samedi 30 mai 2015

Step Back, Mr. Cameron!


C'est l'Europe qui devrait poser des conditions au Royaume-Uni, et non l'inverse. À commencer par un agenda pour le passage à l'euro. Or, au nom des citoyens britanniques, qui ne lui ont certainement pas tous donné mandat pour ça, Mr. Cameron exige le maximum sans aucune contre-partie. Autrement dit, au moyen d'un chantage à peine voilé, il compte imposer un cours encore plus libéral à l'Europe, sans même adopter sa monnaie, et ne daignera s'investir dans le maintien du Royaume-Uni en Europe que si certaines concessions lui sont faites qui nous éloigneront encore davantage de l'Europe sociale et d'un élan de solidarité continentale absolument indispensable pour la sauvegarde de l'Union

Comme Michel Platini l'a dit ces jours-ci à propos de la FIFA : « je suis écœuré... enough is enough... » Mais reste la question cruciale : que pouvons-nous faire pour empêcher ça ? Je veux dire : l'abandon du projet européen, une nouvelle parcellarisation du continent, la résurgence de querelles intestines, de désirs de « revanche » et, en dernière conséquence, le retour des conflits armés entre « nations ». On peut en effet craindre le pire, car pour l'instant nous en prenons – lentement mais surement le chemin : d'un côté les ultra-nationalistes et les identitaires, qui occupent de plus en plus le terrain, jouent les arbitres dans cette partie truquée de la « construction européenne » et de l'autre les ultra-libéraux, qui ont cru pouvoir créer une « super-nation » sur la seule base d'une monnaie commune et de la levée des frontières, continuent d'exploiter le continent au profit d'un pouvoir financier, abstrait, global, et de détruire un à un les acquis sociaux conquis de haute lutte.


« Diviser, c'est gouverner » : jamais cette sentence n'a été plus appropriée pour décrire la politique actuelle en Europe. Et la gouvernance est claire : tout pouvoir à l'argent, aux « investisseurs », aux « rendements », ce qui implique le désormais légendaire « moins-disant social », c'est-à-dire le démantèlement de toute législation sur le travail quelque peu contraignante pour l'employeur, l'automatisation à outrance et la dévalorisation progressive du travail humain, ou même de l'humain tout court. Sans oublier une formidable cure d'amaigrissement de la sphère publique et la « privatisation » des biens et des entreprises étatiques. - À cela s'ajoute la perversion de la démocratie européenne - élections du parlement, référendums - instrumentalisée et subordonnée aux soi-disant « intérêts nationaux », ou mieux : à la cuisine électorale des différents États membres et des castes politico-médiatiques qui s'y partagent les ronds de cuir et les postes influents.

La seule solution aux problèmes actuels est une Europe sociale et donc un nouveau Traité de l'Union. Mais ni l'extrême-gauche (Front de Gauche, Die Linke, Syriza, Podemos etc.) ni la social-démocratie (SPD, PS etc.) ni les Verts ne poursuivent clairement ce but qui, face à la catastrophe présente, devrait être une priorité absolue par delà tous les clivages, les utopies des uns et des autres : or, les premiers refusent au possible toute alliance avec les autres forces dites de « gauche » ; les seconds, lorsqu'ils sont au pouvoir, poursuivent en gros la politique libérale de la droite parlementaire avec quelques aménagements pour contenter un électorat réputé « progressiste » ; les écologistes, enfin, voient l'essence de la politique à travers le prisme idéaliste du « changement énergétique » et du « développement durable », qui ne sont pourtant possibles qu'en renonçant à l'économie basée sur la croissance et donc en réduisant drastiquement les activités humaines. - C'est certes souhaitable, et la grande majorité des citoyens de ce monde devrait être d'accord avec ces idées, mais sont-elles actuellement réalisables ou ne s'agit-il pas, encore une fois, d'un simple discours destiné à masquer d'autres urgences, à apaiser les mauvaises consciences, à diviser les forces sociales, à divertir de ce qu'il est réellement possible d'obtenir si tant est que le mot « politique » ait encore un sens ?



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Commentaires


  • SK

    Je croyais que Cameron avait la majorité absolue. Il n'a donc pas besoin de l'UKIP. Sa promesse d'un référendum vient de la peur de perdre les élections. Je crois que même sans concessions, il proposera le oui, ce serait-ce que sous la pression des milieux d'affaires.

  • En effet, Benoît, merci pour cette rectification, je me suis basé sur les pourcentages > http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89lections_g%C3%A9n%C3%A9rales_britanniques_de_2015#D.C3.A9tails

    Du coup je supprime évidemment la note de bas de page...

  • L'Union Européenne a mis la charrue avant les boeufs en instaurant le "marché unique" SANS 'avoir procédé à une certaine harmonisation fiscale, sociale, et règlementaire (on nous l'avait promis lors du refeerndum sur Maastricht, ce fut sans suite). Mais en réalité c'est intentionnel: sous couvert d'un discours sur la fraternité des peuples, l'ancrage de la démocratie, etc, c'est le libéralisme intégral qui était visé, mettant les peuples et états en compétition, entrainant la course à la baisse des taxes, salaires, etc. Il y a juste un minimum de garde fous (qualité, sécurité, environnement), on prend plus soin de la biodégradabilité des emballages que de la protection sociale des emballeurs.
    A l'origine, la CEE était composée d'états ayant un niveau de développement et des standards sociaux assez proches, donc l'harmonisation naturelle pouvait fonctionner. Mais au gré des élargissements, les disparités se sont accentuées, avec désormais des niveaux de couts salariaux de 1 à 5 (voire davantage si on tient compte des disparités de change).
    Bizarrement, il y a des contraintes rédhibitoires dans certains domaines, et un laxisme complaisant dans d'autres (dumping de certains états, dérogations sur des traités, etc.). Les britons auraient tort de se priver de faire pression à leur convenance, ils ont déjà l'avantage de la maîtrise de leur monnaie, et un déficit public double du nôtre n'émeut pas la Commission. En cas de retrait de l'Union ils cesseraient de cotiser mais bénéficieraient de la quasi totalité de l'accès au marché unique.
    Je ne suis absolument pas certain que les peuples dont le pays est globalement bénéficiaire des disparités souhaitent une harmonisation qui leur ôterait des avantages compétitifs spécifiques. Ainsi on peut avoir en Roumanie un pouvoir d'achat équivalent avec un salaire nominal trois fois moindre qu'à l'Ouest, Renault n'aurait pas autant délocalisé chez Dacia si les couts avaient été identiques. Par ailleurs, le relai est en cours hors de l'UE (les 2/3 de la production Renault de Bursa (Turquie) sont exportées).

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