samedi 28 avril 2007

[France 2007] Bayrou | Débat

France 2007


Bayrou recentre le débat
(26 avril 2007)


Au moment où F. Bayrou s’adresse à la presse, Ph. de Villiers appelle à voter pour N. Sarkozy qui, un peu plus tard, fait une prestation télévisée sur TF1 (20:10) avant que S. Royal ne fasse la sienne sur France 2 (21:00). Le bilan de cette journée hautement médiatique d’hier (25 avril 2007) reste mitigé : l’annonce attendue d’un nouveau parti démocrate par M. Bayrou, qui n’aura donné aucune consigne de vote à ses quelque 7 millions d’électeurs sans cependant se priver de faire un grand nombre d’allusions permettant aux commentateurs de donner libre cours à leur imagination, l’essoufflement de M. Sarkozy qui, pour la première fois peut-être, est apparu comme un perdant potentiel ou, si l’on préfère, comme un challenger, et enfin la cacophonie qui régna sur le plateau de la chaîne publique où les deux journalistes (Arlette Chabot et Gilles Leclerq) n’ont cessé de couper la parole à Ségolène Royal. Cette dernière prestation de plus de 90 minutes a sans doute été particulièrement pénible pour la candidate socialiste car, interrogée sur tous les sujets possibles et imaginables d’une façon pas toujours correcte, si l’on admet qu’il faut laisser parler les gens, elle n’a que difficilement pu aller au bout de ses idées en faisant cependant preuve de présence d’esprit et d’humanité. Mme Royal doit en effet "tendre la main" à son électorat potentiel du centre-gauche sans décevoir les antilibéraux qui lui ont, au soir du premier tour, donné carte blanche en appelant à voter contre le candidat sortant, une épreuve dont elle s’est d’ailleurs plutôt bien sortie, quoi qu’en pense A. Krivine, porte-parole d’O. Besancenot, qui commence à amender les options prises par son mouvement pour le second tour. Soumis à une épreuve plus courte et des questions succinctes qui lui ont permis de s’exprimer librement, Nicolas Sarkozy n’a pas vraiment convaincu : certainement plus médiatique que sa rivale, il s’est laissé aller à la facilité de la répétition et de la réduction de complexité tout en cherchant à ouvrir lui aussi la porte vers le centre-gauche en reprenant, d’une façon un peu moins crédible, certaines idées séduisantes pour l’électorat de M. Bayrou qui ne lui est pas vraiment favorable. En effet, le leader centriste a fustigé le candidat de l’UMP au cours de sa conférence de presse: "Nicolas Sarkozy, par sa proximité avec les milieux d’affaires et les puissances médiatiques, par son goût de l’intimidation et de la menace, va concentrer les pouvoirs comme jamais ils ne l’ont été. Par son tempérament, et les thèmes qu’il a choisis d’attiser, il risque d’aggraver les déchirures du tissu social, notamment en conduisant une politique d’avantage au plus riche." Et l’on a également pu noter un léger avantage pour la candidate du PS dans l’esprit de François Bayrou, qui adresse cependant une critique sévère au programme trop étatiste des socialistes: "Ségolène Royal paraît mieux intentionnée en matière de démocratie, encore que le parti socialiste n’ait rien fait quand il était au pouvoir pour corriger ces maux, plus attentive à l’égard du tissu social, mais son programme, multipliant les interventions de l’État, perpétuant l’illusion que c’est à l’État de s’occuper de tout, et qu’il peut s’occuper de tout, créant je ne sais combien de services publics, va exactement à l’encontre, en sens contraire, des orientations nécessaires pour rendre à notre pays et à son économie leur créativité et leur équilibre." Ce soir (26 avril 2007), les dispositifs très différents de TF1 et de France 2 seront inversés : Mme Royal sera face à MM. Poivre d’Arvor et F. Bachy de la chaîne privée, tandis que M. Sarkozy affrontera les feux croisés de Mme Chabot et M. Leclerq. Ce sera la dernière épreuve médiatique avant le duel télévisé du 2 mai 2007 (21:00) qui déterminera sans doute le choix de ces électeurs de François Bayrou, qu’il faut désormais appeler les "démocrates".

Démocratie à la Française
(27 avril 2007)

Sans doute faut-il régler un certain nombre de choses dans la démocratie française, comme l’influence grandissante des sondages sur l’opinion publique et l’organisation des débats entre candidats souhaitant prendre à témoin cette même opinion publique, par exemple en mettant l’accent non plus sur les points de discorde mais sur des accords qui pourraient être trouvés en vue d’une rénovation indispensable la vie politique et sociale du pays. D’un côté, on note que tous les instituts de sondage français misent systématiquement sur le même homme depuis le début de la campagne et que la publication de leurs résultats unanimes reste possible jusqu’à l’avant-veille du scrutin lui-même; de l’autre, on constate qu’il a été impossible d’organiser des débats entre les candidats présidentiables dès avant le premier tour afin que l’électorat puisse se faire une opinion personnelle et "juger sur pièces"; de plus, on peut craindre que seul le débat entre les deux "finalistes" aura lieu, alors que 18,5% des électeurs ont donné leurs suffrages à un "troisième homme" qui entend bien peser sur le scrutin du 6 mai 2007, ce qui paraît légitime. Plus avant, il semble que le régime présidentiel à la française, avec tous les risques de concentration du pouvoir qu’il comporte, n’est plus compatible avec le paysage politique actuel, qui tend aujourd’hui vers un gouvernement de coalition entre un "centre démocratique" et une "social-démocratie", deux nouveaux mouvements politiques en France, qui se heurtent encore au poids du passé et des traditions. Si l’on veut que le scrutin du 22 avril 2007 se traduise dans les faits, ce qui serait la moindre des choses pour une démocratie moderne, il faut profondément rénover le système électoral en donnant du poids au parlement, appelé à élire le chef du gouvernement par le jeu des alliances entre fractions parlementaires. Si le président peut continuer d’être élu au suffrage universel, son pouvoir devrait être réduit pour, par exemple, se limiter à une "Haute Autorité" garante de la Constitution avec une option d’intervention et de décision finale dans des situations de crise intérieure et extérieure. Mais c’est à l’Assemblée Nationale, qui pourrait être élue à la fois avec une bonne dose de proportionnelle et un "numerus clausus" à 5%, qui obligerait les petits partis à se regrouper pour entrer au parlement, de valider la proposition d’un Premier ministre faite par le chef de l’État ou, le cas échéant, de voter la défiance. Or, le système étant ce qu’il est, on peut craindre que le scrutin du 22 avril 2007 n’influencera que très moyennement, voire pas du tout, la politique effectivement suivie au cours de ces cinq prochaines années, ce qui donnera un espace encore plus grand à la "politique virtuelle", mise en scène par les sondages et les médias, et à la prévisible manipulation de l’opinion publique, frustrée pour combien de temps encore d’une "démocratie réelle" que, pourtant, elle appelle de ses voeux, à en croire la sanction des urnes, que l’on tente d’ignorer par tous les moyens.




Débat ou dialogue ?
(28 avril 2007)

Doit-on appeler débat ou dialogue la rencontre entre François Bayrou et Ségolène Royal ce 28 avril 2007 ? Toujours fallait-il écouter RMC ou regarder BFM pour suivre leur discussion en direct, les sites de ces deux diffuseurs associés étant difficilement accessibles ce matin vers 11:00, heure annoncée pour ce rendez-vous qui, semble-t-il, n’a pas pu être réalisé sur une antenne publique ou moins confidentielle.


Petit compte-rendu

A la question liminaire et désormais rituelle du modérateur principal, O. Mazerolles, sur une "consigne de vote" ou un éventuel "soutien", F. Bayrou comme S. Royal ont déclaré qu’il n’était pas question de "ralliement", que cette rencontre avait un autre sens, qui s’est d’ailleurs très vite imposé au public, car il semble qu’il soit possible de parler des véritables problèmes en cherchant non plus seulement à mettre en exergue les points de désaccord, avec l’agressivité et la partialité que cela comporte, mais en avançant également vers des stratégies communes, en trouvant des solutions acceptables pour une majorité de citoyens. C’est sans doute la naissance d’une nouvelle façon de parler ensemble, moins désobligeante et simpliste, où l’humour et l’esprit ont leur place, ce que les deux politiciens n’ont pas manqué de prouver, peut-être pour la première fois dans l’histoire récente de France, sans pour autant sacrifier à une politique d’alliance totalisante, dépouillant les interlocuteurs de leur caractère propre, de leur originalité ou, si l’on veut, de leurs "différences constructives". Avec une série de points communs sur la nécessaire réforme de l’État, du parlement et des futurs scrutins législatifs, plusieurs divergences sont apparues: Sur la question de la dépense publique, notamment sociale, François Bayrou remarque que "l’État n’a plus un sou", que les "partenaires sociaux" doivent négocier sans en appeler aux finances publiques. Par contre, il s’accorde avec Ségolène Royal sur l’augmentation des minima sociaux, en particulier des petites retraites et du minimum vieillesse, concédant qu’il serait "plus dépensier" que son interlocutrice sur ce plan-là, en invoquant les 640 euros de retraite que touche sa mère. Dans certains emplois subventionnés, S. Royal voit quant à elle un investissement de l’État sur l’avenir et donc une possible rentabilité à moyen ou plus long terme; elle pense également que les énergies renouvelables représentent un domaine d’activités porteur dans lequel l’État peut investir sans avoir à redouter des pertes financières puisque l’on contribuerait ainsi à relancer la croissance. De son côté, M. Bayrou reste partisan de l’énergie nucléaire, même s’il est d’accord pour remettre le projet de construction de l’EPR sur la table de négociation, alors que le gouvernement sortant vient de l’avaliser à la hâte et sans concertation préalable. Il approuve également le maintien de la carte scolaire, en renvoyant dos à dos N. Sarkozy, dont par ailleurs on n’aura pas beaucoup parlé lors de cette rencontre, et S. Royal, qui se défend de cette identification avec un rire un peu rauque et plutôt séduisant, en invoquant le soutien scolaire gratuit qu’elle accorderait, dès la rentrée 2007, à tous les élèves en difficulté et qui pourrait être effectué à titre gracieux par des étudiants boursiers dans le cadre de leur cursus universitaire et par des enseignants volontaires qui seraient alors payés en heures supplémentaires (contrairement à certaines affirmations dans une réunion piratée sur le Net, qui avait beaucoup fait jaser). Les deux SUITEont paru plutôt en accord sur l’analyse des problèmes dans les quartiers réputés "difficiles", même s’ils divergent quelque peu sur les solutions qu’il convient d’y apporter, comme la sanction pénale dès le premier acte de délinquance ou la création d’internats de proximité, préconisés par Mme Royal, qui aura montré plus d’autorité dans la discussion que lors de ses précédentes prestations télévisées (voir ci-dessus). Ce sont encore des éclats de rire et des applaudissements qui, avec la question rituelle du modérateur restée une nouvelle fois sans réponse, ont clos cette rencontre plutôt intéressante, vivante et importante pour l’avenir de la démocratie en France. Lorsqu’on leur demande, avec une naïveté feinte ou réelle, s’ils comptent "vivre ensemble", les deux politiciens ont formellement démenti, et Ségolène Royal d’éclater dans un nouveau rire rauque: "Il s’appelle François, mais n’exagérons rien...!" Quant au fondateur du nouveau "parti démocrate" français, il renvoie au "débat" du 2 mai, auquel le candidat sortant continue de penser en termes de "finale", comme s’il s’agissait d’une simple rencontre sportive, pour décider du nom qu’il glissera dans l’urne le dimanche 6 mai 2007, en même temps que 6,8 millions d’autres électeurs "démocrates", promis à rester, pour la semaine et sans doute les mois, voire les années à venir, au "centre" des préoccupations, tant à droite qu’à gauche.



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