jeudi 21 février 2013

[Désinformation] Promesses et bienfaits des super-riches


Mercredi

La fondation The Giving Pledge (Promesse de Dons) initiée par Bill Gates et Warren Buffett annonce qu'elle vient d'être rejointe par l'Allemand Hasso Plattner, co-fondateur de la société de logiciels SAP, qui promet de léguer au moins la moitié de sa fortune estimée à 5,4 milliards d'euros, comme titre le Spiegel. Le site web de la fondation précise que : La Promesse de Dons est un engagement des industriels et familles les plus fortunés du monde pour consacrer la majeure partie de leur fortune à la philanthropie (The Giving Pledge is a commitment by the world's wealthiest individuals and families to dedicate the majority of their wealth to philanthropy).

C'est donc très bien. En principe. Car si Bill Gates s'occupe de la lutte contre le VIH et de l'assistance aux jeunes mères dans ce qui, autrefois, s'appellait le Tiers-Monde, le concept reste cependant pour le moins flou et peut faire penser à ces belles et bonnes intentions qui président aux dîners de charité organisés par et pour les possédants - The Rich and The Beautiful - dont la véritable motivation est la "bonne conscience" des uns et des autres face aux injustices économiques et à la pauvreté planétaire.

Car le problème est bien celui-ci, résumé dans le titre d'une chanson de Ry Cooder : The Very Thing That Makes You Rich Makes Me Poor. En effet, dans nos systèmes économiques, toute richesse génère de la pauvreté. Si la fondation de MM. Gates et Buffett ou la Taxe Tobin sont un petit pas vers la prise de conscience, la plus grande partie du chemin reste à parcourir. Or, bientôt, il risque d'être trop tard car - les riches le savent - quand la pauvreté et l'injustice deviennent vraiment insupportables, les gens se soulèvent et le système s'effondre. Cependant, la faillite des révolutions humaines, ou leur incapacité à instaurer un système équitable et non répressif, ne sont pas de bonne augure...

Jeudi

Un article du Tagesspiegel nous apprend aujourd'hui que Hasso Plattner dément l'information diffusée hier et qu'il "se sent exploité par Bill Gates". Il faut savoir que le co-fondateur de SAP subventionne déjà à hauteur de plusieurs centaines de millions un institut de recherche sur le développement de logiciels à l'Université de Potsdam près de Berlin, où il enseigne également. Et qu'il continue de s'occuper de son entreprise de logiciels, dont il perdrait le contrôle si la moitié de sa fortune était pour ainsi dire "hypothéquée" par la promesse de don à la fondation Gates-Buffett.

Ce ne serait d'ailleurs pas le première fois que Bill Gates solliciterait ce programmeur émérite de 69 ans, qu'il fréquente aussi parce que tous deux sont collectionneurs d'oeuvres d'art ("modernité classique"). Et Hasso Plattner avait toujours refusé. A Bill Gates de s'expliquer, conclut l'article.

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Il faut souligner la facilité, l'insouciance avec laquelle nous - le sérieux hebdomadaire Der Spiegel et al. d'abord, des blogs comme celui-ci ensuite - reprenons certaines "informations" qui ne sont en fait que des rumeurs ou tout simplement des erreurs. En ajoutant du bruit à la gigantesque machine d'information globalisée, n'augmentons-nous pas ainsi la quantité de désinformation déjà énorme, peut-être majoritaire ?

Et, surtout, les réflexions, les dialogues - aussi pertinents soient-ils - que nous menons à partir de ces fausses informations ne perdent-ils pas toute crédibilité ? Car si on se trompe sur l'information, comment peut-on prétendre à la vérité du commentaire ?

Vendredi

L'article de la Süddeutsche Zeitung de ce jour soulève un problème important : L'une des raisons présidant aux dons des riches est - à côté de la "bonne conscience" évoquée plus haut -  l'influence qu'ils veulent exercer sur la société. Or, précise le journal, ils n'ont pour cela aucune légitimité démocratique. Et, surtout, il y a une différence entre quelqu'un qui reçoit un don finançant sa scolarité - l'une des activités charitables de Bill Gates - et quelqu'un qui peut bénéficier d'une scolarité libre et gratuite comme d'un droit fondamental : c'est la différence entre un assisté, qui doit lever les yeux plein de gratitude vers son généreux bienfaiteur, et un citoyen autonome qui ne doit le respect qu'au principe d'égalité d'une république démocratique.

Un raisonnement similaire peut également s'appliquer aux différentes "assistances" prodiguées aux malades et aux "nécessiteux" des pays pauvres. Car les pays riches sont directement ou indirectement responsables de cette situation de misère dans le reste - la majeure partie - du monde : nos richesses au prix de leur pauvreté.

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