mardi 1 février 2011

[Égypte 2011] ÉPISODE 4


Une semaine en Égypte


Le point sur la situation

Les protestations durent maintenant depuis le mardi 25 janvier 2011. Pour l'heure, le président Moubarak s'accroche au pouvoir. Il a nommé un vice-président, Omar Suleiman, et un nouveau Premier ministre, Ahmed Shafiq, ancien ministre de l'Air. - Les protestations n'ont pas pour autant cessé. - L'accès à Internet et la téléphonie mobile restent bloqués à travers tout le pays. Le bureau cairote d'Al Jazeera a été fermé : ces derniers jours, la chaîne d'information diffusait des comptes-rendus sur la situation égyptienne en continu et en direct, qui permettaient aux manifestants de s'organiser.sans Internet et mobiles. De plus, la diffusion de la chaîne qatarie via Nilesat a été suspendue. - Depuis quelques jours, le monde a les yeux rivés sur l'Égypte. Beaucoup de journaux ont des correspondants sur place et proposent des fils d'actualité, parmi eux le  quotidien britannique The Guardian et le journal Le Monde (flux du 31-01). On peut également suivre les hashtags #25jan, #Egypt et #censorship sur Twitter. - Certains chefs d'État occidentaux, dont le président Obama, sont intervenus pour demander à Hosni Moubarak d'éviter la violence, d'autoriser les manifestations pacifiques et de permettre la libre expression des citoyens. On l'exhorte également à mettre en oeuvre des réformes en vue d'une démocratie réelle. En principe, des élections présidentielles sont prévues en septembre 2011. - Le prix Nobel de la paix, Mohammed El Baradei est rentré au pays : il a rejoint hier les manifestants et se profile comme un leader crédible de l'opposition politique. D'autre part, le mouvement des Frères Musulmans commence à se faire entendre et accorde son soutien à M. El Baradei pour la formation d'un gouvernement de transition que tous les protestataires continuent de réclamer en même temps que la démission du président Moubarak et la fin du régime. - Les chiffres varient, mais on parle d'au moins 150 morts et de milliers de blessés au cours des protestations de ces derniers jours.

Lundi 31 janvier 2011

[14:00] (*) Des milliers de personnes sont à nouveau rassemblées place Tahrir au centre du Caire. Al Jazeera diffuse des images en direct d'une foule impressionnante. Pendant ce temps, la TV d'État montre un pont sur le Nil à l'apparence très ordinaire et un hélicoptère militaire qui tourne au-dessus de la ville. - Les mouvements d'opposition appellent à une "manifestation d'un million de personnes" (!) pour demain, mardi (1-02-11). - Comme ils l'ont fait hier, les commentateurs de la chaîne évoquent à nouveau  la possibilité d'une vaste action  répressive que le régime pourrait organiser. - On apprend également que les Frères Musulmans sont en train de conduire leur première manifestation depuis le début du soulèvement populaire. - Par ailleurs, le président Moubarak vient de nommer le général en retraite, Mahmoud Wagdy, ancien responsable des prisons égyptiennes (!), au ministère de l'Intérieur, une annonce aussitôt désapprouvée par les manifestants  qui scandent : "Nous voulons un gouvernement civil !" En effet, tous les membres du nouveau gouvernement connus jusqu'à présent appartiennent à l'armée. - Al Jazeera signale également l'arrestation de six de ses journalistes au Caire. Néanmoins, la chaîne d'information, qui prend une nouvelle dimension avec le soulèvement égyptien, continue de rendre compte de la situation en continu [stream] [live blog, 31-01]. Par précaution, les correspondants au téléphone ne donnent plus leur nom.



Une de Libération remise en ligne par le Guardian ce matin

On continue de s'interroger sur la possibilité de propagation des soulèvements tunisiens et égyptiens dans le monde arabe. - Dans une interview au quotidien espagnol El Pais, le cousin du roi du Maroc,  Hicham, qui réside à Paris, affirme qu'une contagion est tout à fait possible dans son pays et conseille à Mohammed VI d'engager des réformes. Également appelé le "Prince rouge", Hicham accuse l'Europe d'utiliser la menace islamiste pour soutenir les régimes autoritaires du monde arabe : "La religion ne joue aucun rôle dans ces nouveaux mouvements sociaux", affirme-t-il. "Il s'agit d'une génération largement sécularisée qui réclame la liberté et la dignité dans la confrontation avec des régimes qui violent les droits de l'Homme." (in Guardian)

[15:00] Début du couvre-feu qui doit durer jusqu'à 8:00 demain matin ! Or, la foule se fait de plus en plus dense, place Tahrir. - La TV d'État reprise par Al Jazeera montre la réception officielle du "nouveau" gouvernement par le président Moubarak, qui apparaît très fatigué : à part l'Intérieur, tous les ministères clefs conservent leur personnel !

[15:30] Au téléphone, un blogueur cairote raconte que des ouvriers se sont emparés de deux usines (Al Jazeera). - Les six journalistes de la chaîne qatarie ont été relâchés, mais leur matériel a été confisqué.

Le Guardian met en ligne cette vidéo datant d'hier où un général s'adresse aux manifestants en leur reconnaissant le droit à la libre expression, à la protestation et au libre choix de leur leader :


[21:00] Tweets d'un correspondant d'Al Jazeera au Caire :

.* À la place Tahrir, même nombre de protestataires qu'hier soir [plusieurs milliers], la plupart des chars sont partis, la présence militaire est réduite.
 * La police ne s'est pas encore redéployée. Plus tôt au Caire, à Gizeh, au ministère de l'Intérieur, j'en ai vu des douzaines monter dans des camions, mais toujours pas visibles dans un grand nombre de secteurs.
 * Des policiers règlent la circulation aux grandes intersections, ailleurs les rues sont toujours contrôlées par l'armée et les citoyens ordinaires.

Reuters confirme des rapports sur la position de l'armée égyptienne qui déclare qu'elle n'utiliserait  pas la force contre les manifestants réclamant le départ de Moubarak (in Guardian).

Le black-out médiatique sur l'Égypte commence à se faire sentir : le journal de France 2 ouvre sur l'arrivée de l'équipe française, championne du monde de hand, enchaîne sur deux faits divers (un enlèvement et une agression de petites filles), puis évoque longuement le procès imminent du président Chirac (qui n'a pas la maladie d'Alzheimer : source médicale !). - Al Jazeera retransmet le briefing journalistique de Robert Gibbs, l'attaché de presse de la Maison Blanche. Le gouvernement US veut voir "des actions" de la part du pouvoir égyptien et souhaite une évolution pacifique menant à des élections libres et équitables.

Sur France 2, on parle enfin de l'Égypte. David Pujadas : "Tentative de reprise en main,  la police est de retour dans les rues, les journalistes ont de plus en plus de mal à travailler !"  Un correspondant : "La population n'est toujours pas disposée à baisser la tête."  En direct de son hôtel, Charles Enderlin commente la déclaration de neutralité de l'armée :  "On nous a parlé de dissensions au sein de l'armée... Le grand test, ce sera demain, [la manifestation monstre annoncée d'un million de personnes] pourrait vraiment ébranler le pouvoir de Hosni Moubarak."  Puis c'est le reportage sur l'aéroport  et les soucis des ressortissants français : "Il est de plus en plus difficile de quitter l'Égypte... Des vols sont annulés... Le lycée français [du Caire] est fermé..." Le reporter signale également des agents de sécurité qui empêchent l'équipe de tourner.  - Dans un autre passage, on entend des "coups de feu qui sont régulièrement tirés par les comités de quartier" pour manifester leur présence et rassurer les habitants..- Enfin, une séquence surprenante montre Omar Sharif dans sa chambre d'hôtel cairote, qui donne sur la place Tahrir. Le célèbre acteur égyptien, qui avait déjà déclaré qu'il soutenait le mouvement, est ravi par le spectacle du rassemblement populaire sous son balcon : "Moi, je suis avec les jeunes... je crois que le président va se démettre... quand même, ca suffit !"  Et, à propos de possibles représailles : "Vous savez, on verse très peu le sang en Égypte,...Le peuple égyptien est très gentil !" Puis de conclure, espiègle et candide :  "Qu'il y ait la démocratie dans le monde arabe, ça  ne me gêne pas du tout,  moi... J'ai toujours pensé qu'il n'y aurait jamais la démocratie dans un pays arabe." - Magnifique !

[22:05] Al Jazeera relaye la déclaration du nouveau vice-président, le général Omar Suleiman sur la TV d'État, qui annonce des réformes constitutionnelles et législatives, après un "dialogue avec les forces politiques", ainsi que des mesures pour "rétablir la confiance dans l'économie égyptienne", pour lutter contre le chômage, la pauvreté et la corruption, pour "équilibrer la balance entre les revenus et les prix". - Il ne semble pas faire grand cas des revendications populaires, qui sont politiques avant d'être économiques. La sourde oreille ! - Déclaration plus intéressante ensuite du porte-parole des armées, qui souligne très clairement que les militaires sont là pour protéger, non pour user de violence contre le peuple.de "la  grande nation" d'Égypte : On sent que le soldat s'adresse vraiment aux gens dans la rue pour les rassurer et dissiper leurs craintes !

[22:30] Sur Al Jazeera, un observateur rappelle que les protestataires réclament un changement complet de régime [et non les accommodations qui viennent d'être annoncées par le vice.président] - Puis la chaîne d'information montre les images de la journée en provenance d'Alexandrie : On aperçoit quelques policiers aux carrefours, mais surtout des citoyens qui s'auto-organisent, ramassent les ordures, règlent eux aussi la circulation au besoin... Et on voit des cortèges de manifestants...  -  Dans un autre reportage, un manifestant s'écrie : "Je suis ici depuis trois jours, je suis préparé à rester ici... à mourir ici !"

[23:07] En direct de la place Tahrir, une observatrice au téléphone compare l'ambiance qui règne parmi les protestataires, encore nombreux, à celle d'un "festival de rock" ! - Un autre intervenant parle de "résistance imaginative" lorsqu'il est interrogé sur les manques de nourriture et de protection contre le froid que peuvent rencontrer les gens. - Ensuite, une "activiste cairote" (sous-titre d'Al Jazeera) dit qu'un "point de non retour" a été atteint... - Un commentateur répète que la journée de demain "sera décisive". Il affirme que le régime vit ses derniers jours...

On peut se poser la question : Est-ce que les caciques égyptiens regardent Al Jazeera ? Peut-être préfèrent-ils tout-de-même les parades de chars, les ballets d'hélicoptères et les émissions de cuisine diffusés par la chaîne d'État...

Sur la chaîne qatarie, un analyste en duplex de Washington explicite la position américaine qui doit à la fois affirmer ses préférences -  règlement non violent du conflit, liberté de parole et de presse - et se garder de paraître "interventionniste". L'homme au visage triste et à la cravate rouge parle ensuite d'un "moment historique" que "nous ne devrions pas rater". Or, l'attitude du président Obama, qui avait appelé Hosni Moubarak après ses déclarations, vendredi dernier, à la télévision égyptienne, fait preuve d'une certaine fermeté, quand il insiste sur la nécessité d'une transition pacifique en vue d'élections libres et démocratiques. - Depuis, le gouvernement US a annoncé le rapatriement de milliers de ressortissants américains, qui "veulent quitter le pays". - On attend les dépêches diplomatiques de cette fin janvier 2011 qui seront peut-être un jour rendues publiques !

[23:35] La correspondante du Guardian, Harriet Sherwood, se trouve place Tahrir. Elle rapporte ces propos : "On a parlé. Quand les citoyens parlent, on ne peut plus revenir en arrière, dit Ahmed Mustafa. Je suis venu vaincre la peur en moi. Maintenant, les gens n'ont plus peur. - Pour la première fois, je suis fière d'être une Égyptienne, dit Suzanne Saleh, 38 ans, mère de trois enfants. Les gens explosent. Moubarak est face à la pression de son peuple et c'est impossible qu'il reste. - C'est la fin, dit Ala'adin al Sahabi simplement, une conviction reflétée par beaucoup d'écriteaux manuscrits. Quelqu'un dit : La partie est finie, Moubarak."

Mardi, premier février 2011

[00:00](*) Nouvelle journée, nouveau fil d'actualités [Al Jazeera live blog]. - Du mardi 25 janvier [début du soulèvement]  à aujourd'hui [mobilisation massive] : Une semaine en Égypte, qui fera date, quoi qu'il arrive.

[00:15] Une contre-manifestation d'environ 300 personnes "pro-Moubarak" a été aperçue près du ministère de l'Information par un témoin actuellement au téléphone sur Al Jazeera.

Live Blog : "Il n'y a plus d'Internet en Égypte, plus du tout. Noor était le dernier accès encore en service, mais il a été coupé lui aussi.. - Rumeurs d'un crash imminent du réseau mobile, rumeurs qui pourraient s'avérer fondées vu que demain une grosse marche est prévue, et que la police est de retour !"

[01:00] Le blog d'Al Jazeera signale que Google a mis au point un système avec Twitter et SayNow, qui permet de tweeter à partir de n'importe quel téléphone, il suffit d'appeler l'un de ces trois  numéros : +16504194196 ou  +390662207294 ou +97316199855 - plus besoin de connexion Internet. Une innovation dédicacée à l'Égypte par les concepteurs ! - Sur Twitter, le hashtag reste #Egypt (mais aussi #25jan). Par ailleurs, le groupe de hackers Anonymous publie une liste de trucs pour contourner le blocage d'Internet en Égypte [ici].

[02:00] Al Jazeera signale qu'en cas de problèmes sur le câble, le flux reste disponible sur le site de la chaîne et sur YouTube.

[02:30] Un expert en direct de Washington : Les marchés sont "nerveux" parce qu'on s'inquiète pour le canal de Suez : s'il devait être fermé, les cargos seraient contraints de faire le tour de l'Afrique, ce qui augmenterait considérablement les frais de transport. Il y a également le pétrole. L'Égypte n'est pas un producteur important mais, comme le précise le Point ce soir : Environ 1,2 million de barils de brut et 400 000 barils de produits raffinés transitent chaque jour de la mer Rouge à la Méditerranée par le canal de Suez, long de 190 kilomètres. Il est doublé par l'oléoduc Suez-Méditerranée (Sumed) qui a convoyé en moyenne 1,1 million de barils par jour en 2009. Au total, le canal et l'oléoduc, principales voies d'acheminement du pétrole du Golfe vers l'Europe, transportent 4,5 % de la production mondiale de brut. - Du coup, le baril de pétrole dépasse les cent dollars aujourd'hui (et l'essence 1€50 à la pompe) ! - Pour couronner le tout, il y a l'incertitude à propos du tourisme, qui rapporte tout de même quelque douze milliards de dollars au pays, selon l'expert américain. Quant à la bourse égyptienne fermée depuis trois jours, l'homme de Washington concède que cela ne handicaperait pas trop l'économie du pays, même si la clôture devait encore durer quelques jours, voire quelques semaines : "Ça s'est déjà vu." - En conclusion, une certaine "tension" devrait accompagner les manifestations massives prévues aujourd'hui, et les marchés ne se stabiliseraient qu'à l'issue de ce bras de fer, quelque puisse d'ailleurs en être le vainqueur : Money talks. - Thank you, Mr. Washington !

image google earth sur al jazeera

[12:45](*) Selon un correspondant d'Al Jazeera au téléphone, de plus en plus de gens convergent vers la place Tahrir, qui est noire de monde, comme on le voit à l'image. L'ambiance serait sereine. La chaîne d'information titre que plus de cent mille personnes se sont déjà rassemblées sur cette place centrale du Caire. D'autres mouvements ont été signalés dans les villes d'Alexandrie et d'Assouan.

Voici les liens sur les nouveaux fils d'actualité du Guardian et du Monde.

[13:15] Sur Al Jazeera, on entend la clameur et les slogans de la foule des protestataires. En surimpression des commentaires incessants de la situation. - Le Monde signale une forte présence policière et militaire au centre du Caire, qui est bouclé par l'armée. La correspondante du Guardian précise qu'il y a beaucoup de chars et de soldats dans le secteur mais pas sur la place Tahrir elle-même. - Internet est toujours coupé, mais le réseau mobile fonctionne. Pour l'instant...

[13:30] Le Monde mentionne une interview de l'opposant M. El Baradei sur la chaîne Al-Arabiya, qui déclare que "le départ de Hosni Moubarak est une condition préalable à toute négociation pour un nouveau gouvernement." Al Jazeera diffuse la même information à l'instant. - Essam El Erian des Frères Musulmans déclare sur Al Jazeera : "Un gouvernement de transition doit être formé et il faut des élections. Ce régime et son parlement n'ont aucune légitimité." (in Guardian)

Sur le plan économique, les médias rappellent que la bourse et les banques sont fermées. Il n'y a plus d'argent. L'approvisionnement devient difficile. Le chaos continue de régner à l'aéroport, où un grand nombre de touristes et de résidents étrangers cherchent à quitter le pays.


Un bain de foule place Tahrir, ce matin, mis en ligne par Al Jazeera

La suite...

[14:30] La chaîne qatarie parle maintenant d'un million de personnes rassemblées dans le quartier de la place Tahrir. C'est une protestation "pacifique" et "festive", selon les correspondants. Une commentatrice dit que l'on n'a jamais vu une telle manifestation du "pouvoir populaire" dans un pays arabe.

Nouveau hashtag sur Twitter #01feb (et toujours #Egypt & #25jan). Avalanche de tweets sur #Egypt, l'un d'eux signale que la police installerait des barbelés autour du palais présidentiel à Héliopolis, la destination annoncée du mouvement de protestation. - Quant à Hosni Moubarak, il se trouvait hier à Charm El-Cheikh. - Selon Simon Tisdall, cité par le Guardian, le nouvel homme fort du régime serait le vice-président Omar Suleiman.

[15:00] Communiqué de l'AFP : "Environ 50 000 personnes sont réunies devant la mosquée Qaëd Ibrahim et la gare ferroviaire, dans le centre d'Alexandrie, la deuxième ville d'Égypte" (in Le Monde). Selon la BBC, l'ensemble du gouvernement jordanien a présenté sa démission sur demande du roi Abdallah. - Al Jazeera annonce maintenant deux millions de protestataires dans le quartier de la place Tahrir. Sur les images diffusées par la chaîne, on note la présence de bon nombre de femmes, ce qui contraste avec les manifestations antérieures.

Manifestante place Tahrir (in Le Monde)

[15:30] Selon Al Jazeera, 250.000 personnes sont rassemblées à Suez et plus de 100.000 en Alexandrie. D'autres manifestations ont été signalées à Ismailiya, Mansoura, Damietta et Mahalls, mais aussi des protestations massives à Tanta et Kafr El Cheikh (in Guardian).

[16:00] Le "couvre-feu" décrété par les autorités égyptiennes est actif depuis une heure. Plus personne ne prend la peine de mentionner cette mesure complètement ignorée par la population !

[16:30] La plupart des mouvements d'opposition refusent toute négociation avec le pouvoir actuel :  seule, la démission du président et du gouvernement peut mettre fin aux marches de protestation.

Petite réflexion : Cette "veillée médiatique" sur la révolution égyptienne a fait apparaître une masse  prodigieuse d'informations générée par une foule innombrable de correspondants, commentateurs, analystes, blogueurs, tweeters, facebookers, youtubers. S'ajoutent les réactions des leaders politiques, des corps diplomatiques et des gouvernements étrangers, les reportages et les enquêtes télévisés, les messages audio et radio, les articles de presse etc. etc. - Et cette masse d'informations baigne dans un océan de désinformation et de spams, de publicités et de messages de trolls, où l'on a du mal à "distinguer le vrai d'avec le faux", comme dirait Descartes. - Pendant ce temps, et c'est le point capital, un black-out médiatique quasi total frappe l'Égypte. - Conclusion : Nous parlons, les Égyptiens agissent ! - La journée d'aujourd'hui démontre qu'une révolution contemporaine peut au besoin se passer de médias, contrairement à ce qui est affirmé depuis le soulèvement tunisien. - Ceux qui en douteraient devraient considérer les révolutions du passé : ni TV ni téléphone ni Internet en 1789 ! - Ajout [22:30] : Un commentateur d'Al Jazeera sur place vient de dire que la coupure d'internet et du réseau mobile a fait recourir les organisateurs de la "marche d'un million de personnes", ce mardi, à des "moyens de communication beaucoup plus basiques" : ils ont distribué des tracts, dit de faire passer le message, ils se sont baladés avec des pancartes... Et le correspondant de conclure : ça a marché !

[17:15] Associated Press rapporte que les Syriens veulent organiser leur(s) propre(s) "jour(s) de colère" cette semaine à Damas. (in Guardian). - Tweet téléphonique d'Ayman Mohyeldin au Caire : "Tous les protestataires égyptiens [#Egyptian] à qui j'ai parlé disent qu'ils resteront place Tahrir aussi longtemps que nécessaire & ils chantent 'Martyr ou Liberté'  [#jan25]" (Al Jazeera)

[17:30] Le nuit commence à tomber sur l'Égypte. Les réverbères s'allument. - Plusieurs centaines de milliers de manifestants sont signalés en Alexandrie : "ils ne bougeront pas tant qu'ils n'auront pas obtenu gain de cause", dit une correspondante au téléphone sur Al Jazeera. - Une nouvelle rumeur concernant le départ du président Moubarak (au Bahrein), selon un tweet de Jonathan Rugman de Channel 4. Le Guardian souligne que la nouvelle est sujette à caution.


Place Tahrir ce soir (photo : Jim Hollander - EPA in Guardian)

[18:30] Aucune nouvelle du gouvernement, resté silencieux depuis la déclaration télévisée d'Omar Suleiman, hier soir, tandis que la foule entonne l'hymne national place Tahrir.

Messagerie vocale dédiée aux Égyptiens sur Twitter @speak2tweet

[19:00] Sur Al Jazeera, toujours le même plan fixe de la place Tahrir et des manifestants qui, malgré le froid et les difficultés probables d'approvisionnement,  ne sont pas près de rentrer chez eux.

[19:15] Un correspondant d'Al Jazeera raconte les actes de solidarisation populaire avec les soldats : les gens leur ont à nouveau offert des fleurs, se sont fait photographier avec eux, sont montés sur les tanks... En sachent que le pouvoir actuel est essentiellement composé de généraux et de hauts gradés, on peut s'interroger sur ce double jeu de l'armée qui, à la fois, suit les ordres du régime et témoigne de bienveillance envers ceux qui entendent provoquer sa chute !

Les différents mouvements d'opposants ont constitué une organisation unitaire, à laquelle appartient également Mohammed El Baradei. (Al Jazeera, Guardian)

[19:30]  Trois tweets de la correspondante de l'AFP, Sara Hussein (in Guardian) :
Retour de #Tahrir foule extraordinaire. Les gens dansent au rythme des chansons de protestation, des chars à chaque accès (1/3) #Jan25 #Egypt
#Tahrir la foule tangue, des tonnes de beaux chants égyptiens. Enfants, femmes et hommes, signes de protestation d'une extraordinaire créativité #Jan25 #Egypt
#Tahrir la foule protège les femmes seules et les étrangers, mais elle est impatiente de faire passer son message. Les gens disent rester jusqu'au départ de Moubarak. #Jan25 #Egypt
[20:00] Avec la nuit et le froid, beaucoup sont rentrés chez eux, certains pour participer aux comités de quartier qui luttent contre les pillages. Mais des dizaines de milliers de protestataires sont toujours rassemblés place Tahrir, des tentes ont été dressées, des "feux de joie" allumés, on passe de la musique et on apporte des couvertures, de la nourriture, gratuite ou à bas prix (Al Jazeera).

[20:30] Selon Al Arabiya, le président Moubarak pourrait prendre la parole aujourd'hui. Il n'y a pas eu de confirmation officielle. - La chaîne a également annoncé que le vice-président Omar Suleiman a rencontré des représentants de partis d'opposition (Guardian). - Pendant ce temps, la foule de la place Tahrir scande des slogans à l'unisson.

[20:40] Al Arabiya TV rapporte à présent que Hosni Moubarak annoncera dans un discours qu'il s'en ira  aux prochaines élections [prévues en septembre], mais qu'il restera en fonctions jusque là pour répondre aux demandes des protestataires. (in Guardian)

[21:00] Al Jazeera confirme l'information : le président Moubarak va parler pour annoncer "une bonne solution".  - Le New York Times rapporte que le président Obama a conseillé à Hosni Moubarak de ne pas se porter candidat à une nouvelle élection (source : diplomatie US).

Traduit par "démissionner" ou "se retirer", l'expression la plus utilisée dans les commentaires anglophones du moment est step down : c'est ce que l'on demande au président Moubarak. Parfois elle est remplacée par stand down, un synonyme que les dictionnaires rendent par "se désister". - Merveilleux charme idiomatique de la langue anglaise (dans ce contexte, on traduirait down par à bas :) !

[21:45] La TV d'État annonce l'intervention imminente du président.

[22:10] Jack Shenker du Guardian se trouve place Tahrir où règne une ambiance festive. Il demande aux gens s'il suffit que le président Moubarak quitte le pouvoir lors des élections de septembre. La réponse quasi unanime est que ça ne suffit absolument pas.

[23:00] Le président parle. D'une voix grave. Il peut faire penser à un vieux cabotin qui veut éviter le ridicule. En substance, il dit : Je reste, mais je mets fin à ma carrière aux prochaines élections. Il entend mourir sur le sol égyptien. C'est un militaire. Il a défendu l'Égypte et son peuple. Il parle pendant un quart d'heure en tournant les pages de son discours sans doute enregistré. Il s'en remet à Dieu et au jugement de l'Histoire. Il donne sa parole d'honneur. Il a rendu de grands services à la patrie. Durant les "quelques mois" qui lui restent,  il veut défendre "la stabilité" contre "le chaos", faire arrêter les voleurs et les pillards qui s'en prennent au bien public et privé.  Combattre la pauvreté. Organiser les élections. Son vice-président a convoqué les partis d'opposition. Tous n'ont pas répondu à l'invitation, qui tient toujours.  Mes chers compatriotes. De sa voix grave, il fait appel à la conscience nationale des citoyens. Costume impeccable. Cheveux noirs gominés. Comme on les portait dans les années quarante ou cinquante. Il a 82 ans. Il paraît éreinté. Il a parlé.  بسلما (B'slama) !

[23:15] Commentaire à chaud du Guardian : "C'était un discours décousu où Moubarak cherche à montrer de l'empathie pour les protestataires tout en suggérant qu'ils ont été manipulés par des forces politiques (en essayant peut-être d'impliquer les Frères Musulmans, dont le rôle a été minimal). Il a également eu des mots durs pour les actes criminels."

[23:25] Réactions, place Tahrir : "À bas Moubarak ! - Pars, sois digne.!" (in Guardian).

[00:00] Minuit. - Je dois mettre fin à cette chronique. - Les choses dégénèrent en Alexandrie. Il semble que les anti-gouvernementaux se battent avec des pro-Moubarak. L'armée s'interpose. En direct, une rafale de coups de feu vient de retentir alors que l'image montre un tank qui se dirige sur des manifestants. D'autres rafales. La présentatrice recommande à la correspondante de se mettre à l'abri.

[00:30] Al Jazeera retransmet toujours en direct d'Alexandrie (place Mahatit Masr). L'intervention de l'armée paraît avoir un peu calmé les choses, mais les gens sur l'écran semblent encore très remontés. La correspondante alexandrine dit que c'est la troisième fois, depuis vendredi, qu'il y a des violences dans les manifestations. - Il faut dire que vendredi la violence a embrasé tout le pays, faisant  une centaine de morts et des milliers de blessés. Mais la police, qui a commis ces exactions épouvantables, est absente cette nuit. - Plusieurs manifestations pro-Moubarak de quelques centaines de personnes ont été signalées aujourd'hui. Et un véhicule transportant des armes, qui se dirigeait vers la place Tahrir, a été arrêté par les militaires. - Mais dans le bilan général de la journée, ces actions de provocateurs ne pèsent pas bien lourd. Selon les divers observateurs, cette mobilisation massive du peuple égyptien s'est déroulée dans un climat pacifique et festif.

[00:50] Une autre manifestation pro-Moubarak d'environ trois cents personnes est signalée au Caire. Ce sont sans doute les mêmes que la nuit dernière (l'heure correspond). Eux non plus ne pèsent pas bien lourd contre un ou deux millions d'anti-Moubarak !

As-salâm ’aleïkoum | السلام .عليكم


How not to say stupid things about Égypt


~ Une semaine en Égypte - Fin de l'épisode ~

(*) Heure du Caire [+1]

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