lundi 15 mai 2017

Ephémère effet Schulz

 
Martin Schulz, photo : Reuters

3:0 s’exclame la presse au pays du football, puisque les sociaux-démocrates allemands (SPD) ont perdu les trois élections « régionales » (Landtagswahlen) de l’année en cours dans la Sarre, le Schleswig-Holstein et la Rhénanie-du-Nord-Westphalie (NRW), cette dernière ayant eu lieu ce dimanche 14 mai 2017 dans le Land le plus peuplé du pays (quelque 18 millions d’habitants sur un peu plus de 82 millions, soit environ 22 % de la population de RFA) qui, surtout, a été le bastion quasi imprenable du SPD depuis les années 1960.

Pourtant, voici quelques mois encore, l’arrivée de Martin Schulz à la tête de la social-démocratie allemande a provoqué un sursaut dans les sondages qui a propulsé l’homme de Bruxelles au rang de vrai challenger de Mme Merkel : « Der Schulz-Effekt », s’exclame la presse au pays de la bière et du « Polit-Talk ». - En effet, et contrairement à ce que l’on pouvait croire ou craindre, le président du Parlement européen (2012-2017) a fait place à un authentique social-démocrate, ancré dans sa Rhénanie natale et son milieu populaire d’origine. De surcroît, le prestige de sa fonction précédente lui apporte une forme de crédibilité grâce à son expérience et sa notoriété à l'échelle de l’Europe, qui n’a rien à envier à celle de Mme Merkel.

Et voilà que Hannelore Kraft (SPD), la ministre-présidente sortante de NRW, qui gouvernait le Land en coalition avec Les Verts depuis 2010, y encaisse une sévère défaite en dépit du « Schulz-Effekt », faisant sérieusement revoir à la baisse des pronostics plutôt optimistes pour l’élection du Bundestag en septembre 2017.

Mais le Rhénan bourru en costume bruxellois n’a peut-être pas dit son dernier mot. En éclaireur dévoué, Sigmar Gabriel (SPD), l’actuel vice-chancelier « GroKo »* et ministre des Affaires Étrangères, s'est d'ailleurs précipité à l’aéroport ce lundi 15 mai 2017 pour accueillir le nouveau président français et – à ce qu’il paraît – l’entretenir d’une Europe plus politique et sociale, ou en tout cas un peu moins « merkelisée ». Plus tard, la conférence de presse des deux chefs d’État après le sempiternel passage en revue des troupes suivi d’une heure de « causerie », s’en est un brin – un brin seulement – ressentie. À la séance de pose pour les photographes, il y eut un bref flottement dû à la déconcentration momentanée du nouveau président français où le spectateur averti a pu se souvenir du récent denied handshake à la Maison Blanche. Puis, avec un sourire résolument photogénique, Emmanuel Macron a accepté la main tendue de Mutti pour la serrer chaleureusement dans la plus pure tradition de « l'amitié franco-allemande ». Cependant, on aura peut-être également perçu l'ombre d'un doute dans son regard : éphémère, l'effet Schulz ? - Et, dans la perspective des élections de juin en France, ce doute a très certainement été partagé.



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* GroKo = Große Koalition : la Grande Coalition CDU/SPD dirigée par Angela Merkel

samedi 13 mai 2017

Parlementaires

En juin 2017, les citoyens français sont appelés à élire leur parlement. Une seule question se pose : veulent-ils, ou non, donner une majorité au Président élu ? La réponse des électeurs d’extrême-gauche et d’extrême-droite est clairement « non ». Or, le système électoral français fait qu’en l’absence d’accord avec les autres partis, ils ne pourront espérer que peu d’élus alors qu’ils ont réuni tous courants confondus plus de 45 % des suffrages exprimés au premier tour. De ce côté-là, le jeu paraît donc déjà faussé. Reste à savoir comment cet électorat se comportera au second tour des Législatives.

Pour les électeurs des partis traditionnels dits « de gouvernement », la situation n’est pas moins compliquée. Cette fois, la question se pose d’abord aux candidats en lice : entendent-ils, ou non, soutenir le Président élu ? En tenant compte de la récente « colère » exprimée par M. Juppé face à l’annonce d’un « accord » avec M. Macron, la réponse de la droite parlementaire risque également d’être « non ». Quant au Parti Socialiste, la question n’est même pas à l’ordre du jour. C’est d’ailleurs probablement ce qui motive « Les Républicains » : devant la déconfiture du PS (6,36 % pour M. Hamon au Premier tour de la Présidentielle contre 19,58 % pour M. Mélenchon), ils peuvent espérer faire le plein de députés, constituer une majorité à l’Assemblée Nationale et imposer l’une de ces fameuses « cohabitations » dont la démocratie française a le secret. Mais la question reste posée d’une autre manière : combien de candidats issus des partis de gouvernement vont-ils « virer leur cuti » en se présentant sous les couleurs du nouveau parti présidentiel (« La République En Marche ») ?

Et les électeurs traditionnels de la droite, du centre et de la gauche « modérés » qui au Premier tour de la Présidentielle n’ont guère représenté plus de 50 % des suffrages exprimés, dont 24 % seulement se sont portés sur la candidature de M. Macron : ne risquent-ils pas d’être en proie à la confusion la plus totale ? Le Président élu peut-il espérer former une majorité dans ces conditions ? Il me semble que la réponse devrait une fois encore être « non » (*). Portée par l’espoir d’arriver à nouveau au pouvoir, la campagne de la droite parlementaire risque en effet d’être « musclée », et les défections prévisibles ne pèseront probablement pas très lourd dans la balance.

Il y a une proposition de M. Macron qui mériterait d’être très largement mise en œuvre : pour la bonne santé de la démocratie française, il est impératif que le parlement reflète au possible l’opinion publique du pays, ce qui ne sera toujours pas le cas en juin 2017. - Et que l’on cesse enfin d’agiter le spectre de la Quatrième République quand il saute aux yeux du plus dépolitisé des citoyens que la Cinquième est au bout du rouleau...

(*) Cette hypothèse, également énoncée ci-dessous, ne s'est pas vérifiée.

Résultats officiels > ici

Extrême gauche 0
Parti communiste français 10
La France insoumise 17
Parti socialiste 30
Parti radical de gauche 3
Divers gauche 12
Ecologiste 1
Divers 3
Régionaliste 5
La République en marche 308
Modem 42
Union des Démocrates et Indépendants 18
Les Républicains 112
Divers droite 6
Debout la France 1
Front National 8
Extrême droite 1

lundi 8 mai 2017

Bref commentaire sur la Présidentielle française de 2017

Les résultats du Front National, qui dans certains départements frôlent les 50% - et les dépassent dans deux ! - sont stupéfiants : quelque 11 millions d'électeurs (sur un peu plus de 47,5 millions d'inscrits) ont accordé leur suffrage à Marine Le Pen, malgré sa prestation plutôt consternante à l'occasion du débat télévisé de l'entre-deux-tours, un tiers des électeurs ne s'étant pas rendus aux urnes s'ils n'ont pas voté blanc ou nul : la candidate du FN réunit donc 34,2% des voix exprimées contre 65,8% pour Emmanuel Macron (estimation du 7 mai 2017 à 23h30) et un peu moins de 25% des inscrits.

Les élections législatives devant se tenir les dimanches 11 et 18 juin 2017, cette histoire n'est pas finie : en cas de victoire de la droite parlementaire, dont les députés sont tout de même bien installés dans leurs circonscriptions, le projet d'Emmanuel Macron risquerait d'être compromis car "Les Républicains", si tant est qu'ils soient majoritaires à l'Assemblée Nationale en juin, feront probablement tout pour obtenir un gouvernement de "cohabitation" et court-circuiter le Président élu (*).


Le problème majeur posé autour de cette élection est la question de l'Europe : si - à en croire, non le premier, mais ce second tour - une majorité d'électeurs souhaite que la France continue d'en faire partie, il s'agit de savoir de quelle Europe nous parlons. Or, cette question a déjà été mal posée lors du Référendum de 2005 où il ne fallait pas se prononcer pour ou contre l'Europe (et encore moins pour ou contre le Président Chirac !) mais pour ou contre l'Europe libérale actée par le Traité de Lisbonne.

Cette question est une fois encore passée à la trappe, alors que notre survie dépend de la mise en œuvre d'une Europe politique et surtout sociale. Or, on ne l'obtiendra pas sans mettre sur la table une révision du Traité de Lisbonne à l'échelle continentale, c'est-à-dire en impliquant tous les pays de l'Union. Pourtant, à ma connaissance, aucun des programmes présentés au cours de cette élection française ne formule cette exigence de façon réaliste dans le cadre d'une négociation pan-européenne qui s'annonce longue et difficile. - Convaincus ou désespérés, onze millions de citoyens français ont voté en faveur d'un repli sur la "Nation". Et sept millions d'"Insoumis" n'ont pas vraiment compris - ou feignent de ne pas comprendre dans l'euphorie des fêtes populaires - que le plus important dans cette affaire est la négociation avec toutes les parties impliquées et - n'en déplaise à M. Mélenchon - l'Europe ne s'appelle pas seulement France et Deutschland, mais également Ἑλλάς, España, Portugal, Italia, Österreich, Česko, Polska, Magyarország, Belgique (ou België), Nederland, Danmark, Sverige, Irland etc.
Et il y a ici un vrai problème car si l'on fait la somme des résultats du premier tour de cette présidentielle, deux camps semblent - je dis bien semblent ! - s'opposer en France : celui des "euro-sceptiques" et celui des "euro-libéraux". M. Mélenchon, qui revendique une révision du Traité de Lisbonne et une Europe sociale, a été très clair : si ses propositions de réforme radicale n'étaient pas acceptées, il tournerait le dos à l'Europe. Or, avec la façon musclée et intransigeante dont il présente ces réformes qui semblent ne souffrir aucun compromis, celles-ci n'ont aucune chance d'être acceptées par nos partenaires européens : il fait donc partie du premier camp qui, avec Mme Le Pen et M. Dupont-Aignan, taquine les 50% des suffrages exprimés au premier tour. Quant aux défenseurs de l'Europe libérale, ils visent le maintien du statu quo à tout prix, en continuant de sacrifier au court terme, malgré le naufrage prévisible ou déjà manifeste. À moins que dans un élan gorbatchevien, M. Macron et Mme Merkel - qui, selon les estimations actuelles, risque fort de battre M. Schulz (SPD) en septembre -  se rendent à cette évidence : l'Europe sera politique et sociale ou ne sera plus !

Or, les élections du Parlement qui vont suivre - comme celles du Bundestag en septembre 2017 - se joueront très certainement une fois encore sur des enjeux nationaux. Sans parler des Européennes de 2019 qui, avec la façon dont elles sont organisées et présentées, seront à nouveau considérées comme des élections sans importance, tout juste bonnes à assurer une planque à Bruxelles pour tel ou tel apparatchik. Afin de pouvoir d'autant mieux déplorer une Europe "technocratique". Car les cheftaines et chefs nationaux ou locaux n'ont aucune intention d’œuvrer à leur propre suppression et celle des structures qui leur confèrent le pouvoir et les honneurs qu'ils convoitent depuis la nuit des temps ...

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Résultats officiels (8 mai 2017 à 2h15) sur le site du ministère de l'Intérieur

France Entière

"Résultats incomplets calculés sur la base de 99.99% des inscrits reçus" (sic !)

Résultats au 2d tour de l'élection présidentielle 2017

Liste des candidatsVoix% Inscrits% Exprimés
M. Emmanuel MACRON20 703 69443,6366,06
Mme Marine LE PEN10 637 12022,4233,94


Nombre% Inscrits% Votants
Inscrits47 448 929
Abstentions12 041 31325,38
Votants35 407 61674,62
Blancs3 006 1066,348,49
Nuls1 060 6962,243,00
Exprimés31 340 81466,0588,51

("En raison des arrondis à la deuxième décimale, la somme des pourcentages peut ne pas être égale à 100%")

(*) Devant le raz-de-marée du parti présidentiel - "La République En Marche" (LREM) - avec son nombre élevé de "ralliements" venus de la droite et de la gauche, l'hypothèse d'une cohabitation ne s'est pas vérifiée (voir également ci-dessus) [juin 2017].