samedi 8 novembre 2014

Un certain 9 novembre

On peut se demander pourquoi cette date de la chute du mur de Berlin n'a pas été retenue comme jour de la fête nationale de l'Allemagne réunifiée :

- Le 9 novembre 1918, le chancelier Max von Baden décide de son propre chef d'annoncer l’abdication de l'empereur Guillaume II et nomme Friedrich Ebert (SPD) aux affaires. Vers 14 h, le social-démocrate Philipp Scheidemann proclame depuis le Reichstag la « République Allemande » (appelée ensuite « République de Weimar »). Deux heures plus tard, le spartakiste Karl Liebknecht proclame la « République allemande des Conseils » sur le modèle des soviets russes. C'est le début de la Révolution de Novembre qui sera réprimée dans le sang. Entre-temps, l'armistice de la « Grande Guerre » est signée à Compiègne.




- Le 9 novembre 1923, le caporal A.H., dictateur in spe, et le général Ludendorff, héros de la Première guerre mondiale, initient un putsch à Munich qui se solde également par une répression impitoyable et l'emprisonnement des meneurs, dont A.H. qui rédigera son bréviaire de la haine dans la prison bavaroise de Landsberg.

- Le 9 novembre 1938, la dictature national-socialiste déclenche la « nuit de cristal », en prétextant l'attentat de Herschel Grynszpan sur le conseiller d'ambassade vom Rath à Paris : au cours de cette nuit de pogromes dirigés contre ceux de la communauté juive allemande qui n'ont pas pu ou voulu émigrer, des centaines de personnes trouvent la mort, des milliers de synagogues, de lieux de prières ou de réunion sont incendiés, et d'innombrables magasins et appartements de citoyens allemands d'origine juive sont saccagés par une horde fanatique, composée surtout de membres de la SA en uniforme, téléguidés par les dirigeants du NSDAP. - Ce 9 novembre 1938, les mesures répressives contre ces citoyens stigmatisés comme « juifs » prennent une dimension nouvelle : 30.000 personnes sont arrêtées et déportées dans les camps de Dachau, Buchenwald et Sachsenhausen. Pour mémoire : l'installation des camps de la mort et l'holocauste ne débuteront qu'en 1941/42, officiellement après la conférence de Wannsee du 20 janvier 1942, notamment sur le territoire de l'actuelle Pologne (Auschwitz-Birkenau et Treblinka). Mais la nuit de cristal parachève l'entreprise d'exclusion totale des citoyens allemands d'origine juive et donc leur assassinat symbolique, qui préfigure déjà leur assassinat réel dans des conditions de déshumanisation totale.




On comprend pourquoi il était impossible de célébrer la fête nationale d'une Allemagne démocratique le 9 novembre, date à laquelle les bourreaux célébrèrent l'anniversaire du putsch de 1923 en semant la destruction et la mort, telle une répétition générale pour un massacre qui allait couter la vie à 60 millions de personnes.

Le 9 novembre 1989, le mur de Berlin - édifié le 13 août 1961 sur ordre de Walter Ulbricht - finit par tomber après une série de manifestations de masse en RDA (notamment à Leipzig et Berlin) et la fuite à l'Ouest d'un grand nombre de citoyens, qui se sont réfugiés dans les ambassades de RFA à Prague, Varsovie et Budapest, ou qui ont traversé la frontière entre la Hongrie et l'Autriche, ouverte depuis le 2 mai. - Au cours d'une conférence de presse internationale, retransmise en direct par la télévision de RDA, le porte-parole du gouvernement, Günter Schabowski, annonce une mesure permettant aux citoyens de RDA de sortir librement du territoire, notamment en passant par les postes frontières avec la RFA, y compris ceux de Berlin (« liberté de circulation »). Et lorsqu'un journaliste l'interroge sur l'entrée en vigueur de cette mesure, il répond à 18h57 précises : « À ma connaissance, elle prend effet... sur-le-champ, sans délai ». Des milliers de Berlinois se ruent alors sur le checkpoint de la Bornholmer Straße et les fonctionnaires de garde, débordés, finissent par laisser passer tout le monde. Dans la foulée, les postes frontière berlinois et inter-allemands s'ouvrent les uns après les autres : c'est la fin de la « DDR », de la Deutsche Demokratische Republik.



Il faudra attendre le 3 octobre 1990 pour que la RDA « adhère » à la RFA, qui accueille donc cinq nouveaux Länder (Mecklembourg-Poméranie-Occidentale ou Meck-Pom pour les intimes, Brandebourg, Saxe-Anhalt, Thuringe et Saxe) : la fête nationale sera dorénavant célébrée à cette date, qui officialise la réunification de l'Allemagne fédérale.

Ci-dessous : « Les puissants et le peuple ». - Ce documentaire allemand (présenté dans une excellente version française) retrace la chute du mur. - C'est l'épisode 5/6 d'une série intitulée : Le mur. Une histoire allemande (NDR/Spiegel TV 1999).

[youtube https://www.youtube.com/watch?v=vMblPdY6nQs]


Malheureusement, je n'ai pour l'instant trouvé qu'un seul autre épisode
en version française de cette série très bien réalisée > « Guerre froide et propagande » ( 2/6). - Cette partie, tout aussi intéressante et instructive, passe en revue l'histoire du mur depuis sa construction jusqu'à sa chute à travers un certain nombre de documents de propagande assortis d'interviews des protagonistes.


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Commentaires des blogueurs de l'OBS



Je me souviens être allé à Prague pour Noël 89 en passant par l'Allemagne. Je me suis arrêté dans ka famille d'une collègue allemande stagiaire dans mon établissement scolaire : les allemands de l'Est n'étaient pas très bien accueillis.
Au retour de Prague, je devais passer par Karl Marxstadt selon ma carte. J'ai tourné en rond ne trouvant aucune plaque indicatrice du lieu jusqu'à ce que je me rende compte que la ville avait changé de nom.
Je me souviens aussi de cette autoroute déserte vers Berlin mais truffée de miradors.

Écrit par : Benoît | 08 novembre 2014 |




Oui, Karl-Marx-Stadt s'appelle à nouveau Chemnitz depuis le 1er juin 1990. Peut-être que certains impatients auront viré les panneaux dès Noël 89 ? - L'autoroute de Berlin était une "voie de transit" (très surveillée) ce qui explique l'éclairage, disparu aujourd'hui...

Écrit par : sk | 08 novembre 2014 |




Curieuses conjonctions de dates qui balisent l'histoire!

Un de mes frères, en classes secondaires, s'était affilié à l'association France-RDA pour des séjours en Allemagne à moindre coût, et a conservé depuis lors des relations avec la famille d'accueil. Il m'avait rapporté une plaque ovale DDR pour voiture, mais hélas, pas la Trabant qui allait avec :-)
Écrit par : nolats | 08 novembre 2014 |




N'ayez aucun regret cher Nolats pour la Trabant. A l'instar de certains de nos confrères blogueurs, ça pétarade, ça pollue, ça n'avance pas et ce n'est pas recyclable.

Écrit par : Leperse | 08 novembre 2014 |




oui, mais ça ne rouille pas :-)

En tout cas heureux de vous retrouver en pleine verve sur la blogo.

écrit par nolats

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Bonjour, Messieurs ! Un petit bonus pour vous > http://www.spiegel.de/fotostrecke/ost-berlin-fotograf-harald-hauswald-zeigt-unverfaelschtes-bild-der-ddr-fotostrecke-115626-2.html

écrit par sk

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Écrit par : nolats / sk | 09 novembre 2014 |




merci pour les photos (on voit deux fois les trieuses de patates, c'est sans doute une métaphore de la routine).

J'ai vu il y a quelques années un reportage sur un britannique qui avait acheté un grand nombre de Trabant, mais les a laissé se détériorer dans une cour. Dommage, aujourd'hui aux enchères chez Christies, elles vaudraient peut-être cent patates.
Écrit par : nolats | 15 novembre 2014 |




On ne peut pas ne pas venir chez vous.
A+

Écrit par : Pyroman | 11 novembre 2014 |



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