vendredi 18 février 2011

[Libye, Yémen, Bahreïn] La logique des affrontements

Deux nouvelles d'abord : Selon une déclaration du Premier ministre algérien, Ahmed Ouyahia, la levée de l'état d'urgence, en vigueur depuis dix-neuf ans (1992) en Algérie, devrait intervenir à la fin de ce mois de février 2011. - On apprend également que le président tunisien déchu  Ben Ali aurait subi une attaque et se trouverait dans le coma à l'hôpital de Djeddah (Arabie Saoudite). Mais cette information doit encore être confirmée [elle l'est à présent].

LIBYE

Ce jeudi 17 février 2011, une "Journée de la colère" est annoncée en Libye (en particulier sur Facebook). Le Nouvel Observateur rapporte (avec AP) : La Libye semble à son tour gagnée par le vent de contestation arabe. Tôt mercredi matin, la deuxième ville du pays, Benghazi, a été le théâtre de heurts entre les forces de sécurité et plusieurs centaines de manifestants dénonçant le régime de Mouammar Kadhafi. [...] A Zentan, dans le sud du pays (120km au sud de Tripoli), des centaines de personnes ont défilé dans les rues et incendié le siège des forces de sécurité ainsi qu'un commissariat, selon des témoins cités par Fatih al-Warfali. Ils ont ensuite installé un campement au cœur de la ville en scandant "le peuple veut le renversement du régime".

Selon Al Jazeera, "au moins deux personnes ont été tuées au cours d'affrontements entre les forces de sécurité libyennes et des manifestants dans la ville de Bayda, à l'Est de Benghazi [...] Les noms des victimes sont Khaled El Naji Khanfar et Ahmad Shoushaniya." [live blog]

Il semble - pour l'instant [16:00, heure locale] - que la Journée de la colère n'a pas (encore) démarré, alors que les médias occidentaux l'ont annoncée avec de gros titres, qui se font actuellement plus discrets [à 15:12 , BFM annonce encore une "journée cruciale en Libye"]. - En effet, cette journée a été lancée sur Facebook. Mais comme nous l'apprend Le Monde, si le pays est "très adepte de la téléphonie mobile", le "taux de pénétration" de l'Internet fixe  n'est que "de 5,5%" [lien sur les statistiques africaines]. De plus, les accès publics (Internet cafés) sont très surveillés. Citant l'Open Net Initiative, le journal écrit que "le filtrage d'Internet est sélectif, concentré sur les quelques sites Web d'opposition politique". - Les hashtags sur Twitter sont #benghazi, #17feb, #libya, #dayofanger.

Sur le live blog d'Al Jazeera, on apprend que "14 manifestants au moins ont été tués dans des affrontements avec des groupes pro-gouvernementaux depuis mercredi" (source : AP). - L'AFP rapporte que six personnes ont été tuées dans des heurts entre protestataires et forces de sécurité dans la ville côtière de Benghazi (source : sites Web d'opposition). - "Abdullah, un témoin à Benghazi, a déclaré à Al Jazeera qu'il a vu six protestataires non armés tués par les balles de la police. Il a également affirmé que le gouvernement a relâché 30 prisonniers, qui ont été payés et armés pour combattre les gens dans la rue."

Ce soir le journal d'Arte précise qu'aucun journaliste occidental n'est présent sur le territoire libyen : black-out ! On apprend également que le colonel Kadhafi a libéré une centaine d'islamistes emprisonnés, et qu'il a fait baisser le prix des produits de première nécessité. Comme l'Algérie, la Libye peut compter sur ses grandes richesses pétrolières pour contrôler les prix.

Le lendemain (vendredi, 18-02-2011), le bilan de cette Journée de la colère donné par Al Jazeera est lourd : au moins 24 personnes ont été tuées ! (source : Human Rights Watch). - Selon Hassan El Amin, de Libya Al Mostaqbal, il y aurait eu 75 morts et des centaines de blessés au cours des récentes violences contre les protestataires libyens ! - Voici une vidéo postée ce vendredi par Euronews :


[Actualisation] Informations contradictoires ce soir (18-02-2011) dans l'hebdomadaire allemand Die Zeit, qui s'appuie sur un compte-rendu du quotidien britannique The Guardian : Les protestataires auraient pris le contrôle de plusieurs localités dans l'Est libyen, dont Al Bayda, la troisième ville du pays, que l'armée aurait évacuée. Al Jazeera, par contre, rapporte que les militaires auraient repris le combat.  Selon l'agence Reuters, les manifestants auraient reçu l'aide de la police locale. Dans cette ville d'Al Bayda, des témoins rapportent la mort d'au moins 30 protestataires depuis hier (jeudi 17-02-2011). - Sans me souvenir du lieu, j'ai également entendu aujourd'hui que deux policiers se seraient faits lyncher par la foule [le lieu est Al Bayda] ! - Aux dernières nouvelles données par Al Jazeera [lien sur le live blog ci-dessus], 20.000 personnes camperaient aux abords d'un tribunal de Benghazi, où une station de radio a été incendiée. La vidéo ci-dessous y montre(rait) la foule après la prière du vendredi :



Suite : [19 février 2011]

YÉMEN

Le Point résume la situation au Yémen :  De violents heurts ont opposé, mercredi, [16-02-2011] des manifestants contre le régime et des policiers dans le sud du Yémen, faisant deux morts, au moment où des centaines de protestataires ont été dispersés à coups de gourdin dans la capitale Sanaa par des partisans du président Ali Abdallah Saleh. La journée a été sanglante à Aden, la principale ville du Sud. Deux manifestants y ont été tués et deux blessés lors d'affrontements entre les forces de sécurité et des centaines de manifestants réclamant le départ de Ali Abdallah Saleh, au pouvoir depuis 32 ans dans ce pays pauvre et instable de la péninsule arabique et un allié-clé de Washington dans sa lutte contre al-Qaida. [...] Entre-temps à Sanaa, des centaines d'étudiants ont tenté, pour la quatrième journée consécutive, de marcher sur le palais présidentiel sur la place Sabiine, avant d'être sauvagement pourchassés par des partisans d'Ali Abdallah Saleh, armés de gourdins, de poignards et de pierres. Ces derniers se sont acharnés sur les étudiants dès qu'ils sont sortis de l'université en scandant "Le peuple veut faire la chute du régime", selon un correspondant de l'AFP sur place. Les manifestants ont riposté en lançant des pierres sur leurs agresseurs, qui les ont ensuite poursuivis jusque sur le campus, où la police a tiré des coups de feu en l'air pour disperser les deux camps. Au moins dix étudiants ont été blessés, selon le chef de l'Union des étudiants de l'université, Radwan Massoud.

De nouveaux affrontements sont signalés à Sanaa et à Aden (source : BFM). - Voici le résumé de RFI : De violents heurts ont éclaté jeudi 17 février 2011 à Sanaa et à Aden lors de manifestations contre le régime du président Ali Abdallah Saleh faisant au moins un mort dans la capitale, et au moins quatre morts à Aden. A Sanaa, la capitale, au 7e jour de la contestation estudiantine contre le président quelque 2 000 manifestants ont été attaqués dès leur sortie du campus de l'Université par des partisans du parti présidentiel. La tension restait vive dans la soirée où des tirs ont été entendus dans plusieurs quartiers.


Contrairement à la Libye, le Yémen est l'un des pays les plus pauvres d'Afrique avec un PIB de 2.500 dollars par habitant (contre 14.200 $ / hab. en Libye !). Le pouvoir n'a pas le recours à la manne pétrolière pour apaiser la misère des gens.


[actualisation] Le Point résume la situation ce vendredi soir (18-02-2011) : Des accrochages ont opposé vendredi au Yémen les forces de sécurité à des foules de manifestants qui exigeaient dans plusieurs villes la fin du régime du président Ali Abdallah Saleh. - Quatre personnes au moins ont été tuées et des dizaines d'autres blessées. - Selon la chaîne de télévision panarabe Al Djazira, trois protestataires ont été tués et des dizaines d'autres blessés au cours d'une fusillade à Aden, dans le sud du pays, où l'opposition à Saleh est très forte. - Des milliers de contestataires se sont rassemblés dans divers quartiers d'Aden après la mort de six personnes en début de semaine. Ils scandaient des slogans hostiles au président tels que "Ecoute, Ali, les gens veulent que tu partes". - Le dirigeant yéménite, âgé de 68 ans et installé au pouvoir depuis 32 ans, a promis de ne pas se représenter à l'expiration de son mandat actuel, en 2013, et de ne pas chercher non plus à transmettre le pouvoir à son fils. - Des dizaines de milliers d'opposants se sont aussi rassemblés dans la ville de Taïz, à 200 km au sud de la capitale, Sanaa. Un homme y a été tué et sept autres personnes ont été blessées par une grenade lancée d'une voiture contre un rassemblement de l'opposition, ont rapporté des témoins. - "A bas le dictateur, à bas l'oppression", scandaient les manifestants massés depuis des jours sur la place Hourria (Liberté), à l'exemple de ceux qui sont restés deux semaines sur la place Tahrir du Caire avant d'obtenir le départ du président Hosni Moubarak.

On signale également des émeutes dans la ville de Djibiouti (source : TV5)

BAHREÏN

L'Express fait le point sur les événements à Bahreïn :  Un millier de manifestants chiites s'inspirant des soulèvements en Tunisie et en Égypte se sont réunis mercredi dans le centre de Manama, la capitale de Bahreïn, pour rendre un dernier hommage à l'un des leurs mort lors d'affrontements avec les forces de l'ordre. Fadel Matrouk a été tué mardi dans des incidents qui ont marqué les funérailles d'une précédente victime des troubles, un jeune homme de 22 ans tué lundi. [...]  Plusieurs milliers de manifestants ont passé la nuit dans un campement improvisé sur la place de la Perle, dont ils tentent de faire le symbole de leur mouvement à l'image de la place Tahrir au Caire. La police s'est tenue à distance. - Dans une allocution télévisée, le roi Hamad ben Isa al Khalifa a présenté mardi ses condoléances aux familles des deux victimes - "deux de nos fils précieux", a-t-il dit - et promis qu'une commission ferait le jour sur les circonstances de leur décès. - Les États-Unis ont exprimé leur vive inquiétude face aux violences qui secouent ce petit royaume du Golfe, où est basée la Cinquième Flotte de l'US Navy. Le Bahreïn est aussi un important centre bancaire dans la région. - "Nous appelons toutes les parties à faire preuve de retenue et à s'abstenir de toute violence", a dit le porte-parole du département d'Etat, P.J. Crowley. [...]  Vendredi, tentant d'éviter une radicalisation du mouvement le roi avait annoncé le versement d'une allocation de 1.000 dinars (2.000 euros environ) à chaque famille. - Au contraire des pétromonarchies du Golfe, Bahreïn, dont la moitié des 1,3 million d'habitants est composée d'expatriés, n'a pas des ressources financières illimitées. - De grandes manifestations dans cette île-État du Golfe pourraient avoir un effet d'entraînement sur la communauté chiite d'Arabie saoudite voisine, elle aussi marginalisée, jugent des analystes.

 Manama, ce mercredi soir (image : al jazeera)


Dans la nuit de mercredi à jeudi, ces manifestants qui campaient pacifiquement sur la place de la Perle (Pearl roundabout) à Manama ont été attaqués sans sommation par les forces de police à coups de gaz lacrymogène et de balles en caoutchouc [vers 3:30, heure locale](*). Deux protestataires au moins ont été tués (l'un avait 23 ans, l'autre 55 ans), et il y a eu de nombreux blessés. (source : Al Jazeera) - Le hashtag sur Twitter est #bahrain - Aux dernières nouvelles, il y aurait une centaine de blessés au moins après ces brutalités policières.

Le Point résume la situation ce matin (avec l'AFP) : Deux manifestants bahreïnis sont décédés jeudi matin des suites de leurs blessures, portant à quatre morts le bilan de l'assaut durant la nuit des forces de sécurité contre les protestataires à Manama, selon l'opposition. Les forces antiémeute ont dispersé dans la nuit de mercredi à jeudi des manifestants qui campaient dans le centre de Manama pour réclamer des réformes, faisant deux morts, selon un premier bilan. "Hussein Zaid, blessé à la poitrine par une balle à fragmentation, est décédé ce matin à l'hôpital", a déclaré à l'AFP Ali al-Aswad, un député du mouvement chiite al-Wefaq. Il a également fait état du décès d'Issa Abdel Hassan, 60 ans, "touché à la tête". Selon lui, 95 personnes ont été blessées, dont "quatre ou cinq grièvement".

Selon Al Jazeera, le ministre de la Santé aurait démissionné en guise de protestation contre l'assaut policier, mais son ministère a démenti la nouvelle. - Une série de véhicules blindés se dirigent vers le centre de Manama où les grands axes sont bloqués par les forces de sécurité. [live blog]

[Actualisation] Ce vendredi soir, les forces de l'ordre ont a nouveau tiré sur les manifestants à Manama après la tombée de la nuit, faisant au moins 66 blessés selon Al Jazeera.



(*) heure française +2

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