samedi 27 septembre 2014

Brèves considérations sur la situation présente




Avec le 11 septembre 2001 le terrorisme s'est globalisé, en ce sens qu'il est apparu en direct et simultanément sur tous les écrans du monde, donnant à voir une action qui dépassait de loin toutes celles qui, jusqu'alors, pouvaient être qualifiées de « spectaculaires ».


Les initiateurs des attentats new-yorkais connaissaient parfaitement le fonctionnement des chaînes d'infos en continu : dix-huit minutes, la durée séparant les deux impacts, suffiraient aux télévisions pour braquer leurs caméras sur la Tour Nord et saisir « en direct » l'instant où le second avion percuterait la Tour Sud.


Ce qui se passe à présent est « différent » : si la prétention à la mondialisation de la terreur est intacte, ces exécutions de personnes innocentes sont destinées à être visionnées non seulement « en différé » mais également et surtout en cachette. On a certes tendance à penser que peu de gens vont s'infliger ce « spectacle », qui n'est pas repris par les canaux habituels : or, caché quelque part dans les souterrains de la Toile, il est néanmoins disponible à tout moment pour être « consommé » par les « amateurs » ou les apprentis de l'horreur. Et, devenu « viral », il résistera à toute tentative de retrait.


C'est ce dernier point qui est véritablement « nouveau » : tant qu'Internet existera, personne ne pourra rien y effacer définitivement, toutes les informations, tous les écrits, tous les documents audio-visuels y circuleront virtuellement jusqu'au bout de notre aventure cybernétique (1). Ainsi, ces vidéos continueront indéfiniment de tourner en boucle et, surtout, de représenter une sorte de « défi » pour les monstruosités à venir, qui voudront paraître plus « spectaculaires » encore que les précédentes. Il faut ajouter que ces documents de la terreur, frappés d'interdit, vont immanquablement attirer le très jeune public, qui est pour ainsi dire préparé - et maintenu dans un état constant de déréalisation - par l'industrie du divertissement (2).


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Des études pointues montreront, ou non, que le terrorisme actuel prend la succession - sans véritable transition - de celui des années 60/70, qui portait des revendications politiques, anti-capitalistes et tiers-mondistes. Si cette thèse était fondée, on pourrait inférer que l'idéologie importe peu, que d'une certaine manière il s'agit donc d'un faux problème que d'y chercher une quelconque « raison » de la terreur, alors qu'il conviendrait bien davantage d'y voir sa « rationalisation ». En effet, le vide laissé par la faillite de l'idéologie communiste (3) qui, du jour au lendemain, n'avait plus aucune consistance, a pu générer, ou plutôt réactiver, un système de pensée permettant de fédérer nouvellement les forces opposées au monde occidental, qui étaient devenues orphelines. Sans doute le changement de régime en Iran et son apparente pérennité ont-ils pu encourager une réorientation aussi radicale, puisqu'il semble qu'un État « théocratique », qui repose sur des fondements archaïques ou, si l'on préfère, anachroniques, puisse tout de même prospérer au Moyen-Orient.


Les différentes cibles des actions récentes montrent également que l'opportunisme y règne en maître absolu : la tuerie en masse de Bruxelles a certes clairement visé la communauté juive, mais l'assassinat récent en Algérie s'est attaqué à la France et ceux du champ de bataille irako-syrien ont ciblé les États-Unis et la Grande-Bretagne. On peut à présent ajouter à cette liste déjà longue des victimes récentes une militante irakienne des Droits de l'Homme, torturée et exécutée dans la ville de Mossoul. - De plus, et depuis longtemps maintenant, les bombes dans les lieux publics très fréquentés ou certains attentats suicide n'opèrent aucune véritable sélection des victimes : il s'agit avant tout de semer la terreur parmi la population, de générer un climat de peur et de suspicion constantes dans le but d'ébranler les fondements des sociétés visées.


Sous nos latitudes, les réactions ne se sont pas faites attendre. En pleine crise économique, elles sont d'une grande violence (4). Un certain nombre de gens pensent trouver ici la cause du malaise qui traverse nos sociétés. Cela s'est déjà vu. Et si cela dure, les terroristes auront probablement atteint l'un de leurs objectifs.


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Notes


(1) Petit aparté. - Il est concevable que ces documents, également propagés dans l'espace à la vitesse de la lumière par nos satellites, soient un jour visionnés avec tous les autres produits fantastiques de l'humanité technologique par une forme de vie à l'autre bout de l'Univers, qui disposerait des récepteurs appropriés : si le ridicule ne tue pas, il nous immortalisera certainement !


(2) Voir aussi ma note intitulée > Le voyeurisme de l'extrême


(3) En vérité, il ne s'agit pas seulement d'idéologie : le bloc communiste soutenait matériellement un grand nombre d'activités « anti-occidentales » ou « anti-capitalistes », à l'image de la RDA qui offrait entre autres un soutien logistique et une solution de repli à la « Fraction Armée Rouge » ouest-allemande, comme les dossiers de la StaSi nous l'ont appris. De même un certain nombre de régimes autoritaires, notamment en Afrique du Nord et au Proche ou Moyen-Orient, pouvaient toujours compter sur l'aide de l'URSS et de ses satellites. De là, il suit que leur effondrement récent pourrait bien être un effet tardif de la chute du communisme.


(4) Il faut bien sûr également mentionner les élans et les volontés d'apaisement, comme le fait un estimé contributeur ci-dessous. Mais l'issue de cette affaire reste néanmoins incertaine, puisque nos idéologues maison ont décrété à leur tour une « guerre des civilisations » sans penser un instant qu'ils jouent exactement le jeu qu'on veut leur faire jouer. Pendant ce temps - pardon pour cette conclusion triviale ! - les affaires n'ont jamais été aussi bonnes d'un côté comme de l'autre, tandis que les pauvres gens, ici comme là-bas, continuent de tirer le diable par la queue, ce qui est le cas de le dire !










19:15 | Commentaires (7) |







Commentaires



sk, ce qui s'est passé aujourd'hui, la manifestation des collectifs musulmans français contre les actes terroristes du DAESH en clamant "nous sommes des sales français", accompagnés des représentants
d'autres congrégations religieuses, chrétienne, juive, etc.est un fait très important, puisqu'il signifie
implicitement "nous sommes unis dans notre volonté de vie commune en paix et nous ne "marcherons"
pas dans votre provocation..
C'est la meilleure réponse qui pouvait être faite car elle a également un effet interne à notre société
B à V


Écrit par : hubert41 | 27 septembre 2014





Bonjour SK,
Rien à rajouter... J'aime bien venir vous lire. Vous êtes un sage.
Bon week-end.


Écrit par : Sherman | 27 septembre 2014





Bonjour S.K.


Ca fait du bien de vous lire.
Je n'ai pas l'occasion aujourd'hui de commenter votre note, mais je tenais à vous faire ce minuscule signe de "bonne réception".

Écrit par : plumeplume | 27 septembre 2014





Merci pour vos encouragements... mais j'ai toujours autant de mal avec les compliments... ce ne sont que quelques éléments de réflexion...


Écrit par : sk | 27 septembre 2014





Bonsoir sk , c est exactement ça : ne pas entrer dans une guerre des civilisations . La chute du communisme, je n'y avais pas pensé mais ça se tient ! Quant à hubert, je suis sur sa ligne , tout ce qui peut apporter de l 'apaisement doit être essayé...


Écrit par : anneza | 28 septembre 2014





Le mur est tombé en 1989. Je me souviens quatre ans plus tard, dans le cadre d'un programme de l'Unesco, être allé dans le nord de la Pologne donner des cours de français pendant le mois de juillet. Parmi les collègues belges, je me souviens que l'un a beaucoup insisté pour dire qu'à l'ennemi communiste en succéderait un autre : le monde dit arabo-musulman. Nous avions déjà eu la première guerre du Golfe.
Pour entrer dans un domaine que je connais mieux, l'impérialisme romain (du temps de la République, donc à l'époque où le Sénat était tout puissant, se justifiait toujours en amont par les dangers encourus de la part des peuples qu'il fallait conquérir et en aval (voir Tite Live par exemple) s'écrivaient des textes édifiants sur la supériorité du sens moral des Romains par rapport à la barbarie (nous dirions aujourd'hui sanguinaire) des populations conquises.
Hier dans l'émission "la Grande Bibliothèque" sur FR5, le livre qui me semble remarquable "dix thèses sur la guerre" d'Elie Barnavi. Pas si hors-sujet que cela.


Écrit par : Benoît | 29 septembre 2014





Salut Benoît. - Peut-être une réflexion sur le polythéisme romain s'imposerait-elle dans ce contexte... En effet, la prétention à l'exclusivité (universalité) des monothéismes (avec cette absurdité qu'il en existe plusieurs) se révèle une nouvelle fois particulièrement meurtrière... Cela dit, je crois que la figure de César a également été divinisée ; on suppose par ailleurs que le culte d’Akhenaton est à l'origine du monothéisme (Jan Assmann)... Mais est-ce que cela suffit pour expliquer que le christianisme, d'abord sévèrement pourchassé puisqu'il allait à l'encontre du principe de tolérance polythéiste, a pu ensuite s'installer "en douceur" comme "religion d’État" de l'Empire, qui allait certes de plus en plus ressembler à une coquille vide ? - Vos lumières seraient ici les bienvenues...


Écrit par : sk | 01 octobre 2014 |




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