mardi 13 mars 2012

Le choc des sondages (et le poids des mots)

Paris-Match l'affirme haut et fort dans le chapeau qui présente le dernier sondage que le magazine a commandé à l'IFOP [ici] :
Coup de tonnerre dans la campagne : selon notre sondage Ifop Fiducial pour Europe 1 - Paris Match - Public Sénat, pour la première fois depuis dans notre vague de sondages, Nicolas Sarkozy (28,5, +1,5) passe devant François Hollande (27, –1,5). Au second tour, le candidat socialiste (54,5, –2) s'effrite également mais bat toujours nettement le président sortant (45,5, +2).
Tout est dans la formule : l'expression "notre vague de sondages" marque bien une sorte de déferlement récurrent de la démocratie virtuelle sur une campagne électorale bien réelle par ailleurs. Si dans cette vague, N. Sarkozy passe devant F. Hollande, le rédacteur aurait peut-être pu préciser : "au premier tour", car il ne s'agit pas ici d'une affaire de personnes ou d'un concours de beauté, mais d'options politiques : l'électeur français est appelé à choisir le système dans lequel il vivra ces cinq prochaines années. Or c'est bien au second tour, puis avec les Législatives que cela se décide : libéralisme ou social-démocratie. Mais c'est surtout l'emploi de l'indicatif à la fin du paragraphe qui "choque" : une fois encore, on confond ici l'avis bien virtuel d'un millier de personnes "sondés" au téléphone, et "redressés" ensuite, avec le dépôt de millions de bulletins de vote dans les urnes pour l'instant encore bien réelles d'un grand pays démocratique.

Que dire enfin de la formule d'introduction, destinée bien sûr à focaliser l'attention  : Coup de tonnerre dans la campagne ! On peut imaginer n'importe quoi dans ce décor gothique de la campagne française, mais le problème reste toujours le même : comment est-ce possible de faire passer le résultat ponctuel et plutôt aléatoire d'un sondage pour un événement réel et prétendument décisif pour la suite ?


En faisant l'économie d'une réponse à cette nouvelle tentative de manipulation de l'opinion publique, voici donc le tableau proposé par le magazine spécialisé dans les "grands de ce monde" :

DATES >4-6 jan*11-13 jan**29-30 jan***9-12 fév 23-27 fév11-12 mars
CANDIDAT(E)S%%%%%%
Nathalie Arthaud (LO)0,50,50,50,50,5
Philippe Poutou (NPA)0,50,50,50,5
JL Mélenchon (FDG)67,57,58,58,510
JP Chevènement (MRC) 0,50,5NTNTNT
François Hollande (PS)2828313028,527
Eva Joly (EELV)333332,5
F. Bayrou (MoDem)1212,511,512,512,513
Corinne Lepage (Cap21)0,50,50,50,50,5
Dominique de Villepin (RS)2,521211
Hervé Morin (NC)10,50,5NTNT
Frédéric Nihous (NCPT)NTNT
Nicolas Sarkozy (UMP)262424,5252728,5
Christine Boutin (PDC)0,5-NTNT
N. Dupont-Aignan (DLR)0,510,50,511
Marine Le Pen (FN)19201917,51716
[Les principales options politiques en caractères gras, les sigles des partis rajoutés]

Et voici encore les détails techniques sur les sondages de janvier, fournis par l'hebdomadaire :

* Etude Ifop pour le JDD réalisée par questionnaire auto-administré en ligne du 4 au 6 janvier 2012 auprès d’un échantillon de 1163 personnes inscrites sur les listes électorales, extrait d’un échantillon de 1216 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus.
** Etude Ifop-Fiducial pour Europe 1, Paris Match et Public Sénat réalisée par questionnaire auto-administré en ligne et par téléphone du 12 au 14 janvier 2012 auprès d’un échantillon de 1550 personnes inscrites sur les listes électorales, extrait d’un échantillon de 1976 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus.
*** Etude Ifop/Fiducial/Paris Match/Europe1/Public Sénat réalisée sur un échantillon de 1387 personnes représentatif  de la population française âgée de 18 ans et plus et inscrites sur les listes électorales, extrait d’un échantillon national représentatif de 1 655 personnes. La représentativité de l’échantillon a été assurée par la méthode des quotas (sexe, âge, profession du chef de famille), après stratification par régions et catégories d’agglomération. Les interviews ont eu lieu par questionnaire auto-administré en ligne (CWI - Computer Assisted Web Interviewing) et par téléphone du 29 janvier à partir de 21h30 au 30 janvier 2011. 


La mention NT (non testé) correspond aux retraits de candidature annoncés par Jean-Pierre Chevènement (MRC), Hervé Morin (NC), Frédéric Nihous (NCPT) et Christine Boutin (PCD), les trois derniers ayant préféré soutenir Nicolas Sarkozy.

[Ajout] Un peu plus tard dans la journée, un nouveau sondage affirme le contraire de celui-ci, ce qui tend à prouver que l'on peut manipuler l'opinion publique avec des données complètement aléatoires.

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