vendredi 24 novembre 2017

GroKo-Deal ?



Après le "non" catégorique de Martin Schulz (SPD) à une réédition de la Grande Coalition (GroKo) avec l'Union (CDU/CSU) d'Angela Merkel et celui de Christian Lindner (FDP) à une Jamaika-Koalition avec l'Union et les Verts, l'Allemagne fédérale se voit confrontée à l'une de ces situations inattendues qui se sont multipliées ces derniers temps : Brexit, Trump, Macron...

Si le Nein de M. Lindner reste à ce jour difficile à comprendre, M. Schulz ne pouvait qu'opter pour l'opposition devant la chute libre des sociaux-démocrates en septembre 2017 après quatre ans de "collaboration" avec Mme Merkel...

Or, l'entretien de ce jeudi avec le président allemand, Frank-Walter Steinmeier, a apparemment "fait bouger les lignes", comme dirait l'autre : Papa Schulz est désormais prêt à discuter avec Maman Merkel pour une éventuelle annulation du divorce annoncé...

En effet, les deux autres solutions pour sortir de l'impasse semblent peu convaincantes : d'un côté, un gouvernement Merkel minoritaire, qui resterait très instable et peu efficace ; de l'autre, de nouvelles élections, qui risqueraient de confirmer le résultat de septembre ou en tout cas de ne pas dégager une majorité claire de droite (CDU/CSU/FDP) ou de gauche (SPD/Les Verts/Die Linke)...

Alors il faudra bien - je suppose que les camarades Schulz et Steinmeier se seront mis d'accord sur ce point - mettre un mouchoir sur ses convictions profondes et faire le meilleur deal possible avec la chancelière - tant pis si le SPD y laisse encore des plumes : l'important, dit-on, c'est la stabilité du futur gouvernement allemand, mais aussi la nécessaire réforme européenne, défendue, semble-t-il, par le nouveau président français, qui se retrouve actuellement un peu seul avec ses belles déclarations d'intention...

Pourtant, le tour n'est pas joué, et les négociations s'annoncent longues et ardues : d'abord - Martin Schulz l'a déclaré - la base du SPD sera appelée à voter pour ou contre une nouvelle participation sociale-démocrate au gouvernement, et à ce jeu-là on ne gagne plus à tous les coups ; et puis - si négociations il y a - elles ne commenceront sans doute qu'après les assises du parti prévues le 7 décembre 2017 où - tous les camarades interrogés s'accordent à le dire - M. Schulz sera confirmé à la tête du SPD, même si le doute a pu subsister à ce sujet...

***

Pour expliquer la situation présente, il y a un paramètre que les uns et les autres préfèrent apparemment ignorer au possible : le surprenant résultat des populistes de l'Alternative pour l'Allemagne (AfD) qui, au Bundestag, occupent actuellement 94 sièges sur 709 (avec 12,6% des voix contre 4,7% en 2013). - Si, pour simplifier les calculs, on enlevait ces sièges en supposant que les populistes n'aient pas, comme en 2013, franchi la barre des 5% des voix nécessaires pour entrer au parlement, la majorité serait à 308 sièges : assez pour une coalition Union / Libéraux (326), mais également pour une alliance Union / Les Verts (316).

Mais pourquoi cette ascension fulgurante des populistes dans un pays qui a connu douze ans de dictature barbare et meurtrière ? - Est-ce parce que les partis dits "de gouvernement" se ressemblent trop ? Est-ce donc la conséquence d'alliances "contre nature", comme cette coalition entre sociaux-démocrates et chrétiens-démocrates ? Et puis la politique d'immigration d'Angela Merkel en 2015 - avec sa fameuse déclaration : "Nous y arriverons" ("Wir schaffen das") - n'a-t-elle pas contribué à cet essor formidable du repli sur soi, de la xénophobie, de l'hostilité au projet européen, savamment alimentés par les harangues d'idéologues surgis du passé le plus sombre de l'Allemagne ? - Car, de l'autre côté de la barrière, les problèmes des pauvres - "les plus démunis", comme on aime à dire - et des travailleurs précaires ne sont pas - loin s'en faut - résolus par l'introduction du salaire minimum, imposé par le SPD au 1er janvier 2015 en République fédérale. Beaucoup d'autres mesures seraient nécessaires pour sortir les gens de la précarité, et elles seraient réalisables car, dans l'Allemagne actuelle, le chômage est au plus bas et les caisses de l'État sont pleines...

Devant ce genre de problèmes purement économiques et sociaux - qui réclameraient donc la réduction de la précarité, c'est-à-dire entre autres : des logements abordables, l'amélioration des conditions de travail et le renforcement de la protection sociale pour redonner confiance aux "couches laborieuses" qui, en fin de compte, produisent "nos" richesses ou, au choix, font "tourner la baraque" - les histoires d'intégration et d'insécurité fonctionnent comme un paravent, un "écran total" : de faux problèmes appelés à masquer le démantèlement progressif de l'État social qui, seul, serait à même d'assurer et de maintenir la cohésion de nos sociétés. - Le reste n'est que de la très mauvaise littérature à l'intention de pauvres gens abrutis par un travail stupide, des minima sociaux honteux, des bonimenteurs sans vergogne et une industrie du divertissement à la limite de l'analphabétisme...

Dans cette perspective sociale-démocrate esquissée à l'instant, une nouvelle grande coalition n'est en effet souhaitable qu'avec beaucoup de réserves. Car jusqu'où Angela Merkel pourra-t-elle "aller trop loin" pour se maintenir au pouvoir, et jusqu'à quel point Martin Schulz devra-t-il céder en risquant que le SPD se fasse définitivement broyer pour finir par ressembler au PS français après le passage du rouleau-compresseur Macron ?

C'est ce que les JuSos - les comités de travail des jeunes du SPD qui comptent 70.000 membres et représentent "l'avenir du parti" - ont dû se dire ce vendredi soir à Sarrebruck, où Martin Schulz est venu tenir un discours difficile : "No more GroKo", ont-ils scandé, tandis que le patron avait tout le mal du monde à contenir leur fougue, qui n'était pas seulement le fait de la jeunesse...


[à suivre]

2 commentaires:

  1. Bonjour SK, et meilleurs voeux. Finalement, c'est reparti pour un tour avec la Grande Coalition, si les militants valident le programme.

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    1. En retard : Bonne année à vous aussi ! Pour le reste, wait and see, je ferai une petite note quand cette affaire aura décanté...

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