Les
résultats du Front National, qui dans certains départements frôlent les
50% - et les dépassent dans deux ! - sont stupéfiants : quelque 11 millions d'électeurs (sur un peu
plus de 47,5 millions d'inscrits) ont accordé leur suffrage à Marine Le
Pen, malgré sa prestation plutôt consternante à l'occasion du débat télévisé de l'entre-deux-tours,
un tiers des électeurs ne s'étant pas rendus aux urnes s'ils n'ont pas
voté blanc ou nul : la candidate du FN réunit donc 34,2% des voix
exprimées contre 65,8% pour Emmanuel Macron (estimation du 7 mai 2017 à
23h30) et un peu moins de 25% des inscrits.
Les
élections législatives devant se tenir les dimanches 11 et 18 juin
2017, cette histoire n'est pas finie : en cas de victoire de la droite
parlementaire, dont les députés sont tout de même bien installés dans
leurs circonscriptions, le projet d'Emmanuel Macron risquerait d'être
compromis car "Les Républicains", si tant est qu'ils soient
majoritaires à l'Assemblée Nationale en juin, feront probablement tout
pour obtenir un gouvernement de "cohabitation" et court-circuiter
le Président élu (*).
Le
problème majeur posé autour de cette élection est la question de
l'Europe : si - à en croire, non le premier, mais ce second tour - une majorité d'électeurs
souhaite que la France continue d'en faire partie, il s'agit de savoir de quelle Europe nous
parlons. Or, cette question a déjà été mal posée lors du Référendum de
2005 où il ne fallait pas se prononcer pour ou contre l'Europe (et encore moins pour ou contre le Président Chirac !) mais pour ou contre
l'Europe libérale actée par le Traité de Lisbonne.
Cette
question est une fois encore passée à la trappe, alors que notre survie
dépend de la mise en œuvre d'une Europe politique et surtout sociale. Or, on ne
l'obtiendra pas sans mettre sur la table une révision du Traité de
Lisbonne à l'échelle continentale, c'est-à-dire en impliquant tous les
pays de l'Union. Pourtant, à ma connaissance, aucun des programmes présentés
au cours de cette élection française ne formule cette exigence de façon
réaliste dans le cadre d'une négociation pan-européenne qui s'annonce
longue et difficile. - Convaincus ou désespérés, onze millions de
citoyens français ont voté en faveur d'un repli sur la "Nation". Et sept
millions d'"Insoumis" n'ont pas vraiment compris - ou feignent de ne
pas comprendre dans l'euphorie des fêtes populaires - que le plus
important dans cette affaire est la négociation avec toutes les parties
impliquées et - n'en déplaise à M. Mélenchon - l'Europe ne s'appelle pas
seulement France et Deutschland, mais également Ἑλλάς, España, Portugal, Italia, Österreich, Česko, Polska, Magyarország, Belgique (ou België), Nederland, Danmark, Sverige, Irland etc.
Et il y a ici un vrai problème car si l'on fait la somme des résultats du premier tour de cette
présidentielle, deux camps semblent - je dis bien semblent ! - s'opposer en France : celui des
"euro-sceptiques" et celui des "euro-libéraux". M. Mélenchon, qui revendique une révision du Traité de Lisbonne et une Europe sociale, a été très
clair : si ses propositions de réforme radicale n'étaient pas acceptées,
il tournerait le dos à l'Europe. Or, avec la façon musclée et
intransigeante dont il présente ces réformes qui semblent ne souffrir
aucun compromis, celles-ci n'ont aucune chance d'être acceptées par nos
partenaires européens : il fait donc partie du premier camp qui, avec
Mme Le Pen et M. Dupont-Aignan, taquine les 50% des suffrages exprimés au premier tour.
Quant aux défenseurs de l'Europe libérale, ils visent le maintien du
statu quo à tout prix, en continuant de sacrifier au court terme, malgré
le naufrage prévisible ou déjà manifeste. À moins que dans un élan gorbatchevien, M. Macron et Mme Merkel - qui, selon les estimations
actuelles, risque fort de battre M. Schulz (SPD) en septembre - se
rendent à cette évidence : l'Europe sera politique et sociale ou ne sera plus !
Or,
les élections du Parlement qui vont suivre - comme celles du Bundestag
en septembre 2017 - se joueront très certainement une fois encore sur
des enjeux nationaux. Sans parler des Européennes de 2019 qui, avec la
façon dont elles sont organisées et présentées, seront à nouveau
considérées comme des élections sans importance, tout juste bonnes à
assurer une planque à Bruxelles pour tel ou tel apparatchik. Afin de
pouvoir d'autant mieux déplorer une Europe "technocratique". Car les cheftaines et chefs nationaux ou locaux n'ont aucune
intention d’œuvrer à leur propre suppression et celle des structures qui
leur confèrent le pouvoir et les honneurs qu'ils convoitent depuis la
nuit des temps ...
__________________________
Résultats officiels (8 mai 2017 à 2h15) sur le site du ministère de l'Intérieur
Résultats officiels (8 mai 2017 à 2h15) sur le site du ministère de l'Intérieur
France Entière
"Résultats incomplets calculés sur la base de 99.99% des inscrits reçus" (sic !)
Résultats au 2d tour de l'élection présidentielle 2017
Liste des candidats | Voix | % Inscrits | % Exprimés |
---|---|---|---|
M. Emmanuel MACRON | 20 703 694 | 43,63 | 66,06 |
Mme Marine LE PEN | 10 637 120 | 22,42 | 33,94 |
Nombre | % Inscrits | % Votants | |
---|---|---|---|
Inscrits | 47 448 929 | ||
Abstentions | 12 041 313 | 25,38 | |
Votants | 35 407 616 | 74,62 | |
Blancs | 3 006 106 | 6,34 | 8,49 |
Nuls | 1 060 696 | 2,24 | 3,00 |
Exprimés | 31 340 814 | 66,05 | 88,51 |
("En raison des arrondis à la deuxième décimale, la somme des pourcentages peut ne pas être égale à 100%")
(*) Devant le raz-de-marée du parti présidentiel - "La République En Marche" (LREM) - avec son nombre élevé de "ralliements" venus de la droite et de la gauche, l'hypothèse d'une cohabitation ne s'est pas vérifiée (voir également ci-dessus) [juin 2017].
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire