mercredi 29 avril 2015

Les corps sur les plages de la Méditerranée

Je suppose que ce serait un sacré choc pour ces estivants qui, ayant choisi les plages de la Méditerranée pour y passer des vacances en famille, aviseraient un corps à la dérive venu s'échouer parmi les transats et les parasols, les châteaux de sable et les glacières.

Et si, comme j'ose l'espérer, cela ne se produira pas, combien de ces estivants, lorsqu'ils contempleront les voiliers dansant sur la ligne d'horizon où l'azur rencontre l'azur, penseront-ils à ce drame silencieux qui précipite de pauvres malheureux, chassés de leur coin de terre par les guerres et les famines, dans les bras de salauds, de criminels et d'assassins ?

Il y en a évidemment d'autres qui s'invitent au voyage : dans tous les mouvements de population, on retrouve les éléments qui composent cette même population, et aucune ethnie, aucune nation n'est exempte de salauds, de criminels et d'assassins. Ainsi, les « passeurs » qui font actuellement couler l'encre sympathique de nos chroniqueurs chroniquement scandalisés sont probablement originaires du même coin de terre que leurs victimes.

Mais cette criminalité exercée contre ses propres frères et sœurs ne doit pas occulter les responsabilités aux étages supérieurs. On dit que les dictateurs déchus préservaient les rives orientales et méridionales de la Méditerranée de l'afflux de migrants en route vers cette terre promise que représente l'Europe à leurs yeux. Sans doute y-a-t-il une part de vrai pour ce qui est de la guerre - et à un degré moindre de la famine - dans leurs zones d'influence, actuellement à l'abandon : depuis l'invasion de l'Afghanistan (automne 2001) et la Seconde guerre d'Irak (mars/avril 2003) jusqu'à la chute de Ben Ali, Moubarak, Khadafi et le début de la guerre civile en Syrie (2011/12), ces régions sont soumises au chaos, aux violences et aux assassinats en masse, à la destruction et à la disette. Ce sont ces raisons qui poussent la plupart des migrants à quitter leurs pays d'origine pour rejoindre avec femmes et enfants la « terre ferme » d'Europe.

Dans le cadre d'un blog, j'avais analysé de près les informations dont on pouvait disposer sur la Seconde guerre d'Irak, puis également sur ce qui fut appelé un peu vite le « Printemps Arabe ». Et, si en 2003 je ne m'étais trompé ni sur les prétextes (« armes de destruction massive ») ni sur l'issue de cette guerre (« un nouveau Viêt Nam »), je reconnais volontiers qu'en 2011 je n'ai - moi non plus ! -  rien vu venir : en lieu et place des démocraties promises, on a vu surgir de plus belle les puissantes organisations islamistes, d'abord les Frères musulmans en Égypte et Ennahdha en Tunisie, puis plus récemment, après l'apparent déclin d’Al-Qaïda, les assassins fascistes de l'État islamique en Irak, en Syrie et en Libye, sans parler des autres organisations comme Boko Haram qui s'y intègrent progressivement.

On dit aussi que les passages à haut risque en Méditerranée sont dus à la fermeture des frontières européennes. Notre responsabilité se situerait donc là. Les uns diront que nous faisons bien de nous « protéger », comme le recommande un collègue en conclusion de son dernier article (°), les autres que, devant l'ampleur de la catastrophe, nous devrions les rouvrir sous conditions. En tout cas, je suis d'accord avec notre collègue sur un point essentiel, soulevé dans cette même conclusion : Il serait temps que l'Europe fasse son choix !
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(°)  Cette note est d'abord parue en avril 2015 dans la rubrique "blogs", aujourd'hui supprimée, du site nouvelobs.com. Le collègue en question se pseudonymisait "Vlad" et nos opinions divergentes n'avaient pas empêché un certain nombre de discussions intéressantes.


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