mardi 20 mars 2012

[Billet] Suspension

NB : Ce billet d'humeur fait suite à l'article "Faits divers" (19 mars 2012)

page Facebook de Nicolas Sarkozy ce 20 mars 2012

La campagne est donc suspendue jusqu'aux funérailles des militaires et des victimes civiles, prévues demain, 21 mars, en France et en Israël, une décision prise plus ou moins d'autorité par le candidat Nicolas Sarkozy - qui reprend les rênes de président pour l'occasion - et suivie sans moufter par tous les prétendants. Tous ?

Ce matin sur France-Inter, le sondeur Brice Teinturier (IFOP) concède que les faits divers, comme ceux qui se sont produits et ont été médiatisés à outrance jusqu'à la veille du scrutin de 2002, peuvent exercer une influence sur les "intentions de vote". Une petite précision cependant : en 2002, il ne s'agissait plus d'intentions mais bien de votes réels qui ont qualifié Jean-Marie Le Pen, champion de l'insécurité, pour le second tour de la Présidentielle avec le résultat de plomber le processus démocratique.

M. Teinturier précise également quelque chose dont on pouvait se douter mais qui, venant d'un expert comme lui, tenu à la neutralité, devrait donner à penser : des événements comme l'assassinat des militaires et des enfants entre le 11 et le 19 mars 2012 ont pour effet de maintenir le status quo, ou en termes politiques : de conforter le "pouvoir sortant".


Et M. Sarkozy est, comme on commence à l'entendre, un "Président qui nous protège". D'ailleurs, dès avant son passage au ministère de l'Intérieur - un poste qu'il avait occupé pratiquement jusqu'à la veille du scrutin de 2007 (que son administration avait pour tâche d'organiser) - il a pu apparaître dans un rôle héroïque lors d'une prise d'otages, en mai 1993, à la maternelle de Neuilly sur Seine, dont il était le maire (de 1983 à 2002). L'encyclopédie Wikipédia nous apprend ceci [ici] : 
Le jeudi 13 mai 1993 à 9h27, un homme vêtu de noir, la tête cachée par un casque de motard et une cagoule, fait irruption dans la classe maternelle N8 du groupe scolaire Commandant Charcot, à Neuilly-sur-Seine.

Cet homme, armé d'un pistolet d'alarme et d'explosifs, menace de faire sauter la salle s'il n'obtient pas une rançon de cent millions de francs (environ 15 millions d'euros). Ces menaces sont rendues crédibles par ses démonstrations passées car il avait pris soin, auparavant, de faire sauter plusieurs poubelles en y laissant volontairement une signature. Ses otages, 21 enfants et leur institutrice, Laurence Dreyfus, sont donc menacés. Le RAID est rapidement dépêché sur les lieux. Les enquêteurs cherchent à identifier le preneur d'otages, mais ils n'y parviendront pas avant la fin de la prise d'otages. L'homme n'est alors connu que sous le nom de « Human Bomb » (« Bombe humaine ») ou « HB », qu'il s'est lui-même donné.
Le paragraphe suivant nous intéresse tout particulièrement :
De nombreux médias couvrent l'évènement. Des journalistes campent devant l'école. La prise d'otages devient un évènement national. Nicolas Sarkozy, à l'époque maire de Neuilly-sur-Seine - ainsi que ministre du Budget et porte-parole du gouvernement - intervient dans les négociations pour que Schmitt relâche des enfants ; on le voit à la télévision sortir de l'école un enfant dans les bras. (Je souligne)
A l'époque, on pouvait déjà suivre cette prise d'otages "en direct" à la TV. Érick Schmitt, qui avait pris son surnom à cause de la chanson du groupe Téléphone (Bombe Humaine), était un homme désorienté, "un entrepreneur en difficultés et en dépression" (Wikipédia), qui n'a jamais voulu de mal aux enfants, qu'il traitait avec gentillesse, ni vraiment été convaincu de pouvoir obtenir la rançon. Finalement, les hommes du RAID l'ont abattu à bout portant quand, après deux jours sans sommeil, il s'était assoupi. Voilà pour la négociation.

Pas l'ombre d'un doute que le(s) tueur(s) de Montauban et Toulouse est (sont) d'une autre trempe. Mais la machinerie mise en place par le gouvernement pour mettre la main sur lui (eux) est complètement démesurée ("vigipirate écarlate") puisqu'il s'agit probablement à la fois d'un ou de plusieurs hommes isolés et d'une "tuerie en masse" (comme disent les spécialistes) limitée à une région précise.

Or, la résonance nationale - et mondiale - des assassinats d'enfants juifs, qui n'a plus rien à voir avec la "couverture" des exécutions des militaires, pourtant également abattus en raison de leurs origines, risque de leur (lui) donner des idées, en premier celle de changer de secteur. Et si leur (son) amok (mot malais pour "tuerie en masse") se poursuit, comme pour défier l'ensemble des services de l’État lancés à leurs (ses) trousses, combien de temps durera la "suspension" de la campagne électorale ? Changera-t-on les dates des élections ? Non, pas possible ?

Et si cette médiatisation formidable d'un tueur anonyme ("L'homme au Scooter"), la mobilisation massive de l’État français et une audience mondiale faisaient naître des vocations d'imitateurs (copy cats) ?

Quelle que soit l'issue de cette "gigantesque chasse à l'homme", une chose est d'ores et déjà acquise : suspension ou pas, cet épisode changera, peut-être de façon déterminante, la campagne électorale pour exercer une influence non négligeable sur l'issue du scrutin. Or - je le répète : sans préjuger de sa gravité - il s'agit encore une fois d'un simple fait divers.

11:00 - Consigne présidentielle : une minute de silence !

Je ne voudrais pas insister outre mesure sur la personnalisation de la vie politique française. Il faut cependant rappeler un point essentiel dans ce contexte : Si les élections des 22 avril et 6 mai 2012 concourent à désigner au suffrage direct le président de la République Française avec l'énorme pouvoir personnel qui est le sien depuis 1958, la "personnalité" ou la "personne" des deux candidats qualifiés pour le second tour joue nécessairement un rôle clef dans le choix final des électeurs, bien davantage qu'au premier tour où les citoyens, s'ils ne sacrifient pas au "vote utile", privilégient en principe leurs différentes options politiques, économiques et sociales. En principe. Car les 19,2% pour les deux candidats d'extrême-droite au premier tour de 2002 ne correspondaient pas vraiment à la diversité du paysage politique français, où l'on voit mal un électeur sur cinq opter pour le régime autoritaire d'une extrême-droite qui, par ailleurs et paradoxalement, est absolument favorable à l'économie libérale. Non, il s'agissait aussi de ce que l'on se plaisait à appeler un "vote sanction" qui exprime ce fameux "ras-le-bol", ressenti après le matraquage incessant des thèmes de l'insécurité et de l'immigration, à quoi il faut bien sûr ajouter le "problème du chômage" qui, comme chacun sait, "ne mange pas de pain" depuis les années 1973-74 quand bien même on s'évertuerait à démontrer que cette "crise" qui fêtera bientôt sa "quarantaine" est cousue de toutes pièces ou, si l'on préfère, artificiellement entretenue, mais c'est là un autre chapitre.

13:00 - Journal de France-Inter avec ce lapsus du présentateur : François Hollande perd un point dans les "intentions de vente".

Eh oui ! Les fameuses intentions de vente ... Pour revenir à notre problème : La "personnalité" du "président candidat", qui était plutôt un handicap ces temps derniers, peut à nouveau briller comme au temps béni de l'intervention en Libye. J'entends dire - pas encore dans les médias, mais dans la vraie vie - que "Sarkozy a des couilles". Car il en faut pour submerger le pays de plans écarlates. - Question d'un psychanalyste, qui désire conserver l'anonymat : "Et Carla ?"

Nicolas Sarkozy avait très certainement prévu que 2012 se jouerait forcément sur la personnalité dès son "gouvernement d'ouverture" qui cherchait à brouiller les pistes entre les courants politiques traditionnels ("droite et gauche") avec pour but (escompté) de ramener le débat politique (économique et social) sur le plan psychologique.

Cependant, il est malaisé d'affirmer que tout cela a été orchestré. Ce qui l'est, c'est la gigantesque - écarlate - mise en œuvre de moyens et leur médiatisation en boucle. Et ça sur le fond d'une "suspension de la campagne électorale". Un coup de maître.

Et l'un des "chefs opérateurs" de l'intervention en Libye - Alain Juppé, ministre des Affaires étranges  - n'a pas peur d'ajouter ce 20 mars 2012 à l'attention d'un camarade distrait (l'élève Bayrou) :
"Ce qu'il y a de bien dans la classe politique française c'est que, jusqu'à aujourd'hui, elle a réagi avec dignité et dans un esprit d'union nationale. Alors n'ajoutons pas l'ignoble à l'horrible, n'essayons pas de tirer parti dans un sens ou dans l'autre, dans quelque direction que ce soit, de ce drame qui n'a rien à voir avec la campagne électorale naturellement" [repris ici, j'ajoute les caractères gras]
Le maître mot est l'union nationale. Pas de partis (pris) et pas question de tirer profit de l'événement. Si le candidat président - ou président candidat - en tire parti pour asseoir sa personnalité de président protecteur des Français, rien à voir avec la campagne électorale naturellement !

Mais de qui schmock-t-on ?


Le scooter recherché encadré par les candidatures en suspens

Suite : Epilogues écarlates (21 mars 2012)

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