Le « raciste » ne se contente pas de croire en l'existence de « races humaines ». Il est surtout convaincu de sa propre supériorité. Or :
Les études scientifiques, fondées depuis le milieu du XXe siècle sur la génétique, ont montré que le concept de « race » n'est pas pertinent pour caractériser les différents sous-groupes géographiques de l'espèce humaine car la variabilité génétique entre individus d'un même sous-groupe est plus importante que la variabilité génétique moyenne entre sous-groupes géographiques. [Wikipédia]
Le problème est que l'on se situe ici dans le domaine des croyances, des convictions, qu'aucune démonstration scientifique n'a jamais pu entamer.
Cette prétendue supériorité de certaines cultures ou civilisations sur d'autres – puisque c'est de cela, et non de génétique, qu'il s'agit – a de tout temps servi d'argument à la conquête de territoires et la soumission, voire la mise en esclavage de populations entières par les envahisseurs.
Les temps modernes ont vu apparaître le phénomène du « colonialisme ». On peut dire que l'un de ses principaux idéologues fut l'auteur de l'Essai sur l'inégalité des races humaines (1853/55). Mais déjà le philosophe Kant (1724-1804) n'y allait pas par quatre chemins. Ou plutôt si. Je traduis :
« Dans les pays chauds, l'Homme arrive à maturité plus tôt dans toutes ses parties, sans cependant atteindre la perfection des zones tempérées. L'humanité dans sa plus grande perfection se rencontre dans la 'race' des Blancs. Les Indiens jaunes ont déjà un talent moindre. Les Nègres sont plus bas, et une partie des populations américaines se situe au niveau le plus bas. » (Immanuel Kant, Des différentes races humaines, 1775)
J'en viens au fait. Très peu de gens aujourd'hui contestent que la théorie raciale et les procédures d'extermination massive qui l'accompagnent ont connu une apogée sans précédent dans l'Allemagne (et l'Europe) sous la botte des fascistes entre 1933 et 1945. Plus qu'aucun autre, ce pays a dû faire son mea culpa – n'en déplaise à certains : en français, on traduit par « repentance » - et un travail considérable pour analyser et digérer ce funeste passé, qui n'en est pas moins terriblement récent.
Qu'en est-il des pays qui ont pratiqué le colonialisme ? J'ai l'impression qu'en France, aucun travail sérieux n'a été fait à une large échelle depuis la perte des colonies dans les années 1960/62. Il y a pourtant eu des crimes massifs contre les populations, des injustices flagrantes, des citoyens de seconde zone, de facto privés de droits.
Ce sont les anciens « maîtres » qui continuent d'avoir la voix au chapitre, qui présentent le fait colonial comme une période idyllique, correspondant à certains souvenirs d'enfance dorée parmi ces « indigènes » invisibles, si l'on excepte les « domestiques ». Ce sont encore eux qui justifient le fait colonial avec les « apports culturels », voire la « civilisation » qu'ils auraient dispensés à des populations « incultes ». Mais ils ne perdent pas un mot sur l'exploitation unilatérale des hommes et des richesses naturelles.
Bien. C'est ce qui s'appelle se tailler une réputation. Mais il se trouve que tout ce discours dédaigneux sur les « immigrés » commence à me fatiguer. Cela a commencé avec Lampedusa. Personne, mais vraiment personne ne s'est demandé pourquoi des parents en viennent à embarquer leurs propres enfants sur de méchants rafiots. Et pourtant la raison est connue : à force de spéculations sur les denrées alimentaires, ces parents ne peuvent même plus leur acheter un bout de pain avec la monnaie de singe mise à leur disposition par la nouvelle forme de colonialisme globaliste dont nous profitons – les uns moins, les autres beaucoup, beaucoup plus – dans les pays dits « riches ».
Dans ce contexte, c'est surtout le vote Front National qui est choquant. Il procède – en partie seulement, bien sûr – de cette idéologie aveugle – ou en tout cas borgne – de la recherche d'un bouc émissaire, alors que tout, presque tout est affaire d'économie et de finances. J'en reste convaincu : sans les « réparations » de Versailles et les « crises » de 1923, puis de 1929, il n'y aurait peut-être jamais eu de fascisme en Allemagne. Bien sûr, à l'époque, la propagande raciste avait le vent en poupe. Et pas seulement outre-Rhin. On avait choisi un autre bouc émissaire, ce qui tend à prouver, avec la campagne de haine actuelle, que la « cible » importe peu.
Le pire : certains de ceux dont les familles furent persécutées naguère hurlent aujourd'hui avec les loups, totalement inconscients des risques auxquels eux-mêmes s'exposent en mettant les doigts dans l'engrenage de la haine et du mépris d'autrui. Fort heureusement, ils sont rares. Mais, à les voir ainsi stigmatiser des populations entières pour des raisons qui ne résistent pas à l'analyse, leurs ancêtres, s'ils avaient toujours été de ce monde, n'auraient eu besoin que d'un seul regard pour leur rappeler que la souffrance humaine n'a pas de patrie.