samedi 3 février 2007

[FRANCE 2007] "Gute Nacht, Herr Glücksmann !"

"Gute Nacht, Herr Glücksmann !"
(commencé le samedi, 3 février 2007)


Comme prévu, la campagne prend un tournant imprévu ! Il s’agit là d’un paradoxe, mais non d’une absurdité. - Dans le Monde daté du mardi 30 janvier, le philosophe André Glucksmann déclare son soutien à Nicolas Sarkozy (UMP). - Et François Bayrou (UDF) est actuellement crédité de 14% d’intentions de vote (LH2, lundi 29 janvier). - Enfin, José Bové (ex-porte-parole de la Confédération Paysanne) vient d’annoncer sa candidature à la présidence de la République Française (ce jeudi 1er février). On se demande d’ailleurs comment les sondages ne lui concèdent que 3% d’intentions de vote, quand on connaît la popularité du leader charismatique de l’altermondialisme, qui risque quatre mois de prison ferme dès le 4 février pour "arrachage" de plants OGM. - Après que les deux candidats "officiels" de la "droite et de la "gauche" ont essayé d’orienter la campagne sur des affaires personnelles, sous la menace constante d’un "troisième homme" bien décidé à se retrouver une nouvelle fois au second tour des présidentielles françaises, ils ont maintenant deux autres rivaux consistants, car François Bayrou est en passe d’incarner une droite libérale plus crédible et pondérée; José Bové rend, quant à lui, ses lettres de noblesse à la gauche révolutionnaire et promet de réunir la majorité des voix de la "gauche de la gauche", étant donnée notamment sa popularité internationale dont la presse mondiale ne manquera pas de se faire l’écho (*).
André Glucksmann semble trop obnubilé par une constellation binaire Sarkozy-Royal, dont on rebat les oreilles de l’électorat français depuis plusieurs mois. Comble de malchance pour M. Chance ("Glücksmann"), sa déclaration est obsolète deux jours après avoir été publiée, car elle n’a pas intégré la nouvelle alternative Bové. Son collègue Michel Onfray s’est d’ailleurs immédiatement rallié à la candidature de José Bové, quand M. Glucksmann assortit son option pour Nicolas Sarkozy de déclarations aussi privées que paradoxales: "Fils de juifs autrichiens qui combattirent les nazis en France, ce pays est mon choix et la gauche ma famille d’origine. (...) - J’ai un temps rêvé d’une candidature de Bernard Kouchner, restituant à la gauche française une dimension internationale perdue." (in Le Monde, 30/01/07) Or, surprise, José Bové déclare dès à présent qu’il appellera à voter Ségolène Royal, si elle se qualifie pour le second tour (comme ce 2 février sur RTL). Et, pour la "dimension internationale" de la gauche française, on n’a pas encore fait mieux que le Californien du Larzac. - D’ailleurs, pourquoi M. Glucksmann n’appelle-t-il pas à voter François Bayrou, qui déclare : "Élu président de la République, je ferai travailler ensemble au sein d’un gouvernement d’union, de rassemblement des gens compétents qui viendront des deux camps, qui auront été ou qui seront aux yeux des Français la garantie que les décisions qu’on leur proposera de prendre, elles ne seront pas faites dans l’intérêt des uns, d’un camp, ou dans l’intérêt de l’autre camp, que ce seront des décisions d’intérêt général" (RTL, 30/01/07, interview : Jean-Michel Apathie) ? - On connaîtra sans doute très prochainement la position des autres penseurs médiatiques, comme Alain Finkielkraut, Pascal Bruckner, ou Bernard-Henri Lévy. En tout cas, Herr Glücksmann signe ici l’entrée en campagne de ces intellectuels français qui inspirent une inquiétude légitime à l’éminent professeur Jacques Bouveresse (Collège de France): "Perry Anderson, après avoir constaté que la mort a rattrapé à peu près tous les grands noms de la pensée française (Roland Barthes, Jacques Lacan, Raymond Aron, Michel Foucault, Fernand Braudel, Guy Debord, Gilles Deleuze, Jean-François Lyotard, Pierre Bourdieu, auxquels s’est ajouté, peu de temps après la parution de son analyse, Jacques Derrida [- puis, tout récemment, Jean Baudrillard, ndrl -] ), observe avec pertinence qu’aucun intellectuel français ne s’est acquis une réputation internationale comparable à la leur, et que ce qui donne l’idée la plus exacte du niveau auquel nous sommes descendus est probablement l’importance démesurée accordée à un intellectuel comme Bernard-Henri Lévy : « Il serait difficile d’imaginer une inversion plus radicale des normes nationales en matière de goût et d’intelligence que l’attention accordée par la sphère publique en France à ce grand nigaud, en dépit des preuves innombrables de son incapacité à saisir correctement un fait ou une idée. Une telle caricature pourrait-elle exister dans une autre grande culture occidentale aujourd’hui ? »" (On en est là... in Le Monde Diplomatique, mai 2006) - Dans ces conditions, il ne reste plus qu’à souhaiter une bonne nuit à ces "fast thinkers" médiatiques, dont M. Glucksmann, car, si elle n’apporte sans doute pas de "dimension internationale" à leur pensée, il paraît cependant qu’elle porte conseil.
(*) Ajout (mai 2007) : Le pronostic donné ici sur le score de José Bové ne s’est pas confirmé. Sans doute la personnalité, mais peut-être aussi la campagne de ce leader altermondialiste et internationaliste n’ont-elles pas convaincu et permis le rassemblement de la gauche antilibérale en France. Ce sont également le succès d’Olivier Besancenot (LCR), bien plus "médiatique", ainsi qu’une division de l’extrême-gauche française savamment entretenue et totalement "contre-productive", qui peuvent expliquer cet échec. - De même, le médiatique M. Onfray, après s’être rallié à J. Bové, a fini par soutenir le médiatique O. Besancenot. - Affaire à suivre...