~ note commencée le lundi 25, actualisée les mardi 26, mercredi 27 et jeudi 28 avril 2011 ~
TRIPOLI. - Peu après minuit, deux missiles au moins ont frappé deux immeubles situés dans le complexe du colonel K. de Bab al-Aziziya, comme le rapporte la correspondante du Guardian. L'un d'eux, un bâtiment à plusieurs étages qui abrite également une bibliothèque où le colonel, paraît-il, aimait à lire, s'est effondré. L'autre, destiné à recevoir les délégations étrangères, est sévèrement endommagé. La correspondante ajoute que le nombre des blessés légers varie de 0 à 45 et que l'on ignore le lieu où se trouvait le colonel K. - Le régime parle quant à lui de 45 blessés, dont 15 graves, et estime que l'attaque visait à tuer le leader. De son côté, Saif al-Islam Kadhafi déclare : "Le bombardement qui a visé les bureaux de Mouammar Kadhafi aujourd'hui... n'effrayera que les enfants. C'est impossible qu'il puisse nous faire peur ou nous pousser à abandonner et hisser le drapeau blanc. Vous, l'OTAN, menez une bataille perdue parce que vous êtes soutenus par des traitres et des espions. L'Histoire a prouvé qu'aucun État ne peut s'en remettre à eux pour vaincre." En fin d'après-midi, un porte-parole du régime déclare à Reuters que trois personnes ont été tuées par le raid de l'OTAN, mais que le colonel K. était "en sécurité" et "de bonne humeur". (sources via Guardian)
MISRATA. - Le retrait de l'armée libyenne annoncé par le gouvernement, qui avait déclaré que les tribus prendraient le relais, n'a été qu'un leurre. Ces dernières douze heures 30 morts et 60 blessés ont été comptés par Ahmed al-Qadi, qui travaille dans une radio "pirate" de Misrata. Il parle d'un pilonnage intensif de zones résidentielles et dit que des corps carbonisés ont été amenés à l'hôpital. Se trouvant actuellement en Libye, la correspondante du Sunday Times, Hala Jabar, a mis en ligne la photo insoutenable d'un de ces corps en précisant que "tout le monde doit la voir". Ayant pris le parti de ne pas montrer de telles images dans ces pages, je me contente d'en donner le lien [ici]. Voici encore quelques tweets de Hala Jabar, qui témoignent de l'horreur vécue par les habitants [@] : "Rapport de médecin : 'famille arrivée -- bébés carbonisés, mère, père. Ils étaient dans leur voiture'." - "Les gens endormis chez eux quand les FK [forces de Kadhafi] ont lancé des attaques au mortier sans discrimination. Les Chababs [jeunes combattants] incapables d'emmener les morts qui brûlent encore." - "La tête d'un bébé amenée sans son torse. Une famille carbonisée, brûlée à tel point qu'elle a dû être placée dans le même sac." (sources via Guardian)
SYRIE. - Alors que les nouvelles du pays sont toujours aussi ténues et difficiles à vérifier puisque les reporters étrangers ne sont pas autorisés à y travailler, on apprend que les frontières avec la Jordanie sont à présent fermées et que les téléphones sont coupés à Deraa depuis minuit. Des rapports émanant de cette ville du Sud, et de Douma en banlieue de Damas, parlent d'une vague d'arrestations et de coups de force du régime, qui utilise des tanks à Deraa, où entre 9 et 18 morts sont signalés, et des snipers à Douma pour terroriser la population. Dans cette dernière ville, un commandant de l'armée aurait pris le parti des habitants qu'il entendait protéger des snipers, une initiative qui se serait soldée par son arrestation. D'autres défections dans les rangs des militaires ont été rapportés, mais une observatrice du Guardian à Damas, Katherine Marsh, estime que l'armée restera fidèle au président al-Assad puisque ses membres sont recrutés de préférence dans sa "secte des Alaouites", une branche du chiisme. - On dénombre également treize morts à Jableh près de Banias depuis hier. (sources via Guardian) - Dans l'après-midi, le Nouvel Observateur relaye une dépêche de l'AFP rapportant les propos d'un militant des droits humains au téléphone [sans doute avec une carte SIM jordanienne], qui parle de la situation catastrophique à Deraa [ici] : "au moins 25 martyrs sont tombés, tués par les tirs et le pilonnage à l'artillerie lourde", après l'entrée avant l'aube de l'armée et des forces de sécurité dans la ville, appuyées par des chars et des blindés. - Il a ajouté que des corps étaient "toujours dans la rue". - Le militant a précisé que la ville était soumise dans l'après-midi "à un pilonnage intensif à l'artillerie lourde et aux mitrailleuses... - Des snipers ont pris position sur les toits et les chars sont dans le centre-ville", a-t-il ajouté. - D'autres sources de l'AFP parlent de 3000 hommes des forces de sécurité qui ont déferlé sur la ville. - L'hebdomadaire français rapporte également une réaction de l'ONU : La Haut commissaire des Nations unies aux droits de l'Homme, Navi Pillay, a demandé lundi "l'arrêt immédiat des tueries en Syrie", jugeant "inacceptable" la "réaction erratique et violente" du gouvernement syrien face à "des manifestants pacifiques".
Les événements syriens prennent à présent un tour aussi brutal et sanglant qu'en Libye. Après quelques annonces apparemment rhétoriques, comme la levée de l'état d'urgence et des lois d'exception en vigueur depuis 1963, le régime montre son visage barbare à ceux qui pouvaient encore douter de sa vraie nature en envoyant son armée, ses "forces de sécurité" et sa police "secrète" assassiner la population et arrêter les opposants, dont on peut imaginer le sort dans les geôles d'un État totalitaire. - Et dans cette histoire, il ne faudra pas s'attendre à une résolution de l'ONU autorisant une intervention pour arrêter le massacre. Avec le droit de véto de la Chine et de la Russie, on se demande d'ailleurs comment la résolution 1973 sur la Libye a pu passer au Conseil de sécurité. Hormis la réticence de ces deux grandes puissances à toute "politique d'ingérence", d'autres raisons peuvent être invoquées : Bien sûr, dira-t-on avec une pointe de cynisme, les réserves pétrolières de Syrie constituent une "quantité négligeable" sur le marché mondial. Il y a aussi la proximité de l'Iran et d'Israël qui font d'une intervention militaire conduite par l'Occident une opération à haut risque. Et on entend évidemment préserver cette fameuse "stabilité" de la région qui recèle les plus importants gisements de pétrole au monde, même si la Syrie n'en détient qu'une part très modeste. Enfin, on peut penser aux opérations en cours qui ne sont pas, loin s'en faut, couronnés de succès : En Afghanistan et en Irak, on "gère le chaos" comme on peut, et en Libye, on se dirige également vers une situation bloquée, si l'on n'y est pas déjà. Il faut ajouter que les opérations militaires engloutissent des sommes énormes, alors que les dettes de la plupart des pays "développés" se comptent désormais en billions (mille milliards) d'euros.
TUNISIE. - A l'heure où la France, par la bouche du conseiller spécial du président Sarkozy, Henri Guaino, plaide pour une modification de "l'espace Schengen" pour maîtriser le flux migratoire en provenance de Tunisie, ce pays affronte l'affluence des réfugiés en provenance des montagnes de l'Ouest, pilonnée sans relâche par l'armée libyenne. Libyafeb17 relaye ce soir une dépêche de Reuters qui estime à 30.000 le nombre de Libyens qui fuient le massacre orchestré par leur propre gouvernement. Ils viennent s'ajouter à la première vague de réfugiés qui n'ont pas encore été évacués ou qui ne savent pas où aller. Si l'on considère que le gouvernement tunisien n'a pour l'heure formulé aucune plainte et semble considérer comme normal d'aider les gens en détresse, l'attitude du gouvernement français, si prompt à déclarer la guerre pour "protéger les civils", est à proprement parler lamentable. Car s'y reflète cette ambiguïté occidentale qui, jadis, fit dire aux premiers habitants d'Amérique, dépités par les promesses non tenues, que "les visages pâles ont la langue fourchue".
YEMEN. - Alors que l'on annonce de nouveaux morts et blessés dans les manifestations à Taïz, Ibb et dans la région d'al-Baïda, la transition du pouvoir semble en bonne voie ce soir puisque l'opposition emboîte le pas au président Saleh en donnant lui aussi son "accord au plan de sortie de crise proposé par le Conseil de coopération du Golfe (CCG)", comme l'écrit Le Monde [ici] qui rappelle que ce plan "prévoit un transfert du pouvoir en trois mois. Les six États membres du CCG, alliance régionale militaire et politique, demandent au président Saleh de remettre les rênes du pays à son vice-président dans le délai d'un mois après la signature d'un accord. Un responsable de l'opposition devrait prendre la tête d'un gouvernement intérimaire chargé de préparer l'élection présidentielle deux mois plus tard. - Le projet accorde l'immunité à M. Saleh, à sa famille et à ses conseillers, qui ne pourraient pas faire l'objet de poursuites judiciaires comme le réclament leurs adversaires."
MISRATA. - Le retrait de l'armée libyenne annoncé par le gouvernement, qui avait déclaré que les tribus prendraient le relais, n'a été qu'un leurre. Ces dernières douze heures 30 morts et 60 blessés ont été comptés par Ahmed al-Qadi, qui travaille dans une radio "pirate" de Misrata. Il parle d'un pilonnage intensif de zones résidentielles et dit que des corps carbonisés ont été amenés à l'hôpital. Se trouvant actuellement en Libye, la correspondante du Sunday Times, Hala Jabar, a mis en ligne la photo insoutenable d'un de ces corps en précisant que "tout le monde doit la voir". Ayant pris le parti de ne pas montrer de telles images dans ces pages, je me contente d'en donner le lien [ici]. Voici encore quelques tweets de Hala Jabar, qui témoignent de l'horreur vécue par les habitants [@] : "Rapport de médecin : 'famille arrivée -- bébés carbonisés, mère, père. Ils étaient dans leur voiture'." - "Les gens endormis chez eux quand les FK [forces de Kadhafi] ont lancé des attaques au mortier sans discrimination. Les Chababs [jeunes combattants] incapables d'emmener les morts qui brûlent encore." - "La tête d'un bébé amenée sans son torse. Une famille carbonisée, brûlée à tel point qu'elle a dû être placée dans le même sac." (sources via Guardian)
SYRIE. - Alors que les nouvelles du pays sont toujours aussi ténues et difficiles à vérifier puisque les reporters étrangers ne sont pas autorisés à y travailler, on apprend que les frontières avec la Jordanie sont à présent fermées et que les téléphones sont coupés à Deraa depuis minuit. Des rapports émanant de cette ville du Sud, et de Douma en banlieue de Damas, parlent d'une vague d'arrestations et de coups de force du régime, qui utilise des tanks à Deraa, où entre 9 et 18 morts sont signalés, et des snipers à Douma pour terroriser la population. Dans cette dernière ville, un commandant de l'armée aurait pris le parti des habitants qu'il entendait protéger des snipers, une initiative qui se serait soldée par son arrestation. D'autres défections dans les rangs des militaires ont été rapportés, mais une observatrice du Guardian à Damas, Katherine Marsh, estime que l'armée restera fidèle au président al-Assad puisque ses membres sont recrutés de préférence dans sa "secte des Alaouites", une branche du chiisme. - On dénombre également treize morts à Jableh près de Banias depuis hier. (sources via Guardian) - Dans l'après-midi, le Nouvel Observateur relaye une dépêche de l'AFP rapportant les propos d'un militant des droits humains au téléphone [sans doute avec une carte SIM jordanienne], qui parle de la situation catastrophique à Deraa [ici] : "au moins 25 martyrs sont tombés, tués par les tirs et le pilonnage à l'artillerie lourde", après l'entrée avant l'aube de l'armée et des forces de sécurité dans la ville, appuyées par des chars et des blindés. - Il a ajouté que des corps étaient "toujours dans la rue". - Le militant a précisé que la ville était soumise dans l'après-midi "à un pilonnage intensif à l'artillerie lourde et aux mitrailleuses... - Des snipers ont pris position sur les toits et les chars sont dans le centre-ville", a-t-il ajouté. - D'autres sources de l'AFP parlent de 3000 hommes des forces de sécurité qui ont déferlé sur la ville. - L'hebdomadaire français rapporte également une réaction de l'ONU : La Haut commissaire des Nations unies aux droits de l'Homme, Navi Pillay, a demandé lundi "l'arrêt immédiat des tueries en Syrie", jugeant "inacceptable" la "réaction erratique et violente" du gouvernement syrien face à "des manifestants pacifiques".
Les événements syriens prennent à présent un tour aussi brutal et sanglant qu'en Libye. Après quelques annonces apparemment rhétoriques, comme la levée de l'état d'urgence et des lois d'exception en vigueur depuis 1963, le régime montre son visage barbare à ceux qui pouvaient encore douter de sa vraie nature en envoyant son armée, ses "forces de sécurité" et sa police "secrète" assassiner la population et arrêter les opposants, dont on peut imaginer le sort dans les geôles d'un État totalitaire. - Et dans cette histoire, il ne faudra pas s'attendre à une résolution de l'ONU autorisant une intervention pour arrêter le massacre. Avec le droit de véto de la Chine et de la Russie, on se demande d'ailleurs comment la résolution 1973 sur la Libye a pu passer au Conseil de sécurité. Hormis la réticence de ces deux grandes puissances à toute "politique d'ingérence", d'autres raisons peuvent être invoquées : Bien sûr, dira-t-on avec une pointe de cynisme, les réserves pétrolières de Syrie constituent une "quantité négligeable" sur le marché mondial. Il y a aussi la proximité de l'Iran et d'Israël qui font d'une intervention militaire conduite par l'Occident une opération à haut risque. Et on entend évidemment préserver cette fameuse "stabilité" de la région qui recèle les plus importants gisements de pétrole au monde, même si la Syrie n'en détient qu'une part très modeste. Enfin, on peut penser aux opérations en cours qui ne sont pas, loin s'en faut, couronnés de succès : En Afghanistan et en Irak, on "gère le chaos" comme on peut, et en Libye, on se dirige également vers une situation bloquée, si l'on n'y est pas déjà. Il faut ajouter que les opérations militaires engloutissent des sommes énormes, alors que les dettes de la plupart des pays "développés" se comptent désormais en billions (mille milliards) d'euros.
TUNISIE. - A l'heure où la France, par la bouche du conseiller spécial du président Sarkozy, Henri Guaino, plaide pour une modification de "l'espace Schengen" pour maîtriser le flux migratoire en provenance de Tunisie, ce pays affronte l'affluence des réfugiés en provenance des montagnes de l'Ouest, pilonnée sans relâche par l'armée libyenne. Libyafeb17 relaye ce soir une dépêche de Reuters qui estime à 30.000 le nombre de Libyens qui fuient le massacre orchestré par leur propre gouvernement. Ils viennent s'ajouter à la première vague de réfugiés qui n'ont pas encore été évacués ou qui ne savent pas où aller. Si l'on considère que le gouvernement tunisien n'a pour l'heure formulé aucune plainte et semble considérer comme normal d'aider les gens en détresse, l'attitude du gouvernement français, si prompt à déclarer la guerre pour "protéger les civils", est à proprement parler lamentable. Car s'y reflète cette ambiguïté occidentale qui, jadis, fit dire aux premiers habitants d'Amérique, dépités par les promesses non tenues, que "les visages pâles ont la langue fourchue".
YEMEN. - Alors que l'on annonce de nouveaux morts et blessés dans les manifestations à Taïz, Ibb et dans la région d'al-Baïda, la transition du pouvoir semble en bonne voie ce soir puisque l'opposition emboîte le pas au président Saleh en donnant lui aussi son "accord au plan de sortie de crise proposé par le Conseil de coopération du Golfe (CCG)", comme l'écrit Le Monde [ici] qui rappelle que ce plan "prévoit un transfert du pouvoir en trois mois. Les six États membres du CCG, alliance régionale militaire et politique, demandent au président Saleh de remettre les rênes du pays à son vice-président dans le délai d'un mois après la signature d'un accord. Un responsable de l'opposition devrait prendre la tête d'un gouvernement intérimaire chargé de préparer l'élection présidentielle deux mois plus tard. - Le projet accorde l'immunité à M. Saleh, à sa famille et à ses conseillers, qui ne pourraient pas faire l'objet de poursuites judiciaires comme le réclament leurs adversaires."