samedi 4 juillet 2015

Mauvais temps pour l'Europe

άσχημη περίοδος για την Ευρώπη

La « crise de la dette » actuelle a ceci de particulier que son issue est devenue totalement imprévisible, non seulement pour la Grèce, mais pour l'Europe entière et « globalisation » oblige pour l'ensemble du système économique mondial via les marchés financiers.

Il existe pourtant un large consensus sur l'erreur consistant à introduire une monnaie commune sans un début d'harmonisation fiscale et « sociale » des différents pays appelés à l'adopter. Depuis Maastricht jusqu’à Lisbonne, cette erreur a été perpétuée avec une foi inaliénable dans la puissance quasi « surhumaine » pour ne pas dire divine émanant de ces nouveaux temples que sont les établissements financiers. En effet, à côté du silence religieux qui règne habituellement dans ces lieux véritablement « cultes », un billet de banque ne vaut que si tout le monde partout et en même temps - « croit » en sa valeur.

Dans cet esprit, les responsables européens du moment cherchent encore et toujours à « sauver » l'euro, sans rectifier l'erreur initiale : ainsi, la réalisation pourtant indispensable d'une « Europe sociale » est sans cesse renvoyée aux calendes grecques !

Il est donc impossible que les parties engagées dans la négociation actuelle puissent s'entendre car les uns parlent « chiffres rouges » et « austérité » quand les autres cherchent à obtenir un peu de justice sociale, à commencer par un taux raisonnable de l'impôt le plus injuste, qui touche riches et pauvres de la même manière : la taxe sur la valeur ajoutée (TVA).


Sans doute les spécialistes ont-ils raison d'insister sur la faute cumulée des différents gouvernements qui se sont succédé en Grèce depuis son intégration dans la zone euro en 2001 : cette adhésion ayant subitement permis à l'État d'emprunter à des taux relativement très bas, celui-ci ne s'en est pas privé, et le pays aura vécu largement au-dessus de ses moyens. De même, tout le monde s'accorde à dire que la Grèce ne remplissait pas les critères fixées par l'Europe lors de son entrée dans la zone euro. Certains ajoutent qu'elle n'y a été admise – sur la base d'une comptabilité truquée – qu'en raison de son statut – non usurpé ! – de « berceau de l'Europe » où – voici deux millénaires et demi – les bases de la politique et de la démocratie, de la philosophie et des sciences, du théâtre et des arts « à l'Occidentale » ont été jetées.

À mon sens, tout le problème est là : ce rôle symbolique de « nation fondatrice » n'excuse et n'efface pas les dettes monumentales qui ont été contractées par l'État grec moderne ; mais les dettes ou la faillite de cet État-là ne sont pas une raison suffisante pour exclure de l'Europe (zone euro et UE confondues) la Grèce qui a vu naître les plus illustres esprits à l'origine de notre civilisation européenne.

Je reviens à mon propos liminaire : il est devenu très difficile de prévoir l'issue de la crise actuelle et ses conséquences pour le projet européen. Dans le pire des cas, l'interaction de plusieurs facteurs – de nature très différente – risque ici de produire une réaction en chaîne d'effets négatifs qui finiront par échapper à tout contrôle. Dans le désordre : instabilité croissante de la monnaie commune, montée en puissance des « eurosceptiques » désireux de reconquérir leurs autonomies nationales perdues, démantèlement des législations sur le travail au nom de l'austérité et du « moins-disant social », déperdition de la force symbolique du « projet européen », déficit du sentiment d'appartenance commune et de la solidarité « inter-nationale ». Mais surtout : l'Europe aura une fois de plus – une fois de trop peut-être – fait preuve de faiblesse, d'irrésolution devant l'urgence, d'impuissance à trancher, à imposer une décision aussi juste que possible sur ces trois plans : économique, politique et social. Trois plans qui, en vérité, ne devraient former qu'un seul et même espace de négociation...

4 juillet 2015
écrit en pensant au grand-père d'Ioannis,
qui ne possède pas de carte bancaire



Post-scriptum

Voici peu de temps, un autre référendum a été proposé. Or, il n'est pratiquement jamais mentionné dans le contexte actuel, comme si l'on craignait d'étendre le débat à l'Europe entière et donc à l'essentiel. J'avais alors écrit ceci :

C'est l'Europe qui devrait poser des conditions au Royaume-Uni, et non l'inverse. À commencer par un agenda pour le passage à l'euro. Or, au nom des citoyens britanniques, qui ne lui ont certainement pas tous donné mandat pour ça, Mr. Cameron exige le maximum sans aucune contre-partie. Autrement dit, au moyen d'un chantage à peine voilé, il compte imposer un cours encore plus libéral à l'Europe, sans même adopter sa monnaie, et ne daignera s'investir dans le maintien du Royaume-Uni en Europe que si certaines concessions lui sont faites qui nous éloigneront encore davantage de l'Europe sociale et d'un élan de solidarité continentale absolument indispensable pour la sauvegarde de l'Union.

Dont acte !

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Une page sur la dette grecque > France Culture
Une page sur le référendum > France TV
Dette publique des états de l'Union européenne en 2014 > Wikipédia


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Commentaires des blogueurs/gueuses de l'Obs


  • Bonjour SK, je vois que nos positions sur ce sujet se sont rapprochées. Ceci étant, je ne pense pas que l'UE souhaite pousser la Grèce hors de l'euro et de l'Union, mais la maintenir sous pression. Inutilement parce que chacun SAIT (mais sans l'avouer souvent) qu'elle ne remboursera jamais la totalité, et que les intérêts versés sont disproportionnés. Bien sûr, on ne peut purement et simplement passer l'éponge, car les créanciers sont les contribuables des autres états, ou l'épargne des ménages. La BCE peut intervenir pour racheter certaines créances et les détruire, mais le problème est plus large, la plupart des états de l'Union sont confrontés à une dette cumulée dont les intérêts sont une sorte de rente perpétuelle pour les établissements financiers et gros comptes (notre épargne n'en profite guère, car elle sert de réceptacle aux titres pourris). Un "audit" global de la dette (comme préconisait le FdG) devrait être effectué, et des solutions "innovantes" (c'est le moment de placer le mot en vogue) trouvées pour cesser de faire rouler la boule de neige. L'Allemagne a bénéficié de moratoires sur le solde de sa dette après chacune des guerres mondiales, d'autres états sont fondés à exprimer des doléances pour leur propre dette actuelle, mais de manière homogène et concertée, pas à la tête du client. Et bien sûr l'harmonisation explicitement exclue par le traité de Lisbonne doit devenir un objectif majeur.

  • Totalement d'accord avec vous sk !..Qui pourrait trouver une contre argumentation un tant soit peu acceptable suivant l'honnêteté intellectuelle et démocratique ?...Vous avez bien fait d'ajouter le "cas" britannique ! c'est un scandale
    mais..la City (que j'évoquais dès le début de la problématique grecque, voilà une quinzaine) est à Londres ! le repère de
    tous ceux qui ont un intérêt majeur (vital ?) à ce que le petit peuple européen (et du sud en particulier) demeure
    corvéable à merci.. selon le fameux principe : l'individualisation, le club fermé des bénéficiaires des rentes et la mutualisation des pertes et déconfitures (voir la reprise des créances pourries des banques par les budgets des états en 2010 "pour éviter une catastrophe financière majeure" !!) bref : le "moyen âge" du XXIème siècle !
    La taille, la gabelle, pour que le seigneur puisse guerroyer ! (Bruxelles en est encore à Adam Smith..des réactionnaires)
  • Totalement d'accord SK, voir ce que j'ai posté hier sous le titre "une histoire de famille"
  • Verser 15 milliards pour que le pays en rembourse 5 (FMI+UE), autant consacrer cette somme pour éponger 15 milliards de dette (j'ai cru comprendre que c'était à peu près le sens de la propal de DSK).
    Mais un audit général des dettes dans l'eurozone devra être effectué, car d'autres pays ploient aussi sous le poids d'une dette insupportable, et on ne peut éponger la dette des cigales en étant intransigeant sur celle des fourmis.
  • Merci pour vos interventions...
  • La Germanie qui reproche à la Grèce de ne pas être assez orthodoxe… un comble !
    Et tout ça pour des chiffres rouges, des "calculs"— qu'en dirait Heidegger et sa ré(f/v)érence à l'exclusive origine de l'occident ? —le mot est facile, ok.

    Voir le logo de l'Euro (€) avec un épsilon majuscule (∑), ça faisait bien dans la poche, surtout qu'alors les tentations identitaires ne nous taraudaient pas autant. Mais comme d'hab, on veut bien piquer ton truc (ta bible, ta démocratie, tes letttres, tes fétiches, ta musique, tes soldats et tes meufs) mais faudrait pas croire pour autant que tu fais parti du club.

    C'est sans doute une coincidence que cette crise piétine à l'endroit d'une vielle frontière religieuse au sein du christianisme. A partir de la Grèce orthodoxe vers l'est, l'orient décline la chrétienté en une multitude de dénominations à donner le tournis au bon catholique romain, qui en a d'ailleurs fait table rase pour imposer sa vulgate en religion d'état.
    Mais ce qui est récurrent c'est le bon dos de l'économie (mesurée selon des principes à la fois très centralisés et changeants selon modes & intérêts) pour s'y enfoncer en toute inconscience. Comme si notre laïcité n'était qu'une prétention.

    Portant le même Macron a déclaré: "Nous avons co-produit la dette grecque". Mais c'était pour rire.
  • Cette exégèse religieuse de l'"orthodoxie" financière vaut son pesant de dorures byzantines. Mais on a tous remarqué que le "non" en grec ressemble phonétiquement à notre "oui" -et leur "oui" à notre "non"-, que de malentendus !
  • (notre) oui, en effet. Mais c'est aussi un problème d'image. Images interdites / icôniques & rares / militantes. (je ne connais pas assez l'histoire du shisme pour élaborer. Mais par chez nous, avec le moteur de la contre-réforme ou pas, c'est l'abondance d'images, c'est clair comme une mosquÉglise espagnole.

    La représentation économique du monde est certes une pierre angulaire du réel, qui cerne assez bien la situation dans son genre; et cela justifie son abstractions et ses chiffres & termes techniques. Mais faut-il pour autant en être obnubilé au point de ne plus voir, ou de ne plus pour parler l'histoire, notamment politique et récente, du monde? (réunification, jeux olympiques, conseils de financiers américains … il y avait aussi cette loi, en Allemagne, qui exonérait d'impôt les investissements en Grèce (bateaux bateaux, comme notre loi machin pour les DOM).
    Mais l'évaluation économique elle-même dépend de "la confiance" des marchés et de facteurs psychologiques insaisissables, donc de l'histoire ne serait-ce que pour son avenir.

    L'économiste Paul Krugman (du NYT) a dit il y a déjà longtemps que le problème de la Grèce, c'est qu'elle n'est pas le Texas ! Au début des années 90, l'état du Texas était insolvable, encore pire que la Grèce parait-il. Mais voilà, le Texas est un des états-unis-d'Amérique, une fédé ou la solidarité fonctionne. Aussi la banque centrale n'a pas trop fait ni une ni deux : elle a sauvé la mise et renfloué le Texas qui, dix ans plus tard, a retrouvé une pleine forme économique à faire pâlir plus d'un.

    Mais ça c'est un conte avant de dormir…
  • @Nolats

    Dans votre 1er commentaire assez lumineux, parce qu'il pousse l'analyse éco jusqu'à l'interprétation de la situation globale plutôt que de verser dans le blâme, vous écrivez :
    « mais le problème est plus large, la plupart des états de l'Union sont confrontés à une dette cumulée dont les intérêts sont une sorte de rente perpétuelle pour les établissements financiers et gros comptes (…)
    Un "audit" global de la dette (comme préconisait le FdG) devrait être effectué … »

    Qui est FdG ?
    Pourriez-vous expliquer un peu comment la boule de neige en arrive a profiter aux financiers ?
    Qui pour faire l'audit global ?
  • Le FdG c'est le Front de Gauche, l'idée de l'"audit de la dette" avait été formulée par Jean-Luc Mélenchon notamment, je reprends l'idée, non que je souscrive à la totalité des points de vue de celui-ci. Qui peut le faire et comment, disons qu'il y a actuellement des négociations au sein de l'UE spécifiquement sur le cas de la Grèce, les mêmes acteurs pourraient plancher sur le cas plus général des états endettés de l'UE, après tout, ce sont eux les "sachants" et les "pouvants" pas vous et moi.
    Ce qui profite aux financiers, ce sont les intérêts versés "à perpétuité", garantis par les biens publics et l'épargne des ménage ...ou par les états voisins.
  • Si j'avais à donner un petit conseil : essayons de nous exprimer clairement et simplement en matière
    économique SVP : l'économie c'est simple et élémentaire, elle n'est aucunement une science même si
    elle peut recourir aux opérations de calcul mathématiques..Il suffit qu'elle se conçoive bien..

    La Dette/Investissement (au sens strict) est devenue au fil du temps Crédit Révolving pour pouvoir dépenser dans un contexte d'Offre institutionnalisée.. Les prêteurs décident du niveau des intérêts à leur verser (!!) et il n'y a que cela qui les préoccupent et non le fait générateur. Peu importe la situation du débiteur. (il n'avait qu'à pas succomber aux sirènes de la Pub "dolce vita", et au panurgisme de masse que les prêteurs ont incités à construire et que les Pouvoirs Publics relayent avec une belle démagogie. Là, aujourd'hui, nous en sommes au quasi niveau de la "Commission de Surendettement de la BdF" : On va peut être donner aux Grecs "à titre humanitaire" comme dit Junker..

    Qui pour faire un audit général des situations des uns et des autres en UE ?..MAIS PERSONNE voyons !..
    Y a que sous le régime bolchevik qu'il était exigé de faire immédiatement "autocritique" ! :-)
    Surtout si l'on en faisait la genèse..l'historique..Au moment de la reddition des comptes, et de décider
    qui paye quoi, qui paye qui, nous assisterions à une foire d'empoigne telle que l'UE exploserait sur le
    champ. Idem si l'ON s'avisait de vouloir orienter la politique commune vers une Europe Sociale !
    Ceux qui président à nos destinées à Bruxelles sont des business men, pas des mères Thérésa..
    Entre nous, la tête à Tsipras (et surtout ex. Varoufakis) ou la tête à Junker, c'est enfants de chœur ?
  • J’ai dit à Varoufakis : « Nous devons faire savoir qu’ils sont en train de commettre un crime équivalent à un crime contre l’humanité. Toute l’économie du pays est détruite. Les gens sont pauvres et sans logis, y compris les enfants. C’est cela la situation. Ces faits ont été conduits de façon intensive pour conduire à une forme de chantage qui est un crime par rapport aux lois internationales, aux traités européens. Nous ne pouvons continuer comme cela car cela reviendrait à ce que nous légitimions ce crime. » Pour moi, c’est abominable. Ce n’est pas une négociation, c’est un acte de torture, comme s’ils nous demandaient de donner les noms des partisans.v

    http://www.mediapart.fr/article/offert/86c629dfef9f2a22faf6cc1b21b0ee14

  • Excellente question dans le Canard ce matin : mais où se cache l'Internationale Socialiste ?
  • combien de divisions?
  • pardon, combien de billions?

  • Ce ne sont pes les divisions qui manquent au sein de la Gauche européenne.
  • Exact :-)
  • Joseph Stiglitz crie au désastre

    http://live.lesechos.fr/86/021203290886.php#xtor=RSS-8

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