vendredi 22 juin 2007

[France 2007] Fin de partie

France 2007

Fin de partie
(mardi 12 juin 2007)


Vers 18 h, dimanche dernier, 10 juin 2007,  la radio (RTL, France Inter) annonçait plus de 50% d’abstentions au premier tour des Législatives. Puis, vers 21 h, la télévision (France 2) faisait retomber ce chiffre à 39%. Il faut croire qu’il y a 11% de « vote-tard » en France. Peut-être certains d’entre eux, qui ne seraient pas allés voter du tout, se sont-ils précipités dans les isoloirs sur la seule foi de cette annonce inquiétante à l’heure de l’apéro. Mais les quelque 60% de votants annoncés le lundi 11 juin au matin sont tout de même peu nombreux, comparés au 83% qui se sont déplacés le 22 avril. Et qui, en majorité (à 55%), avaient voté pour François Bayrou, Ségolène Royal ou un(e) candidat(e) d’extrême-gauche. C’est-à-dire contre Nicolas Sarkozy, qui a pourtant recueilli 53% des suffrages le 6 mai 2007 (voir ci-dessus). Or, ce dimanche 10 juin 2007, quelque 23% des électeurs qui ont répondu présent aux Présidentielles ne se sont pas dérangés. Ces « vote-une-fois-sur-deux », dont les « instituts d’opinion » auront très vite dressé le portrait robot, auraient-ils pu contrer ou tempérer cette « vague », ce « raz-de-marée », ce « tsunami » sarkoziste annoncés à coups de marteau par les médias puis accomplis par la partie  « docile » de l’électorat qu’il faut actuellement estimer à 60% ? Les 23% d’électeurs « indociles » sont-ils quant à eux apparentés à la foule d’« indécis » dont il a été beaucoup question au cours de la campagne présidentielle ? En tout cas, on constate un phénomène de déstabilisation, ou de désorientation, associés à une évidente lassitude au sein de l’électorat français. Déstabilisation avec ce « gouvernement d’ouverture » mis en place par le président Sarkozy. Désorientation avec le brouillage de la ligne de démarcation traditionnelle entre la droite et la gauche. Lassitude avec ces élections à répétition, cet « électhon » français, cette parade incessante de polémiqueurs et de commentateurs, mais surtout ces résultats annoncés, martelés à coups de sondages et, dans le cas des Législatives, le verrouillage de l’expression démocratique par un mode de scrutin aussi dépassé que le découpage des circonscriptions, qui élimine notamment ce que l’on appelle les « extrêmes », comme par exemple le Front National dont la très grande majorité a « voté utile » en plébiscitant Nicolas Sarkozy. Mais les 18% d’électeurs « centristes » qui ont voté François Bayrou devraient également être en proie à une certaine forme d’écœurement, quand ils constatent l’utilisation sarkozienne de leur idée maîtresse avec la soi-disant « ouverture », qu’il faut surtout considérer comme un « coup » opportuniste, et le score ou encore le nombre de députés que les Législatives réservent à François Bayrou, après le fameux « ralliement » au « camp adverse » de certains de ses « alliés » de naguère. Sans parler de la gauche anti-libérale, quasi obligée de soutenir une alliance entre le PS et le PC, réclamée par le mode de scrutin et le découpage des circonscriptions basé sur le recensement de 1982. Toutefois, si la vie peut changer en 25 ans (à l’image des données démographiques ou sociologiques), certaines choses semblent avoir une propension à passer du pareil au même avec une ponctualité et une constance proprement effrayantes. Ce qui peut finir par lasser au moins 23% des électeurs français que l’on ne peut plus raisonnablement situer dans un camp ou un autre, aux extrêmes ou au centre, mais qui sans doute préfèrent l’école buissonnière, les dimanches à la campagne ou les promenades en ville à une participation « citoyenne » qu’ils n’ont peut-être pas tort de considérer, dans l’état actuel des choses, comme une mascarade traversée d’un ennui mortel. Ce qui est le cas de le dire.


 Législatives 2007, résultats du premier tour

Nombre
% Inscrits
Inscrits
43 896 043
100,00
Abstentions
17 374 219
39,58
Votants
26 521 824
60,42

Nombre
% Votants
Blancs ou Nuls
495 358
1,87
Exprimés
26 026 466
98,13



Voix
% Exprimés
  Extrême gauche
888 234
3,41
  Communiste
1 115 663
4,29
  Socialiste
6 436 521
24,73
  Radical de gauche
343 565
1,32
  Divers gauche
513 407
1,97
  Les Verts
845 977
3,25
  Écologiste
208 477
0,80
  Régionaliste
133 473
0,51
  Chasse Pêche Nature Traditions
213 427
0,82
  Divers
267 755
1,03
  UDF- Mouvement Démocrate
1 981 107
7,61
  Majorité présidentielle
616 440
2,37
  Union pour un Mouvement Populaire
10 289 732
39,54
  Mouvement pour la France  
312 581
1,20
  Divers droite
641 842
2,47
  Front national
1 116 136
4,29
  Extrême droite
102 124
0,39

source : ministère de l’Intérieur
Commentaire succinct
Si l’on s’amuse à additionner les voix des différentes gauches, des écologistes et du "MoDem", on atteint tout de même 47,63% des voix exprimées, ce qui semblerait alors correspondre à la force réelle de l’opposition politique actuelle en France. Le problème, soulevé plus haut, reste celui des 23% d’électeurs qui, contrairement au scrutin présidentiel, ne se sont pas déplacés pour les Législatives. Si l’on considère que, lors du premier tour des Présidentielles, cette "opposition" totalisait 55% des voix exprimées (voir ci-dessus), on peut commencer à se poser des questions. Toujours est-il que l’histoire du "raz-de-marée sarkoziste" ou de la "vague bleue" paraît quelque peu "abracabradantesque", pour reprendre le mot du désormais ancien président de la République. Et comme le désormais actuel président de la République dispose lui aussi de ces chiffres et que l’on peut lui concéder la même capacité d’analyse, son "gouvernement d’ouverture" n’est absolument pas du luxe. Ce qui, une fois encore, est le cas de le dire.

Législatives 2007, résultats du second tour(mardi 19 juin 2007)



Inscrits
35 223 520
Votants
21 132 355
Abstentions
40%
Blancs ou nuls
3,43%
Exprimés
20 406 733



Suffrages
exprimés
Nombre de
député(e)s
UMP (& apparentés)
47,79%
323
PSLE
1,77%
20
Extrême droite
0,08%
0
TOTAL DROITE
49,64%
343



PS (& apparentés)
46,06%
205
PC (& apparentés)
2,74%
18
Verts
0,45%
4
TOTAL GAUCHE
49,25%
227
MoDem
0,57%
4
Divers
0,55%
3
Source : Le Monde, daté du mardi 19 juin 2007

Commentaire succinct


On peut être surpris par le fait, encore peu commenté, que la droite et la gauche fassent pratiquement jeu égal en termes de suffrages exprimés (49,64% vs. 49,25%) et qu’aucune de ces deux coalitions n’obtienne la majorité absolue dans ce registre. De plus, si un tel mode de scrutin faisait autorité pour constituer le nouveau parlement français, tout dépendrait des scores (plutôt dérisoires) du Modem et de l’attitude des «Divers » pour réunir une majorité au parlement, qui serait alors très précaire si l’on y ajoute les changements de camp toujours possibles et, d’une certaine manière, « mis à la mode » par le nouveau président français qui, dans un tel cas de figure, aurait tout le mal du monde à gouverner comme il l’entend, ou comme il l’a laissé entendre au cours des campagnes présidentielle, puis législative avec son « gouvernement d’ouverture » (« Fillon 1 »), dont la formation ne l’a pas empêché d’essuyer un premier revers avec l’accueil hostile fait à son projet d’une « TVA sociale ».
Toutefois, le mode d’élection (et de sélection) des députés étant ce qu’il est en France, les choses ne se passeront pas ainsi, puisque la majorité présidentielle peut compter dès à présent sur 343 député(e)s (contre 227 parlementaires d’opposition) pour mettre en pratique son projet gouvernemental, quel que celui-ci puisse d’ailleurs être, car la détermination ne semble pas, pour l’instant, le point fort du nouveau pouvoir, comme le montre son recul en ce qui concerne la TVA sociale, recul qui ne pourrait d’ailleurs être que provisoire. Cependant, la « vague bleue » n’a pas déferlé à la hauteur escomptée par les sondeurs et commentateurs « amis du pouvoir » pour reprendre l’expression de Mme Royal. D’ailleurs, il est fort possible que l’électorat français ait voulu « marquer le coup » face à ce rabâchage incessant et démontrer aux « faiseurs d’opinion » médiatiques qu’il n’accepterait pas que ces derniers se permettent de voter à sa place ou d’anticiper d’une manière peu démocratique et sans gêne le « verdict des urnes ». 


- FIN -

lundi 28 mai 2007

[France 2007] Mensondages | Débriefing

 Mensondages
(Lundi 21 mai 2007)



Ce lundi matin, Libération, un journal qui, avec le nouveau directeur Laurent Joffrin (venu du Nouvel Observateur), se positionne clairement à gauche, pousse encore le bouchon ou, au choix, enfonce le clou: "Selon un sondage Ifop pour Paris Match (réalisé les 10 et 11 mai auprès de 885 personnes), les candidats UMP recueilleraient 37 % des intentions de vote du premier tour, et ceux du PS, 28 %. Le nouveau Mouvement démocrate de François Bayrou en réunirait 14 %, et le Front national, 7 %. D’après la projection en sièges réalisée par le même institut, l’UMP disposerait alors de 336 à 390 sièges, le PS en sauverait de 149 à 190, le FN n’aurait, comme dans l’assemblée sortante, aucun élu, et les amis de François Bayrou de... 0 à 8 (l’Assemblée sortante compte 350 UMP et 9 apparentés, 141 membres PS et 8 apparentés, 26 membres UDF et 3 apparentés, et 21 membres PCF. 14 députés [dont les 3 Verts] n’appartiennent à aucun groupe)." En effet, la "campagne officielle" pour les Législatives, avec ses décomptes et ses temps d’antenne à la seconde près, mais surtout ses sondages et commentaires de sondages, vient de débuter. Face au titre de Libération ("La gauche craint la marée UMP"), Le Figaro, quotidien résolument pro-gouvernemental, se permet même d’anticiper le résultat des prochaines élections: "Le gouvernement et l’UMP plébiscités". Le bref article explique ce titre: "Selon un sondage TNS Sofres-Unilog pour le Figaro-RTL-LCI, l’UMP devrait bénéficier d’une large majorité à l’Assemblée nationale. Le gouvernement et l’UMP sont plébiscites." - Bien sûr, accuser les sondages de mensonge, en faire des "mensondages", c’est sans doute exagéré. En effet, c’est plutôt leur caractère d’anticipation, sur la foi d’un "panel représentatif" d’un millier de personnes assortie des fameux "redressements", et ce sont surtout les commentaires, que l’on greffe invariablement sur ces "déclarations d’intentions de vote", qui donnent à penser. Dans le cas présent, et au tout début de la campagne des Législatives, la diffusion de ces sondages, qui donnent largement gagnante la nouvelle (ex-sortante) équipe au pouvoir, et la machine rhétorique des commentaires ainsi légitimée constituent une véritable ingérence dans le bon déroulement de ces élections des 10 et 17 juin, voire dans "l’âme" et la "conscience" même des électeurs français. Non seulement les élections sont présentées comme si elles étaient jouées d’avance, avec la démotivation que cela peut impliquer au sein de l’électorat, mais on fait également croire aux gens que l’état actuel des rapports entre les forces politiques du pays possède quelque chose de définitif, d’immuable, que le déroulement même de la campagne, les thèmes abordés et mis en discussion, le comportement du nouveau pouvoir au cours des prochaines semaines n’auront aucune espèce d’influence sur le choix réel des électeurs dans l’isoloir. C’est cela qui relève de la manipulation et donc du mensonge. Cependant, et c’est là un fait impossible à contester, le mode de scrutin des Législatives ne permet pas aux forces politiques réelles du pays d’entrer au parlement dans les proportions que l’on a pu constater au premier tour des Présidentielles, qui aura d’ailleurs déjà fait apparaître un certain "vote utile". Ainsi, en l’absence de proportionnelle et d’accords électoraux consistants, les 18,5% de voix réunies par François Bayrou risquent de "passer à l’as", d’autant que le fondateur du MD vient de réaffirmer son "indépendance". Il en va de même pour les quelque 24% de votes dits extrêmes (ci-dessus). Ce sont donc plus de 40% des voix qui devront, au second tour des Législatives, se reporter "utilement". Actuellement, et sans peut-être toujours le préméditer, tout est fait par les tenants de l’opinion publique et les ténors du pouvoir en place pour démotiver les différentes oppositions politiques qui, répétons-le, avaient totalisé au moins 55% des suffrages au soir du 22 avril (ci-dessus). S’ils réussissent leur "coup", le taux des abstentions et des votes blancs, qui ne peuvent que profiter au nouveau pouvoir, atteindront des records. Il faut également ajouter que l’on n’aime pas se tromper. Et que l’on n’aime pas miser sur le perdant. Alors, s’il ne s’agit pas d’intérêts politiques, ce sera l’orgueil qui poussera les uns et les autres à défendre becs et ongles leurs "pronostics" et leurs "mensondages", quelles que soient d’ailleurs les forces politiques réelles du pays, qui risquent, dans ce cas, de reprendre la parole d’une façon différente, par exemple à l’occasion d’une "rentrée sociale" musclée, puisque l’on persiste actuellement à vouloir réduire ces voix au silence comme on ne cesse d’anticiper, parfois d’une façon peu démocratique, voire franchement manipulatrice, sur le vote d’un électorat français de plus en plus déstabilisé et donc de plus en plus versatile.

samedi 19 mai 2007

[France 2007] "Cinq ans ferme" | Président-attitude

France 2007


"Cinq ans ferme"
(lundi 7 mai 2007)

L’équipe sortante gagne à domicile. Les bookmakers ont le sourire jusqu’aux oreilles. La France porte résolument à droite. Avec 53% des voix, Nicolas Sarkozy (~31% au premier tour) prend logiquement le vote des droites extrêmes (~14%) et un certain nombre de suffrages centristes (~8%). Avec 47% des voix, Ségolène Royal (~26% au premier tour) prend logiquement le vote de la gauche antilibérale (~10%) et fait tout de même un bon score au centre (~11%). Voilà pour un premier calcul, rudimentaire certes, mais qui se base sur les chiffres réels, contrairement aux bookmakers qui, dès la soirée électorale de ce dimanche 6 mai 2007, assènent leurs "projections" pour les législatives des 10 et 17 juin 2007 en se basant évidemment sur les seuls sondages "sortis des urnes" fournis et commentés par leurs propres soins ! Oui, on n’a pas fini de les entendre car le "troisième quart-temps" vient de commencer. En effet, le président Sarkozy ne pourra gouverner qu’avec un parlement qui lui soit favorable. Et cela en passera nécessairement par des alliances : celles, ouvertes ou bien occultes, avec le Front National et l’UDF pour les candidats de l’UMP et celle, que la gauche social-démocrate espère, entre les candidats du PS et du Mouvement Démocrate (MD) dont François Bayrou a annoncé la création officielle dès jeudi prochain. Sans doute serait-il utile pour la démocratie française que naisse également un grand parti de la gauche antilibérale qui, à la fois, permettrait au PS de faire son "agiornamento", comme l’a fait le SPD allemand sous Willy Brandt, par exemple, en renonçant aux aspirations révolutionnaires de la gauche, et aux antilibéraux de faire entendre leur voix au parlement. Mais le problème est que le temps presse. Quand M. Sarkozy a eu cinq ans pour se préparer à ces présidentielles, les choses se sont précipitées à gauche. Il y a d’abord eu l’épisode de l’investiture socialiste qui ne consacra Mme Royal qu’à la mi-novembre 2006. Il lui restait alors quelque cinq mois pour réunir le majorité de l’électorat français sur sa candidature. Puis vint la surprise du chef. M. Bayrou fut tout d’un coup crédité d’un nombre impressionnant de suffrages par les instituts de sondage qui, - et voilà tout de même une erreur monumentale, - ne l’avaient absolument pas calculé pour ensuite le surestimer copieusement ! La difficulté était en effet immense. Le candidat centriste faisait des "scores virtuels" tels que Mme Royal, avec la "menace Le Pen" qui pointait également son museau (seconde erreur de taille des sondeurs), n’était plus assurée de passer le premier tour du scrutin. Il fallait donc qu’elle sollicite un "vote utile" dans le camp antilibéral. Enfin, quelques jours avant le scrutin du 22 avril, M. Rocard et B. Kouchner en appelèrent à l’ouverture au centre. De quoi en déstabiliser plus d’une. Or, la Dame ne se sera pas démontée, même si sa tache était quasiment impossible car elle n’avait aucune chance de réussir le grand écart entre José Bové, Olivier Besancenot, Laurent Fabius, Dominique Strauss-Kahn et François Bayrou. Mais, même déçue, Ségolène Royal était radieuse, apparaissant en ce soir de défaite comme une véritable icône en blanc, une couleur qu’elle semble affectionner, même si la Chine y associe le deuil. Oui, le blanc lui va bien et elle aurait tort d’y renoncer. Dans les "milieux autorisés", on murmure cependant qu’il lui resterait encore un petit travail à accomplir sur sa voix (son rire est déjà parfait) et sur sa coiffure, mais il semble qu’une bonne partie de la France se prenne déjà à regretter la présidente qu’elle pourrait être et qu’elle aurait pu avoir dès cette année. Gageons néanmoins qu’avec le quinquennat qui s’ouvre, la Dame pourrait avoir dans l’idée de se préparer efficacement à la "plus haute charge de l’État" en commençant par rénover le mouvement dont elle se réclame et qui, la preuve n’étant plus à faire, la réclame également.

Mais revenons un instant aux Législatives. Dans la "projection" présentée hier soir par Roland Cayrol (CSA) sur France 2, le centre est crédité de 15% des voix quand l’UMP et le PS dépasseraient tous deux les 30%. Or, on peut se demander de quel centre il s’agit. UDF ou Mouvement Démocratique? Et, surtout, on se demandera où le reste des voix est passé. Car, même si la projection citée accorde quelque 70% des voix à l’UMP et au PS réunis (respectivement 37 et 33%), 15% des voix restent "dans la nature". Il s’agit bien entendu des votes dits "extrêmes". Pour la vie démocratique française, et malgré les risques que cela peut comporter, il serait certainement important que tous les courants politiques actuels soient représentés à l’Assemblée Nationale dans les proportions qui correspondent à l’expression réelle de l’électorat au premier tour des présidentielles. Or il n’est pas inutile de répéter que les deux modes de scrutin actuels (présidentiel et législatif) ne le permettent pas. De plus, les partis qui porteraient cette expression réelle des citoyens français n’existent pas, ne sont pas encore créés ou rénovés. Dans ces conditions, et sans vouloir anticiper à notre tour sur le "verdict des urnes", l’UMP sera sans doute le grand vainqueur des Législatives, bénéficiant évidemment de l’élan occasionné par la victoire de M. Sarkozy et peut-être de l’annonce d’un "gouvernement d’ouverture" dans les jours qui suivront le 16 mai, date de la passation de pouvoir entre le futur ex-président Chirac et l’ex-futur président Sarkozy. D’ailleurs, les bookmakers sont déjà formels: M. Fillon sera le nouveau Premier ministre et il est fort possible qu’un grand nombre d’annonces et de mesures "populaires" vont pleuvoir pour séduire un électorat qui, en retour, "plébiscitera" l’UMP aux Législatives. De plus, la création de nouveaux partis, comme le MD de M. Bayrou, voire peut-être celle d’un grand parti de la gauche antilibérale française, ou encore la rénovation du PS en un parti social-démocrate à vocation européenne ne s’improvisent pas. Il faut du temps et de la réflexion pour ce genre de choses. Or, à défaut d’un ancrage clair de M. Bayrou au "centre-gauche" et d’une alliance déclarée avec Mme Royal qui, de son côté, devrait alors favoriser le courant social-démocrate au PS, le président Sarkozy obtiendra sans l’ombre d’un doute une majorité à l’Assemblée Nationale au soir du 17 juin 2007. Le titre du nouveau film de Jean-Pierre Mocky, proposé hier soir chez Marc-Olivier Fogiel (M6) en présence du réalisateur, serait alors tout trouvé: "Cinq ans ferme".


samedi 5 mai 2007

[France 2007] Politique, économie & médias | Débat télévisé

France 2007


Note sur le pouvoir politique, économique et médiatique
(2 mai 2007)

Hier soir, 1 mai 2007, et donc à la veille du débat décisif des présidentielles, TF1 diffuse un volet du "Droit de savoir", l’émission d’information si édifiante de Charles Villeneuve, dont la voix agressive réduit les complexités, généralise les cas particuliers, fait parler les visuels, donne du relief aux visages floutés. Le poids des images, le choc des mots. L’épisode traite des fraudes et des fraudeurs au RMI, au chômage, à la Sécu, bref de tout ce domaine où le candidat sortant entend faire le ménage, en faisant se lever ces "fainéants", qui ne pourront plus refuser des offres d’emploi précaires, sous-payés et inadéquats, qui devront exercer une activité à caractère social et sans doute non rémunérée s’ils entendent "profiter" de ces minimas sociaux avec lesquels personne ne peut décemment vivre, qui verront comment ils pourront se soigner lorsque les déremboursements et la Sécurité Sociale à deux vitesses seront vraiment mis en place. Voici quelques années, Pierre Carles, dans son film
"Pas vu, pas pris" (1998), avait interviewé, au même titre que toute la crème des directeurs d’information de la télévision française, ce même Charles Villeneuve. Il s’agissait de savoir pourquoi une discussion entre un directeur de TF1 et un homme politique portant à droite, qui montrait clairement les accointances entre le pouvoir politique, économique et médiatique et qui avait été filmée à l’insu des deux interlocuteurs, n’avait jamais été diffusée et commentée à la télévision française, alors que tous les journalistes connaissaient ces images hautement compromettantes. Censure, autocensure? Charles Villeneuve avait été particulièrement odieux dans ce reportage interdit de télévision de Pierre Carles qui, d’ailleurs, a fait un autre film sur les chômeurs ("Danger, travail", 2002) où l’on voit le revers de la médaille, où l’on peut éventuellement comprendre pourquoi certains refusent de travailler dans cette société basé notamment sur "l’exploitation de l’homme par l’homme", comme on disait à une époque pas si lointaine qui faisait encore travailler des enfants, une pratique ayant toujours le vent en poupe dans certains coins du globe, ce qui d’ailleurs explique certaines de nos "délocalisations". Mais alors, le rapport entre l’émission d’hier et le débat de ce soir? Si vous ne le voyez pas, c’est promis, le candidat sortant vous l’expliquera. Mais ce sont surtout le thème choisi, la manière de le traiter et la date de diffusion qui devraient vous mettre sur la voie.

"Je ne m’énerve pas, je suis en colère"
(5 mai 2007)

Dans sa quotidienne politique (
France 5, 18:00) d’hier (4 mai 2007), le journaliste Yves Calvi recevait quelques-uns de ses invités habituels, les patrons de deux des plus grands instituts de sondage français, IPSOS (Pierre Giacometti) et CSA (Roland Cayrol), ainsi que le chef de L’Express (Christophe Barbier), l’hebdomadaire d’information bien connu pour son engagement libéral. Et c’est l’estocade : devant la tentative de neutralité du modérateur Calvi, les trois invités laissent très clairement entendre que, sauf "miracle qui me ferait mentir" (Barbier), Nicolas Sarkozy sera, le 6 mai 2007 au soir, élu président de la République Française, comme ils n’ont cessé de l’affirmer, par sondages et commentaires de sondages interposés, depuis le début de cette année électorale. Il ne manquait que Laurence Parisot, "patronne des patrons" (MEDEF) et du troisième institut de sondage dominant (SOFRES), qui a eu la riche idée de ne pas dire à qui elle donnera sa voix dimanche, pour compléter ce "panel" de sondeurs. Ce matin même sur RFI, une commentatrice fait encore état des sondages ("53%, 54%", voire "54,5%" en faveur du candidat sortant). Les jeux seraient donc faits. Devant l’appel à l’abstention massive du désormais "quatrième homme" (Jean-Marie Le Pen, dans son discours rituel du premier mai) et l’absence de consigne de vote du "troisième homme" (François Bayrou), qui finit tout de même par dire qu’il ne voterait pas pour Nicolas Sarkozy (Le Monde daté d’aujourd’hui), les 84,2% de participation au premier tour risquent en effet de faire place à une démobilisation générale de l’électorat, si l’on y inclut certains électeurs de gauche qui penseraient, peut-être à tort, que "le tour est joué". Les faiseurs d’opinion, comme il conviendrait d’appeler les "sondeurs" qui, dans leur neutralité présumée et sans doute fictive, s’improvisent également en permanence commentateurs politiques, auront gagné en substituant au "verdict des urnes" une sorte d’élection virtuelle incessante, répétée quasi quotidiennement depuis le début de l’année, où l’on anticipe à coups de marteau le choix de chacun, le renvoyant à son insignifiance devant la toute-puissance d’une "opinion générale" (par le truchement du fameux "panel représentatif") qui, pourtant, reste fictive aussi longtemps que les conditions ne sont pas réunies pour l’expression électorale réelle, "en âme et conscience", des citoyens français. L’une de ces conditions aurait été l’interdiction de publier les sondages d’opinion entre les deux tours des présidentielles ce qui, malgré leur probable disponibilité pseudo-clandestine sur Internet, nous aurait évité ces "sauf miracle qui me ferait mentir" pour laisser, avec une incertitude réelle, les uns et les autres débattre sans être conditionnés par ces données fictives constamment réinjectées dans les commentaires, finissant par "conditionner" les résultats, par influer de façon déterminante sur le "verdict des urnes" (voir ci-dessus). Une autre condition aurait été, par exemple, que les résultats du premier tour puissent déterminer concrètement les rapports de force politiques en France : une droite parlementaire à ~31%, une extrême-droite (non divisée) à ~14%, une extrême-gauche (non divisée) à ~10%, une gauche parlementaire à ~26,5% et un centre démocrate (indépendant) à ~18,5%. Or tel n’est pas le cas, et tel ne sera pas non plus le cas aux législatives des 10 et 17 juin 2007. Le système électoral français ne le permet pas. Et cela aura sans doute un effet néfaste sur le taux de participation ou de votes blancs aux suffrages à venir. Car, forts des deux immenses surprises qu’ils ont créées en 2002 et 2005, les électeurs français vont finir par se dire : quel que soit mon vote, il n’en est pas tenu compte en "haut lieu". En effet, avec ses 82% en 2002, le président Chirac aurait dû nommer un gouvernement de coalition incluant des ministres de la gauche parlementaire (à l’image de la Grande Coalition d’Angela Merkel). Et, avec une majorité claire en 2005 pour le non à une constitution européenne ultra-libérale rédigée par Valéry Giscard d’Estaing, c’est un affront aux électeurs de proposer, comme le fait Nicolas Sarkozy, la ratification par le parlement ne fût-ce que d’un "mini-traité" sans consulter à nouveau les citoyens français, en sachant et en répétant que le système électoral actuel fait que l’Assemblée Nationale n’est pas représentative des forces politiques réelles du pays. Dès lors, il ne reste aux citoyens que des révoltes ponctuelles pour exprimer leur dépit face à une situation réellement désastreuse, comme ce fut le cas l’année dernière dans les banlieues pauvres ou parmi la jeunesse, même dorée, à l’occasion du CPE passé en force au parlement à l’aide de l’article 49.3 par le gouvernement sortant.

Le débat du 2 mai 2007 entre Mme Royal et M. Sarkozy a été amplement commenté. Annoncé de longue date par les médias comme un événement hors du commun et déterminant, si l’on considère le grand nombre d’indécis parmi les électeurs français, il ne pouvait que décevoir. Les commentateurs n’en doutent pas : dans une élection indécise, un tel débat aurait pu être décisif; or, comme le candidat sortant possède (dans les sondages, bien sûr) une avance considérable sur sa concurrente, cette confrontation n’aura aucune espèce d’influence sur l’issue réelle du scrutin. Ainsi, tout a été dit. Or, que s’est-il passé ? Plus de 20 millions d’électeurs potentiels ont suivi ce "duel" à la télévision (
TF1, France 2, Public Sénat, LCI...). Quelques autres ont écouté la radio (RFI, France-Info...) ou suivi l’affrontement entre les deux courants politiques majeurs de la vie politique française sur Internet, où la qualité très médiocre des retransmissions laissait supposer un grand nombre de connexions (notamment en provenance de l’étranger). Puis sont venus les faiseurs d’opinion, les commentateurs politiques, les simples citoyens pris au hasard ou triés sur le volet, dont on sélectionne quelques phrases "représentatives", et enfin les sondeurs qui, si l’on peut dire, "bétonnent" l’incertitude et l’indécision, favorisant alors sans doute un grand nombre de votes blancs au second tour, ce qui en soi constitue déjà un petit délit envers la démocratie. Mais alors, que s’est-il passé? Mme Royal est hésitante au début, un peu timide peut-être, lorsqu’elle doit dire "quelle présidente elle sera, si elle est élue". Une question à laquelle M. Sarkozy aura eu le temps de préparer sa réponse au cours de ces cinq dernières années. Et, après tirage au sort, cette réponse lui permet d’ouvrir sereinement le débat, car il est décidé d’apparaître calme et posé, sans inspirer de haine ou de crainte. Puis, sa timidité vaincue, la candidate de l’opposition attaque sur la part de responsabilités du candidat sortant relative à "la situation dans laquelle la France se trouve aujourd’hui". - Responsabilité en partie assumée, bien sûr, Madame Royal. Il a été ministre de l’Intérieur pendant quatre ans, Monsieur Sarkozy ! Rien, cependant, sur le mot malencontreux de "racaille" ou la menace de "Kärcher", une mauvaise publicité que l’entreprise du même nom a d’ailleurs officiellement récusée. Les attaques de Mme Royal sur le bilan du gouvernement sortant, auquel M. Sarkozy a appartenu jusqu’aux récents événements de la Gare du Nord parisienne, - le "resquilleur" ou, comme il conviendrait de dire, le "déclencheur" vient d’ailleurs d’être condamné à deux ans ans de prison ferme, mais rien sur la Gare du Nord non plus dans ce débat "digne" souhaité par M. Sarkozy, - ces attaques prennent ensuite une tournure inattendue avec l’épisode que l’on pourrait désormais nommer, avec une pointe de cynisme, la "botte des handicapés". Injustifiée peut-être, comme on entend dire, mais pas tout à fait quand même, si l’on considère qu’il s’agit là d’un paradigme de l’injustice sociale, en concédant donc son côté symbolique ou, si l’on préfère, symptomatique pour une société où les pauvres s’appauvrissent jusqu’à vivre dans la misère la plus intolérable et les riches s’enrichissent à coups de "bouclier fiscal". L’accusation d’immoralité, qui en procède, touche aux promesses électorales outrancières du candidat sortant en matière sociale, si l’on considère le bilan des années Chirac sur ce plan-là. "Colère saine" de Mme Royal devant cette immoralité flagrante, un peu surjouée peut-être, mais contrôlée tout de même, où l’on a pu apercevoir un Nicolas Sarkozy mollissant, comme en 1993, lors de la précédente confrontation de ces deux politiciens, qui repassait en boucle dans les médias ces jours-ci, comme d’ailleurs les "best of" des prestations précédentes du genre, à commencer par la tirade sur le "monopole du coeur" de M. Giscard d’Estaing en 1974. A quoi le président Mitterrand aura répliqué avec son fameux "homme du passif" en 1981. Pour ensuite dire, "les yeux dans les yeux", à Jacques Chirac en 1988: "Vous avez tout à fait raison, Monsieur le Premier ministre." Et caetera... ad nauseam !

Concocté par les faiseurs d’opinion médiatiques, le bilan "officiel" de ce débat, qui a fait oublier, peut-être à tort, le "dialogue" Royal-Bayrou de vendredi dernier, est qu’il ne changera rien : Les électeurs de gauche ont été séduits par la prestation de la "candidate" et les électeurs de droite par celle de leur "champion". Quant aux indécis, ils resteront indécis : un tiers votera "Sarko", un tiers "Ségo" et un tiers s’abstiendra... à en croire les invités d’Yves Calvi déjà cités. Tandis que les électeurs du Front National voteront "naturellement" pour M. Sarkozy, qui est en effet resté "digne" jusqu’au bout. Car, au cours de ce débat, il n’a pas non plus été question de ces électeurs d’extrême-droite qui ont en partie "voté utile" dès le premier tour. Oui, on n’en parle pas, des sujets qui fâchent, on reste dignes. - En clair, ce débat est présenté comme un "non-événement" après avoir été annoncé comme un "événement" politique de tout premier ordre par les médias appelés à l’organiser et à le commenter ensuite. - Oui, on n’a pas non plus parlé du centre, et notamment d’une ouverture du parti socialiste vers le centre-gauche, représenté de toute évidence par l’électorat de M. Bayrou, qui pourrait donner naissance à un grand courant social-démocrate en France, dont Mme Royal serait en effet la présidente, en association, comme elle l’a à nouveau clairement dit hier, avec M. Bayrou. C’est évidemment ce qu’il s’agit pour la droite d’empêcher à tout prix en récupérant, après les voix de la droite nationale, le soutien de la majorité des députés UDF dont la direction devrait revenir, après la démission imminente de François Bayrou et la création de son parti démocrate, à Gilles de Robien, devenu "propriétaire" du "label". En cela, il appartient sans aucun doute à la "France des propriétaires" souhaitée par M. Sarkozy. Qui passe sous silence l’évidence que quelques-uns possèderont toujours beaucoup plus que la grande majorité, destinée à devenir au mieux propriétaire à crédit de leur bien immobilier, puisque c’est bien de cela qu’il s’agit. Les plus pauvres, déjà victimes des "crédits à la consommation" aux agios faramineux, seront ensuite contraints d’hypothéquer un logement acquis à un prix beaucoup trop élevé... - Immobilier ? Vous avez dit immobilier ? Oui, Ségolène Royal a parlé des logements sociaux qui manquent. Très "digne", elle a même mentionné la commune de Neuilly-sur-Seine, dont M. Sarkozy est l’élu, où les quotas de HLM sont largement inférieurs à la norme nationale. Mais on n’a pas parlé d’immobilier. Ni, surtout, de la crise immobilière aux États-Unis qui vient de passer en Espagne et qui risque, bientôt, d’atteindre la France. Mais c’est là une autre histoire...

Aujourd’hui (5 mai 2007), les invités de M. Calvi ("C’est dans l’air", émission déjà citée) reviennent à la charge, et notamment le professeur d’économie Jacques Marseille, qui parle déjà comme un futur ministre, ou son acolyte Thierry Desjardin: "C’est plié" ! Sans aucun complexe, d’éminents spécialistes se permettent donc de dire ou de laisser entendre aux citoyens français que cette élection présidentielle, quarante-huit heures avant le scrutin réel, est "jouée", et ce sur la seule foi des sondages, c’est-à-dire d’un scrutin "virtuel", qui présente en effet des écarts de plus en plus grands entre les deux présidentiables. Quel terrible mépris pour les votants. Tandis que M. Sarkozy, comme le fait remarquer le modérateur Calvi, qui commence à comprendre que quelque chose ne va pas dans cette façon médiatique de décliner la démocratie, reprend résolument son virage à droite, en scandant avec vigueur le thème de l’identité nationale associé à celui de l’immigration dans ses derniers meetings et déclarations. Le second reportage, portant sur la "candidate" qui fustige évidemment l’utilisation massive des sondages d’opinion par les "médias amis du pouvoir", se termine avec cette remarque du commentateur: Tout le monde (chez les socialistes) "pense déjà à l’après, mais il est trop tôt pour en parler". Les deux autres invités de l’émission d’aujourd’hui, le journaliste politique Jean-Michel Thénard (Libération) et le chercheur Marc Abélès (CNRS) sont plus réservés ou peut-être moins enthousiastes, même s’ils semblent se ranger aux pronostics de leurs collègues, finissant eux aussi par préférer le futur au conditionnel. Lamentable !


Aux urnes, citoyens !
 (5 mai 2007)


Demain soir, 6 mai 2007, les "jeux" seront faits. A la scène virtuelle, proposée depuis plusieurs mois, se substituera une scène réelle, et la majorité de l’électorat français se réveillera sans doute avec une gueule de bois colossale. Oui, depuis plusieurs mois, la France flotte. Avec un gouvernement qui ne gouverne pas. Un président qui ne préside pas. Et des médias en sursis qui, au plus tard le 18 juin 2007 au matin, se réveilleront eux aussi avec une tête d’enterrement. Ensuite, tout rentrera dans l’ordre ou, comme on dit en allemand, "alles kommt, wie es bleiben soll", une expression plutôt intraduisible, qui veut dire que tout restera comme avant, notamment si l’équipe sortante reste aux affaires et parvient à constituer une majorité parlementaire. Un commentateur plutôt perspicace a dit que le tour de force de Nicolas Sarkozy était de se faire passer pour un homme nouveau, l’homme du "changement", de la "rupture". Dans sa dernière prise de position (d’hier), le candidat sortant déclare même, en faisant référence à la fameuse "colère" de Mme Royal, qu’il est l’homme de "l’apaisement" ou de la conciliation, alors qu’il n’avait cessé de mettre de l’huile sur le feu, lorsqu’il était à l’Intérieur. Ce ne sont pas tant les formules malencontreuses, qui trahissent cependant un manque flagrant de diplomatie et une tendance au populisme le plus vil, que la façon dont les policiers, à coups d’interventions musclées et "va de la gueule", comme on dit à Toulouse, mais surtout pour une part inutiles ou injustifiées, ont été montés contre la population, ce qui a créé un malaise sans précédent de part et d’autre. - Apaisement ? Vous avez dit apaisement ?

Il faut bien se rendre à l’évidence: La France de Lafayette et de Talleyrand n’est plus. La Révolution Française, les révoltes de la Commune de Paris ou de Mai 68 ne font plus partie de "l’identité nationale". - Non, Monsieur, vous avez raison, car elles feront un jour partie du patrimoine de l’Europe et, si l’humanité enclenche cette mutation devenue tellement nécessaire et urgente, ce seront des jalons dans l’histoire moderne, posés par une France révoltée par la misère et l’injustice sociale, sur le chemin d’un monde nouveau et, au sens propre, "apaisé", pacifié. En effet, le penseur suisse Jean Ziegler vient de le dire sans qu’il ait encore été entendu par la majorité des Occidentaux: La planète possède actuellement des ressources pour nourrir et soigner 9 milliards d’êtres humains. Dans ces conditions, chaque enfant qui meurt de faim, de misère ou par manque de soins, c’est un meurtre ! L’un des hommes les plus riches de la planète (Bill Gates) vient, apparemment, de le comprendre. On attend impatiemment la mutation dans les esprits de ses collègues, qui pour l’instant résistent dans leurs bunkers luxueux. Quel rapport avec la France ? - Aucun, s’il faut croire les élucubrations récentes sur l’identité nationale et l’immigration.

Car le problème avec l’identité "nationale" française est qu’elle constitue un anachronisme si on la fait remonter plus loin que la création des États-nations modernes, c’est-à-dire 1776 pour les États-Unis ou 1789 pour la France (et 1871 pour l’Allemagne, ce qui explique un certain nombre de choses dans ce pays). Avant, il y avait les rois, comme Louis XIV, dont la cour et les guerres ont ruiné le pays. Avant, il y avait Marie-Antoinette d’Autriche qui conseillait aux Français affamés de manger des viennoiseries s’ils n’avaient pas de pain. Et le problème avec l’immigration est qu’elle constitue une insulte aux pays ruinés par l’Occident capitaliste, d’abord avec l’esclavage, puis avec le colonialisme, qui est d’ailleurs le fait des États-nations modernes, et maintenant avec une exploitation sauvage de ces "pays (soi-disant) pauvres", qui a le plus grand intérêt à entretenir la corruption des régimes en place, les conflits ethniques, les guerres fratricides entre ces "nations" artificielles générées par le "post-colonialisme" pour mieux mettre la main sur leurs ressources naturelles. Oui, la façon de voir "l’immigration" et de traiter les "immigrés" aujourd’hui fait penser à une vue archaïque, "puriste", de l’humanité. "Divide et impera", comme disaient déjà les Romains. Et "panem et circenses" !

Mais, fort heureusement, les "jeux" ne seront pas faits le 6 mai au soir. Car il restera les élections législatives des 10 et 17 juin 2007. Alors, chers citoyens français, ne vous laissez donc pas trop influencer et impressionner par les faiseurs d’opinion professionnels. Rendez-vous à nouveau massivement aux urnes ce dimanche pour faire mentir ceux qui veulent voter à votre place, les tenants de la "démocratie virtuelle", ceux qui ont intérêt à ce que les choses ne bougent pas "réellement". Car il y a réellement le feu à la maison. Et notre maison commune, c’est la planète Terre. Oui, pour l’heure, il n’y a qu’un seul mot d’ordre en France qui vaille la peine d’être clamé haut et fort: Aux urnes, citoyens !