lundi 8 mai 2017

Bref commentaire sur la Présidentielle française de 2017

Les résultats du Front National, qui dans certains départements frôlent les 50% - et les dépassent dans deux ! - sont stupéfiants : quelque 11 millions d'électeurs (sur un peu plus de 47,5 millions d'inscrits) ont accordé leur suffrage à Marine Le Pen, malgré sa prestation plutôt consternante à l'occasion du débat télévisé de l'entre-deux-tours, un tiers des électeurs ne s'étant pas rendus aux urnes s'ils n'ont pas voté blanc ou nul : la candidate du FN réunit donc 34,2% des voix exprimées contre 65,8% pour Emmanuel Macron (estimation du 7 mai 2017 à 23h30) et un peu moins de 25% des inscrits.

Les élections législatives devant se tenir les dimanches 11 et 18 juin 2017, cette histoire n'est pas finie : en cas de victoire de la droite parlementaire, dont les députés sont tout de même bien installés dans leurs circonscriptions, le projet d'Emmanuel Macron risquerait d'être compromis car "Les Républicains", si tant est qu'ils soient majoritaires à l'Assemblée Nationale en juin, feront probablement tout pour obtenir un gouvernement de "cohabitation" et court-circuiter le Président élu (*).


Le problème majeur posé autour de cette élection est la question de l'Europe : si - à en croire, non le premier, mais ce second tour - une majorité d'électeurs souhaite que la France continue d'en faire partie, il s'agit de savoir de quelle Europe nous parlons. Or, cette question a déjà été mal posée lors du Référendum de 2005 où il ne fallait pas se prononcer pour ou contre l'Europe (et encore moins pour ou contre le Président Chirac !) mais pour ou contre l'Europe libérale actée par le Traité de Lisbonne.

Cette question est une fois encore passée à la trappe, alors que notre survie dépend de la mise en œuvre d'une Europe politique et surtout sociale. Or, on ne l'obtiendra pas sans mettre sur la table une révision du Traité de Lisbonne à l'échelle continentale, c'est-à-dire en impliquant tous les pays de l'Union. Pourtant, à ma connaissance, aucun des programmes présentés au cours de cette élection française ne formule cette exigence de façon réaliste dans le cadre d'une négociation pan-européenne qui s'annonce longue et difficile. - Convaincus ou désespérés, onze millions de citoyens français ont voté en faveur d'un repli sur la "Nation". Et sept millions d'"Insoumis" n'ont pas vraiment compris - ou feignent de ne pas comprendre dans l'euphorie des fêtes populaires - que le plus important dans cette affaire est la négociation avec toutes les parties impliquées et - n'en déplaise à M. Mélenchon - l'Europe ne s'appelle pas seulement France et Deutschland, mais également Ἑλλάς, España, Portugal, Italia, Österreich, Česko, Polska, Magyarország, Belgique (ou België), Nederland, Danmark, Sverige, Irland etc.
Et il y a ici un vrai problème car si l'on fait la somme des résultats du premier tour de cette présidentielle, deux camps semblent - je dis bien semblent ! - s'opposer en France : celui des "euro-sceptiques" et celui des "euro-libéraux". M. Mélenchon, qui revendique une révision du Traité de Lisbonne et une Europe sociale, a été très clair : si ses propositions de réforme radicale n'étaient pas acceptées, il tournerait le dos à l'Europe. Or, avec la façon musclée et intransigeante dont il présente ces réformes qui semblent ne souffrir aucun compromis, celles-ci n'ont aucune chance d'être acceptées par nos partenaires européens : il fait donc partie du premier camp qui, avec Mme Le Pen et M. Dupont-Aignan, taquine les 50% des suffrages exprimés au premier tour. Quant aux défenseurs de l'Europe libérale, ils visent le maintien du statu quo à tout prix, en continuant de sacrifier au court terme, malgré le naufrage prévisible ou déjà manifeste. À moins que dans un élan gorbatchevien, M. Macron et Mme Merkel - qui, selon les estimations actuelles, risque fort de battre M. Schulz (SPD) en septembre -  se rendent à cette évidence : l'Europe sera politique et sociale ou ne sera plus !

Or, les élections du Parlement qui vont suivre - comme celles du Bundestag en septembre 2017 - se joueront très certainement une fois encore sur des enjeux nationaux. Sans parler des Européennes de 2019 qui, avec la façon dont elles sont organisées et présentées, seront à nouveau considérées comme des élections sans importance, tout juste bonnes à assurer une planque à Bruxelles pour tel ou tel apparatchik. Afin de pouvoir d'autant mieux déplorer une Europe "technocratique". Car les cheftaines et chefs nationaux ou locaux n'ont aucune intention d’œuvrer à leur propre suppression et celle des structures qui leur confèrent le pouvoir et les honneurs qu'ils convoitent depuis la nuit des temps ...

__________________________ 

Résultats officiels (8 mai 2017 à 2h15) sur le site du ministère de l'Intérieur

France Entière

"Résultats incomplets calculés sur la base de 99.99% des inscrits reçus" (sic !)

Résultats au 2d tour de l'élection présidentielle 2017

Liste des candidatsVoix% Inscrits% Exprimés
M. Emmanuel MACRON20 703 69443,6366,06
Mme Marine LE PEN10 637 12022,4233,94


Nombre% Inscrits% Votants
Inscrits47 448 929
Abstentions12 041 31325,38
Votants35 407 61674,62
Blancs3 006 1066,348,49
Nuls1 060 6962,243,00
Exprimés31 340 81466,0588,51

("En raison des arrondis à la deuxième décimale, la somme des pourcentages peut ne pas être égale à 100%")

(*) Devant le raz-de-marée du parti présidentiel - "La République En Marche" (LREM) - avec son nombre élevé de "ralliements" venus de la droite et de la gauche, l'hypothèse d'une cohabitation ne s'est pas vérifiée (voir également ci-dessus) [juin 2017].

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire