samedi 29 décembre 2012

[Brève] Le feuilleton Steinbrück

Gerhard Schröder et Peer Steinbrück, photo @ dapd / der spiegel


Comme le rapporte le Spiegel, le candidat du SPD à la chancellerie fait encore des siennes : alors que la polémique autour de ses gages de conférencier vient tout juste de se tasser un peu, Peer Steinbrück déclare dans une interview à la Frankfurter Allgemeine (FAZ) que le job qu'il convoite ne paye pas assez. "A peu près tous les directeurs de caisse d'épargne en Rhénanie-du-Nord-Westphalie gagnent plus que la chancelière." - Précision : Angela Merkel gagne actuellement 18.000 €, ce qui n'est tout de même pas rien, si l'on y ajoute les énormes frais de représentation, les nombreux avantages personnels, sans oublier la notoriété mondiale qui se monnaye très bien par la suite...

 Les commentaires de l'article du Spiegel sont éloquents. Extraits (je traduis) : S'il y avait besoin d'une autre preuve que le SPD ne veut pas gagner l'élection, ce serait celle-là. Demander plus d'argent pour les politiciens alors que les revenus réels baissent et que les petits épargnants voient leurs économies fondre, voilà qui montre l'esprit de ces gens (meinmein)... Le poste de chancelier fédéral est avant tout un poste honorifique et n'a pas à être rémunéré comme celui d'un PDG. Je lui conseille de devenir directeur de caisse d'épargne, c'est tout juste à la portée de son talent (mps58)... Steinbrück a-t-il donc l'intention de perdre l'élection délibérément ? Pour être positif, on peut évidemment dire qu'il joue cartes sur table (hador2)... Steinbrück, dans combien de plats tu comptes encore mettre les pieds ??? (ralf wagner)

Et s'ils ne sont pas morts, ils commentent encore...

vendredi 14 décembre 2012

[Aparté] Trève des confiseurs

 Photo : cap2013 / SK

En Allemagne - paradis de la consommation - Noël, c'est ce qu'il y a de plus sacro-saint, de plus intouchable: partout, des arbres de Noël, des pères Noël, des décorations de Noël, des marchés de Noël et surtout des cadeaux de Noël dans les vitrines pleines à craquer : objets plus ou moins inutiles, pacotille ou high tech, chocolats, gâteaux, jouets... jouez !

Un peu comme en France, sans doute. Sauf que - consommation poussée à l'extrême - la mise en scène prend ici des proportions qui par temps de crise confinent au théâtre de l'absurde. Dans la ville de Berlin, où les températures peuvent descendre jusqu'à -20°C (-8°C actuellement, sous la neige), les statistiques officielles recensent 5000 sans-abris pour seulement 500 places en hébergement d'urgence. En mars 2012, 6.222.000 personnes étaient dépendantes des minima sociaux en Allemagne, dont tout de même 1.624.000 enfants (wiki). Si le taux de chômage y est inférieur qu'en France, un certain nombre de personnes non recensées par les statistiques de l'Agence pour l'Emploi gagnent bien moins que le SMIC, qui d'ailleurs n'existe pas outre-Rhin.

Dans cette ambiance festive, on discute d'une nouvelle interdiction du NPD ("Nationaldemokratische Partei Deutschlands"), la précédente ayant échoué en 2003. Fondé en 1964, ce parti défend, comme le Front National en France, les valeurs d'extrême-droite, et il est actuellement présent dans les parlements régionaux des Länder du Mecklembourg-Poméranie-Occidentale et de la Saxe, où il a franchi la barre des 5%, indispensable pour accéder au Landtag.

Selon le Wikipedia allemand (je traduis) : "Le 5 décembre 2012 les ministres de l'Intérieur des Länder se sont prononcé à l'unanimité pour une nouvelle procédure d'interdiction lors d'une rencontre à Rostock-Warnemünde. Un jour plus tard, la conférence des ministres-présidents [à savoir les chefs des Länder, n-d-t] ont suivi, également à l'unanimité, le vote des ministres de l'Intérieur. Le gouvernement fédéral a annoncé qu'il déciderait dans le courant du premier trimestre 2013 s'il allait demander, en accord avec les Länder, une interdiction du NPD, parti d'extrême droite. - Ce projet d'une procédure d'interdiction est en relation avec l'éclaircissement des assassinats perpétrés par l'Untergrund national-socialiste (NSU) [neuf assassinats de personnes d'origine étrangère - huit Turcs et un Grec - entre 2000 et 2006, un attentat à la bombe en 2004, et le meurtre d'une policière en 2007, n-d-t]. Les liens entre le NSU et le NPD ont été débattus dans l'espace public et sont souvent vus comme motif pour entamer une nouvelle procédure d'interdiction du NPD."

Et ce 14 décembre 2012, à Berlin, le parlement des Länder - le Bundesrat - décide avec une majorité significative de demander l'interdiction du NPD auprès du Tribunal constitutionnel d'Allemagne...

Cependant, le titre et le chapeau d'un article de l'hebdomadaire Die Zeit relativisent cette annonce (je traduis) : "Une goutte [d'eau] sur la pierre brune [brûlante]. - Une motion d'interdiction - et vlan, adieu le NPD ? Ce n'est pas si simple. Les néonazis ne siègent pas seulement dans les parlements régionaux et les conseils municipaux, mais comme citoyens dans les associations de parents d'élèves et les bistrots. Le travail pour la culture démocratique a besoin d'un bras plus long que celui qui va jusqu'à Karlsruhe [sc.: le siège du Tribunal constitutionnel fédéral, n-d-t]. La motion d'interdiction ne peut venir qu'en complément."

On se posera certainement des questions sur la nature du lien entre la folie consumériste de Noël et le débat sur l'interdiction du NPD. - Il n'y en a probablement aucun, si ce n'est ce que l'on se plait à nommer "le hasard du calendrier". - Quant à l'attrait bien connu des "laissés pour compte" pour les partis extrémistes, il ne peut que se renforcer devant les vitrines bien garnies des grands magasins et les spots publicitaires qui poussent à l'extrême cette folie consumériste dont les pauvres de ce monde se trouvent radicalement exclus. C'est sans doute dans ces moments où le sentiment d'abandon atteint son paroxysme que, tel un réflexe enfantin, certains se remettent à croire au père Noël...

dimanche 9 décembre 2012

Monsieur 93,5 Pourcent

 Peer Steinbrück
Photo DPA @ Tagesspiegel

Après Madame 98% - Angela Merkel investie comme candidate de la CDU pour 2013 - c'est au tour du challenger social-démocrate d'être plébiscité par les camarades du SPD ce dimanche à Hanovre (Basse-Saxe). De son discours de deux heures - avec les deux chanceliers émérites Helmut Schmidt et Gerhard Schröder au premier rang - il faut retenir que l'ancien ministre des Finances d'Angela Merkel ne sera pas disponible pour une troisième "Grande Coalition" (CDU/SPD - la première ayant eu lieu entre 1966 et 1969, la seconde entre 2005 et 2009). Et le candidat d'insister sur son ambition d'oeuvrer - s'il est élu dans le cadre d'une alliance "rouge-verte" (SPD/Ecologistes) - à davantage de justice sociale, en plaidant notamment pour un salaire minimum (inexistant en Allemagne) et une retraite décente pour tous.

Voilà qui a dû inspirer ce titre de l'hebdomadaire Die Zeit : Enfin un véritable social-démocrate - l'allusion à Gerhard Schröder, grand détricoteur de l'Etat social, n'est que trop évidente...

Et le rédacteur de conclure son compte-rendu de ce congrès dominical qui culmine dans le couronnement du champion : "A quatre heures de l'après-midi tout est fini, des visages satisfaits partout. Le SPD et le candidat se sont convaincus eux-mêmes, alors que ces derniers mois rien n'était moins sûr. A présent, il [ne] manque [que] le reste du pays."

vendredi 7 décembre 2012

Madame 98 Pourcent



Comme titre la Süddeutsche, les 98% de suffrages qui, lors du congrès de la CDU, reconduisent la chancelière à la tête du parti font naître "l'espoir d'une régence éternelle".  Selon le commentaire de Hermann Prantl, cet exercice d'autosatisfaction se berce dans l'illusion d'avoir déjà battu le SPD...

Si les deux fronts se précisent - d'un côté l'alliance "rouge-verte" (SPD/Ecologistes) et de l'autre le pacte "noir-jaune" (CDU/CSU/FDP) actuellement au pouvoir - l'ambiance générale est à une nouvelle "Grande Coalition" pour octobre 2013, c'est-à-dire un dispositif gouvernemental très allemand où droites et gauches se neutralisent...

Cependant, Angela Merkel a un sacré avantage : elle est populaire, sans doute bien davantage que son challenger Peer Steinbrück (SPD) qui continue de traîner sa casserole de conférencier superbement rémunéré. Et si, au pays du "champion du monde de l'export", le travailleur allemand a tout de même du mal à joindre les deux bouts, il le doit en grande partie à la dérégulation du marché du travail, parachevé entre autres par le social-démocrate Gerhard Schröder qui, à l'image de son collègue britannique Tony Blair, n'a pas vraiment mené la politique sociale que l'on attend traditionnellement de la gauche...

Ainsi, les frontières s'effacent, les fronts molissent et, pendant ce temps, le marché et la finance continuent de régenter un monde soi-disant globalisé, tandis que ce qu'il est convenu d'appeler "la démocratie" semble de plus en plus vouée à n'être qu'une agitation de façade ou, au choix, une idéologie pour tromper les gens sur la réalité du pouvoir...

Quelques sondages récents, laissant présager une nouvelle "Grande Coalition" pour 2013
@wikipedia

InstitutDateCDU/CSUSPDB'90/VertsFDPLINKEPIRATENDivers
Emnid02.12.201238 %28 %14 %4 %8 %4 %4 %
twittprognosis28.11.201235 %28,5 %11,5 %5 %9 %6,5 %4,5 %
FG Wahlen28.11.201238 %29 %15 %4 %7 %4 %4 %
Forsa28.11.201237 %26 %16 %4 %8 %4 %5 %
Emnid25.11.201238 %29 %15 %4 %7 %4 %3 %
Infratest 23.11.201239 %29 %15 %4 %6 %4 %3 %
GMS22.11.201237 %26 %16 %4 %8 %4 %5 %
Forsa21.11.201236 %26 %16 %4 %8 %5 %5 %
Allensbach21.11.201237,5 %31,0 %12,5 %4,0 %6,5 %4,0 %4,5 %
Emnid18.11.201239 %28 %13 %4 %7 %5 %4 %
FG Wahlen16.11.201239 %30 %13 %4 %6 %4 %4 %

lundi 26 novembre 2012

Les Pirates coulent...

Texte et dessin © Goscinny / Uderzo

Eh oui, en Allemagne, il y a le Parti des Pirates. Et son aventure politique n'avait pas si mal commencé, au grand dam des partis de gauche - Les Verts, le SPD, Die Linke - qui se voyaient dépouillés d'un certain nombre de suffrages et de sympathisants. Lors des élections législatives locales de 2011 à Berlin par exemple, les Pirates réunirent 8,9% des voix, ce qui est considérable. Au dépens des sociaux-démocrates et de l'extrême-gauche, comme tout semble l'indiquer, sabordant du même coup la coalition rose-rouge (SPD-Die Linke) qui avait gouverné la ville lors de la législature précédente (2006-2011). Les élections régionales de 2012 confirmèrent ce résultat surprenant : 7,8% en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, 7,4% dans la Sarre et 8,2% dans le Schleswig-Holstein. 

Or, puisque les citoyens-électeurs ont tout de même du mal à discerner leur programme politique - par delà la revendication d'un Internet libre et gratuit - les Pirates commencent sérieusement à chuter dans les sondages, quand il ne s'agit plus d'élire un parlement régional (Landtag), mais une assemblée nationale. En effet, ils ne sont plus crédités des fameux 5% qui leur ouvriraient pour la première fois les portes du Bundestag, mais perdent un précieux point pour tourner autour de 4% (selon un sondage Emnid pour Bild). 

Et c'est ainsi qu'une spirale descendante se dessine : l'électeur se dit que si le parti ne franchit pas la barre des 5%, sa voix ne comptera pas. Et il votera pour un autre parti. - Cependant, il reste encore onze mois aux Pirates, qui viennent de tenir leur congrès à Bochum, pour retourner la situation en élaborant un programme politique consistant. Et en pratiquant ce réalisme, auquel ils se refusent jusqu'à présent, qui consiste à conclure des alliances avec les partis "établis".

 Johannes Ponader, actuel chef des Pirates
(photo @ wikipédia)

samedi 10 novembre 2012

Allez les Verts !

Selon le titre du Spiegel, "les Verts montrent leur vrai visage" en élisant lors de primaires leurs deux champions pour la course au Bundestag 2013 : Katrin Göring-Eckardt et Jürgen Trittin, ou plutôt en n'élisant pas une autre candidate, à la fois attendue et "historique" : Claudia Roth...

Pour comprendre, il faut considérer les trois phases du mouvement écologiste allemand Die Grünen / Bündnis 90, qu'évoque Christoph Schwennicke du Spiegel :

- D'abord la phase fondatrice de ce courant politique, alors considéré comme "alternatif", dans les années 1960/70, émergeant des révoltes étudiantes de 1966/67, baignant dans la scène pop et militante, "squattant" dans le quartier de Berlin-Kreuzberg en écoutant la musique de Ton Steine Scherben, le groupe enragé de Rio Reiser, dont Claudia Roth fut d'ailleurs un temps la productrice...

- Puis la phase "gouvernementale" avec l'ancien "soixante-huitard" Joschka Fischer aux Affaires Etrangères (1998-2005), sous le contrôle du chancelier Gerhard Schröder dans le cadre d'une coalition SPD / Les Verts...

- Et, selon le rédacteur de l'hebdomadaire allemand, la troisième phase a commencé ce week-end avec la transformation des Verts "gauchistes" en Verts "bourgeois"...

De facon plus générale, et notamment depuis l'élection de Winfried Kretschmann comme premier Ministre-Président écologiste (le 10 mai 2012, dans le land allemand de Bade-Wurttemberg), il est bien évident que les Verts visent à nouveau une alliance avec les sociaux-démocrates pour 2013. D'ailleurs, le SPD n'est-il pas lui aussi stigmatisé comme "parti bourgeois" par l'extrême-gauche (Die Linke) ?

 J. Trittin & K. Göring-Eckardt, photo @ Der Spiegel / Getty

vendredi 9 novembre 2012

Peer Steinbrück (SPD) vs. Angela Merkel (CDU)

De la Troika social-démocrate - Sigmar Gabriel, Frank-Walter Steinmeier et Peer Steinbrück - ce sera donc ce dernier qui affrontera la chancelière sortante Angela Merkel dans la campagne électorale pour l'élection du Bundestag, dont la date définitive n'est toujours pas arrêtée : les Allemands voteront entre le mercredi 28 août et le dimanche 27 octobre 2013. 

 Mais la campagne s'annonce déjà rude : actuellement, l'économiste Peer Steinbrück défraye la chronique parce qu'il a touché quelque 1,25 millions d'euros d'honoraires bruts pour un certain nombre de conférences données entre 2009 et 2012 (rémunérées en moyenne 15.000 euros chacune). Ses commanditaires étaient des banques, des compagnies d'assurance, des entreprises municipales (chiffres in Die Zeit, 30/10/2012) ...

 Pour l'opinion, ce genre d'activités "parallèles" ne pose pas seulement problème à cause des honoraires (le record étant de 25.000 euros pour une seule conférence) quand une bonne partie de la population connaît des fins de mois difficiles, mais surtout en regard de la possible compromission d'un social-démocrate avec le milieu des affaires et de l'industrie, dont le crédo néo-libéral est de notoriété publique. 

Or - et c'est le point crucial - cette affaire, qui fermente donc depuis 2009, n'a été "sortie", ou pris de l'ampleur dans les médias allemands, qu'après la désignation officielle - le 29 septembre 2012 - de Peer Steinbrück comme champion du SPD pour 2013. - On imagine le scénario en France, si DSK avait été investi par le PS !

 Ministre fédéral des Finances de 2005 à 2009, Peer Steinbrück (au premier rang, 3e en partant de la gauche) participait, à côté de Christine Lagarde, à une réunion du U.S. Treasury Department à Washington le 11 avril 2008. On reconnaît également le directeur du FMI, Dominique Strauss-Kahn (photo @ wikipédia)

mardi 9 octobre 2012

Sept chanceliers pour une chancelière (1949-2013)

Sous la République fédérale, depuis 1949 (Allemagne de l'Ouest, puis depuis 1990 Allemagne réunifiée), le chef de gouvernement est le chancelier fédéral ou Bundeskanzler. L'arrivée d'Angela Merkel au pouvoir en 2005 a conduit à la féminisation de la fonction : elle est désignée comme la chancelière fédérale ou Bundeskanzlerin.


TitulaireMandatPartiNote

Konrad Adenauer en 1952Konrad Adenauer
1876-1967
Du 15/09/1949 au 16/10/1963CDU
Père fondateur de la République fédérale et partisan d’une orientation conservatrice et pro-occidentale.

Ludwig ErhardLudwig Erhard
1897-1977
Du 16/10/1963 au 01/12/1966CDU
Artisan du « miracle économique allemand » avant ses trois années à la chancellerie.


Kurt Georg Kiesinger
1904-1988
Du 01/12/1966 au 21/10/1969CDU
À la tête de la première grande coalition de la République fédérale.

Willy Brandt en septembre 1980Willy Brandt
1913-1992
Du 21/10/1969 au 07/05/1974*SPD
Premier chancelier social-démocrate depuis 1930, à la tête d’une coalition sociale-libérale.

Helmut Schmidt en juillet 1977Helmut Schmidt
1918-
Du 16/05/1974* au 01/10/1982SPD
Successeur de Brandt à la tête de la coalition sociale-libérale jusqu’au retour à droite du FDP.

Helmut Kohl en 1994Helmut Kohl
1930-
Du 01/10/1982 au 27/10/1998CDU
Plus long mandat depuis Bismarck, artisan de la Réunification en 1990.

Gerhard Schröder en novembre 2003Gerhard Schröder
1944-
Du 27/10/1998 au 22/10/2005SPD
Premier baby-boomer à prendre la tête du gouvernement, marquant l’arrivée au pouvoir de la « génération de 68 » avec la coalition rouge-verte.

Angela Merkel en septembre 2007Angela Merkel
1954-
22/11/2005-28/10 2009
depuis le 28/10 2009
CDU
Première femme et première personnalité de l’ancienne Allemagne de l’Est à cette fonction, à la tête d’une grande coalition de 2005 à 2009 puis d'une coalition CDU-CSU-FDP depuis 2009.
* Intérim du vice-chancelier Walter Scheel (FDP) du 07/05/1974 au 16/05/1974
source : wikipédia

mardi 15 mai 2012

Safari humain

Quand j’ai entendu cette expression, j’ai d’abord cru qu’il s’agissait de chasse à l'homme ! Puis j’ai vu l’émission. Chapeau :


Les îles Andaman abritent des tribus vieilles de 65 000 ans, restées à l’abri du reste du monde jusqu’à il y a une cinquantaine d’années. Aujourd’hui, les survivants des tribus Jarawas,  Sentinelles, Grands Andamanais, sont censés être protégés par des réserves. – Mais bien que l’accès y soit interdit, des agences de voyage locales organisent des « safaris humains » et promettent aux touristes d’apercevoir des Jarawas. Récemment, une vidéo amateur a fait scandale dans le monde entier : on y voyait des Jarawas danser quasi nus à la demande d’un homme qui les filmait avec son téléphone portable. Corruption, guerre de territoire entre colons et tribus ancestrales, batailles politiques autour de ces peuples en voie de disparition, le sort des tribus primitives des Andaman est devenu un enjeu mondial et un sujet qui dérange…


jarawas

mardi 8 mai 2012

Présidentielle 2012 : Le débriefing

Le 6 mai 2012, François Hollande a été élu Président de la République Française avec 51,635 % des suffrages exprimés, soit 18.000.668 voix sur 34.861.353 et un avantage de 1.139.983 bulletins favorables sur Nicolas Sarkozy, qui en obtient 16.860.685 ; pour ce second tour de la Présidentielle, 46.066.307 électeurs français étaient inscrits sur les listes, 9.049.998 d'entre eux ne se sont pas rendus aux urnes et 2.154.956 citoyens ont voté blanc ou nul, selon les chiffres publiés le 10 mai 2012 par le Conseil Constitutionnel qui proclame "M. François HOLLANDE Président de la République française à compter de la cessation des fonctions de M. Nicolas SARKOZY, laquelle, en vertu de l'article 6 de la Constitution, aura lieu, au plus tard, le 15 mai 2012 à 24 heures".

Il semble que le président battu mette fin à sa carrière politique, comme c'est d'ailleurs la règle un peu partout dans le monde. Ainsi, l'ère Sarkozy montrera bien vite son vrai visage : celui d'un fantôme ou d'un mirage qui, par-delà quelques actions spectaculaires, aura accentué la division du pays et la déchéance de l’État social. Avec l'une, le Président sortant aura contribué à regonfler la baudruche frontiste et avec l'autre, il aura aidé à réaliser l'un des principaux objectifs du libéralisme globalisé.

Rétrospectivement, on peut dire que cette campagne présidentielle 2012 a été lancée à la mi-janvier 2011 avec le congrès de Tours où, succédant à son père, Marine Le Pen devient la nouvelle présidente du Front National. Les observateurs croient alors déceler une tendance à la "dédiabolisation" du parti d'extrême-droite, certains se laissant aller à dire que les frontistes deviennent "fréquentables".

Quelques jours plus tard, c'est au tour de Jean-Luc Mélenchon de se déclarer candidat pour le Front de Gauche. Ainsi, les affrontements commencent très tôt entre les deux extrêmes de l'échiquier politique français. Et il faut bien reconnaître que ces campagnes précoces ont été couronnées de succès. Dans ce contexte, un sondage Louis Harris Interactive publié début mars 2011 donne résolument dans le surréalisme : Marine Le Pen était alors créditée de 23% et Jean-Luc Mélenchon de 5%. Le nouveau Président de la République, qui s'était porté candidat aux primaires socialistes début avril 2011, n'y figurait pas encore : Martine Aubry était créditée de 21%, à égalité avec Nicolas Sarkozy, et Eva Joly pesait tout-de-même 7%.

Puis, le 18 mars 2011, un événement majeur allait détourner l'attention de la campagne française : Aux côtés des États-Unis et du Royaume Uni,  la France intervenait en Libye. Deux mois plus tard, le grand favori de la Présidentielle allait sombrer au Sofitel de New York : le 14 mai 2011, le directeur social-démocrate du Fonds Monétaire International, Dominique Strauss-Kahn, se fit arrêter pour agression sexuelle.

Et, on l'aurait presque oublié : les 20 et 27 mars les électeurs furent appelés aux urnes pour des Cantonales partielles, où la gauche allait prendre l'avantage sur la droite.

Ensuite, les électeurs assistèrent à l'exercice désormais habituel des primaires : mi-juin Eva Joly remporta celles d'Europe Écologie Les Verts et, mi-octobre, François Hollande triompha au Parti Socialiste.

Or, entre-temps, une autre élection - indirecte - eut lieu : la Sénatoriale partielle du 25 septembre 2011 changea - pour la première fois sous le régime de la 5e République - le rapport de force au sein de la chambre haute du Parlement : 178 sièges pour la gauche contre 170 pour la droite. En conséquence, le socialiste Jean-Pierre Bel fut élu président du Sénat le 1er octobre.

On n'insistera jamais assez sur la faible médiatisation de ces élections réelles - cantonale et sénatoriale - au profit des estimations assénés à intervalles réguliers par les instituts de sondage qui, en consacrant ce qu'il faut appeler la "démocratie virtuelle", ont un effet rétroactif sur l'opinion publique avec les commentaires qui, sans cesse, les accompagnent, exerçant de fait une influence non négligeable sur le vote final des citoyens.

Début décembre 2011, c'est au tour du centriste François Bayrou d'officialiser sa candidature. Mais il faudra attendre la mi-février 2012 pour que le Président Sarkozy se déclare.

Un mois plus tard, on pouvait craindre le pire avec la médiatisation d'un fait divers qui réorienta le débat sur les sempiternels problèmes d'insécurité et d'immigration :  le 19 mars 2012, après l'assassinat d'un militaire à Toulouse et de deux autres à Montauban, une attaque contre une école juive fut perpétrée par le même auteur à Toulouse, ce qui occasionna une étonnante suspension de la campagne présidentielle.

Et le 22 avril 2012, soit un mois exactement après le dénouement de l'affaire Merah, le verdict des urnes reflète la "droitisation" de la campagne avec 18,01% des suffrages exprimés pour le Front National auxquels il faut ajouter les 1,8% accordés à N. Dupont-Aignan, soit 19,81% pour l'extrême-droite. Le sortant recueille quant à lui 27,08% et le centriste Bayrou divise son résultat surprenant de 2007 par deux en n'obtenant que 9,11%. Au premier tour, l'ensemble des voix de gauche (PS, FG, EELV, NPA, LO) s'élève à quelque 44% des suffrages exprimés : tout le monde s'adonne alors aux calculs électoraux.

Désarçonné, le Président sortant met le cap à droite toute, tandis que la gauche se rassemble sans conditions autour de la candidature de François Hollande. Trois dates marquent l'entre-deux-tours :
  • Le Premier Mai, où Nicolas Sarkozy organise une sorte de contre-manifestation à Paris (Trocadéro) au nom du "vrai travail" - une formule malheureuse qu'il retirera très vite - avec pour effet de s'attirer les foudres des syndicats ; et, lors du traditionnel rassemblement frontiste à l'Opéra, Marine Le Pen déclare qu'elle votera blanc.
  • Le débat télévisé du 2 mai 2012 entre les deux finalistes : Le Président sortant mise son va-tout sur cet affrontement tant souhaité, mais il se montre incapable de faire la différence face à un adversaire combattif, sûr de lui et favori des sondages.
  • Le coup de grâce de François Bayrou qui déclare le 3 mai qu'il votera Hollande au second tour.
Le verdict est implacable : Ne recueillant que 48,36% des suffrages exprimés, Nicolas Sarkozy doit quitter l’Élysée le 15 mai 2012, lors de la passation du pouvoir, et céder la place à François Hollande, élu Président de la République Française pour ces cinq prochaines années. Mais, pour pleinement exercer les pouvoirs qui lui sont conférés, il doit encore obtenir une majorité à l'Assemblée Nationale à l'occasion des Législatives prévues les 10 et 17 juin 2012.

lundi 7 mai 2012

[Note] La France se lève du pied gauche

Après une élection comme celle-ci, le réveil est souvent difficile : gueule de bois pour les fêtards et soupe à la grimace pour les déçus. 

Mais la vie continue. Après une avalanche de discours et de commentaires, les réalités politiques et économiques reprennent leurs droits. Si la campagne des Législatives (programmées les 10 et 17 juin 2012) vient d'être lancée en France, la récession menace aux États-Unis et le parlement grec fraîchement élu inspire aux observateurs que le pays serait devenu ingérable.

On commence à parler de l'État social. Encore un petit effort, et on discutera de l'Europe sociale. Ce n'est pas un État-Providence, mais la matérialisation des acquis politiques, économiques et sociaux obtenus après bientôt deux siècles de luttes : suffrage universel, égalité homme-femme, sécurité sociale et retraite, éducation et formation pour tous, réglementation et droit du travail, assurance chômage et minima sociaux...

Ce n'est pas une exigence idéaliste d'appeler à la constitution d'une Europe sociale où salaires, taxes et impôts, assurances et assistances sociales seraient harmonisés. Non pas nivelés vers le bas, mais élaborés dans la perspective d'une existence décente à laquelle tous les Européens aspirent légitimement.

On y oppose l'endettement des pays européens au cours des dernières décennies. Or cette dette est le reflet de toutes les aides qui ont été apportées aux populations pour les préserver du pire : pour assurer une éducation aux enfants au lieu de les tuer au travail, comme ce fut encore le cas au 19e Siècle en Occident, comme c'est toujours le cas dans certains pays dits pauvres, à la merci des excès de la mondialisation libérale ; pour soigner les gens au lieu de les laisser mourir ; pour permettre aux anciens de se reposer après une vie de labeur ; pour aider la foule croissante des chômeurs, des sans domicile, de ceux qui, même dans nos pays dits riches, vivent en-dessous du seuil de pauvreté ; bref, pour assurer un service public convenable, équitable.

Il s'agirait de savoir si les financiers, les spéculateurs, les désertificateurs, les exploiteurs, les va-t-en-guerre n'ont pas, eux aussi, une dette à régler, qui s'annonce bien plus importante que celle de l’État social. Si la réponse est oui, il faudrait réfléchir aux moyens de faire payer ceux qui se distinguent par un autisme antisocial (pléonasme) et une inconscience croissante, résumés dans cette formule bien connue : Après moi, le déluge.

dimanche 6 mai 2012

Résultats de la Présidentielle 2012 en France

Il faut attendre 20h pour le dire en France : Le 6 mai 2012, François Hollande (PS) a été élu président de la République Française. - Les résultats détaillés suivront dans un instant.

Et voici une première dépêche AFP (via Le Soir, 18h53, publiée ici à 20h précises, conformément à la législation française) :   
Le socialiste François Hollande a été élu dimanche président de la République, recueillant entre 52 et 53,3% des suffrages au second tour de la présidentielle, d'après les estimations de quatre instituts de sondages. - Selon les instituts CSA, TNS Sofres et Ipsos, le candidat PS a obtenu 52% des voix contre 48% à son rival UMP, le président sortant Nicolas Sarkozy. Les estimations de Harris Interactive variaient entre 52,7 et 53,3% en faveur du candidat socialiste.
Un peu après 19h, France 2 communique le chiffre de la participation : 79,90% prévu par Ipsos (82% pour CSA, selon Le Monde). Au second tour de la Présidentielle 2007, 83,97% des inscrits étaient allés voter. Selon le ministère de l'Intérieur, la participation était de 71,96% ce 6 mai 2012 à 17 heures (contre 70,59% le 22 avril à la même heure).

A 19h34, le Live du Monde ne laisse plus beaucoup de place au suspense :
TULLE : Un à deux milliers de partisans de François Hollande sont réunis sur la place de la cathédrale à Tulle dans l'attente du discours de leur favori, dont ils anticipent la victoire. - "François, président !" et "On a gagné ! On a gagné !", lançaient quelques militants massés devant l'estrade montée pour l'occasion où doit s'exprimer le député de Corrèze après l'annonce des résultats à 20 heures. - Les partisans du socialiste avaient commencé à se regrouper en fin d'après-midi à Tulle, ville dont François Hollande a longtemps été maire, pour fêter la victoire espérée de leur favori. François Hollande devait les rejoindre pour une courte allocution avant de rejoindre l'aéroport de Brive, pour s'envoler vers Paris et rejoindre la Bastille, le lieu où il espère fêter, avec ses amis socialistes et ses partisans, sa victoire.

A 20h précises, Le Monde et France 2 donnent François Hollande gagnant avec 51,9% des voix (estimation Ipsos). Le visage du nouveau Président de la République Française apparaît sur l'écran de la chaîne publique.

Peu après, le président sortant fait ses adieux à la Mutualité de Paris.



Une heure plus tard, le nouveau président prononce son premier discours à Tulle.



21h15 - Courrier international poste (via Le Monde) : 
VU DE RUSSIE - Joint par Courrier international, Andreï Gratchev, politologue russe, en France depuis vingt ans, ancien porte-parole de Mikhaïl Gorbatchev et correspondant pour différents médias russes : "C'est un commentaire autant personnel que politique que j'ai envie de faire, car en 1981 je me trouvais rue de Solferino lors de la victoire de François Mitterrand. Certes la situation, la France, l'Europe et le monde sont différents. Les Français ont choisi l'espoir, l'espoir du changement, qui se traduira par un président plus digne et plus en harmonie avec la société française pour aborder les prochaines épreuves liées à la crise. Nicolas Sarkozy a été victime de la crise, mais aussi de son propre manque de constance et de concentration. Il fut un gestionnaire plus qu'un porteur de projet. Il en a payé le prix. C'est plus contre lui que pour François Hollande que les Français ont voté."

21h40 - Le Monde donne une nouvelle estimation Ipsos affinée : François Hollande à 51,7%, Nicolas Sarkozy à 48,3 %.

22h10 - Le Monde résume l'intervention de Lionel Jospin sur le plateau de France 2 à propos du nouveau président : "Quand je l'ai appelé auprès de moi en 1995, il n'était pas un de mes proches, mais j'étais saisi par son talent. Et de 1995 à 1997, nous avons découvert que nous aboutissions souvent aux mêmes conclusions politiques. En 1997, il était donc pour moi le meilleur pour diriger le Parti socialiste. Et il était ensuite totalement associé au gouvernement." Et sur la victoire de la gauche : "Non ce n'est pas une revanche, mais un accomplissement. (...) Le score serré ce soir me fait penser que cette élection est plus normale que la victoire de Mitterrand en 1981. Mais la situation et le contexte sont également plus exceptionnels. Sans doute François Hollande est-il plus conscient de la crise qui s'abat sur l'Europe. Et je pense qu'avec les thèmes que le président sortant a, dans sa campagne, essayé de faire surgir des tréfonds de l'opinion française, les Français se sont dit : il vaut mieux François Hollande, plus simple, plus normal, et une politique plus équilibrée." - Les qualités de François Hollande : "c'est une très vive intelligence, quelqu'un qui n'est pas tourné vers lui. C'est un calme. Un très bon économiste. Et un homme qui saura rassembler, et qui ne concentrera pas tous les pouvoirs dans ses mains, au risque de l'impuissance." Quant à ses défauts : "un président de la République qui vient d'arriver n'a pas de défauts."

22h40 - Après avoir annoncé 51,1%, France 2 remonte le score de François Hollande à 51,26%. Puis on s'accorde à nouveau sur 51,7%.

Vers 23h, l'AFP (via Le Point) attribue 51,56% au nouveau président. Et l'agence précise : La participation s'établirait autour de 81%, selon les instituts de sondages, taux inférieur au second tour de la présidentielle de 2007 (83,9%) mais supérieur à celui du premier tour de 2012 (79,5%).

Après dépouillement, le chiffre officiel de 51,67% met tout le monde d'accord. On le compare aux 51,76% de François Mitterrand en 1981. Demain, la France se lèvera du pied gauche.


Enfin, à minuit passé de vingt minutes, François Hollande arrive à la Bastille :



Le lendemain, lundi 7 mai 2012 vers 11h, le ministère de l'Intérieur annonce le chiffre définitif : 51,62% (18.000.438 voix) pour François Hollande et par conséquent 48,38% (16.869.371 voix) pour Nicolas Sarkozy. Soit 34.869.809 suffrages exprimés et une différence de 1.137.067 voix en faveur du président élu. Sur un électorat potentiel de 46.073.165 personnes, 2.147.173 électeurs ont voté blanc ou nul (4,66% des inscrits, 5,8% des votants), tandis que 9.056.183 inscrits se sont abstenus (19,66% contre 20,7% au premier tour et 16,03 % au second tour de la Présidentielle 2007).

vendredi 4 mai 2012

[Billet] Fin de Campagne (4 mai 2012)

Ce soir à minuit, les politiciens feront silence. Les commentateurs se tairont enfin. Les sondeurs auront plié bagage. Et la campagne présidentielle 2012 appartiendra à l'histoire.

Le débat traditionnel de l'entre-deux-tours a bien eu lieu. Les derniers meetings ont été tenus. Les ultimes sondages sont tombés. Et le centre vient de doubler le sortant à gauche.

Dimanche 6 mai 2012, les électeurs prendront la parole. 46 millions de citoyens français seront appelés aux urnes. Le peuple fera son choix. Et le verdict sera irrévocable.

Pour l'heure, on tergiverse encore. L'incertitude continue de régner. Les discours s'entrechoquent. Et les manipulateurs de l'opinion publique tirent leurs dernières cartouches.

On dit que le duel télévisé a été rude, âpre. Il paraît qu'il n'aura pas d'effet majeur sur le scrutin. Chacun aurait vu son champion triompher. Et les indécis ne se seraient toujours pas décidés.

Que retiendra-t-on de tous ces discours, de toutes ces discussions ? Lundi, la vie reprendra son cours. Les chômeurs chômeront, les travailleurs travailleront. Et les spéculateurs spéculeront.

Ce dimanche, on vote également en Grèce et dans le Land allemand du Schleswig-Holstein. Au Royaume-Uni, les travaillistes viennent de battre les conservateurs aux municipales. L'Europe politique reste à construire. Et les spéculateurs continuent de spéculer.

Dans les autres pays européens, le scrutin français est perçu comme une élection régionale. Pour l'heure, chacun voit midi à sa porte. L'Europe politique n'est encore qu'un rêve. Et le libéralisme forcené fait toujours des ravages.

Le silence est propice à la méditation. A force d'être répétées, les mots perdent de leur sens. La volonté de convaincre à tout prix produit bien souvent un effet pervers. Et les indécis finissent par s'abstenir.

Que retiendra-t-on de cette campagne présidentielle 2012 ? Comme les autres, elle intègrera la partie anecdotique de l'histoire. Seul, le nom du nouveau président français restera. Et la réalité de son action politique.


jeudi 3 mai 2012

[Débat] Le débriefing de Hollande (3 mai 2012)

François Hollande (PS) répond aux questions de Patrick Cohen (France-Inter - 3 mai 2012)


François Hollande répond aux auditeurs de France-Inter.

[Débat] Le débriefing de Sarkozy (3 mai 2012)

Nicolas Sarkozy (UMP) répond à Jean-Michel Aphatie et Alain Duhamel (RTL - 3 mai 2012)

Nicolas Sarkozy est interviewé par Jean-Michel Aphatie et Yves Calvi (RTL - 3 mai 2012)

Nicolas Sarkozy répond aux questions des auditeurs de RTL

[Vidéo] Hollande-Sarkozy : Le Débat (2 mai 2012)

François Hollande (PS) et Nicolas Sarkozy (UMP) se sont rencontrés ce 2 mai 2012 pour le traditionnel débat de l'entre-deux-tours modéré par Laurence Ferrari (TF1) et David Pujadas (France 2).

1 - OUVERTURE

2 - MILIEU DE PARTIE

3 - FIN DE PARTIE

mardi 1 mai 2012

[Billet] Premier Mai

Le muguet. La France à la Fête du Travail. Les Syndicats à l'honneur. Un peu partout dans le monde. Le Pen vote blanc. Nini Marine à l'Opéra. Hollande à Nevers. Bérégovoy oblige. Sarkozy au Trocadéro. Morano chauffe le Parvis des Droits de l'Homme. Copé en interview. BFM couvre l'événement en grande pompe. Mise en scène grandiose. Hollywood sur Seine. Carla et la Tour Eiffel. Une heure avant sa prise de parole, le président-candidat donne ses impressions à chaud. Un brin de muguet à la main. Cerné par les journalistes. Plan de coupe. Recyclé en grand reporter à Paris, Mazerolle fait parler NKM. La formule à tire-larigot. Bien envoyée. En studio, Ruth Elkrief reprend l'antenne sur un rire étrange. Pause commentaire.  Puis Juppé au micro : "La stabilité et la croissance". Avec un peu de nervosité dans le ton. Las, le téléspectateur moyen zappe. Sur LCP, on voyage dans le temps : En 1963, Yves Montand explique qu'un acteur doit pouvoir prendre position sur le monde qui l'entoure. Puis revoilà Sarkozy : "Les frontières... Ceux qui se lèvent tôt et travaillent dur..." Plan large sur le parvis, la Tour Eiffel en point de mire. Plan américain sur l'orateur : "Je veux un nouveau modèle français..." Il tient son mot d'ordre et peut donc l'asséner à la cantonnade. Staccato de marteau-piqueur. "La France du Travail..." La caméra s'élève au-dessus des drapeaux qui s'agitent. La foule scande des choses inaudibles. Nouveau silence. Sarkozy fait mousser son bilan. Feu d'artifice de citations. Le Général de Gaulle est convié. Discours du 1er Mai 1950. "Vous êtes le visage radieux de la France." Enfin : "Trois jours pour convaincre." Et : "Merci Carla." Le téléspectateur moyen éteint son poste. Comme un creux.

Günter Grass : "Ce qu’il faut dire" (2012)

Préambule (Note du traducteur)


Je voudrais proposer, dans le cadre de ce blog, ma traduction du "poème" de l'écrivain allemand Günter Grass, qui lorsqu'il fut publié par la Süddeutsche Zeitung le 4 avril 2012 avait soulevé un tollé dans l'opinion publique allemande (et bien au-delà) : en effet, on avait vite fait de rappeler l'appartenance de Grass à la Waffen-SS (volontaire comme sous-marinier à 17 ans, il a été refusé par ce corps d'armée et affecté - de l'automne 1944 au printemps 1945 - à la Waffen-SS, pour laquelle il ne s'était donc pas porté candidat) : le prix Nobel de littérature (1999) n'a rendu public cet épisode que très tardivement (en 2006 dans son autobiographie Beim Häuten der Zwiebel). Or, dans la RFA de l'après-guerre, Grass tenait le rôle de l'intellectuel engagé (très lié à Willy Brandt pour qui il écrivait certains discours), résolument anti-fasciste, ce qui lui valait à l'occasion le surnom de "Moralapostel" (apôtre moralisateur). - Dans ce "poème" (auquel le chanteur et poète Wolf Biermann, très attaché à Israël, dénie cette qualité en invoquant un "péché littéraire capital"), Grass s'élève contre le fait que l'Allemagne livre à Israël un sous-marin capable de lancer des missiles nucléaires. Comme il le dit lui-même, cet écrit et son auteur risquent d'être taxés d'antisémites, ce qui ne correspond nullement à la vérité, mais une telle accusation aura tout de même été formulée. D'autre part, certains participants à l'intense débat public ont fait de l'auteur du Tambour un défenseur de l'Iran d'Ahmadinejad et par voie de conséquence un ennemi d'Israël. - Il convient alors de préciser que je ne suis qu'un traducteur dans cette histoire : ayant retrouvé ce petit travail dans mes papiers, je l'ai revu et, sans être entièrement satisfait, j'ai eu envie, malgré tout, de le partager ici et - pourquoi pas ? - le soumettre à discussion (sans haine et sans crainte). - Voici donc le texte :


lundi 30 avril 2012

[Note] Fin de Partie

La dernière semaine de la campagne présidentielle 2012 commence. Dans l'attente de la Fête du Travail à Paris, où les adorateurs de Jeanne d'Arc, les syndicalistes et un rassemblement organisé par le sortant sous la bannière déjà obsolète du Vrai Travail semblent s'engager dans une lutte acharnée, mais aussi dans la perspective médiatique du traditionnel débat télévisé entre les deux finalistes programmé le lendemain sur tous les canaux, on assiste à un lancer de boules puantes plutôt contre-productif pour autant qu'une élection comme celle-ci ne saurait se jouer sur des accusations sorties d'une boîte de Pandore à la veille du scrutin.

D'abord la vraie fausse interview de Dominique Strauss-Kahn parue le 27 avril 2012 en "exclusivité" dans le Guardian, un quotidien britannique d'orientation centre gauche : En fait, il s'agirait du montage d'un entretien accordé au journaliste américain d'investigation Edward Jay Epstein le 13 avril 2012 pour son livre Three Days in May (Trois jours en mai) qui reprend l'affaire du Sofitel de New York en défendant la thèse que le scandale aurait été orchestré par les services français dans le but de nuire au présidentiable Strauss-Kahn.

Et le lendemain (28 avril 2012), la "révélation" du site Médiapart (€) dirigé par Edwy Plenel, qui produit un document daté du 10 décembre 2006, signé par Moussa Koussa, le chef démissionnaire du service libyen des renseignements extérieurs, et adressé à Bachir Saleh, ancien trésorier de Mouammar Kadhafi, portant sur le financement à hauteur de 50 millions d'euros de la campagne électorale 2007 de Nicolas Sarkozy. Les deux intéressés libyens ont déjà démenti en contestant l'authenticité de ce document et le président sortant a déclaré qu'il porterait plainte contre le site d'investigation. Fait troublant cependant : Ce dimanche 29 avril 2012, le corps sans vie de Choukri Ghanem, ministre libyen du Pétrole à l'époque (de mars 2006 à mai 2011), qui a lui aussi fait défection lors du soulèvement populaire contre Kadhafi, est découvert à Vienne, flottant dans le Danube. L'autopsie n'a pas encore été pratiquée, mais on n'a constaté aucune trace apparente de violence sur le cadavre. Il pourrait donc s'agir d'une simple coïncidence.

De façon bien plus pressante, l'économie s'invite elle aussi dans cette fin de campagne : Après avoir, le 26 avril 2012, abaissé de deux crans la note de solvabilité financière de l'Espagne - de "A" à "BBB+" -, l'agence de notation américaine Standard and Poor's achève ce lundi 30 avril 2012 le travail en "dégradant" neuf banques espagnoles alors que le pays entre à nouveau en récession. Si les agences de notation avaient déclaré ne pas intervenir dans la campagne française en publiant d'éventuels bilans négatifs avant le scrutin du 6 mai, elles le font tout-de-même de façon indirecte avec cette attaque frontale contre l'Espagne.

Et puis il y a l'éternelle Mme Merkel qui, en vérité, est également soumise à la loi temporelle de la Démocratie puisque des élections fédérales auront lieu en Allemagne à la rentrée 2013. Or, le résultat n'est absolument pas acquis, d'autant que le dangereux Monsieur Hollande (The Economist) a des chances d'être le prochain président français, risquant alors de galvaniser l'élan social-démocrate (SPD) outre-Rhin. C'est peut-être l'une des raisons qui poussent la Dame d'Acier à faire certaines concessions dès aujourd'hui en prescrivant, à côté du régime amincissant qu'elle impose à la population allemande, une cure de croissance pour l'Europe, comme on peut le lire dans une interview récente traduite ici-même. D'ailleurs, après la surprenante demande d'un salaire minimal en Europe, Bruxelles semble lui emboîter le pas avec un possible plan de croissance soutenu par la Banque Centrale Européenne.

Pendant ce temps-là, l'équipe de campagne du sortant, dont l'époustouflante Nathalie Kosciusko-Morizet, s'offusquent de la présence de l'érotomane DSK à l'anniversaire de Julien Dray (PS). Et même le "président-candidat" pense qu'une enquête s'imposerait pour connaître les noms de tous les camarades qui ont assisté à la fête : "Quand on voit la comédie à laquelle donne lieu le dîner d'anniversaire de Monsieur Dray, avec Monsieur Strauss-Kahn - rue Saint-Denis, ça ne s'invente pas -, on se demande si parfois les socialistes réfléchissent", s'est-il laissé aller à dire ce matin sur I>Télé. - Le débat de fond est lancé !

dimanche 29 avril 2012

Hollande à Bercy (29 avril 2012)


Discours de François Hollande au meeting de Paris-Bercy (29 avril 2012)

Sarkozy à Toulouse (29 avril 2012)


Discours de Nicolas Sarkozy au Parc des Expositions de Toulouse (29 avril 2012)

samedi 28 avril 2012

[Traduction] Merkel à propos de la France et de l'Europe (27 avril 2012)

Voici la traduction d'une partie de l'interview que la chancelière allemande Angela Merkel (CDU) a accordé à la Leipziger Volkszeitung le 27 avril 2012. Il s'agit du passage qui concerne l'élection française et l'Europe :

Q. - Est-ce que la possible élection d'un président socialiste en France vous pose des problèmes ? Helmut Kohl s'est montré capable d'une excellente collaboration avec un socialiste à Paris.

A. M. - Ce qui importe pour le moment, c'est qu'il y a, avec le président et son challenger, deux pro-européens dans le tour décisif du 6 mai, dont il faut attendre le résultat. Nicolas Sarkozy et moi-même appartenons à la même famille politique et collaborons très étroitement. Pour la maîtrise de la crise, nous avons initié certaines décisions importantes en Europe. Ceci dit, le président français et le chef du gouvernement allemand arrivent toujours à bien travailler ensemble. C'est une affaire de responsabilité politique, que portent les chefs de gouvernements, en particulier ceux de nos deux pays.

Q. - Peut-il y avoir, comme le veut Hollande, des réajustements pour relancer la croissance dans le cadre du pacte fiscal européen ?

A. M. - Il n'y aura pas de renégociation du pacte fiscal. 25 chefs de gouvernement l'ont signé. Au Portugal et en Grèce, il est déjà ratifié ; en Irlande, il fera l'objet d'un referendum fin mai. Dans beaucoup d’États membres, comme en Allemagne, le pacte fiscal est actuellement soumis aux parlements.

Q. - Donc pas de relance supplémentaire de la croissance ?

A. M. - Elle est déjà à l'ordre du jour dans l'UE depuis l'année dernière. Plusieurs conseils européens s'y sont déjà penchés très concrètement ; pour le conseil de juin, nous préparons un agenda de croissance. Dès à présent les pays peuvent
, par exemple, utiliser les fonds structurels de manière plus flexible afin de venir en aide aux moyennes entreprises. Notre politique pour surmonter la crise de la dette publique repose sur deux piliers : d'un côté, une politique financière solide, sans laquelle aucun dépassement de la crise de la dette ne sera possible, mais qui à elle seule n'est pas suffisante ; voilà pourquoi, de l'autre côté, il faut une politique qui encourage la croissance et l'emploi, qui rend à nouveau concurrentiels les États, mais sans une nouvelle croissance à crédit. De nouveaux programmes publics conjoncturels n'aideraient pas l'Europe. Ce dont nous avons besoin, ce sont des réformes structurelles. Nous devons lever les obstacles à un bon développement économique ; en Allemagne, nous avons nous-mêmes expérimenté l'efficacité de réformes en profondeur du marché du travail pour une croissance véritable et durable. J'imagine également que nous allons encore renforcer les capacités de la banque européenne d'investissement.

[Traduction de l'allemand : Stefan Kaempfer -  Lien sur le texte original de l'interview]

La lettre de M. Bayrou et les réponses de MM. Hollande et Sarkozy

La lettre de François Bayrou 

  [adressée mercredi 25 avril 2012 aux candidats du second tour de l'élection présidentielle]

"Vous participez au second tour de l’élection présidentielle. Il me paraît normal de vous rappeler ce qui a été essentiel pour les plus de trois millions d’électeurs qui m’ont apporté leur suffrage au premier tour.

Le premier élément crucial pour eux et pour moi aura été la vérité sur la situation du pays, la prise en compte de la réalité des faits.

Je ne crois nullement que la crise financière soit derrière nous. Je pense au contraire que la crise est devant nous, et qu’elle sera très dure. Je pense que les déficits, commerciaux et budgétaires, qui s’accumulent pour notre pays menacent à court terme notre modèle social et que la multiplication des promesses non financées aggravera encore ce risque.

Et parce que nous allons vivre ces moments difficiles, l’attitude personnelle des gouvernants comptera beaucoup. C’est une question de valeurs, personnelles autant que politiques. Depuis des années, c’est la violence des attitudes et des mots, la guerre d’un camp contre l’autre, la complaisance à l’égard des extrêmes qui caractérisent notre pays. Le refus de la violence perpétuelle dans la vie politique, les valeurs de respect des sensibilités différentes, la reconnaissance du pluralisme, la recherche de l’équilibre, sont la condition nécessaire à l’esprit d’unité nationale dont nous aurons besoin face à la crise.

C’est ainsi, et seulement ainsi, par la vérité et l’unité que la France pourra regarder en face les conditions de son redressement. Et d’abord de son redressement financier. Or la recherche de l’équilibre des finances publiques n’est obtenue dans vos deux projets que par l’affichage d’une croissance impossible à court terme. Je vous demande instamment de réfléchir à ce péril et d’envisager des mesures crédibles pour l’écarter s’il est encore temps.

Pour moi, la décision constitutionnelle, inscrite dans le traité européen, de renoncer pour l’avenir aux facilités du déficit, du moins en période de croissance, la « règle d’or », doit s’imposer à tous les pays qui ont l’euro en partage. Non pas pour faire plaisir aux « marchés », ou à « Bruxelles », mais parce que c’est le seul moyen d’éviter pour la France et les Français, particulièrement pour les plus fragiles, la catastrophe sociale qui s’annonce.

La France s’est construite depuis la guerre autour du modèle social né du Conseil National de la Résistance. Nous y tenons, non pas comme à une tradition, mais comme à notre principale aspiration nationale. Nous le regardons non pas comme notre passé, mais comme notre avenir. Nous savons qu’il devra se réformer, mais dans la justice et la solidarité. Or c’est dans le concret de la vie de tous les jours que justice et solidarité risquent d’être menacées.

La sauvegarde de notre modèle social et de services publics impose de restaurer et de développer fortement notre appareil de production. La France est, Grande-Bretagne exceptée, le seul des grands pays européens qui connaisse l’effondrement de son commerce extérieur. Ce n’est pas viable. Pourtant, nous avons d’immenses marges de progression, et donc de création d’emplois durables, de ressources pour les familles.

C’est là que va se gagner ou se perdre le combat de notre avenir national, en particulier dans la recherche de stratégies nationales de production, filière par filière. Une évolution de la démocratie sociale dans l’entreprise est aussi un élément crucial de ce redressement. La représentation des salariés, avec droit de vote, au conseil d’administration des grandes entreprises, sera un signe déterminant en ce sens.

La crise de l’éducation en France est un enjeu du même ordre. La situation de l’école, notamment à l’école primaire et au collège, ne peut être acceptée. Des centaines de milliers d’enfants voient leur avenir barré faute de se voir garantir les acquis nécessaires, maîtrise de l’écrit, du chiffre, de la langue. Faute de consacrer à ces fondamentaux le temps scolaire indispensable, les inégalités sociales se perpétuent et s’aggravent dans cet échec. Ce combat national oblige à un nouveau contrat entre l’école et la nation, qui touchera à la question des pratiques, de l’organisation, du développement de l'alternance et de l’apprentissage, aussi bien que des moyens.

La moralisation de la vie publique, le changement des pratiques du monde politique représentent une attente des citoyens dont vous ne pouvez ignorer la gravité. L’interdiction du cumul des mandats pour les députés, la diminution du nombre des parlementaires, le renforcement de la parité hommes femmes, le changement de loi électorale pour assurer la représentation des grands courants d’opinion, en tout cas de ceux qui atteignent 5 % des suffrages, à l’Assemblée nationale, au sens le plus large la garantie du pluralisme, la consécration de l’indépendance de la justice, le renforcement de l’indépendance des médias, l’assainissement du financement de la vie politique, la lutte contre la corruption et la prise illégale d’intérêts, tout cela est urgent. Les deux partis que vous représentez ont souvent pris des engagements, mais jamais ils ne sont allés plus loin. Je crois que cette moralisation est vitale pour que la confiance revienne entre citoyens et élus. Seule la voie référendaire permettra de les imposer à un monde politique qui n’a guère envie de voir changer les règles d’un jeu qui lui convient.

L’Europe a été durement attaquée pendant cette campagne. On lui a fait porter tour à tour la responsabilité de l’immigration et celle de l’absence de croissance. Je veux vous dire que pour nous, il est impossible d’envisager notre avenir national sans projet européen. L’Europe n’est pas seulement notre horizon : le jour où elle existera vraiment, elle sera notre seule arme politique et économique efficace dans la tourmente mondiale. L’Europe souffre aujourd’hui d’absence de gouvernance, de transparence et de lisibilité. Ce n’est pas avec moins d’Europe que la France s’en sortira ! C’est avec une Europe plus forte, plus solidaire, plus lisible, donc plus communautaire. Dans cette perspective, les renforcements de la zone euro, comme de l'espace Schengen, sont une étape prioritaire.

Des millions de Français partagent ces valeurs et ces préoccupations. Ils seront, je n’en doute pas, attentifs aux orientations qui seront les vôtres sur ces questions durant la campagne du deuxième tour.

Je vous prie de croire à l’assurance de mes sentiments cordiaux."

vendredi 27 avril 2012

[Billet] Grimassensuppe

Avec leurs deux derniers articles les forcenés de la Livre Sterling et un hebdomadaire allemand présumé centre gauche partagent la même ligne éditoriale : en somme, il faudrait dégraisser de plus en plus l’État social, qu'il soit d'ailleurs français, allemand ou britannique ; or le candidat social-démocrate François Hollande se refuserait apparemment à appliquer ce régime amincissant, tendance anorexique, prescrit par les rois de la finance. What a shame !

Mais ce n'est pas tant l'article de The Economist qui surprend puisque l'hebdomadaire britannique reste fidèle à lui-même en lançant sa formule d'un Monsieur Hollande plutôt dangereux. C'est le Spiegel qui déçoit ses lecteurs traditionnels en affichant - du moins dans le papier sur la politique européenne proposée par le candidat social-démocrate français - une nette préférence pour le régime amincissant que Mme Merkel impose aux travailleurs, chômeurs et retraités allemands. Or, puisque celle-ci doit se représenter dès septembre 2013 devant l'électorat allemand et que sa formation chrétienne-démocrate, la CDU, n'est absolument pas certaine de pouvoir créer une nouvelle majorité au Bundestag, on se demande si le Spiegel apporte dès à présent son soutien à la chancelière sortante, au risque de faire se retourner dans sa tombe le fondateur de l'hebdomadaire d'information, Rudolf Augstein. Was für eine Blamage !

L'austérité, la rigueur, voilà les médicaments qui soigneraient la maladie de la dette contractée par l’État social à force de pourvoir aux soins équitables pour tous les citoyens, à leur éducation, aux logements sociaux, services publics, transports en commun etc. etc.

Mais qu'en est-il de l'autre dette ? Celle dont personne ne parle jamais comme d'une faute grave, extrêmement ruineuse pour l'ensemble de l'humanité, comme d'une dette qu'il faudrait commencer à rembourser : la désertification de la nature et la destruction des espèces vivantes, la pollution des villes et des océans, la misère de tous ces peuples qui végètent sous le seuil de pauvreté dans l'étau d'un marché mondial inéquitable et implacable ? 

L'autre jour, j'ai vu une émission sur un entrepreneur satisfait d'avoir délocalisé ses activités dans une région où les habitants travaillent pour une bouchée de pain, dont il peut en outre épuiser sans vergogne les ressources naturelles. Le plus étonnant :  il n'éprouvait aucune espèce de culpabilité, pas le plus petit sentiment de faute, pas la moindre compassion pour le sort misérable de ses semblables. Ses arguments : mondialisation, rendement. The usual rationalization.

Pour changer, une alliance des sociaux-démocrates français et allemands, avec le soutien des écologistes et des mouvements citoyens, ne pourrait-elle pas contribuer à façonner le destin politique d'une Europe prise dans le carcan néo-libéral ? N'est-ce pas cela qu'il s'agit d'empêcher à tout prix, à coups de rationalisations et de moralisations économistes de personnes qui n'ont par ailleurs aucun scrupule à affamer les populations, à désertifier le monde et à alimenter les guerres entre les peuples avec leur "superproduction" d'armements ? Si les agences de notation ont la "décence" de ne pas lancer une nouvelle attaque contre la France en pleine campagne électorale - mais il leur reste encore une semaine pour affirmer une prise de pouvoir totalement antidémocratique et surtout antisociale -, la "dégradation" de l'Espagne est tout-de-même une déclaration d'intention - sinon de guerre contre l’État social - on ne peut plus claire. Dès lors, n'y-a-t-il donc aucun moyen - démocratique - de faire valoir une autre perspective que celle de ces "sujets supposés savoir" qui nous conduisent sans cesse au bord du gouffre ?

Et si la soupe à la grimace, pour une fois, changeait de camp ?


mercredi 25 avril 2012

[Note] L'effet FN et les calculs électoraux

Le score de 17,9% pour Marine Le Pen (FN) à la Présidentielle 2012 a été aussitôt qualifié d'historique par la grande majorité des commentateurs. Un petit calcul s'impose. Voici les chiffres :

Selon le Conseil Constitutionnel (25 avril 2012), 46.028.542 électrices et électeurs français ont été appelés aux urnes ce 22 avril 2012. 9.444.143 d'entre eux ne s'y sont pas rendus, 36.584.399 ont voté et 35.883.209 se sont exprimés pour l'un(e) des dix candidat(e)s. Le Front National de Marine Le Pen a réuni 6.421.426 voix, soit 17,9% des suffrages exprimés (non blancs ou nuls) ou encore quelque 14% sur la totalité des inscrits.

L'autre événement présumé "historique" était l'accession du père fondateur du FN, Jean-Marie Le Pen, au second tour de la Présidentielle 2002. Voyons à nouveau les chiffres :

Voici dix ans exactement, le corps électoral français comptait 41.194.689 personnes. 11.698.956 d'entre eux ont boudé les urnes, 29.495.733 seulement sont allés voter et 28.498.471 ont choisi l'un(e) des 16 candidat(e)s en lice. Le Front National de Jean-Marie Le Pen a réuni 4.804.713 voix au premier tour soit 16,68% des suffrages exprimés. Au second tour, il a totalisé 5.525.032 votes, soit 17,79% sur 31.062.988 suffrages exprimés (2.564.517 de plus qu'au premier tour) : il n'aura donc pris que 720.319 voix supplémentaires qui correspondent en gros aux 667.026 suffrages accordés au dissident frontiste Bruno Mégret au premier tour. Ainsi, sur les quelque 2 millions et demi de nouveaux suffrages exprimés au second tour de 2002, pratiquement personne n'a voté pour le Front National, ce qui autorise la conclusion que le parti d'extrême-droite n'a aucune réserve de voix parmi les abstentionnistes et que son score peut donc être calculé sur le nombre des inscrits : Au premier tour de 2002, Jean-Marie Le Pen réunissait quelque 11,7% des inscrits et au second environ 13,4%, un chiffre qui s'approche des 14% de sa fille le 22 avril 2012.

Pas grand-chose d'historique donc : un(e) inscrit(e) sur sept vote FN et 86% du corps électoral français ne le votent pas. - Dès lors, pourquoi tout ce remue-ménage médiatico-politique autour des quelque 6 millions et demi de votants favorables à Marine Le Pen sur 46 millions d'inscrit(e)s ?

En revanche, ce qui est "historique" pour avoir durablement marqué la Démocratie française, c'est le sabordage du suffrage universel en 2002 où un homme a pu, avec à peine 12% des électrices et électeurs inscrits sur les listes, effacer en un clin d’œil 12.218.585 voix pour les candidat(e)s de gauche, soit quelque 30% des inscrits. A titre de comparaison, les candidat(e)s de droite hors Le Pen et Mégret totalisaient 10.808.717 suffrages au premier tour de la Présidentielle 2002, soit un peu plus de 26% du corps électoral français, les deux candidats d'extrême-droite réunissant 13,3%, les abstentions, blancs et nuls se montant à plus de 30% des inscrits en ce dimanche funeste du 21 avril 2002.

Or les Français auront retenu la leçon : Marine Le Pen n'est pas au second tour de cette Présidentielle. C'est en cela, et en cela seulement, qu'elle appartient déjà à l'histoire : à la petite histoire de la campagne 2012.

mardi 24 avril 2012

[Note] L'entre-deux-tours

Très récemment, N. Sarkozy a fait savoir qu'il souhaiterait trois débats de second tour. Or, F. Hollande n'en acceptera qu'un seul (sans doute le 2 mai 2012), comme c'est d'ailleurs la coutume sous le régime présidentiel de la 5e République. Sans doute le président sortant accorde-t-il un caractère décisif à cet exercice médiatique, ou plutôt : puisqu'un effet déterminant de ces rituels duels télévisés sur la décision finale des électeurs n'a pu être détecté par les analystes, N. Sarkozy espère peut-être inverser une tendance qui lui est actuellement défavorable avec une triple couche de personnalisation médiatique.

Et voilà autre chose : au nom du "vrai travail", le président sortant en appelle bien intempestivement à un "grand rassemblement" le 1er mai, n'en déplaise aux nationalistes rassemblés autour de la statue de Jeanne d'Arc et aux syndicalistes qui défilent traditionnellement pour la Fête du Travail. - Le vrai travail ? Écoutons l'orateur de Saint-Cyr (Indre-et-Loire, lundi 23 avril 2012) :
Alors, on me dit : Mais qu’est-ce que c’est le vrai travail ? Je vais vous expliquer ce que c’est que le vrai travail. C’est celui qui a construit toute sa vie sans demander rien à personne. Il s’est levé très tôt le matin, couché très tard le soir, qui ne demande aucune félicitation, aucune décoration, rien. C’est celui qui a commencé tout en bas, qui s’est hissé le plus haut possible et qui se dit je veux que mes enfants puissent vivre mieux que moi et commencer plus haut que moi. Le vrai travail, c’est celui qui se dit, oh, je n’ai pas un gros patrimoine, mais le patrimoine que j’ai, j’y tiens, parce qu’il représente tellement de sueurs, tellement de milliers, de milliers d’heures de mon travail, tellement de peines, tellement de sacrifices, tellement de souffrances ! Ce patrimoine-là, on ne me le volera pas parce que c’est le mien ! C’est celui de ma famille ! J’ai trimé pour ce patrimoine-là et je n’ai pas l’intention de m’excuser d’avoir construit cette vie ! C’est ça le vrai travail ! - Le vrai travail, c’est celui qui dit, toute ma vie, j’ai travaillé, j’ai payé mes cotisations, j’ai payé mes impôts, je n’ai pas fraudé, au moment de mourir, je veux laisser tout ce que j’ai construit à mes enfants, sans que l’Etat vienne se servir en mes lieu et place ! Le vrai travail, c’est celui de cet homme ou de cette femme qui a sacrifié tant de fois ses week-ends, tant de fois ses vacances, simplement parce qu’il avait un souci, simplement parce qu’il voulait faire le mieux possible ce qu’il avait à faire. Le vrai travail, c’est celui qui a mis un genou à terre, qui a connu des problèmes, qui a connu l’échec et qui, quand on a connu des problèmes et connu l’échec, s’est dit, c’est d’abord moi qui vais m’en sortir, je vais m’en sortir par mon effort, par mon mérite. Parce qu’au fond, ma souffrance, j’ai trop de fierté pour l’étaler devant les autres. Le vrai travail, c’est celui qui est exposé à la concurrence, c’est celui qui, s’il ne va pas à son travail, il n’aura rien, s’il ne se donne pas du mal, il n’aura rien, s’il n’y va pas lui-même, il n’aura rien. C’est celui qui connaît la crise, parce que quand il y a la crise, il est pénalisé, par le chômage partiel, par le carnet de commandes qui diminue. Le vrai travail, c’est celui qui, malheureusement, n’est pas protégé de toutes les crises, de toutes les difficultés. J’ai envie que cette France qui travaille se rassemble à Paris le 1er mai et j’ai envie de lui parler de notre conception du travail !

lundi 23 avril 2012

Résultats définitifs du 1er tour de la Présidentielle 2012

Après la soirée électorale et les estimations de dimanche, les médias français donnent ce lundi matin 23 avril 2012 les chiffres "quasi définitifs" du ministère de l'Intérieur pourtant sur 99 % des inscrits (exceptés les Français de l'étranger) :

François Hollande (PS) : 28,63 % - Nicolas Sarkozy (UMP) 27,08 % - 

Marine Le Pen (FN) : 18,01 % - Jean-Luc Mélenchon (FdG) : 11,13 % -

François Bayrou (MD) : 9,11 % - Eva Joly (EELV) : 2,28 % -

Nicolas Dupont-Aignan (DlR) 1,8 % - Philippe Poutou (NPA) : 1,15 % -

Nathalie Arthaud (LO) 0,57 % - Jacques Cheminade (SeP) : 0,25 %

Taux d'abstention : 19,84 % 

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Analyse succincte

Sur la base de ces chiffres et en posant un report optimal, les voix réunies de la gauche (PS, EELV, FdG, NPA, LO, SeP) s'élèvent à 44,01% contre 46,89% pour la droite (UMP, FN, DlR).

Or, les deux inconnues sont les décisions prises le 6 mai prochain par les électeurs nationalistes et centristes, sans doute influencées par d'éventuelles consignes des deux chefs de partis Le Pen et Bayrou, qui ont déjà promis de s'exprimer sur le sujet.

Basés sur des estimations, les premiers commentaires vont dans le sens d'une préférence plutôt surprenante du centre pour Hollande (40% contre 25% à Sarkozy et donc 35% d'abstentions) et d'une tendance au vote blanc pour les électeurs du FN. - Si le report des voix à gauche sur la candidature de Hollande semble acquis, d'autant que les autres candidats appellent à voter pour lui ou du moins à "battre Sarkozy" (hormis N. Arthaud qui entend voter blanc), tout reste donc ouvert à droite.

Devant cette constellation assez embrouillée, je reprends mon hypothèse qui, si elle ne s'est pas confirmée, permet cependant de mieux comprendre les forces politiques du pays. J'avais estimé que 50% des électeurs votaient pour l'un des deux "finalistes" : ce sont en fait 55,71%. Et j'avais pensé que 30% allaient aux extrêmes (FN, DlR à droite, FdG, NPA, LO à gauche) : il s'agit en fait de 32,66%. Ce ne sont donc plus 20% des suffrages exprimés qui, pour reprendre mon expression, "se baladent dans la nature", mais seulement 11,63%, dont 2,28% aux Verts et 9,11% aux "ni... ni..." du MoDem. - Il semble évident que les scores d'Eva Joly et de F. Bayrou ne reflètent pas les forces politiques qu'ils représentent. D'un côté, la candidature de la juge franco-norvégienne a été une erreur manifeste : Cécile Duflot aurait fait un score plus proche des 5% et de la réalité pour ce mouvement qui est appelé à prendre de l'ampleur en Europe. Aux Européennes de 2009, le score surprenant de 2.803.759 suffrages écologistes (soit 16,28% dans une élection à forte abstention) est là pour en témoigner. De l'autre, le centre ne se limite pas au MoDem de François Bayrou, puisque Hervé Morin (Nouveau Centre) et Jean-Louis Borloo (Parti Radical) ont retiré leurs candidatures au profit du président sortant, qui les avait intégrés dans son "gouvernement d'ouverture".

J'étais parti d'une relative égalité entre les "finalistes" traditionnels (25% à l'UMP et 25% au PS), mais aussi entre les extrêmes (15% pour le FN et DlR, 15% pour le FdG, NPA et LO). Le score de 18% (d'abord estimé à 20%) de Marine Le Pen, aussitôt qualifié d'historique, contredit apparemment cet équilibre supposé. - D'une certaine manière, la "poussée" de l'extrême-droite est compensée par la course en tête du candidat social-démocrate. De même, on peut dire que le score excessif du FN comporte un certain nombre de "votes sanction", comme le score important des deux finalistes comprend déjà un nombre significatif de "votes utiles", ce qui brouille tout-de-même quelque peu les cartes et nous ramène à proximité des chiffres que j'avais préconisés : 50% aux finalistes, 30% aux extrêmes. Resteraient donc toujours 20% des suffrages qui, pour l'heure, rendent le résultat final de cette Présidentielle 2012 relativement indécis, quoi qu'en disent les instituts de sondage où l'on continue de prédire une large victoire de François Hollande le 6 mai 2012, actuellement crédité de 54% des intentions de vote contre 46% à Nicolas Sarkozy.

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Résultats nationaux mis à jour (11:20) par le ministère de l'Intérieur 

Taux d'abstention : 20,53 %

François Hollande  28,63 % - Nicolas Sarkozy 27,18 % - Marine Le Pen 17,9 % -
Jean-Luc Mélenchon 11,11 % - François Bayrou 9,13 % - Eva Joly 2,31 % -
Nicolas Dupont-Aignan 1,79 % - Philippe Poutou 1,15 % - Nathalie Arthaud 0,56 %
Jacques Cheminade 0,25 %

Le communiqué du Conseil Constitutionnel (25 avril 2012)

Électeurs inscrits : 46 028 542 - Votants : 36 584 399
Suffrages exprimés : 35 883 209 - Majorité absolue : 17 941 605

M. François Hollande : 10 272 705  - M. Nicolas Sarkozy : 9 753 629
Mme Marine Le Pen : 6 421 426 - M. Jean-Luc Mélenchon : 3 984 822
M. François Bayrou : 3 275 122 - Mme Eva Joly : 828 345
M. Nicolas Dupont-Aignan : 643 907 - M. Philippe Poutou : 411 160
Mme Nathalie Arthaud : 202 548 - M. Jacques Cheminade : 89 545 

Sur la base de ces chiffres réels, un petit calcul électoral s'impose.