lundi 28 août 2017

Danger de guerre

 PENSÉES EN VRAC

Il ne faut pas être un expert des affaires militaires pour comprendre que l'achat d'armement inclut la possibilité de s'en servir en cas de conflit armé. Ce que, soit dit en passant, les fabricants et vendeurs d'armes ne sont pas non plus censés ignorer.

Cette vérité aussi triviale que fatale énoncée, qu'en est-il de l'armement nucléaire ?

Après le largage des deux bombes nucléaires sur Hiroshima et Nagasaki en août 1945, les bons prophètes se voulaient rassurants : cette funeste action aurait réveillé les consciences et considérablement réduit le risque d'un conflit atomique entre les deux superpuissances qui allaient s'affronter pendant plus de quarante ans dans le cadre pétrifié de la "guerre froide".

Les historiens des temps futurs analyseront la suite : l'effondrement du bloc de l'Est, l’émergence économique de la Chine, autre grande puissance nucléaire, ou celle des pays producteurs d'énergies fossiles, les crises financières ou les grandes migrations des populations frappées par la misère et les conflits interminables.

Lors du démembrement de l'Union Soviétique, les experts se sont déjà demandé si les armes nucléaires stockées dans les anciens pays membres désormais indépendants ne risquaient pas de se retrouver aux mains des terroristes. Mais l'équilibre entre les puissances détenant la bombe ne semblait pas menacé. - Les choses ont changé avec les joutes verbales actuellement échangées entre le nouveau président américain et le junior dictator de Corée du Nord. Les deux autres géants atomiques - Chine et Russie - semblent pour l'instant vouloir se retenir. Mais cela aussi peut changer ...


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L'immense capacité de nuisance de l'être humain risque à nouveau de devenir ingérable. Ce qui tient aussi à l'absence d'une haute autorité internationale de contrôle qui aurait les moyens d'intervenir dans des situations "explosives" comme celles que Donald Trump et Kim Jong-un imposent actuellement à la planète. L'ONU a certes le mérite d'exister, mais dans la plupart des conflits récents - dits "conventionnels" avec un prodigieux cynisme involontaire - cette institution a montré son impuissance à mener des actions de pacification, empêcher les escalades et mettre fin aux guerres qui ont engendré et engendrent encore des catastrophes de grande ampleur.

On sait pourtant - et les militaires sont les premiers à le dire - que les guerres n'ont jamais rien résolu. Elles déplacent les frontières et les pouvoirs, redistribuent les zones d'influence et les richesses, mais ne résolvent aucun problème majeur de façon durable : les destructions se poursuivent de plus belle, les haines ancestrales semblent vouloir se perpétuer au-delà de toute argumentation raisonnable, les progrès de l'humanité sont invariablement flanqués de régressions dans des sphères "primitives" que l'on croyait à jamais dépassées par les mouvements "éclectiques" de l'histoire moderne.

Or, il n'en est rien et ce sont les mouvements guerriers - fondées sur une agressivité que l'on doit probablement appeler "génétique" ou "phylogénétique", une barbarie irrationnelle venant sans cesse s'immiscer dans les essais de civilisation humaine - qui témoignent de cette régression apparemment inexpugnable ...


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Sans transition : j'ai entendu ces jours-ci la procureure (ou sa porte-parole) en charge du procès actuellement mené contre le jeune homme, réputé d'extrême-droite, qui a vendu l'arme à un autre jeune homme, réputé de même et responsable, lui, de l'assassinat en masse de neuf jeunes gens à Munich en juillet 2016. Elle disait à propos du vendeur, qui risque une lourde peine pour commerce illégal d'armes apparemment aggravé par une inculpation pour "homicide involontaire", que l'on peut partir du principe que toute arme vendue va servir. À tuer par exemple, ce qu'elle n'a pas explicitement dit mais fortement sous-entendu. - Cette histoire m'a fait penser à l'industrie de l'armement qui a un intérêt tout à fait commercial à ce que les armes servent, afin de pouvoir en vendre d'autres. Sans parler de l'obsolescence toujours plus rapide... Et je me suis demandé s'il n'y avait pas là aussi matière à inculpation, manière d'échanger un peu les sempiternels problèmes éthiques des belles âmes contre un bon procès pour homicide involontaire en masse. Mais la procureure qui devrait l'instruire attend encore la constitution d'un collectif dont elle défendrait les intérêts. Si elle possède déjà un tribunal (La Haye) et une instance supranationale (l'ONU), en principe dévoués à la cause humanitaire, ces institutions auront vite fait de se déclarer incompétentes devant l'ampleur d'une telle affaire.

Sans transition encore : l'autre jour, en repensant au film M le maudit (Fritz Lang, 1931), où l'organisation des voleurs menée par un chef impitoyable (Gustaf Gründgens) finit par coincer et juger le tueur en série (Peter Lorre) dont les agissements étaient mauvais pour les affaires des malfrats gênés par les descentes de police et les razzias, je me suis dit qu'il suffirait de demander les services des différentes mafias pour éradiquer à coup sûr les tueries en masse et en série du terrorisme international. Mais l'ami à qui je faisais part de cette idée saugrenue a rétorqué que ce genre d'agissements n'étaient pas compatibles avec l’État de droit. Ce qui n'est sans doute pas faux.


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À propos de "terrorisme" : dans son numéro de la semaine (35/2017), l'hebdomadaire d'information Der Spiegel revient sur l'"Automne Allemand", dont on commémore actuellement le quarantenaire et qui s'est soldé - après l'enlèvement de Hanns-Martin Schleyer, patron des patrons allemand, par la "Fraction Armée Rouge" (RAF) et le détournement de l'avion de ligne "Landshut" ralliant Palma à Francfort par un commando palestinien (PLFP), qui fut ensuite neutralisé par la troupe d'élite allemande du GSG 9 à Mogadiscio - par le suicide collectif des leaders historiques de la RAF, Andreas Baader, Gudrun Ensslin et Jan-Carl Raspe dans leur prison de Stuttgart-Stammheim, suivi en guise de "représailles" par l'assassinat de Schleyer, retrouvé mort dans un coffre de voiture en Alsace (1). - Quarante ans plus tard, le monde occidental est de plus belle en proie aux actions terroristes, conduites cette fois par le groupe auto-proclamé "État Islamique" (IS). Comme un grand nombre d'observateurs, les rédacteurs du Spiegel ne voient pas vraiment de lien entre les deux "guerres". Or, la cible est la même : le monde libéral, démocratique, capitaliste. Et la RAF comme l'IS ont été ou sont soutenus par de puissants groupes d'intérêt, et ce n'est pas un hasard que cette première cesse définitivement ses activités peu après la chute du mur de Berlin rendu possible par l'effondrement de l'Union soviétique (2). Quasi simultanément, on assiste à la fondation du groupe terroriste Al-Qaïda : une idéologie anti-occidentale remplace l'autre et le fonctionnement sectaire est le même. En effet, dans le numéro cité du Spiegel, l'interview de l'ancien membre de la RAF, Peter-Jürgen Boock qui a participé à l'enlèvement meurtrier de Schleyer au cours duquel quatre policiers ont été tués, est éloquent sur ce point : arrogance, folie des grandeurs, endoctrinement, absence de pensée critique etc. Comme pour Al-Qaïda, ces qualificatifs restent pertinents pour l'IS, son successeur incontestable. - Il ne fait plus de doute que l'effondrement du bloc de l'Est a laissé un vide idéologique considérable : en conséquence, tout mouvement de contestation résolument "anti-capitaliste" devient orphelin, puisque non seulement les soutiens financiers mais également l'image ou le modèle de ce que l'on appelait à l'Est le "socialisme réellement existant" ont disparu.- Il y aurait ici beaucoup à dire, mais la question est ailleurs : après les catastrophes et traumatismes majeurs des deux guerres mondiales, que l'on a tendance à oublier dans ce contexte, notre "monde occidental" n'utilise-t-il pas cette "nouvelle guerre" dite "non conventionnelle" pour parfaire un système de surveillance planétaire dont la tendance totalitaire n'est que trop évidente ? L'opportunité et le prétexte viennent à point nommé pour la mise en place d'un tel système orwellien grâce notamment à la prolifération des "nouvelles technologies" où l'homme contemporain est appelé à surveiller son prochain comme soi-même ! Cette critique a d'ailleurs été adressée dès la fin des années 1960 aux mouvements terroristes d'extrême-gauche, puisqu'ils ont contribué au renforcement de l'État policier qu'ils prétendaient combattre.


[en cours]

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(1) L'action réussie du GSG 9, puis le suicide collectif des chefs de la RAF et enfin l'assassinat de Schleyer se sont tous trois produits le 18 octobre 1977 (Ulrike Meinhof ayant été retrouvée pendue le 9 mai 1976 dans sa cellule du même quartier de haute sécurité de Stuttgart-Stammheim). -  L’Allemagne en automne (Deutschland im Herbst) est le titre d'un film à épisodes, qui thématise cette "nuit sanglante" de Stammheim, ses antécédents et ses conséquences immédiates, à partir des différentes perspectives des contributeurs, dont l'écrivain Heinrich Böll, les réalisateurs Rainer Werner Fassbinder, Edgar Reitz, Alexander Kluge, Volker Schlöndorff et bien d'autres. Le film, tantôt documentaire tantôt scénarisé, est sorti en mars 1978. - Voici la version originale :


(sous-titres portugais [Brésil] en cliquant sur cc en bas à droite après la mise en route de la vidéo)

(2) Entre 1980 et 1982, dix membres de la RAF se sont réfugiés en RDA. On suppose ou on sait qu'avant et après ces dates, d'autres soutiens ont été apportés aux terroristes allemands : l'aéroport de Schönefeld à Berlin-Est était à leur disposition pour rejoindre le Liban ou l'Irak, tout comme certains renseignements très utiles et confidentiels de la police politique (Stasi) et des services secrets est-allemands, à quoi l'on peut ajouter des fausses pièces d'identité, des logements provisoires et des subsides matériels. - On suppose ou on sait aussi que l'IS dispose d'un soutien matériel et logistique similaire dans certaines monarchies ou émirats du Golfe, mais sans doute aussi dans deux ou trois pays d'Asie. La question est de savoir quels sont les intérêts réels de ces puissants soutiens : sont-ils économiques, idéologiques, géopolitiques... ? - Dans ce contexte, on pourrait se demander pourquoi la Turquie d'Erdoğan cherche aujourd'hui à exercer une telle influence sur l'Occident, notamment par l'intermédiaire de ses ressortissants résidant en Europe et surtout en Allemagne, mais aussi en jouant sur la bombe à retardement de la "crise des migrants" qui met en péril la "construction européenne" et qui est en partie à l'origine du vote britannique en faveur du "leave". Par ailleurs, la situation irako-syrienne semble insoluble : avec les factions qui s'affrontent - sunnites et chiites, Russes et Américains, partisans de Bachar al Assad et anciens de Saddam Hussein, Kurdes et Turcs, Iraniens et Saoudiens etc. - la guerre qui y est menée ressemble de plus en plus à la guerre de Trente Ans (1618/48) qui a mis l'Europe centrale à feu et à sang. À l'époque déjà, la majorité des victimes était constituée de civils, notamment de ruraux. Et si les différends confessionnels entre protestants et catholiques avaient déjà joué un rôle important dans cette longue guerre meurtrière, les véritables motifs des puissances impliquées sont - comme aujourd'hui ! - à chercher ailleurs ...

21 commentaires:

  1. Bonjour SK. En fait, la dissuasion nucléaire a rempli son objectif, il n'y a plus eu de conflit armés entre les grandes puissances -même s'il y a eu des "conflits par délégation" sur d'autres terrains comme l’Afghanistan et désormais la Syrie-.
    Rapidement a été entrevu le risque de "prolifération" à des pays instables, le fait que le Pakistan détienne la Bombe constitue par exemple un facteur d'inquiétude, même si les régimes successifs de ce pays n'ont pas semblé avoir de velléité à un dérapage. Dans les grands pays, un "président fou" ne pourrait pas déclencher seul sur un coup de tête l'apocalypse (c'était le cas même en ex-URSS). Par contre dans une dictature sans contrepoids comme la Corée du Nord, le risque est réel, même sachant que le retour de bâton serait une vitrification d'une partie du pays. La Chine, qui a commencé à délocaliser des usines en Corée du Nord, pourrait être un "modérateur" dans ce conflit avec des arguments économiques, car sinon le pays déjà isolé se fiche des sanctions (contrairement à l'Iran qui y est sensible).

    A propos de la vente d'arme, il y a toujours le "prétexte qui tue" (si j'ose dire), à savoir qu'il faut être armé pour pouvoir se défendre en cas d'agression, on parle de "défense nationale", pas d'"attaque"...

    Mafia et terrorisme... Les terroristes sont la plupart du temps fichés au banditisme, la même kalach sert à un braquage le matin et un attentat l'après-midi, vous me direz ce n'est pas la Mafia sicilienne, mais a-t-on intérêt à lui ouvrir un boulevard? Par contre, dans votre idée de mesures radicales, cela pourrait passer par l'incitation à règlements de comptes entre factions concurrentes, mais là aussi le risque est que ce soient les pires qui restent en final (comme en Afghanistan). Bien sur, cela ne relève pas de l'état de droit, mais il s'agit d'une situation de guerre, nous dit-on (ce qui est du reste vrai).

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    1. Salut nolats, je viens de rajouter un paragraphe sur le terrorisme ...

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  2. Bonjour SK,

    Votre billet ne manque pas de densité et d'éléments de réflexion, hélas trop nombreux, pour qu'on puisse y répondre de façon exhaustive.
    Inutile de s'attarder sur le commerce des armes. L'objet importe peu dès lors qu'il s'agit de faire du fric. Et celui-là, cet objet, est, on aurait du mal à contredire ceci, suffisamment porteur pour être considéré comme une valeur sure dans la durée par ceux qui ne sont pas regardant sur la nature de leurs investissements.
    Sont-ils pour autant coupables de favoriser la guerre? Je ne le pense pas (sous réserve de ce que je vais dire ensuite). Il n'y avait pas moins de conflits quand on se battait avec des lances et des épées. On tuait juste moins. Et on pourrait même penser que le progrès technologique qui n'a rien à voir, mais rien du tout, avec ce qu'on appelle généralement le progrès pour signifier une civilisation de plus en plus importante des mœurs et interactions entre humains, de ce côté-là ça fait belle lurette que je n'ai aucune illusion, on pourrait donc penser que le progrès technologique devient un obstacle, certes relatif, à la guerre du fait du prix à payer pour une victoire. Je comprends très bien d'ailleurs pourquoi la Corée du Nord développe un programme nucléaire quand je vois ce qui est arrivé à Kadhafi qui a renoncé au sien, ou à Saddam. On pourra faire une utile corrélation entre les zones d'influence des pays disposant de l'arme atomique et le zones de conflit, ou plutôt en l'occurrence de non-conflit. S'armer bien est donc une forme d'assurance, s'armer avec des armes dites de destruction massive est une assurance-vie en béton. On comprend dès lors la chasse qui est faite, avec d'ailleurs un succès tout relatif, à ceux qui ont compris ça et ont les moyens de le mettre en pratique par ceux qui disposent de cet armement qu'ils qualifient de terrifiant, et il l'est, mais veulent l'interdire aux autres. Ils pourront même pousser l'hypocrisie jusqu'à faire interdire (et s'interdire au moins officiellement) certaines armes, celle qu'on pourrait nommer la dissuasion du pauvre. Les armes chimiques par exemple. C'est tellement vrai qu'il est plus humain de mourir brulé ou irradié par l'effet d'une bombe nucléaire, que de mourir asphyxié par du gaz sarin. Mais inutile d'aller aussi loin que l'arme atomique, l'armement dit classique recèle parfois de très désagréables surprises.

    Vlad

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  3. suite 1

    En fait, et cet avis risque de ne pas être partagé parce que le sujet est délicat, parce qu'on connait les effets d'une bombe atomique, ce n'est pas la prolifération des Etats nucléaires qui pose problème. Ce serait même peut-être le contraire et la faillite des marchands d'armes à terme. C'est davantage la dissymétrie des capacités des armées conventionnelles quand cette dernière ne peut justement pas être compensée par la dissuasion. Ce n'est pas une nouveauté. Ce fut même l'approche française jusqu'à la chute du communisme, et avant que la logique des blocs ne laisse la place au bordel ambiant qui règne depuis. Bordel par ailleurs provoqué, orchestré par le pays qui s'est découvert à l'issue de ce conflit qu'on a appelé la guerre froide l'unique superpuissance mondiale et qui allait, ou pensait qu'elle allait suppléer à ses multiples faiblesses dont celles économiques. En gros, pour faire simple on ne réclame pas l'argent qu'on a prêté à un pays qui peut vous détruire au moindre prétexte. Ce qui se passe sur la scène internationale, c'est un peu ce qui se passe dans une cours de récréation d'où seraient absents les surveillants ou alors où ils seraient cul-de-jatte et aussi manchots, un peu comme l'ONU. Et on en est là. Ce sont des sanctions à tout va, même envers les alliés (sanctions touchant les banques et l'industrie) justifiées par le statut imposé du dollar, ce sont des menaces contre les pays dont les régimes ne plaisent pas, menaces qui se concrétisent parfois plus ou moins discrètement, selon l'utilisation d'une intervention directe ou celle plus discrète d'une aide apportée à une opposition réelle ou construite de toutes pièces. Voilà, c'est le caïd de la cour de récré, mais un caïd qui aura quand même pris le soin de donner de la légitimité à ses actions, puisqu'il apporte évidement la paix et la démocratie et débarrasse les peuples de ses tyrans, et qui en plus accusera ceux qu'il veut démolir de ses turpitudes sans que ça gène d'ailleurs grand monde puisque finalement on s'est habitué à être soumis à ses exigences. Ainsi un pays qui dépense 10 fois moins pour son armée sera-t-il considéré comme un agresseur potentiel, et même certain.
    Alors vous pensez bien que l'ambiance est favorable aux marchands d'armes qui eux-mêmes ont des intérêts convergents avec la super-puissance dont la lutte contre la prolifération nucléaire et l'entretien d'un climat de menace.
    (à suivre).

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    1. Bonsoir Vlad, intéressantes réflexions d'un "Profi" que je relirai à tête reposée (je regarde actuellement le "Kanzlerduell" Merkel/Schulz) ... n'hésitez surtout pas à poursuivre vos réflexions(ici ou ailleurs: je retrouverai votre lien AV pour vous lire là-bas) ... Que pensez-vous de la question soulevée à propos du terrorisme (RAF/IS) ? ... Le numéro du Spiegel (35/2017) est assez instructif, notamment l'interview de Boock, mais aussi l'analyse de la possible débâcle de l'IS et sa "mutation" prévisible... À plus tard donc !

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    2. Je voulais justement continuer sur ce point particulier du terrorisme.

      Je me souviens bien de cette époque évoquée avec la RAF en Allemagne, les Brigades rouges en Italie, Action Directe en France… c'était mes 20 ans! Et c'est peut-être l'insouciance des 20 ans qui faisait que je ne percevais pas vraiment de menace, ni sur la société en général, ni sur moi en particulier. Ce qui veut dire que malgré certaines analogies, somme toute logiques, je ne perçois pas la vague de terrorisme islamique comme celle de l'extrême-gauche des années 70.
      Déjà, mais je me trompe peut-être je ne pense pas qu'il y ait la même portée internationaliste dans les deux types de terrorisme, ou pour être plus précis, dans les modalités de l'action.
      Je vois dans le terrorisme rouge, malgré sans doute quelques passerelles, et notamment pour ce qui concerne l'entrainement et certains mécènes, et malgré une contemporanéité (effet de mode peut-être attirant quelques fêlés ou individus voulant avoir leur temps de gloire, on est dans la période de Warhol, beaucoup de caractéristiques nationales. La RAF, c'est allemand, les BR, c'est italien, AD, c'est français, et leurs cibles respectives également. C'est déjà une différence de taille avec la mouvance islamiste dont l'internationalisme, si j'ose m'exprimer ainsi, me parait moins bancal.
      Les références ne sont pas les mêmes, ou du moins ont des racines tellement différentes. Les rouges, c'est du moderne, du conjoncturel presque, tandis que les barbus, c'est du vieux et même du très vieux, du bas-moyenâgeux même, puisque les références invoquées viennent de là. Et si on ne veut pas se voiler la face, et considérer avec objectivité l'histoire de l'islam, guerrière en particulier, et on remontera aux origines en passant par el Andalous et Poitiers, les deux sièges de Vienne, l'islamisation avec des hauts et des bas de l'Afrique subsaharienne, le cas de celle du Nord ayant été vite réglée, mise en sommeil par la colonisation, …, on se situe dans une logique de continuité, même si les moyens ne sont plus les mêmes, quoique…

      Vlad
      à suivre

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    3. Alors donc si l'ennemi commun semble être le mode de vie associé au capitalisme, ce n'est que il n'y a guère d'autres modèles existant, et aussi parce que ce sont les pays capitalistes et dits démocratiques qui sont les plus faibles, qui offrent la moindre capacité de résistance, au moins psychologique. Les rassemblements autour de bougies, et les slogans du type "vous n'aurez pas ma haine" ne me paraissent guère indiquer une volonté farouche de résistance aux guerriers modernes, actuels, pardon, de l'islam conquérant. Ils doivent même bien rigoler, tandis que nous vantons notre "capacité de résilience". Même moi, j'en ris… mais jaune. Ce que je veux dire c'est que si la population ne montre pas son refus clair et net de ce qu'on veut lui imposer, si elle n'indique pas qu'elle est prête à se battre pour conserver un mode de vie et ce qui lui est associé, et se contente de regarder vers le pouvoir politique et ceux chargés de la sécurité tout en continuant à allumer des bougies, on est foutus. Parce que justement il ne s'agit pas ici d'un terrorisme conjoncturel, comme celui des rouges qu'il est possible d'éradiquer par l'élimination, suicide collectif pardon, ou l'enfermement d'une poignée d'individus, mais de quelque chose qui vient de très loin, qui n'a pas de véritable chef et qui est ancré dans l'histoire. Il faut être persuadé qu'on n'éradiquera pas ce mouvement, et que la seule solution st de se montrer plus violent que lui, de le maintenir en permanence sous la férule impitoyable de… de…. Eh oui, voilà la bonne question! Parce que depuis que nous nous mêlons de vouloir dessouder de méchants dictateurs en apportant la démocratie à leurs peuples libérés, c'est quand même un peu le bordel, non? Depuis l'Afghanistan communiste soutenu par les soviétiques, jusqu'à l'Irak et la Syrie, en passant par la guerre du Golfe et les printemps arabes, on peut quand même dire que cette politique, même si ses motifs par ailleurs divers n'avaient rien à voir avec l'amour de la démocratie, a conduit à cette catastrophe, à ces catastrophes pour les peuples concernés, et aussi pour nous maintenant. Et de même qu'on est content de trouver un al Sissi, grand modèle de démocratie, ayant renversé les frères musulmans en Egypte, on sera content, même si on ne le dit pas, de retrouver de dignes successeurs à Saddam et Kadhafi, et peut-être de conserver el Assad. Ou alors on accepte la perpétuation d'un bordel qui évidemment nous atteindra, puisque les islamistes qui sont de vrais internationalistes eux y auront une part belle, notamment grâce à leurs riches sponsors devenus otages.
      Car c'est là-aussi une différence entre les rouges et les barbus. Si les sponsors des premiers pouvaient les maitriser et éventuellement les éliminer s'ils devenaient gênants, ceux des seconds sont désormais à la merci des monstres qu'ils ont engendrés.

      suite provisoire... au moins pour ce soir

      Vlad

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    4. Je vois les effets, en particulier la société de surveillance, la suspicion, la transparence des "données personnelles", une situation orwellienne, qui est en marche depuis longtemps et qui semble arriver à destination ces temps-ci : le terrorisme, quel qu'il soit (c'est cela mon argument), est un formidable prétexte pour la mise en œuvre de ce "projet" ; la généralisation d'Internet, des smartphones, de la digitalisation des données personnelles (passeports "biométriques", cartes bancaires etc.) n'est pas le fruit du hasard, ce n'est pas arrivé "comme ça" ...

      Je perçois donc ce problème à la manière d'un criminologue : à qui profite le crime, puisque crime il y a ? - Le fait que les divers terrorismes soient soutenus par des groupes d'intérêt puissants vient renforcer cette piste.

      Quant à la dimension internationale ("mondiale"), elle était déjà présente à l'époque de la RAF, puisque celle-ci était directement liée aux combats dits tiers-mondistes et aux prétentions internationalistes de l'URSS & alliés.

      De plus, la RAF et l'IS sont / ont été des mouvements éminemment politiques, même si l'une pouvait être perçue comme "révolutionnaire" (progressiste / moderne) et l'autre serait plutôt "réactionnaire" (régressive / anachronique): peu importe le flacon, pourvu qu'on ait l'ivraie !

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    5. Je n'avais pas vu la suite (parce que j'active / désactive la "modération" par intermittence), ma réponse concerne donc la première partie de votre dernier envoi ...

      La seconde partie énonce des réalités lorsque vous parlez des "interventions" occidentales depuis la première guerre du Golfe, en passant par l'Afghanistan, l'Irak, puis plus récemment la Libye et la Syrie, au nom du la "liberté" et de la "démocratie". - On sait bien que Bin Laden est une "créature" des services occidentaux face aux soviétiques, et les succès militaires des sunnites de l'IS seraient impensables sans le soutien des cadres de l'armée de Saddam Hussein.

      Il y a évidemment des soucis à se faire face à la propagation d'un islam réactionnaire et politique parmi les citoyens européens de confession musulmane. Mais il ne faut pas oublier un autre facteur qui passe souvent à l'as : la crise économique quarantenaire (paradoxe car une crise est par définition un événement ponctuel et non durable !) et ses laissés pour compte ; la responsabilité des grands groupes, holdings, fonds de pension, spéculateurs divers et variés est ici patente : délocalisations en masse, fraude ("optimisation") fiscale et tutti quanti ... l'Europe ultra-libérale avec la Suisse, le Lichtenstein, Monaco est un vrai paradis pour ces groupes d'intérêt qui exercent une autre forme - très clean, très cool, très rationnelle - de terrorisme !

      Si vous avez votre cheval de bataille qui s'exprime dans cette seconde partie, j'ai le mien : avant de danser tous en rond pour défendre notre beau mode de vie, il faudrait penser à construire l'Europe sociale qui relève actuellement de l'utopie avec le panel de "justiciers" corrompus qui mine ce projet ...

      Mais je m'arrête là pour ce soir avant de commencer à radoter...

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    6. Salut SK,

      Je ne peux qu'abonder dans votre sens quand vous dénoncez une société de surveillance généralisée et fondée sur la peur, légitimé par des menaces opportunément mises en exergue. Et évidemment derrière la surveillance il y a le contrôle, contrôle des masses et contrôle des individus. Il est désormais difficile d'y échapper sauf à vivre dans une bulle et donc cesser toute communication avec autrui et se passer de ces moyens qui nous rendent la vie tellement plus facile (!), cartes bancaires, cartes de péage, cartes de fidélité,… Il est d'ailleurs fortement envisagé de ne plus permettre à l'avenir le paiement en liquide. C'est la transparence totale qui se met en place. Mais il semble qu'on soit prêt à accepter finalement ce qu'on exige des autres, et qu'on obtient, quand ils nous représentent ou exercent des responsabilités. Pourquoi eux et pas nous, après tout! Surtout "si nous n'avons rien à nous reprocher" car il est évident que ce sont ceux qui ont "des choses à cacher" qui refusent d'être filmés, écoutés, de voir leurs courriels en libre accès, …
      En fait ça profite à beaucoup de monde… sauf à nous les lambdas. La surveillance politique rejoint les intérêts du business qui peut mieux cibler vos gouts et même vous proposer ce que vous pouvez acheter en fonction de vos moyens. Profil archivés et mis à jour en temps réel, profils vendus. Affaire très rentable. Les géants de "l'immatériel" google, facebook et le reste vous remercient de votre collaboration bénévole, ainsi que ceux qui l'autorisent et la favorisent, pour cette prédation généralisée de vous-mêmes.

      Alors oui on est en plein dans Orwell, avec une pointe aussi de Huxley puisque les mêmes qui nous vampirisent à longueur de journée ont des projets pour l'homme, des projets grandioses puisqu'il s'agit ni plus ni moins que d'en faire des créatures robotisées. C'est le principe de "l'homme augmenté". Mais pourquoi pas celui aussi de "robot augmenté"? Voilà la synthèse nouvelle qu'on nous promet, d'abord pour les plus riches qui pourront ainsi prolonger leur vie, et puis dans doute plus tard pour les autres ou ceux qu'on aura choisis en fonction des profils dégagés par la surveillance. C'est du HG Wells qui devient une réalité. Et les eugénistes les plus fous n'auraient pas osé espérer ça. Tout ça d'ailleurs semble assez bien accueilli. La promesse d'une vie bien plus longue et pourquoi pas, à terme, de l'éternité sur terre que dieu nous refuse, aide beaucoup à fermer les yeux sur les conséquences de ce projet.

      On est loin de nos discussions sur l'actualité, car là c'est un projet pour l'humanité qui se dessine et sur lequel nous n'aurons pas eu notre mot à dire. Parce que ce projet c'est effectivement ce qui se passe aujourd'hui et l'exploitation qui en est faite qui lui ouvre la voie.
      Mais on va quand même revenir sur cette réalité contemporaine…. Bientôt.
      Vlad

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    7. Je reviens (en 2 temps) sur votre dernier commentaire sans omettre une nouvelle fois de faire un crochet par Orwell.

      Vous écrivez, et je sais évidemment que cela fait partie de vos convictions profondes d'européen convaincu, qu'il faut davantage d'Europe sociale, y voyant sans doute une solution à nos maux dans la mesure où le déficit que vous pensez, surtout en période de crise, de très longue crise économique qu'un déficit de "solidarité" est source sans doute de dysfonctionnements sociaux entrainant des réactions extrêmes de la part des laissés-pour-compte. Je ne pense pas avoir trahi votre pensée, mais vous corrigerez si nécessaire.
      Cela dit, je voudrais vous rappeler puisqu'on parle de terrorisme, que le terrorisme rouge se déploie à une époque encore bénie où la crise économique n'existe pas encore ou en est à ses débuts. Et aussi que les terroristes islamistes identifiés et étant passé à l'acte ne figurent pas parmi ceux qu'on pourrait appeler les damnés de la terre. En fait je ne crois pas en l'explication économique de nos maux. Cette explication pourtant largement répandue est largement insuffisante. Mais elle est logique dans une société où l'individualisme a été promu comme valeur majeure et où donc le bonheur de tous, ou du moins pour être plus précis, la satisfaction des besoins de chacun devrait permettre de garantir une paix sociale. Dans ce cadre ce qu'on appelle la solidarité (ou dans votre cas l'Europe sociale, ou l'Etat social), donc la redistribution n'est qu'un moyen d'apaiser les maux qui pourraient surgir de la misère des laissés-pour-compte. Sauf que ceux-là ne se rebellent quasiment jamais, n'en ayant ni les moyens, ni la force. Tout au plus ça pourra faire une force d'appoint manipulée. Les révolutions s'en nourrissent, surtout quand on prétend la faire au nom de ces déshérités.


      à suivre

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    8. Bonjour SK, vous semblez considérer que le pire effet du jihadisme, c'est la politique de renseignement et de sécurité mise en oeuvre contre le jihadisme, lequel serait donc juste une sorte de prétexte opportun. Les "groupes d'intérêt puissants" qui soutiennent de manière pérenne le fondamentalisme et sa variante radicalisée sont les monarchies pétrolières, même s'il arrive de manière occasionnelle que des puissances soutiennent, sur un terrain de combat, un groupe contre un autre (typiquement pas le même groupe entre Moscou et Washington).
      Le pire effet du jihadisme c'est la violence, la mort et la terreur qu'il sème, et le climat de méfiance (peut être de haine) qu'il instille entre les communautés. Je ne pense pas que les intérêts financiers vopent ça d'un bon oeil, car ce genre de climat est "mauvais pour les affaires". Certes, pour eux, la mise sous surveillance peut apporter des "data" pour le marketing ciblé ou autre, mais cela aurait été de toute façon le cas pour des raisons technologique, notamment toute démarche se fait désormais par internet, les infos sont donc là.
      Je n'ai pas réfléchi à l'aspect politique de cette "surveillance", par exemple est-ce que des "gens qui ont accès aux infos" ont pu prédire et téléguider l'inattendue ascension de l'actuel président technocrate, en plus d'un concours de circonstances comme il s'en trouve un par siècle ?

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  4. Je comprends vos préoccupations par rapport à l'Europe (celles que vous dites et celles que vous sous-entendez), je suppose que l'expérience de "patchwork" ethnique la moins ratée (je ne dis pas la mieux réussie) a eu lieu sur le continent américain (tout de même sur fond d’ethnocide et d’esclavage). L'immigration massive que nous constatons en Europe est prévue de longue date, et l'Occident y est pour beaucoup quand on considère les deux causes majeures (oublions le colonialisme et la décolonisation ratée au niveau de la constitution des nouveaux États qui ne correspondent en rien aux constellations précoloniales) : l'inégalité des termes de l'échange et les guerres ; on peut discuter du volet économique (qui comprend la désertification et les ravages écologiques, la monoculture destinée à l'exportation au lieu d'une agriculture raisonnée destinée à nourrir les populations locales) et du volet militaire, notamment les intervention guerrières qui ont été évoquées et qui sont à l'origine d'un chaos formidable, mais surtout d'une fuite massive des populations civiles vers l'Europe ...

    Mais vous parlez des effets que nous constatons un peu partout, que nous soyons "politiquement corrects" ou non : des problèmes à l'école du fait des enfants venus d'ailleurs qui ne maîtrisent pas la nouvelle langue et qui ont d'autres repères culturels (leurs parents y sont parfois pour beaucoup, je considère un peu naïvement peut-être qu'un enfant est toujours innocent), des problèmes au niveau de l'emploi et des prestations sociales, des problèmes "culturels" du fait d'une "idéologisation" de la religion musulmane.

    Mais alors vous pensez que l'État français pourrait - plutôt que l'entité européenne (qui relève de l'utopie tant qu'elle n'est pas politiquement et socialement constituée) - régler ce problème à multiples facettes ?

    Je sais ou suppose que vous défendez le modèle de la Nation. Mais une nation moderne n'a jamais protégé (pas plus que l'Europe actuelle) de l'internationalisme économique. Elle peut donner la préférence nationale, imposer une culture nationale (cf. le débat de la "Leitkultur" en Allemagne). Mais est-que ce repli est une solution d'avenir dans la frénésie actuelle de globalisation ?

    À propos de globalisation, on voit qu'elle ne concerne qu'une certaine catégorie de population, les autres ont de la monnaie de singe et se noient en Méditerranée, si vous me permettez une petite dose de cynisme ...

    À bientôt.

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  5. Salut SK,

    réponse en deux temps encore à cause des contraintes liées au nombre de caractères max.

    Je ne vois guère dans le monde la réussite de ce que vous appelez un patchwork ethnique dès lors que justement tout ce qui est lié à cette notion d'ethnicité n'a pas été écrasé par une acculturation volontaire ou forcée. Je pense évidemment à des modes de vie, des systèmes de valeurs, des cultures. Il n'y a certes pas herméticité entre les cultures, mais juste la possibilité d'une porosité assez légère, d'influences qui n'altèrent pas, ne défigurent pas une des composantes en compétition. Car c'est bien de compétition dont il s'agit quand des cultures se mêlent et le mieux qu'on puisse obtenir, c'est ce qu'on appelle le vivre-ensemble mais qui devrait se nommer vivre à côté. Je n'ai rien inventé. Il suffit de lire Lévi-Strauss, notamment "race et culture" pour cesser de penser à la possibilité d'un monde qui n'existera jamais. On peut le regretter, mais c'est un fait. Je m'étonne au passage que Claude Lévi-Strauss n'ait pas encore été mis à l'index, sans doute devenu trop confidentiel, mais on aura bien un de nos pseudo-intellectuels pour le déterrer et le dénoncer. Ses propos seraient inacceptables aujourd'hui, pourtant ça ne fait quand même pas longtemps qu'il nous a quittés, tandis que ce qu'il écrit sur l'islam et les musulmans dans Tristes tropiques lui vaudrait sans doute une fatwa applaudie par ces encenseurs d'un monde qui n'existe pas et dont ils ont les moyens de se protéger. Le temps n'est donc pas loin où on brulera ses œuvres au pied des effigies torturées de Colbert, initiateur du Code noir, de Ferry et de Blum, fervents partisans de la colonisation qui devant tant apporter aux peuples appartenant à ces civilisations tellement inférieures à la nôtre. Ainsi va l'histoire mais qui n'en est plus une et devient la complainte des thuriféraires de la repentance, dans une si belle association des "victimes" et des "bourreaux", du moins leurs supposés descendants puisque pour les uns et les autres la couleur est une preuve, ce qui est quand même paradoxal pour des gens qui soit disant luttent contre le racisme. Pour ma part je considère ces gens comme des fous dangereux, des gens qui par haine d'eux-mêmes, de leur histoire si largement amputés, de leur pays, de leur civilisation, en viennent à souhaiter notre disparition sans doute pas tant physique que culturelle en revendiquant la promotion de l'identité des "autres" tout en nous interdisant de protéger la nôtre. Remarquez qu'ils ne sont pas en contradiction sur le fond avec Lévi-Strauss. L'injonction majeure qu'ils nous font étant de laisser la place au motif de nos crimes. Sans évidemment qu'il soit possible d'évoquer que pour les crimes, s'il faut les qualifier ainsi à l'aune de nos valeurs et connaissances actuelles, nous n'en avons as davantage à nous reprocher qu'à "nos victimes" si on veut par exemple penser à l'esclavage (encore persistant d'ailleurs mais pas chez nous) ou la colonisation. Mais le dire devient dangereux. Je vous rappelle juste l'affaire Pétré-Grenouilleau qui, cet imbécile d'historien, quand il étudie l'esclavage inclut les traites interne et musulmane. Faut pas pousser quand même!

    à suivre

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    1. suite

      Alors, je crois, je suis persuadé même que, et sans vouloir vous offenser, qu'on ne peut penser l'avenir de façon efficace, c'est-à-dire sans haines, sans esprit revendicatif, qu'en sortant de la spirale victimaire. Les faits sont là, personne ne peut les ignorer s'il souhaite les connaitre de façon exhaustive. Qu'ils nous servent pour l'avenir, pour ne pas perpétuer des erreurs. Et au lieu de penser réparation, pensons correction. Vous avez raison, les frontières africaines (mais aussi européennes au demeurant si on prend l'Europe centrale ou orientale) sont aberrantes et sources de conflit. Sans parler du fait qu'elles (surtout en Afrique ou cette notion ethnique est très forte) transforment la démocratie en un vote ethnique où le minoritaire en volume a tort d'office et ne bénéficie d'aucun droit ni de protection. On comprend d'ailleurs que ce problème des minorités est source de tyrannies, ces dernières pour exister ne pouvant que s'emparer du pouvoir par la force et le conserver ainsi. Quelques exemples : Syrie et Irak – de Saddam, ou Afrique du Sud et Rhodésie. Dans les trois derniers cas les oppresseurs dès qu'ils sont vaincus ou cèdent le pouvoir sont voués au pire, comme quoi il y a des constantes. On ne comprendra pas non plus ce qui se passe en Libye, libérée de son tyran(!) qui l'avait pourtant mené à un niveau de vie (santé, éducation en particulier) exceptionnel dans la région, si on ignore le caractère tribal du pays. A force de projeter notre modèle sur les autres on arrive à créer des monstres bien pires que ce qui existait avant. A cet égard, et même si ça va vous hérisser le poil, on peut comprendre une certaine nostalgie de la colonisation de la part d'une partie de population qui a vue mise entre parenthèses des conflits ancestraux (l'équivalent de notre pax romana à nous) qui ne demandaient qu'à reprendre une fois le colonisateur parti. Le conflit malien peut parfaitement illustrer ça. Et non! Ce n'est pas (que) la colonisation qui est la source des maux de ces pays. Il suffit de prendre une perspective historique longue pour s'en persuader.

      Alors, certes il y a du boulot pour remettre le monde en ordre, chose qu'il n'a jamais connue. C'est même chose impossible sans doute. Mais on peut sans doute faire mieux en opérant quelques corrections et aussi en commençant par penser à nous qui, faute de cadre, ou à cause de l'effilochement du cadre national, devenons une projection de ce monde en conflit. Et pour ça partons sur des bases saines et non sur celles qui présentent un occident coupable de puis la nuit des temps (ce qui est évidemment faux) face à ses victimes. Arrêtons-donc de penser en termes de réparations ou de compensations. C'est absurde et contreproductif.
      Et pour répondre à votre question, je crois effectivement à la capacité de l'Etat de régler beaucoup des problèmes que nous connaissons et intimement liés au communautarisme. Mais ça réclame des exigences que je crois qu'aucun homme politique contemporain n'aura le courage de mettre en œuvre. Qui oserait pratiquer une vraie politique d'assimilation aujourd'hui? Pourtant c'est la seule qui a marché. Même si le fait que j'en sois un produit peut vous en faire douter.

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    2. SK & Vlad, vous donnez là un bel exemple de dialogue entre interlocuteurs de convictions fort différentes, mais partageant des points communs, dont l'urbanité et une belle plume :-) A propos d'"Europe sociale", je pense qu'à 27 c'est une illusion car il faudrait s'aligner sur des standards à la portée de la Bulgarie. La seule option jouable serait me semble-t-il des "incitations" (pour pays les moins sociaux) et des "compensations" (perçues par les pays les plus sociaux). Il est évident que les affairistes qui ont conduit à une Europe "extensive" ne veulent pas en entendre parler, car avec la "concurrence libre et non faussée", c'est en fait l'absence de régulation qui est instaurée, entrainant le dumping interne, les délocalisations vers les pays low-cost intégrés, et les standards sociaux tirés vers le bas (l'ubérisation c'est à dire les travailleurs "à leur compte" en sont l'exemple).
      Toute grande idée a ses mystiques et ses opportunistes, l'Europe n'y échappe pas, les mystiques jouent du violon (notamment le devoir de solidarité avec les pays sortis de la tutelle soviétique...), et les opportunistes font de l'"optimisation sociale et fiscale".

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    3. Bonjour Nolats et Vlad. - Je réagis brièvement à votre dernière intervention, cher Vlad, en constatant une nouvelle fois notre profond désaccord sur ces questions autour du colonialisme et de son volet idéologique, que je considère comme une rationalisation (justification) d'actes de prise en main de territoires et de soumission de peuples prétendument "inférieurs". "L'inégalité des races humaines" de Gobineau en fait partie. Tout comme - déjà, et entre bien d'autres - certains écrits (mineurs) de Kant, qui considère par exemple que les "nègres" sont stupides (à cause de l'exposition prolongée au soleil ??). - Il est évident que les prouesses technologiques de certaines civilisations (dès l'Antiquité, d'ailleurs) leur donnent une supériorité (notamment, mais non exclusivement, militaire) sur d'autres, mais de là à rayer les autres cultures et modes de vie de la surface de la terre, comme c'est notamment le cas pour les "peuples naturels" chers à Levi-Strauss, il y a un pas immense, allègrement franchi par l'humanité scientifique, pas toujours intentionnellement peut-être, mais en vérité la question est moins dans la recherche de responsables que dans la constatation et l'analyse de ce phénomène "humain trop humain". - Le fait que cette "éradication", qui comprend également les espèces animales et végétales, prenne cette dimension dramatique à l'ère dite post-coloniale, montre que les différentes colonisations, ethnocides, esclavagismes, ont été un effet et non la cause : or, c'est celle-ci qu'il importe de mettre en évidence, et la recherche de coupables au sein d'une nation déterminée ne fait - une fois encore - que nous en éloigner. Peut-être serez-vous d'accord avec cela.

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    4. Bonsoir SK
      Que vous dire? Evidemment les ressorts de la colonisation, de toute colonisation, c'est important, repose sur une double inégalité celle réelle du rapport de forces à court et moyen termes, et celle fantasmée d'une supériorité du colonisateur sur le colonisé (qui d'ailleurs parvient parfois à faire sien cette illusion). Et à partir de là, on en arrive à des visions diverses de la colonisation allant de l'apport civilisationnel vanté par exemple par Ferry et Blum à la prédation, le tout soutenu par la force militaire qui se confond avec une force policière. Vous noterez d'ailleurs que "Notre colonisation" fut essentiellement soutenue par la gauche. Il n'y eut guère qu'un Clemenceau pour s'y opposer.
      Mais le schéma que je présente aussi grossier ou aussi simplificateur qu'il puisse paraitre est sans doute universalisable. On pourrait parler de la colonisation romaine, de la colonisation arabo-musulmane, de celle ottomane, de celle occidentale. On retrouvera toujours ces deux aspects cités plus haut. Vous noterez d'ailleurs que celle occidentale ne s'est pas spécialement attachée à détruire les cultures préexistantes. Souvenez-vous par exemple de Lyautey sanctuarisant les mosquées au Maroc suite à un incident avec des légionnaires. Je ne crois pas que les chrétiens bénéficient, même aujourd'hui d’autant de mansuétude de la part des musulmans dès lors qu'ils dominent.

      Voilà c'était un peu le sens de mon intervention. On se focalise sur la colonisation européenne qui fut sans doute dans l'histoire la moins violente et celle qui respecta sans doute le plus les cultures préexistantes. On se demande pourquoi les Algériens, bon c'est sûr qu'avant la colonisation française ce pays n'avait jamais existé, ne reprochent ni aux Arabes, ni aux Turcs de les avoir colonisés, et pour les premiers de les avoir forcé à changer de religion.

      Ne croyez pas que je veuille relativiser ou montrer que nous, nos ancêtres (même s'il n'y eut jamais aucun colonisateur , ni esclavagiste parmi les miens) étions meilleurs que les autres, même si je préfère l'idée de civiliser que celle de soumettre.
      Je veux juste noter l'absurdité de nous accuser de choses comme si nous seuls les avions commises, j'aurais pu faire un parallèle avec l'esclavage. Le passé est le passé, et comme je le disais, ce n'est pas en envisageant les choses sous l'angle des réparations que les bourreaux devraient à leurs victimes que nous ferons avancer les choses. Nous ne faisons que générer et faire prospérer ainsi des haines. Ce ne sont ni notre pognon, ni notre soumission à des règles ou modes de vie qui nous sont étrangers et qui même parfois sont incompatibles avec nos valeurs qui sont la solution. C'est au contraire la prolongation des antagonismes.
      Alors, corrigeons ce qui a été mal fait, les frontières par exemple, aidons ceux qui le doivent, donc les populations et non leurs dirigeants corrompus, de façon intelligente (l'initiative de Borloo sur l'électricité est excellente), parlons-nous comme des égaux et non descendants de...
      Ce qui veut dire qu'il ne fait parler de la colonisation européenne que comme d'un fait historique. Et non pas en termes de bien et de mal. En fait faisons ce que nous faisons avec les colonisations qui l'ont précédée.
      Vlad

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  6. Vlad, l'"assimilation" consiste à ce que chacun tende à se conformer à un référentiel donné.
    Or les sociétés changent désormais extrêmement vite, donc le référentiel n'a pas la même stabilité qu'il a pu avoir, disons jusqu'aux trente glorieuses, voire à l'orée des années 80.
    En outre, l'assimilation suppose un brassage (le terme "melting pot" le décrit bien) de telle sorte que les nouveaux arrivants s'intègrent par immersion et s'acculturent par mimétisme. On verse un peu de sel dans l'eau, en agitant il se dissout. Actuellement il y a des grumeaux, et la saumure a dépassé le seuil de solubilité, donc il faut trouver autre chose que l'assimilation de naguère. Il y a le modèle communautariste dont on ne sait pas s'il fonctionne vraiment quelque part, mais qui en tout cas ne correspond pas à notre mentalité française. Reste un modèle pluraliste, avec un "tronc commun" pour faire un peuple, mais une marge de spécificités. Clairement, c'est plus compliqué qu'un modèle homogène "comme à Singapour", mais on ne peut construire que sur des réalités et la diversité est un état de fait, qu'on s'en réjouisse ou qu'on le regrette.

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  7. Bonjour Nolats,

    vous avez raison, le processus d'assimilation est complexe et exigeant et il implique même un taux d'échec important. On ne doit pas oublier que plus de ma moitié des Italiens et des Polonais arrivés en France dans les premières décennies du siècle précédent sont repartis.
    Les deux principaux bras armés de l'assimilation étaient l'école et le travail. La première s'est débarrassé ou a plutôt été débarrassée de cette tâche et s’adapte de plus en plus avec ses programmes au communautarisme. On est passé de "nos ancêtres les Gaulois" à l'étude de l'empire du Monomotapa, ce qui certes ne manque pas d'intérêt mais n'offre sans doute pas les meilleures opportunités pour inscrire les enfants dans la continuité historique de leur nouvelle patrie, le mot n'étant pas galvaudé dès lors que ces enfants disposent de la nationalité. française. En fait, et je crois que nous en sommes d'accord, la déconstruction d'un récit national constitue une faute grave et entretient un communautarisme diviseur.
    S'agissant du travail, la désindustrialisation a évidement porté un sale coup au rôle de prescripteur social qu'avaient les ouvriers vis-à-vis des immigrants qui de toute façon leur serait interdit puisque l'identité de chacun doit être respectée et vaut bien la nôtre (sic).

    On est donc en panne et je ne vois hélas personne pour tenter de remédier à ça, comme si finalement la fin de la communauté nationale, certes pas toujours paisible mais capable de se mobiliser en cas de danger portant sur sa survie, était actée. Notre président qui dans le Point nous appelle à nous rassembler derrière le pays avec fierté ayant déclaré qu'il n'y avait pas de culture française, on se demande derrière quoi on va bien pouvoir se rassembler. De toute façon j'ai le sentiment que les politiques n'ont aucune vision d'avenir pour le pays, et que de toute façon ils ont acté leur impuissance se laissant guider par l'air du temps décrit par essentiellement les médias, en fait quelque chose qui ne représente surtout pas la majorité de la population dont on s'étonne ensuite qu'elle soit toujours mécontente. Et puis comme de toute façon ils ont ou leurs prédécesseurs ont bradé l'essentiel à l'Europe ou à l'Oncle Sam, il ne sont plus guère là que pour faire de la figuration grassement rétribuée. Alors le sursaut ne viendra pas, mais la guerre civile peut-être qui a déjà commencé d'ailleurs sous une forme certes atténuée avec des prises de contrôle de zones entières et quelques échauffourées entre les représentants institutionnels (policiers, pompiers et même médecins...)sans oublier évidemment les actions terroristes.

    Alors vous avez raison. Parler d'assimilation est sans doute quelque chose de surréaliste aujourd'hui. Et aussi incongru puisque ce sont aussi beaucoup de Français qu'il fait assimiler, ce qui est quand même un comble (quand je pense que ma grand-mère et es arrières grands parents ont mis plus de 20 ans pour être naturalisés!). Il est donc sans doute plus utile de se mettre aux sports de combat et au maniement des armes, ou avant d'en arriver là d'envisager de déménager si on habite certains lieux, ce qu'ont fait d'ailleurs la majorité des gens qui vivaient initialement dans les cités, abandonnant le terrain puisque personne n'était là pour les protéger.

    le modèle communautaire pourtant ne fonctionne nulle part. regardez ce qui se passe aux USA. Entre violences et vote ethnique on ne peut pas parler de réussite. Les Grands-Bretons commencent à rétropédaler. Il n'y a guère que les Canadiens, avec Trudeau, et nous qui les talonnons pour croire encore à la diversité heureuse proclamée par ceux qui ne la subissent pas. Je comprends très bien les dirigeants du groupe de Visegrad. Ce sont eux qui ont raison et remplissent leurs devoirs en protégeant leurs peuples.

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    1. Bonjour Vlad. Réponse brève: je suis d'accord avec la réintroduction du "récit national" comme fil conducteurs de l'enseignement de l'histoire, ce qui n'exempte pas d'étudier d'autres civilisations, mais non au titre de racines alternatives. D'accord aussi que le travail était un facteur majeur d'assimilation, par le brassage et l'effort partagé.
      Concernant l'assimilation, l'alternative n'est pas le communautarisme (vivre différemment et séparément), mais une société plurielle, où le mix entre tronc commun et marge de diversité n'a pas encore été trouvée.

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