vendredi 8 novembre 2013

Asyle pour Snowden !

[5/11/2013] Un groupe de personnalités publiques allemandes - aussi diverses que le réalisateur Volker Schlöndorff, la féministe Alice Schwarzer, le président de la Bundesliga Reinhard Rauball, le chanteur populaire Udo Lindenberg, le journaliste Ulrich Wickert, l'acteur Jan Josef Liefers, le politicien Heiner Geissler (CDU), l'écrivain Daniel Kehlmann, le sociologue Hans Magnus Enzensberger et bien d'autres - exige que la RFA accorde l'asyle politique à Edward Snowden, toujours coincé en Russie, qui s'est déclaré prêt à apporter son aide dans l'affaire des écoutes du portable de la chancelière Merkel par les services nord-américains.


Cette semaine, en publiant un "Manifeste pour la Vérité" signé Snowden, l'hebdomadaire d'information Der Spiegel titre sur ce mouvement d'opinion qui semble prendre de l'ampleur outre-Rhin :


snowden
[english]
"Qui énonce la vérité ne commet pas de crime."
(Edward Snowden)



Et quid de la France ? - Pour l'heure, après l'interdiction de survol du territoire français d'un avion à bord duquel on soupçonnait (à tort) la présence du lanceur d'alerte, on préfère les polémiques sur "l'affaire Léonarda". Quel joli paravent ! D'ailleurs l'Allemagne, qui a des liens plus étroits avec les USA que la France, n'a pas encore accordé l'asyle politique à Snowden. Si elle se résoud à le faire, ce sera une surprise de taille. - Et dans cette affaire, le président français est sur la même ligne que son prédécesseur : En effet, jamais le président Sarkozy, qui dès le début de son quinquennat a annoncé l'intégration de la France dans le commandement de l'OTAN, rompant brutalement avec la politique étrangère du général De Gaulle, jamais le président Sarkozy n'aurait risqué de fâcher son ami américain en accordant l'asyle politique à un "traître" dans le genre de Snowden. Comme la chancelière Merkel, le président Hollande montrerait un grand courage politique en l'accueillant. Mais le prix à payer serait énorme ! Car on quitterait alors le domaine de la politique pour celui des intérêts économiques ! - Seule, une Europe unie aurait les moyens d'affronter ce genre de conséquences...


De façon plus générale, les affaires Manning, Assange, Snowden mettent à mal la société d'information telle qu'elle s'installe, progressivement et globalement. - Il ne faut pas croire que la découverte de ce pot aux roses empêchera les services compétents d'installer d'autres dispositifs encore plus sophistiqués, encore moins détectables. - Mais la question reste posée : Allons-nous - oui ou non - vers un système de surveillance planétaire ? - On peut bien sûr continuer de parler tiercé et football, épiloguer pendant des lustres sur le dernier fait divers à la Une ou faire des mots croisés sur la blogosphère de l'Obs, manière de rendre à cette question la place qui lui revient au pays des Droits de l'Homme : encore un truc de parano !


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[6/11/2013] Aux dernières nouvelles (Reuters), il n'est pas question d'accueillir Edward Snowden en RFA, Angela Merkel ne voulant pas risquer une rupture avec les USA. Dans le même temps, les services allemands étudient la possibilité d'interroger le lanceur d'alerte à Moscou sur les écoutes téléphoniques pratiquées par la NSA, ciblant la chancelière et d'autres personnalités politiques. - On pouvait s'attendre à cette reculade diplomatique. Néanmoins, le débat public reste ouvert. De l'autre côté du Rhin !


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[8/11/2013] Alors qu'il est toujours difficile de trouver des informations actuelles dans la presse française sur ce qui restera sans doute l'une des plus grandes affaires d'espionnage de tous les temps, le site du Spiegel continue d'en faire l'inventaire : Tandis que John Kerry se fend d'un "Ich liebe Deutschland" peu crédible dans ce contexte, les entreprises allemandes commencent à s'inquiéter du destin de leurs données confidentielles et le mot d'espionnage industriel est lâché. - Les services britanniques (MI5, MI6 et GCHQ) sont également dans la tourmente : leurs chefs doivent s'expliquer devant le parlement anglais et la séance est retransmise à la TV. Pour se défendre, ces fonctionnaires n'hésitent pas à accuser Snowden de complicité avec al-Qaida, qui engrangerait avec délectation les données rendues publiques.


[youtube http://www.youtube.com/watch?v=CR5ugWFi6bg?feature=oembed]


Le refus de la chancelière d'accueillir le lanceur d'alerte en RFA est encore officieux, mais ne semble plus faire de doute, malgré le mouvement de l'opinion publique en faveur de Snowden, qui ne se limite d'ailleurs plus à l'Allemagne. Dans le même temps, un ex-patron des services allemands (BND) met en garde contre le projet de ses collègues d'aller interroger l'ex-employé de la NSA à Moscou où celui-ci vient de trouver du travail comme webmaster pour une grande société dont le nom est encore tenu secret. Dans ces conditions et devant l'attitude de Mme Merkel, le père d'Edward Snowden, Lon, déconseille à son fils de faire une demande d'asyle politique en RFA.


Le quotidien Berliner Zeitung annonce que l'activiste Sarah Harrison est arrivée à Berlin ce week-end [sa déclaration du 6/11 sur wikileaks en vf] : collaboratrice et conseillère de Julian Assange, elle est restée aux côtés de Snowden depuis Hong-Kong, en passant par la zone de transit de l'aéroport de Moscou, jusqu'à son installation dans la capitale russe. Elle n'a quitté le lanceur d'alerte qu'après s'être assurée qu'il était en (relative) sécurité. - Le maire de Berlin Klaus Wowereit (SPD) a déclaré qu'une demande d'asyle de Snowden serait examinée dans le respect de la loi. - Signalons encore que le politicien respectable et respecté Hans-Christian Ströbele (Les Verts) a récemment rendu visite à Snowden dans son exil russe, où il a également rencontré Sarah Harrison.


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[9/11/2013] On note qu'insensiblement mais efficacement, les services contre-attaquent :




  • D'une part, les USA font la promotion de la "nouvelle" indiquant que Snowden aurait utilisé les mots de passe de ses collègues de la NSA, acquis malhonnêtement, pour collecter un grand nombre des données confidentielles ensuite rendues publiques. Ainsi, après avoir fait passer Assange pour un violeur, on caractérise Snowden comme un menteur et un voleur, alors que le problème n'est pas là. En effet, ses révélations montrent l'ampleur des procédés criminels et anti-démocratiques des services. Cela me fait penser à ce mot de "lâche" proféré à l'endroit du lanceur d'alerte par tel fonctionnaire nord-américain. Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais il en faut du courage pour passer le reste de sa vie pourchassé par tous les services occidentaux. Et je ne crois pas que Snowden ignorait que ses actes auraient cette conséquence-là.

  • D'autre part, le Guardian nous apprend aujourd'hui que son rédacteur en chef Alan Rusbridger est convoqué par les services britanniques devant le parlement pour s'expliquer sur une hypothétique mise en danger de la sécurité nationale de Grande-Bretagne par la publication des révélations. - Manière de tempérer les ardeurs de la presse ?

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