Il y
a quelque chose dans cette expression qui la rend éminemment
suspecte quand on considère la sanction qui fut appliquée aux
écrivains indésirables sous le régime nazi : il arrivait
quelquefois qu’on les laisse vivre, mais on les frappait alors de
« Schreibverbot », littéralement :
d’« interdiction d’écrire ». Or, il s’agissait
bien d’une mise à l’index et donc d’une interdiction de
publier. En effet, personne ne peut raisonnablement empêcher
un écrivain d’écrire : sans papier, encre et plume, il
continuera d’écrire dans sa tête. Il en va de même pour la
« bien-pensance » : en fait, il s’agit de
« correct talking », de « parler
correctement ». En principe, ce ne sont donc pas les
« pensées » mais bien leurs expressions publiques, leurs
publications qui
sont mis en cause. Mais alors, les adversaires déclarés de
la « bien-pensance » pensent-ils sérieusement que le
« discours correct » des uns et des autres exprime le
« fond » de leur pensée ? Ou bien veulent-ils
réellement frapper de Denkverbot, d’« interdiction de
penser » les cibles de leur vindicte ?