vendredi 28 mars 2014

Surtout, ne protestons pas !

Je m'interroge sérieusement sur cette façon de critiquer les gens qui protestent contre le risque de prise en main de villes par le Front National, parti d'extrême droite.


 

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À propos d'Olivier Py, auteur dramatique et metteur en scène de renommée internationale, récemment promu directeur du Festival de théâtre d'Avignon, et de ses deux solutions – présenter sa démission ou bien délocaliser le Festival, si la ville est dirigée par un maire frontiste – Michel Guerrin écrit ce 28 mars dans le journal Le Monde sous le titre « Olivier Py se trompe » :


 


Le réflexe Py est typique d'une incompréhension abyssale entre une partie des élites culturelles et l'opinion. Si le FN arrive, je pars, dit-il. Alors que, au contraire, ce scénario devrait l'obliger à rester. Sa mission, puisqu'il est porté par l'argent public, est en effet de jouer de son talent pour sensibiliser ceux qui ne pensent pas comme lui. Et de ne pas abandonner les quelque 70% qui n'ont pas voté FN, quand bien même ils habitent dans la mauvaise ville.


 


J'ai lu par ailleurs chez des collègues scribaillons qu'Olivier Py était un « bobo » - de gauche bien sûr : pléonasme, s'empressent-ils de préciser. - Petit rappel : « bobo » contracte l'appellation « bourgeois bohème ». Ce sont des gens réputés « bien-pensants » qui n'ont pas de gros soucis matériels, et qui souvent n'en fichent pas un rame, vu que les parents, dont ils sont les heureux héritiers, sont « pétés de thunes », comme le veut la bienveillante expression. - Bien sûr, des gens qui n'ont jamais bossé de leur vie, qui donnent des leçons de morale à la terre entière et qui attendent à Saint-Germain que le vieux casque : il n'y en a pas qui portent à droite !




Olivier Py fait en outre partie des « élites culturelles » : c'est vrai que c'est plutôt suspect! Quand le « peuple » - dont tout le monde connaît parfaitement les goûts – préfère les misérables feuilletons TV, les abrutisseurs du samedi soir et du dimanche après-midi, la musique sirupeuse et les décors en Formica. Et puis le sport, bien sûr ! - À propos de sport, j'ai pris connaissance du possible boycott d'un autre « bobo » : il s'agit de Mourad Boudjellal, président du Rugby Club Toulonnais, qui refuse d'aller disputer le match amical contre la mythique Association Sportive prévu en juillet à Béziers si la girouette Ménard s'empare de cette ville. Il s'exprime également dans Le Monde de ce jour :


 


Je me dis que puisque les gens de Béziers votent pour le candidat soutenu par le Front national, ce n'est pas la peine de faire venir mon équipe exprès pour un week-end et de leur rajouter des étrangers en plus... Surtout vu le score de Ménard au premier tour : 44%, ça m'a interpellé, quand même. J'aurais peut-être agi différemment si ce score avait été moins élevé.


 


Mais ce qui m'a estomaqué, c'est la petite phrase de la championne de rhétorique Marine Le Pen, toujours dans le même journal : « Ce qui nous manque, c’est un bilan ». - Voici ce que lui répondrait peut-être Mourad Boudjellal, né à Ollioules, qui a vécu à Toulon pendant les années FN de 1995 à 2001 (cette année-là, le maire Jean-Marie Le Chevallier a été condamné à un an de prison avec sursis pour détournement de fonds publics) :


 


Pendant toutes ces années, Toulon a été une ville morte. Une ville où les habitants ne se parlaient plus et se montraient suspicieux. Des clans existaient. On n'allait plus dans certains magasins parce que l'on soupçonnait ses propriétaires d'avoir voté FN, etc. Et puis, quand Hubert Falco a pris le contrôle de la ville et succédé au FN, Toulon était surendetté. La ville a dû être mise sous tutelle. Une forme d'immobilisme s'était installée.


 


Ce n'est pas un bilan, ça ? - À ma connaissance, personne n'a osé balancer ce genre de « tranches de vie » à Mme Le Pen sur l'un de nos plateaux aseptisés. Elle aurait peut-être rétorqué : « Oui, mais c'était avant... ». - Or, vu la fascination qu'une partie de l'électorat français semble éprouver pour ce parti d'extrême-droite, on va bientôt pouvoir se faire une idée de l'après...


 

Le feuilleton n'est pas près de se terminer puisque Mme Le Pen vient de réagir sur BFM, scandalisée, en traitant M. Boudjellal d' « énorme bobo[!] milliardaire, hm, millionnaire, excusez-moi, je l'ai déjà rencontré sur un plateau, qui est là, qui nous aligne, je veux dire, les préjugés les plus ringards, les plus éculés, de la pseudo-lutte [geste mimant des guillemets] antifasciste qu’il doit mener dans sa baignoire en or, je pense... bon, ça commence à bien faire, je veux dire, tout ça, les Français n'en veulent plus... » - Et au Plus du Nouvel Obs, un certain Philippe Ollivier, qui se présente comme « auteur », y va de sa plume :


 


Ce bourreau de travail intelligent, adepte de l'effort et de la liberté d'entreprendre, est un amoureux sincère de Toulon, sa ville, qu'il a vu décliner et dépérir pendant tout le temps que le FN était à sa tête. - Pour autant, sa décision d'annuler le match amical prévu entre son club et celui de Béziers si Robert Ménard venait à être élu est totalement contreproductive et apporte la preuve d'un étonnant sectarisme. Contreproductive parce que les Biterrois qui hésitaient à voter Ménard dimanche prochain auront maintenant une raison de le faire, ne serait-ce que pour montrer qu'ils n'ont que faire de l'avis d'un homme qui ne représente strictement rien pour eux.


 

Il ne faut donc rien dire et surtout rien faire quand, profitant de l'abstentionnisme et du désintérêt des citoyens pour la politique, d'une crise économique et financière à l'échelle mondiale impossible à juguler au niveau d'un seul pays, un clan de crypto-fascistes, qu'il ne faut surtout pas appeler par leur nom, tente de faire main basse sur les municipalités et plus si affinités : Surtout, ne protestons pas !


 

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Sans vouloir faire d'amalgame, je rappelle néanmoins que les fascismes issus de régimes présumés démocratiques ont commencé par se donner une allure respectable, tout en jouant sur le ras-le-bol des gens exaspérés par une situation économique sans issue (avec les crises à répétition du capitalisme moderne depuis 1857) : en Allemagne, on a compris la leçon et, après la spirale de l'horreur consécutive à l'élection de novembre 1932, scellant la nomination à la chancellerie d'un homme dont le parti venait de faire 33,1% des voix exprimées (!), ce serait vraiment terrible s'il en eut été autrement...


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(!) La participation était de 80,6%. - Et, en novembre, le NSDAP perdait déjà 4,2% sur les législatives de juillet 1932, alors que le SPD et le KPD totalisaient 37,3% des voix : ce fut l'une des raisons qui décida le président Hindenburg à nommer A.H. Mais comme on l'apprendra ultérieurement, il n'avait rien à craindre : sur ordre de Moscou, les communistes du KPD devaient refuser toute alliance avec le SPD. - Je sais que j'ai tendance à radoter, mais je ne cesserai jamais de rappeler ces résultats et d'étudier ces dernières élections libres de la République de Weimar. J'ignore comment le fascisme aurait pu être évité en Allemagne, mais je reste persuadé que ce n'était pas une fatalité !


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Commentaires


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Oui mais, sous quelle forme protester ? une forme efficace, c'est à dire qui convainc les électeurs de ne pas voter FN, pas une simple gesticulation ?


Écrit par : j.michel | 28 mars 2014 |

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je ne suis on ne peut plus d'accord avec vos propos , je suis aussi sidéré de l'importance accordée à cette formation politique par la sphère médiatique , comme une forme de soumission perverse et ignorante et aussi avec le déni et la démolition d'un passé récent , avec aussi une analyse électorale ne laissant pas la place à d'autres formations dont les résultats ne sont pas à négliger

quel est le but d'un journal comme "le Monde " , d'une chaine comme BFM quand ils remplissent leurs colonnes et donnent plus de temps de paroles à ce parti ? Ce sont bien eux qui ont participé à la dédiabolisation non ? Ce sont même eux qui ont trouvé ce qualificatif pour pouvoir ensuite l'exploiter ad vitam eternam

jusqu'où iront'ils et pourquoi ?

Écrit par : kulturam | 29 mars 2014

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Salut SK.

Rappel salutaire au sujet de "bobo". Il se trouve qu'un ami de famille (côté madame), directeur (mais en province) d'un gros truc qui permet d'asseoir chaque année un festival international (par discrétion à son égard je suis obligé de rester vague), fils d'un intellectuel connu, sollicité bien qu'avançant en âge (un septua actif et souvent interviewé) m'avait un jour repris après avoir lu sur mon ancien blog que je me disais conscient d'être plus ou moins bobo (de gauche, je précise). Et de m'expliquer effectivement le sens de "bourgeois-bohème" en me disant que c'est lui qui avait lancé l'expression à la fin des années 90, époque où lui-même était encore "germanopratin"...

Écrit par : BL | 29 mars 2014

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La montée des votes pour le FN est due à la "dédiabolisation" du FN dont le responsable est le PS pour l'UMP, l'UMP pour le PS et les médias pour tous. Arrêtons cette explication facile et déresponsabilisante par rapport à la politique UMPS. Les discours de l'UMP et du PS sont peut-être moins démago que ceux du FN, mais ils sont démagos et le peuple s'en est rendu compte, alors certains se disent qu'ils peuvent essayer le FN qui ne peut pas faire pire. L'histoire montre que quand on essaie, il est difficile ensuite d'arrêter l'essai. Mais cette histoire est ancienne, et s'oublie.

écrit par j.michel | 29 mars 2014

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merci de restaurer la vérité sur l'accés de AH

le festival d'Avignon comprend plusieurs axes, un happening de rue style saltimbanques, troubadours, qui donne l'impression festive au pied du palais des papes

un axe confidentiel,pas facile de s'y retrouver et d'assister à des spectacles et lesquels

un axe grande foire et grand bazar , celui que je préfère au fond, celui qui met sur les dents toutes les polices du département, et il ne se passe jamais rien sur cette grande avenue qui chante

qu'a fait monsieur Py pour attirer ces gosses venus des zones populaires dans son festival de théatre, pour leur faire faire du théatre, j'aimerais lui demander

ce sont ces gosses qui seront regardés en coin par la gestion mairie FN, ils sont rarement blonds et effectivement assez turbulents

que défend t il en protestant ainsi, lui? le Théatre, son microcosme, et merci pour cet art, merci pour les retombées économiques, les troupes qui pourront se vendre

il n'envisage pas ces communautés "issues de", ni ces vergers qui meurent, le FN s'est juché sur cette fracture, les communautés on sait bien comment ça va finir

Monsieur Py peut bouder, pendant qu'il faisait du théatre une faille des territoires se formait en injustice, qu'a t on fait au juste?

une Maison d'arrêt flambant neuve au Pontet, vous connaissez le Pontet? j'ai jamais vu autant de turcs! des familles beaucoup plus sympa que certaines souchiennes mais leurs enfants accèderont ils?

ils habitent des immeubles années 70, les investisseurs aimeraient bien fondre la dessus à pas cher....je m'égare un peu mais ce qui me navre est ce chambard anti FN qui vient de mettre un pied dans la faille française, ça lui sert de tremplin, avant on a raté aprés on ne fera pas plus

l'extrême droite veut virer les étrangers, sortir de l'euro, refaire les frontières, nationalisme pur et dur en réponse qu'a t on de cohérent et de porteur au niveau de cette Europe au joli drapeau? l'urgence est là , avant que ces nouveaux édiles se multiplient vraiment

écrit par PARKER | 29 mars 2014

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Je comprends ce que vous dites, vous parlez à partir de votre ressenti, de votre connaissance de la région...

Py n'est en place que depuis septembre 2013, je crois, et je ne vois pas comment un homme comme lui pourrait s'entendre avec une municipalité FN, dont le Festival dépend en partie. Comme nous tous, lorsque nous en avons l'occasion, il fait d'une pierre deux coups : allier un acte protestataire et une réelle impossibilité (de faire son travail correctement)...
c'est en tout cas ce que j'interprète...

Ce qui m'a toujours choqué, c'est l'hiatus incroyable qui existe entre la magnifique ville d'Avignon intra muros et certaines banlieues sordides (p.ex. sur la route de l'hôpital d'A.-Sud)... je n'ai plus été dans la région depuis un certain temps, je ne sais pas si c'est toujours comme ça...

De façon plus générale, je ne comprends pas comment la France se laisse faire sans protester : je ne parle pas des médiatiques et politiques (pléonasme), mais des "vraies gens" ... n'a-t-on pas identifié le danger réel ?... peut-être le "débriefing" des périodes troubles de ce pays n'a-t-il pas été fait en profondeur ?

écrit par sk | 29 mars 2014

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