France
2007
"Cinq
ans ferme"
(lundi 7 mai
2007)
L’équipe
sortante gagne à domicile. Les bookmakers ont le sourire jusqu’aux
oreilles. La France porte résolument à droite. Avec 53% des voix,
Nicolas Sarkozy (~31% au premier tour) prend logiquement le vote des
droites extrêmes (~14%) et un certain nombre de suffrages centristes
(~8%). Avec 47% des voix, Ségolène Royal (~26% au premier tour)
prend logiquement le vote de la gauche antilibérale (~10%) et fait
tout de même un bon score au centre (~11%). Voilà pour un premier
calcul, rudimentaire certes, mais qui se base sur les chiffres réels,
contrairement aux bookmakers qui, dès la soirée électorale de ce
dimanche 6 mai 2007, assènent leurs "projections" pour les
législatives des 10 et 17 juin 2007 en se basant évidemment sur les
seuls sondages "sortis des urnes" fournis et commentés par
leurs propres soins ! Oui, on n’a pas fini de les entendre car le
"troisième quart-temps" vient de commencer. En effet, le
président Sarkozy ne pourra gouverner qu’avec un parlement qui lui
soit favorable. Et cela en passera nécessairement par des alliances
: celles, ouvertes ou bien occultes, avec le Front National et l’UDF
pour les candidats de l’UMP et celle, que la gauche
social-démocrate espère, entre les candidats du PS et du Mouvement
Démocrate (MD) dont François Bayrou a annoncé la création
officielle dès jeudi prochain. Sans doute serait-il utile pour la
démocratie française que naisse également un grand parti de la
gauche antilibérale qui, à la fois, permettrait au PS de faire son
"agiornamento", comme l’a fait le SPD allemand
sous Willy Brandt, par exemple, en renonçant aux aspirations
révolutionnaires de la gauche, et aux antilibéraux de faire
entendre leur voix au parlement. Mais le problème est que le temps
presse. Quand M. Sarkozy a eu cinq ans pour se préparer à ces
présidentielles, les choses se sont précipitées à gauche. Il y a
d’abord eu l’épisode de l’investiture socialiste qui ne
consacra Mme Royal qu’à la mi-novembre 2006. Il lui restait alors
quelque cinq mois pour réunir le majorité de l’électorat
français sur sa candidature. Puis vint la surprise du chef. M.
Bayrou fut tout d’un coup crédité d’un nombre impressionnant de
suffrages par les instituts de sondage qui, - et voilà tout de même
une erreur monumentale, - ne l’avaient absolument pas calculé pour
ensuite le surestimer copieusement ! La difficulté était en effet
immense. Le candidat centriste faisait des "scores virtuels"
tels que Mme Royal, avec la "menace Le Pen" qui pointait
également son museau (seconde erreur de taille des sondeurs),
n’était plus assurée de passer le premier tour du scrutin. Il
fallait donc qu’elle sollicite un "vote utile" dans le
camp antilibéral. Enfin, quelques jours avant le scrutin du 22
avril, M. Rocard et B. Kouchner en appelèrent à l’ouverture au
centre. De quoi en déstabiliser plus d’une. Or, la Dame ne se sera
pas démontée, même si sa tache était quasiment impossible car
elle n’avait aucune chance de réussir le grand écart entre José
Bové, Olivier Besancenot, Laurent Fabius, Dominique Strauss-Kahn et
François Bayrou. Mais, même déçue, Ségolène Royal était
radieuse, apparaissant en ce soir de défaite comme une véritable
icône en blanc, une couleur qu’elle semble affectionner, même si
la Chine y associe le deuil. Oui, le blanc lui va bien et elle aurait
tort d’y renoncer. Dans les "milieux autorisés", on
murmure cependant qu’il lui resterait encore un petit travail à
accomplir sur sa voix (son rire est déjà parfait) et sur sa
coiffure, mais il semble qu’une bonne partie de la France se prenne
déjà à regretter la présidente qu’elle pourrait être et
qu’elle aurait pu avoir dès cette année. Gageons néanmoins
qu’avec le quinquennat qui s’ouvre, la Dame pourrait avoir dans
l’idée de se préparer efficacement à la "plus haute charge
de l’État" en commençant par rénover le mouvement dont elle
se réclame et qui, la preuve n’étant plus à faire, la réclame
également.
Mais revenons un instant aux Législatives. Dans
la "projection" présentée hier soir par Roland Cayrol
(CSA) sur France 2, le centre est crédité de 15% des voix quand
l’UMP et le PS dépasseraient tous deux les 30%. Or, on peut se
demander de quel centre il s’agit. UDF ou Mouvement Démocratique?
Et, surtout, on se demandera où le reste des voix est passé. Car,
même si la projection citée accorde quelque 70% des voix à l’UMP
et au PS réunis (respectivement 37 et 33%), 15% des voix restent
"dans la nature". Il s’agit bien entendu des votes dits
"extrêmes". Pour la vie démocratique française, et
malgré les risques que cela peut comporter, il serait certainement
important que tous les courants politiques actuels soient représentés
à l’Assemblée Nationale dans les proportions qui correspondent à
l’expression réelle de l’électorat au premier tour des
présidentielles. Or il n’est pas inutile de répéter que les deux
modes de scrutin actuels (présidentiel et législatif) ne le
permettent pas. De plus, les partis qui porteraient cette expression
réelle des citoyens français n’existent pas, ne sont pas encore
créés ou rénovés. Dans ces conditions, et sans vouloir anticiper
à notre tour sur le "verdict des urnes", l’UMP sera sans
doute le grand vainqueur des Législatives, bénéficiant évidemment
de l’élan occasionné par la victoire de M. Sarkozy et peut-être
de l’annonce d’un "gouvernement d’ouverture" dans les
jours qui suivront le 16 mai, date de la passation de pouvoir entre
le futur ex-président Chirac et l’ex-futur président Sarkozy.
D’ailleurs, les bookmakers sont déjà formels: M. Fillon sera le
nouveau Premier ministre et il est fort possible qu’un grand nombre
d’annonces et de mesures "populaires" vont pleuvoir pour
séduire un électorat qui, en retour, "plébiscitera"
l’UMP aux Législatives. De plus, la création de nouveaux partis,
comme le MD de M. Bayrou, voire peut-être celle d’un grand parti
de la gauche antilibérale française, ou encore la rénovation du PS
en un parti social-démocrate à vocation européenne ne
s’improvisent pas. Il faut du temps et de la réflexion pour ce
genre de choses. Or, à défaut d’un ancrage clair de M. Bayrou au
"centre-gauche" et d’une alliance déclarée avec Mme
Royal qui, de son côté, devrait alors favoriser le courant
social-démocrate au PS, le président Sarkozy obtiendra sans l’ombre
d’un doute une majorité à l’Assemblée Nationale au soir du 17
juin 2007. Le titre du nouveau film de Jean-Pierre Mocky, proposé
hier soir chez Marc-Olivier Fogiel (M6) en présence du
réalisateur, serait alors tout trouvé: "Cinq ans ferme".