "se baladent dans la nature", mais seulement 11,63%, dont 2,28% aux Verts et 9,11% aux "ni... ni..." du MoDem. - Il semble évident que les scores d'Eva Joly et de F. Bayrou ne reflètent pas les forces politiques qu'ils représentent. D'un côté, la candidature de la juge franco-norvégienne a été une erreur manifeste : Cécile Duflot aurait fait un score plus proche des 5% et de la réalité pour ce mouvement qui est appelé à prendre de l'ampleur en Europe. Aux Européennes de 2009, le score surprenant de 2.803.759 suffrages écologistes (soit 16,28% dans une élection à forte abstention) est là pour en témoigner. De l'autre, le centre ne se limite pas au MoDem de François Bayrou, puisque Hervé Morin (Nouveau Centre) et Jean-Louis Borloo (Parti Radical) ont retiré leurs candidatures au profit du président sortant, qui les avait intégrés dans son "gouvernement d'ouverture".

J'étais parti d'une relative égalité entre les "finalistes" traditionnels (25% à l'UMP et 25% au PS), mais aussi entre les extrêmes (15% pour le FN et DlR, 15% pour le FdG, NPA et LO). Le score de 18% (d'abord estimé à 20%) de Marine Le Pen, aussitôt qualifié d'historique, contredit apparemment cet équilibre supposé. - D'une certaine manière, la "poussée" de l'extrême-droite est compensée par la course en tête du candidat social-démocrate. De même, on peut dire que le score excessif du FN comporte un certain nombre de "votes sanction", comme le score important des deux finalistes comprend déjà un nombre significatif de "votes utiles", ce qui brouille tout-de-même quelque peu les cartes et nous ramène à proximité des chiffres que j'avais préconisés : 50% aux finalistes, 30% aux extrêmes. Resteraient donc toujours 20% des suffrages qui, pour l'heure, rendent le résultat final de cette Présidentielle 2012 relativement indécis, quoi qu'en disent les instituts de sondage où l'on continue de prédire une large victoire de François Hollande le 6 mai 2012, actuellement crédité de 54% des intentions de vote contre 46% à Nicolas Sarkozy.

 ***

Résultats nationaux mis à jour (11:20) par le ministère de l'Intérieur 

Taux d'abstention : 20,53 %

François Hollande  28,63 % - Nicolas Sarkozy 27,18 % - Marine Le Pen 17,9 % -
Jean-Luc Mélenchon 11,11 % - François Bayrou 9,13 % - Eva Joly 2,31 % -
Nicolas Dupont-Aignan 1,79 % - Philippe Poutou 1,15 % - Nathalie Arthaud 0,56 %
Jacques Cheminade 0,25 %

Le communiqué du Conseil Constitutionnel (25 avril 2012)

Électeurs inscrits : 46 028 542 - Votants : 36 584 399
Suffrages exprimés : 35 883 209 - Majorité absolue : 17 941 605

M. François Hollande : 10 272 705  - M. Nicolas Sarkozy : 9 753 629
Mme Marine Le Pen : 6 421 426 - M. Jean-Luc Mélenchon : 3 984 822
M. François Bayrou : 3 275 122 - Mme Eva Joly : 828 345
M. Nicolas Dupont-Aignan : 643 907 - M. Philippe Poutou : 411 160
Mme Nathalie Arthaud : 202 548 - M. Jacques Cheminade : 89 545 

Sur la base de ces chiffres réels, un petit calcul électoral s'impose.

vendredi 20 avril 2012

[Note] Prélude à un débriefing

Il faut dire ce qu'il faut dire. Les autoproclamés "antisystème" reproduisent les travers imputés au "système" : extrême-gauche et extrême-droite, chacune créditée d'environ 15% dans ce pays, soit en gros un bulletin sur sept, allongent un sprint final à peu près semblable aux jets de tomates pourries entre sociaux-démocrates et libéraux, soutenus par la moitié de l'électorat français, soit un votant sur quatre pour chacun de ces deux courants politiques considérés comme "frères ennemis". Resteraient dans ce calcul quelque 20% qui "se baladent dans la nature" : les Nini à la Bayrou et les Verts à la Joly, ces deux options ayant quelques affinités comme le montre par exemple la position de N. Hulot.

Les instituts de sondage tirent également leurs dernières cartouches comme Ipsos (Logica Business Consulting) pour France Info, France Télévisions, et Le Monde ("sondage réalisé du 18 au 19 avril sur  1021 personnes inscrites sur les listes électorales interrogées par téléphone selon la méthode des quotas"). Voici comment le résultat est rapporté sur France Info ce matin (20 avril 2012) :  
François Hollande [...] recueille 29% des intentions de vote au premier tour, devant Nicolas Sarkozy qui n'en obtient plus que 25,5, ce sont exactement les chiffres et l'écart enregistrés les 2 et 3 mars dernier. Comme si le président-candidat avait fait un mois de campagne et de meetings pour rien. [...] - Marine Le Pen affiche 16% d’intentions de vote (+1), Jean-Mélenchon 14 (-0,5) et François Bayrou reste 5e avec 10%. - Beaucoup plus loin, les "petits candidats". Eva Joly avec 2 points (-0,5) est en tête de ce groupe, suivie par Nicolas Dupont-Aignan et Philippe Poutou qui restent ex-aequo avec 1,5 point (+0,5 point chacun). Jacques Cheminade est stable avec 0,5% d’intention de vote et Nathalie Arthaud perd le seul point qu’elle avait…[...] - Au second tour, malgré une hausse des reports des votes Bayrou et Le Pen vers Nicolas Sarkozy, François Hollande l'emporterait devant Nicolas Sarkozy 56-44. Mais un électeur sur cinq hésite encore, et un sur dix affirme pouvoir encore changer d'avis. 

vendredi 13 avril 2012

Du nouveau dans la spéculation sur la dette française

La Tribune a fait paraître hier (12 avril 2012) cet avis de Pascal Canfin, eurodéputé EELV, sur le nouveau contrat à terme lancé par Eurex, qui donne actuellement lieu à une polémique considérable :

A partir du 16 avril, il sera plus facile de spéculer sur la dette française. Non, Goldman Sachs ne vient pas d'inventer un nouveau produit financier, mais il s'agit d'une décision prise directement par l'agence France trésor (AFT), un service de Bercy en charge de placer la dette française. L'AFT a en effet autorisé Eurex - une bourse allemande spécialisée dans les produits dérivés - à commercialiser un produit "future" sur la dette française. Autrement dit, l'Etat français donne son feu vert pour acheter ou vendre à terme de la dette française, ce qui permet de se couvrir contre le risque lié à la détention d'obligations françaises mais aussi, et c'est là le problème, de spéculer sur l'évolution des taux d'intérêt français.

Ce type de contrats existe déjà mais ils sont aujourd'hui échangés en gré à gré. Le fait de les passer sur un marché transparent apporte un avantage. Néanmoins, ce bénéfice doit être mis en balance avec les inconvénients du développement de ce type de produits dérivés sur la dette française. En effet, ce nouveau produit permettra aux investisseurs de spéculer beaucoup plus facilement et à moindre coût sur l'évolution des taux d'intérêts des obligations émises par l'Etat français. Et ni la législation française, ni la législation européenne n'offrent de réels garde-fous. Ces contrats peuvent être aujourd'hui utilisés pour prendre des positions purement spéculatives... par exemple après le 6 mai prochain. Il aurait été tout à fait possible à l'Agence France Trésor - qui a autorisé Eurex à commercialiser ce nouveau produit - d'y mettre des conditions. Par exemple, le fait d'obliger l'une des deux parties de la transaction à détenir effectivement de la dette française et donc, de se trouver dans une position de couverture d'un risque et non de spéculation.

De plus, ceux qui assurent la promotion de ce type de produit, Eurex mais aussi l'Agence France Trésor font miroiter davantage de liquidité sur la dette française grâce à ces produits dérivés. Or, offrir plus de liquidité, c'est à dire la capacité d'acheter ou de vendre à tout instant, n'a pas que des avantages. Par temps calme, elle peut effectivement contribuer à diminuer le taux d'intérêt. Mais par gros temps, une telle liquidité entraine au contraire encore plus de volatilité et d'instabilité. Une situation que l'on ne peut exclure sur la dette française... D'ailleurs si la liquidité permanente devait conduire à une plus grande stabilité, on aurait déjà pu le mesurer depuis des années. La réalité est qu"il n'y a jamais eu autant de liquidité sur les marchés financiers... et jamais eu autant de crises financières rapprochées dans le temps.

La décision, prise par l'Agence France Trésor, semble encore une fois avoir échappé au politique pour relever de la sphère technique où tous les intervenants, acteurs privés et publics, partagent le même corpus de valeurs et le même dogme de la liquidité permanente. Il est vraiment plus que temps que le politique reprenne la main sur la finance...

jeudi 12 avril 2012

La performance de Philippe Poutou

Il fallait rester jusqu'au bout pour assister à ce que les médiatiques appellent "un grand moment de télévision". L'émission "Des paroles et des actes" (France 2, 11 avril 2012) présentait cinq candidat(e)s à la Présidentielle, dans l'ordre : N. Dupont-Aignan, E. Joly, F. Hollande, M. Le Pen, Ph. Poutou, chacun(e) disposant d'une vingtaine de minutes pour s'exprimer. La seconde fournée télévisuelle - N. Sarkozy, F. Bayrou, J.L. Mélenchon, N. Arthaud, J. Cheminade - est à l'antenne ce jeudi 12 avril.

Si les performances des quatre premières personnalités politiques étaient attendues et surtout prévisibles pour les trois journalistes drivés par l'ébouriffant David Pujadas, celle de Philippe Poutou a fait sauter le dispositif médiatique, étudié pour imprégner à la discussion ce rythme censé river le téléspectateur criblé d'ennui à son poste. Or, la rupture de l'ennui est venue d'ailleurs.

Avec un débit inhabituel, des propos pertinents et un sens développé de l'à propos, le militant ouvrier du Nouveau Parti Anticapitaliste a considérablement déboussolé les médiatiques, qui se sont pris les pieds dans le tapis qu'ils ont eux-mêmes posé. Mais écoutez plutôt :


lundi 9 avril 2012

Vote par procuration

Comme nous l'apprend le site Service-Public, le vote par procuration en cette période de vacances n'est pas une démarche très compliquée. Détails :
- Le vote par procuration permet à un électeur absent, de se faire représenter, le jour d'une élection, par un électeur de son choix.
- La personne qui donne procuration (le mandant) désigne librement la personne qui votera à sa place (le mandataire). - Le mandataire doit toutefois répondre à 2 conditions : être inscrit dans la même commune que son mandant et ne pas avoir reçu d'autre procuration en France.
- Le mandant indique les raisons de son absence par une simple déclaration sur l'honneur prévue sur le formulaire.
- En France, le mandant peut se présenter au commissariat de police, à la brigade de gendarmerie ou au tribunal d'instance de son domicile ou de son lieu de travail. - À l'étranger, il doit se présenter au consulat ou à l'ambassade.
- Le mandant doit fournir un justificatif d'identité admis pour pouvoir voter (carte nationale d'identité, passeport ou permis de conduire par exemple).
- Les démarches doivent être effectuées le plus tôt possible pour tenir compte des délais d'acheminement et de traitement de la procuration en mairie. En principe, une procuration peut être établie jusqu'à la veille du scrutin, mais le mandataire risque alors de ne pas pouvoir voter si la commune ne l'a pas reçue à temps.
Cette démarche administrative est gratuite.

samedi 7 avril 2012

[Note] Hollande - Sarkozy : Fragments d'un double discours

Je viens d'écouter le discours de François Hollande tenu à Mont-de-Marsan le 29 mars 2012 et celui de Nicolas Sarkozy prononcé à Caen le 6 avril 2012. Le choix de ces adresses publiques - mises en ligne ici-même à titre d'information - est un peu le fruit du hasard : si les exercices oratoires de N. Sarkozy sont nombreux sur son site de campagne, ceux de F. Hollande sont plus rares ; j'ai donc choisi le plus actuel de l'un (6 avril - 70'56") et le plus récent de l'autre qui ait une durée quelque peu comparable (29 mars - temps réel 52'40").

Avec une diffusion apparemment inégale des différents discours tenus par les deux candidats, le premier point de cette petite analyse comparative concerne la production de ces deux documents de campagne. La vidéo de Caen a été tournée avec une multitude de caméras, un grand nombre dirigées sur le public : gros plans sur la jeunesse sarkozyste et le public enthousiaste, plans larges sur les drapeaux agités dans la salle. Montage dans les règles de l'art, bande son impeccable. - Toute différente la vidéo de Mont-de-Marsan : plan fixe sur l'orateur, sous-titrage et traduction simultanée en langage des sourds. Aucun montage apparent, bande son légèrement saturée ...

Les vidéos montrent clairement que le show est du côté de N. Sarkozy qui met en œuvre une campagne à grand spectacle, dont le coût énorme avec, par exemple, l'envoi de plusieurs millions d'exemplaires de sa Lettre aux Français de 35 pages, peut faire réfléchir dans le cadre des procédures en cours. La production plus modeste de F. Hollande, qui renonce aux effets cinématographiques, comporte cependant un plus avec les traductrices en langue des signes et le sous-titrage en direct. Il veut être entendu : parfois à la limite de l'extinction, sa voix rauque qui scande un discours combattif contraste avec le registre de N. Sarkozy qui alterne le ton léger de la causerie mondaine et la gravité apparemment réclamée par la crise.

Comme l'exige le genre, la forme du discours est résolument polémique, les deux candidats utilisant ici avec prédilection l'ironie portant sur les déclarations et les propositions de l'autre, qui est donc implicitement désigné comme le principal rival : ainsi, par procuration, on assiste à une sorte de dialogue - ou, au choix, de non-dialogue - entre les deux politiciens. F. Hollande a ici l'avantage de pouvoir se référer au bilan du quinquennat écoulé, alors que N. Sarkozy l'utilise au contraire pour faire valoir son expérience de la fonction présidentielle, dont il retient les points qu'il juge positifs.

vendredi 6 avril 2012

[Note] Menace terroriste, menace nucléaire

A l'heure où un "incident" est signalé à la centrale nucléaire de Penly (Seine Maritime), pendant qu'un "coup de filet" dans les milieux islamistes français sur ordre du gouvernement est toujours en cours après les vagues médiatiques de l'affaire Merah, on peut se poser des questions sur la hiérarchie des informations.

Ce jour, le moteur de recherche Google répertorie 180.000.000 entrées (!) pour le nom propre Merah, contre 123.000 pour celui de Penly. - Bien sûr, l'incident, qui n'est rien moins qu'un véritable accident, sans pour autant préjuger de sa gravité, ne s'est produit qu'hier, jeudi 5 avril 2012, mais on peut déjà affirmer que cette menace nucléaire, pourtant bien réelle, n'atteindra pas les sommets de l'action extrêmement médiatique d'un tueur en masse dans le toulousain.

mardi 3 avril 2012

[Billet] Le déni économiste

L'hebdomadaire britannique The Economist vient de faire sa Une sur le titre France in Denial ("La France dans le déni"). Sous-titre : The West's most frivolous election ("L'élection la plus frivole de l'Occident"). L'illustration est un modèle du genre :


Sur la mention de copyright en bas à droite ne figure pas le peintre Édouard Manet (Le déjeuner sur l'herbe). Normal : il est dans le domaine public, isn't he ?

Or, ce détournement plutôt sympathique montre involontairement de quoi il pourrait également s'agir : de l'appropriation du bien public à des fins commerciales.

Non, sérieusement : Une fraction du pourcentage que cette image peut rapporter ne devrait-elle pas être reversée aux peintres vivants en difficultés ? Les vieux poètes ne pourraient-ils pas profiter un peu de l'utilisation de Baudelaire pour vanter le "luxe inouï" d'une nourriture pour chats ? Et ces musiciens réputés pauvres des commercialisations innombrables de Wolfgang Amadeus pendant que les majors crient au scandale parce que le piratage tuerait la musique ? Non, rien à voir ?

Revenons donc à l'image. Les concepteurs de The Economist ont choisi le tableau de Manet pour illustrer la frivolité française de la Fin de Siècle. Ce choix serait un peu moins judicieux en conservant les visages masculins. Or, leur gommage au profit des deux candidats incarnant respectivement les deux principaux courants politiques du monde démocratique - libéralisme et social-démocratie - peut suggérer que le temps s'est arrêté à la Belle Époque, pourtant déjà traversée par une ambivalence fondamentale que l'on retrouve dans l’œuvre. La voici :


Mais, of course, l'article de The Economist concerne un domaine moins frivole que l'interprétation d'une œuvre d'art puisque le photomontage veut faire ressortir le déni de la situation économique du pays dans cette campagne française de 2012.

L'une des phrases clé est celle-ci : Part of the problem is that French voters are notorious for their belief in the state’s benevolence and the market’s heartless cruelty. Je traduis : Une partie du problème concerne les électeurs français qui sont réputés pour leur foi dans la bienveillance de l’État et la cruauté impitoyable des marchés.

Sorry, mais quel est le sens de ce caractère problématique de l'électorat français ? Est-il stupide ? Faut-il stopper le processus démocratique pour raison de "crise économique", dont les principaux responsables occupent des postes clé dans la finance et le commerce international qu'il s'agit de sauver à tout prix ? - Et à quel prix, au juste ? Jusqu'à quel âge faudra-t-il travailler et pour quel salaire de misère, combien d'élèves faudra-t-il dans une salle de classe pour rembourser la "dette" de l’État social ? Ceux qui désertifient la nature, délocalisent et ferment les entreprises, exploitent le travail des enfants comme au temps du capitalisme industriel n'ont-ils donc aucune "dette" vis-à-vis de l'humanité ? Pas le plus petit sentiment de culpabilité ?

Allez, citoyens, n'en déplaise aux forcenés de la livre sterling, votez donc comme bon vous semble !

dimanche 1 avril 2012

Sondage - 1er avril 2012


Le site du Point nous apporte notre dose quotidienne de sondage :
François Hollande reste en tête des intentions de vote, à 28,5 %, devant Nicolas Sarkozy, stable à 27,5 %, mais il perd deux points en quinze jours au profit de Jean-Luc Mélenchon qui, gagnant quatre points à 15 %, prend la troisième place, selon un sondage LH2 pour Yahoo! publié dimanche. Au second tour, le candidat socialiste l'emporterait avec 54 %, malgré un effritement d'un point, face au président sortant (46 %).
Au premier tour, derrière Hollande, Sarkozy et Mélenchon, Marine Le Pen obtiendrait 13,5 %, en baisse d'un point par rapport au précédent sondage LH2 publié le 18 mars, et François Bayrou 12 % (- 0,5 point). Viennent ensuite, très loin derrière, Eva Joly, à 2 % (- 0,5 point), Philippe Poutou, Nathalie Artaud et Nicolas Dupont-Aignan, à 0,5 % chacun, et Jacques Cheminade (0 %).
17 % des sondés n'ont pas exprimé d'intention de vote au premier tour, et 21 % au second. Ce sondage a été réalisé par téléphone les 30 et 31 mars auprès d'un échantillon représentatif de 973 personnes âgées de 18 ans et plus (méthode des quotas). Notice complète consultable auprès de la Commission nationale des sondages.
 Alors, il est où, ce poisson d'avril ?

Mélenchon - Hollande : L'état de la Gauche

Sur son blog, Jean-Luc Mélenchon écrit samedi, 31 mars 2012, à l'entrée Face à l’artillerie lourde (caractères gras ajoutés) :
Vous avez noté, bien-sûr, comment depuis quelques semaines, les intentions de vote pour le Front de Gauche relevées par les sondages sont à la hausse. Cette fois-ci cela correspond à ce que nous observons de toute part dans le pays avec nos propres instruments de mesure. La marche sur la Bastille et sa première réplique à Lille en attestent. Je n’en dis pas davantage. Cette situation déchaîne contre moi un ouragan de tirs tendus. Les arquebusiers les plus divers du Front National aux Verts en passant bien-sûr par les socialistes et l’UMP sont montés au feu. Je vois bien que cela énerve ! J’en dis le fond des raisons.
Après des développements sur le malaise dans les lycées professionnels et un paragraphe sur l'association pour le "droit de mourir dans la dignité", le politicien semble en venir à ce fond :
Inutile, je suppose, de dire de nouveau combien le traitement médiatique de la campagne dans la presse écrite peut être décevant. Je parle de la presse écrite car c’est d’elle dont on attend recul et arguments par rapport à l’instantané du média audiovisuel. En réalité, à l’heure actuelle, l’audiovisuel est beaucoup plus factuel qu’une bonne partie de l’écrit. Je n’en juge pas en général mais au cas particulier qui me concerne. Pour l’humour de situation je veux souligner un événement d’un genre nouveau. Il s’agit du traitement du meeting de Lille. A peine avions nous donné le chiffre de la participation que la journaliste du Figaro « tweetait » de tous côtés des persiflages. Du journalisme pro actif en quelque sorte ! Aussitôt les deux autres faces de l’Everest médiatique parisien firent écho. Car la confraternité est plus importante que les faits. C’est donc une première qui a eu lieu. Elle ridiculise les fabricants de faits. Car cette fois-ci la police a… compté. Il y a donc trois chiffres. Celui des organisateurs : 23.000. Celui de la police, reproduit par toute la presse locale : 20.000. Et le chiffre du journal « Le Monde » : 10.000 ! Ah les braves gens. Et, bien sûr, objectivité oblige, le « reportage » avance le chiffre des « organisateurs » pour mieux souligner l’absurde exagération. Manque de chance pour ce type de manipulation, le chiffre de la police (un ramassis de bolcheviks à la solde du Front de Gauche ?) souligne au contraire que nous n’exagérons pas. Mais cet amusant ridicule nous instruit. Il nous rappelle combien le nombre des participants est un enjeu politique. Je ne parle pas de ce qu’en dit la presse parisienne. Cela n’a pas d’impact sur notre trajectoire comme on le voit à notre succès après qu’elle a tant fait pour nous nuire ! Je parle de la perception qu’en ont ceux qui en reçoivent le choc. Car il s’agit d’un choc. Le sentiment de la force décuple la force. La perception du rapport de force fait partie du rapport de force. Et c’est bien pourquoi on reconnaît nos ennemis à cette crispation qui les conduit à nier les faits jusqu’au ridicule !
Un peu plus bas, l'intention d'y venir est clairement annoncée :
Car le fond de l’affaire est le suivant. Tant que Le Pen est troisième, la chanson du vote utile peut être passée en boucle. L’univers politique des quinze dernières années continue à ronronner avec ses rentes de situation et ses positionnements convenus ! Dès qu’elle n’y est plus, le verrouillage des deux premières places saute. Et les suivants de la file sont mis au pied du mur tout aussi fortement ! Dans cette manœuvre, la première bénéficiaire, madame Le Pen, prend toute sa place et vocifère avec le reste de la meute. Et alors apparaît l’incroyable. Il est frappant de constater que les arguments de madame Le Pen et de nombre de mes détracteurs sont les mêmes. Notamment lorsqu’ils utilisent le registre grossier d’un anticommunisme nostalgique de la guerre froide. Chavez, Cuba, le Dalaï Lama sont ainsi régulièrement convoqués à la barre des témoins de mes turpitudes, sans oublier Pierre Lambert et mes trois ans de trotskisme actif il y a quarante ans de cela ! Cécile Duflot y ajoute de touchante remarque sur mon âge avec les mots de l’élégance qui la caractérise.
Pour ceux qui resteraient sur leur faim, le politicien mène ensuite une attaque frontale contre le Parti Socialiste et son candidat François Hollande, après s'être étonné que sa montée dans les sondages ne s'accompagne jamais d'une baisse de son rival à gauche, ce qu'il interprète comme une "propagande manœuvrière" :
Au PS c’est la confusion face à ma candidature. Car notre percée effondre le beau plan stratégique de départ. Que faire, se demande-t-on dans le bureau du tout puissant Manuel Valls qui dirige tout ? Car pour celui-là, nous sommes un danger. Du coup, depuis quarante-huit heures, faute d’idées ou de programme à défendre c’est une suite ininterrompue d’agressions pleine de postures pontifiantes qui se succèdent. Plusieurs caciques me conseillent de « réserver les coups à Sarkozy ». Mais eux-mêmes font exactement le contraire avec moi dans des termes d’une violence incroyable. A vrai dire, pire que cela ne fut jamais aux heures les plus difficiles à gauche au cours des vingt dernières années. D’où vient cette perte de sang froid ? En voici la raison. Hollande ne peut rompre l’ambivalence de sa stratégie politique. Il comptait que nous serions quantité négligeable, obligés de voter sans discuter.
Or, comme le précise Jean-Luc Mélenchon un peu plus bas, contrairement à ce qui a été affirmé par Jérôme Cahuzac sur Public Sénat (le 27 mars) :  "il n'y a aucune négociation et aucun accord ni avec Hollande ni avec le Parti Socialiste. Cahuzac ment donc avec aplomb". Suivent des polémiques contre - ou lancées par - trois autres responsables socialistes, Gérard Collomb, Michel Sapin et "notre cher Arnaud Montebourg".

COMMENTAIRE

Les écrits restent. Avec Internet, on peut ajouter : les paroles aussi. Il est maintenant possible de déterrer tout et n'importe quoi pour faire argument. Y compris l'entrée du blog, qui vient d'être citée, quand son auteur l'aura déjà oubliée. Ou même effacée. - Dans ce contexte, certains ignorent peut-être encore - ou bien oublient un peu vite - que Jean-Luc Mélenchon a mené une carrière de trente ans au Parti Socialiste [wiki] :
Militant socialiste à partir de 1977, il est successivement élu conseiller municipal de Massy (1983), conseiller général de l'Essonne (1985) puis sénateur du même département en 1986, 1995 et 2004, enfin député européen en 2009 dans la circonscription Sud-Ouest. Il est ministre de l'Enseignement professionnel de 2000 à 2002, dans le gouvernement de cohabitation de Lionel Jospin. - Il fait partie de l'aile gauche du Parti socialiste jusqu'au congrès de Reims, en novembre 2008, date à laquelle il quitte ce parti pour fonder le Parti de gauche (PG).
Il n'y a pas à commenter ici la structure et le style de cet article : contrairement à beaucoup d'autres, Jean-Luc Mélenchon écrit lui même son blog, les articles sont souvent longs et les sujets présentés pêle-mêle, comme ils viennent à l'esprit dans cette écriture à chaud qui a, comme la plupart des autres productions du genre, un évident caractère polémique. On le comprend.  Car le politicien est en plein combat, et ce depuis un certain temps déjà - sa candidature ayant été annoncée en janvier 2011 - avant que sa campagne ne devienne cette réussite populaire qu'elle est certainement.

Or, au cours de ces élections - insistons sur le pluriel -, le premier tour des présidentielles sera suivi, non seulement d'un second, mais de législatives, où le Front de Gauche, pour avoir des députés, doit compter sur les désistements des candidats du PS.

Jean-Luc Mélenchon (né en 1951) était jeune militant socialiste en mai 1981, quand la victoire du Programme Commun respirait par moments l'espérance de mai 1968. - La France est décidément un pays de révolutionnaires romantiques, ce qui n'a rien de déshonorant. Mais il se trouve que le même romantisme des révolutionnaires allemands a pu, non seulement contribuer à la victoire du totalitarisme par absence d'accords électoraux, en novembre 1932, entre les sociaux-démocrates du SPD et les communistes révolutionnaires du KPD, mais encore conduire à d'étranges "grandes coalitions" gouvernementales entre SPD et la droite chrétienne-démocrate de la CDU, faute d'entente fédérale entre le SPD et Die Linke ("La Gauche"), l'équivalent du Front de Gauche en Allemagne. Toutefois, quelques alliances régionales couronnées de succès et la victoire commune à la mairie (au Sénat) de Berlin et dans le Brandebourg ont pu faire grande impression sur notre auteur, si je me souviens bien de son voyage dans la capitale allemande, relaté en termes dithyrambiques sur son blog. Or, depuis les élections de novembre 2011, cette alliance a vécu, et la ville est désormais régie par une ("grande") coalition CDU-SPD.

Alors, pour donner du poids à la "gauche de la gauche", son nouveau leader, s'il n'est pas présent au second tour, devrait appeler à voter Hollande et passer des accords avec les sociaux-démocrates dans la foulée. Car, en cas de réélection de l'actuel Président, les législatives, un mois plus tard, seront sans doute remportées encore une fois par la "majorité présidentielle", d'autant que la poursuite probable des polémiques à gauche, où chacun mettra la défaite présidentielle sur le compte de l'autre, desservira à la fois les candidats du Front de Gauche et du PS.

 En effet, avec le régime présidentiel en vigueur de ce côté du Rhin, la gauche ne peut même pas espérer une grande coalition. Mais en cas de victoire sur le fil du rasoir, l'actuel Président nommera très certainement un nouveau "gouvernement d'ouverture".