lundi 17 janvier 2011

Haïti : Baby Doc is back !

Ce n'est peut-être qu'une anecdote, ou une coïncidence : L'ancien dictateur de père en fils Duvalier, limogé après les soulèvements populaires de 1986, fait son retour en Haïti, alors que le second tour de l'élection présidentielle tarde à être organisé, où doivent s'opposer Mirlande Manigat (31.37%) et Jude Célestin (22.48%), le troisième du premier tour, Michel Martelly, ayant été éliminé de justesse (21.84%). - Officiellement, Jean-Claude Duvalier veut soutenir le peuple haïtien après la catastrophe sismique des 12 et 20 janvier 2010, qui avait fait quelque 230 000 morts, 300 000 blessés et 1,2 million de sans-abris, selon les chiffres données le 9 février 2010 par Marie-Laurence Jocelyn Lassegue, ministre haïtienne de la Culture et des Communications. - Un soutien  bien tardif, pourrait-on penser. - Voici un document tourné en 1969 pour le magazine Panorama (ORTF), qui présente la dictature haïtienne dans la perspective  française de l'époque (un an après mai 1968) et donne une interview du dictateur François Duvalier, alias Papa Doc, au pouvoir de 1957 à 1971. Les questions  inoffensives et les marques de respect ("votre excellence") du journaliste sont d'une prudence excessive, presque navrante, et les réponses du dictateur sont lues sur un papier : les questions lui auront donc été communiquées par avance. - Je fais suivre un reportage de 1981 (où l'on reconnaîtra le jeune Régis Faucon, grand reporter pour TF1 à l'époque) qui adopte un ton bien différent. Il inclut une interview du fils Duvalier, Jean-Claude, alias Bébé Doc, dictateur depuis la mort de son père (1971, le commentaire dit par erreur 1961) jusqu'au soulèvement de 1986, aujourd'hui rentré au bercail pour une raison encore obscure, après 25 ans d'exil en France ... Pour préparer  le 30e anniversaire de la mort de Papa Doc (21 avril) ?


[update 18-01-2011] "Arrivé dimanche à Haïti après s'être exilé 25 ans en France, l'ancien «président à vie», Jean-Claude Duvalier, a été interpellé par la police dans un hôtel de Port-au-Prince. Une source judiciaire affirme qu'il n'était pas menotté à sa sortie de l'hôtel et qu'il devait être ensuite conduit au tribunal" (ici).


[update 19-01-2011] Accusé de corruption et de détournement de fonds,  Jean-Claude Duvalier est ressorti libre du tribunal. Aucune mention n'a été faite des "crimes de sang" et des exactions des "Tontons Macoute", les miliciens de la sécurité haïtienne, mis en place par le père et "réaffectés" par  le fils. On s'interroge toujours sur les raisons profondes de ce retour inattendu au pays ...

Côte d'Ivoire : Gbagbo vs. Ouattara

La révolte tunisienne a éclipsé l'Algérie, et encore davantage la Côte d'Ivoire, où les choses ne semblent guère avancer. Le site afrik.com s'interroge le 14 janvier 2011 : Veillée d’armes en Côte d’Ivoire ? -  En effet, "Alassane Ouattara s’impatiente. « Je crois vraiment qu’il faut utiliser la force pour faire partir Laurent Gbagbo. Je pense qu’il est temps », a-t-il déclaré vendredi après-midi lors d’une vidéo conférence avec le Centre pour les études stratégiques et internationales (CSIS)." Car : "A Abidjan, et alors que le médiateur de l’Union africaine (UA) pour la crise ivoirienne, le Premier ministre kényan Raila Odinga, est attendu ce dimanche, le calme est quelque peu revenu. Mais après les derniers incidents qui ont eu lieu en milieu de semaine, un palier de plus vers la lutte armée semble avoir été dépassé. C’est à l’arme lourde que se sont affrontés les partisans d’Alassane Ouattara et les Forces de Défense et de Sécurité (FDS) fidèles à Laurent Gbagbo. Les FDS qui ont menacé les forces de l’Onu qui tentaient d’accéder à Abobo. Les Nations Unies qui ont été de nouveau prises pour cible jeudi [13-01-2011] par « les forces régulières et irrégulières fidèles à Laurent Gbagbo ». Son Secrétaire général, Ban Ki-moon, a exprimé jeudi sa « profonde inquiétude » après ces nouvelles attaques. - Des violences post-électorales qui, selon l’Onu, ont fait 247 morts et 49 disparus. Un bilan qui pourrait s’alourdir de manière significative. Navi Pillay, Haut commissaire aux droits de l’homme de l’Onu, a déclaré jeudi qu’un troisième charnier avait été découvert. Selon elle, les Nations Unies s’étaient vu refuser l’accès aux trois sites, dont un qui contiendrait 80 corps. Le troisième charnier se trouverait à Issia, près de Daloa, mais l’Onu n’a pu vérifier son existence, a déclaré Rupert Colville, porte-parole de Pillay."


Pour entrevoir la complexité du problème ivoirien, voici la fin d'une adresse parue une semaine plus tôt (le 7-01-2011) sur le site afriscoop :


"L’opinion publique occidentale est convaincue que l’Onu a supervisé en toute indépendance des élections dans un pays comme un autre. Malgré l’issue du scrutin, un « dictateur fou » refuse de quitter son fauteuil présidentiel… Fin de la version officielle. En réalité, l’Onu a organisé des élections dans un pays encore coupé en deux et dont une partie du territoire est tenue par des rebelles armés. Peut-être le clan de Laurent Gbagbo a-t-il commis des fraudes, mais il est incontestable que les partisans d’Alassane Ouattara ont truqué les élections dans le Nord. L’Onu n’a pas été surveiller les bureaux de vote dans le Nord du pays, tenus par les rebelles. (...) - Conséquences : C’est le chaos… Malgré le soutien des chefs d’Etat africains à la position occidentale, la rue africaine conservera le sentiment que Paris et Washington ont fait ingérence dans une affaire africaine et que leurs élites respectives sont corrompues. Lorsque Nicolas Sarkozy « ordonne » à Laurent Gbagbo de partir, même l’Africain anti-Gbagbo devient pro-Gbagbo, celui-ci prenant alors à ses yeux la qualité de résistant au «colonisateur blanc»."

Voici enfin le point sur une situation digne du théâtre de Samuel Beckett, fait le 5 janvier 2011 par BFM :


Une dernière dépêche en provenance de Bamako (Mali) : "Les chefs d'état-major des pays membres de la Communauté des Etats d'Afrique de l'ouest (Cédéao) se réunissent mardi [18-01-2011] à Bamako pour finaliser l'option militaire afin de "rétablir la démocratie en Côte d'Ivoire", a-t-on appris lundi de source proche de la rencontre." (ici)

dimanche 16 janvier 2011

[Note] L'ordre de la bataille (un inventaire)

Les événements récents en Tunisie ont provoqué une sorte d'union nationale sur la scène politico-médiatique en France. Elle sera de courte durée. Car, malgré "l'année utile" décrétée par le Président et son Premier ministre, les équipes commencent à se mettre en place pour la campagne de 2012. 

À la droite du pouvoir actuel, Marine Le Pen vient d'être propulsée à la tête du Front National, prête à défendre, selon la formule désormais consacrée, la "marque Le Pen" aux prochaines présidentielles. La question des débatteurs professionnels est invariablement celle-ci : La fille est-elle plus dangereuse que le père ? Sans doute, entend-on répondre, parce que "Le Pen light" (autre formule à la mode) est plus insidieux et pourrait même conduire à une alliance avec la droite parlementaire.

Sauf incident majeur, le président en exercice sera le candidat de l'UMP en 2012. C'est ce qui ressort des déclarations de Jean-François Copé (12-01-2011). Qui d'autre pourrait lui ravir cette place ? Le Premier ministre sans doute, en cas de force majeure ou d'un écœurement soudain de l'Élysée, car on ne voit pas une éventuelle candidature de François Fillon se maintenir à côté de celle de Nicolas Sarkozy

Il y aura certes des "dissidents" à droite, comme celles, probables, de deux anciens de l'UMP, MM. Dupont-Aignan et de Villepin. - Et peut-être la candidature d'un centriste comme Hervé Morin ou Jean-Louis Borloo, qui affaibliraient certainement celle, prévisible, de François Bayrou.

Au Parti Socialiste, les choses sont moins claires. Les candidats déjà déclarés aux primaires, qui auront lieu les 9 et 16 octobre 2011, sont Manuel Valls, Ségolène Royal et Arnaud Montebourg. La grande incertitude concerne la candidature de Dominique Strauss-Kahn, le directeur actuel du Fonds Monétaire International. Les autres responsables qui concourront peut-être sont Martine Aubry, l'actuelle Première secrétaire du PS, et François Hollande, son prédeccesseur à ce poste.

Cécile Duflot, secrétaire nationale d'Europe Écologie Les Verts, vient de confirmer son soutien à  la candidature d'Éva Joly (interrogée par Olivier Mazerolle sur BFM TV, ce soir même). Mais d'autres candidatures pourraient émerger, notamment celle de Nicolas Hulot, qui rendront nécessaires des "primaires" au sein du mouvement écologiste. - Plus à  gauche, on note la montée en puissance de Jean-Luc Mélenchon, et le discours militant de Jean-Pierre Chevènement, deux anciens du PS et possibles candidats. - On peut également imaginer l'émergence des candidatures de José Bové ou d'Olivier Besancenot, qui ont participé aux présidentielles de 2007.

Ni à droite ni à gauche, les choses ne paraissent simples. D'un côté, l'UMP sera forcément coincée entre un FN "modernisé" par Mme Le Pen et une tentation social-démocrate au centre, esquissée par M. Bayrou en 2007. De l'autre, l'année 2011 s'annonce conflictuelle à gauche, avec des invectives qui commencent déjà  à fuser entre (ex-)camarades et l'incertitude qui plane sur les primaires du PS. - Cette année sera certes utile. Toutes les années  le sont, par temps de paix. Mais, sauf incident majeur, elle sera aussi polémique. Très polémique. Car, si elles ne sont pas encore rangées en ordre de bataille pour 2012, les armées se chercheront à coup sûr !

samedi 15 janvier 2011

Marine Le Pen : Le défi opère

L'AFP le confirme : "De sources internes au Front national, Marine Le Pen l’a largement emporté dans la compétition interne qui l’opposait à Bruno Gollnisch pour la succession de son père, à la tête du parti d’extrême droite." (la suite ici)  - On dit qu'elle réunirait 2/3 des voix.

Dès hier soir, Claude Askolovitch (Europe 1, JDD) a commenté l'information à la radio



Aujourd'hui l'hebdomadaire Le Point rappelle que : "Dès le début de la campagne interne lancée en septembre dernier, la fille cadette de Jean-Marie Le Pen s'était imposée comme la favorite face à son rival de dix-huit ans son aîné [Bruno Gollnisch]. Jouant la carte de la femme branchée et moderne - deux fois divorcée, trois enfants -, l'élue du Pas-de-Calais brille dans les sondages et sur les plateaux de télévision. Marine Le Pen prouve aussi qu'elle est bien la fille de son tribun de père, dont elle a reçu le soutien. Ayant le sens de la formule, elle est capable de focaliser l'attention et d'installer le Front national au centre du jeu. C'était là, d'ailleurs, le but de ses propos à la mi-décembre où elle comparait les "prières de rue" des musulmans à une "occupation"." (ici)

vendredi 14 janvier 2011

Ben Ali : Je vous ai compris !


Dans ce court document d'Euronews (13-1-2010), le président tunisien Zine el-Abidine Ben Ali, général au pouvoir depuis le limogeage de Habib Bourguiba, qu'il a destitué en 1987, insiste en empruntant la manière gaullienne : "La situation nécessite un changement radical. Je vous ai compris ! J'ai compris tout le monde : le chômeur, le nécessiteux, le politicien, et ceux qui demandent plus de liberté. J'ai compris tout le monde, mais ce qui se passe aujourd'hui n'est pas propre aux  Tunisiens." (*) - Le document s'arrête, sans commentaire, sur ce dernier propos. En effet, il y a également l'Algérie, dont on parle moins, depuis que les médiatiques français se sont découvert une profonde affection pour la Tunisie. Cela va des personnalités politiques comme M. Dupont-Aignan ("Ben Ali c'est fini")  ou Mme Lienemann ("Solidarité avec le peuple tunisien !") aux journalistes tels que Jean-Michel Apathie ("Il faut parler de la Tunisie") ou Edwy Plenel ("Soutenir l'insurrection de la Tunisie"). La Règle du jeu de Bernard-Henri Lévy commence également à se prendre au jeu : "Tendre l’oreille aux grondements de la jeunesse tunisienne pour mieux la protéger". - Peut-être le soutien hautement médiatisé à Mme Sakineh Mohammadi Ashtiani - invariablement appelée par son prénom, comme s'il s'agissait d'une amie de longue date - s'essouffle-t-il quelque peu : Il faut donc braquer les projecteurs ailleurs !

Hier soir, dans un débat télévisé ("Ce soir ou jamais"), j'ai entendu dire que l'Algérie n'a pas eu son Lech Walesa ou son Vaclav Havel. C'est vrai. Et elle n'a pas eu son Gorbatchev. Sa perestroïka et sa glasnost. - Il est sans doute trop tard pour rattraper le temps perdu. On aurait dû le faire après les événements du 5 octobre 1988. Ou le Printemps noir. Or, aujourd'hui la jeunesse se révolte à nouveau : Le sucre est trop cher. Il n'y a pas de boulot. La liberté d'opinion n'est pas garantie. Les terroristes peuvent frapper n'importe quand, n'importe où, n'importe qui. La jeunesse est courageuse. Elle a le courage du désespoir.

jeudi 13 janvier 2011

Les primaires du Front National


Depuis un certain temps déjà,  les "primaires" du FN se disputent âprement : les deux candidats en lice, M. Gollnisch et Mme Le Pen, sont soumis aux mêmes questions par Michel Field (LCI) dans cette vidéo enregistrée et diffusée le 12 janvier 2012 à 19h (un certain nombre d'écrans publicitaires sont à prévoir). - Il s'agit de la "dernière ligne droite" puisque le résultat du scrutin sera connu ce week-end. - On comparera le style des deux prétendants : contrairement à Bruno Gollnisch, plutôt détendu et peut-être un peu résigné, Marine Le Pen a un débit très rapide comme si elle entendait utiliser jusqu'à la dernière seconde le temps de parole qui lui est accordé. Sans doute s'agit-il de faire passer son message, mais une volonté de faire de son élection  prévisible un plébiscite semble également l'animer. Dans sa "famille" politique, son véritable adversaire n'est sans doute pas M. Gollnisch, mais bien davantage le "père fondateur" qui vient de faire part de ses projets d'avenir.

Le Salon doré

Vous ne connaissez pas le Salon doré ? Je viens de voir sa présentation virtuelle en me demandant si certaines personnalités politiques aux ambitions présidentielles ne visitent pas, aux heures creuses, cette page pour se ressourcer !

Voici ce qu'en dit Wikipédia :
"À l'origine grand salon de madame de Pompadour, vaste pièce située au centre du bâtiment avec vue sur le parc, le salon doré est décoré en 1861 par Ovide Savreux (sculpture) et Jean-Louis Godon (peintures) pour l’impératrice Eugénie. Il est notamment orné de tapisseries des Gobelins, dont surtout celle des Muses et d'un lustre Second Empire à 56 lumières en bronze doré et cristaux.- Charles de Gaulle, une fois devenu président de la République, choisit cette vaste pièce pour en faire son lieu de travail et y fait notamment installer le mobilier actuel qui comprend : le bureau de style Louis XV en bois de violette, chef-d'œuvre réalisé au 18e siècle par l'ébéniste et sculpteur Charles Cressent, trois fauteuils, un canapé, six chaises Empire issues de l'ancien salon de Joséphine de Beauharnais au palais des Tuileries, une grande table ronde en acajou et deux consoles de style Louis XVI et le tapis Louis XIV de la Manufacture de la Savonnerie ayant pour thème principal « L'Amour ». Le mobilier n'a connu une transformation qu'entre 1988 et 1995 à l'instigation de François Mitterrand : celui-ci confie ainsi cette tâche en décembre 1983 au designer Pierre Paulin, déjà auteur de la transformation de trois pièces du rez-de-chaussée de l'aile est, dans les appartements privés, pour Georges Pompidou en 1971-1972. L'ensemble alors réalisé comprend 21 meubles au ton dominant bleu avec des liserés en aluminium rouge : un bureau plat et sa console technique, une table basse, un salon de six fauteuils et un canapé, un siège de travail, quatre fauteuils visiteurs, trois tables guéridons, un meuble bas d'environ trois mètres de long, un chevalet et un meuble de télévision. Avant son départ de la présidence en 1995, François Mitterrand remet en place le mobilier d'origine et verse l'ensemble Paulin au Mobilier national. - Tous les présidents de la Ve République (à l'exception de Valéry Giscard d'Estaing qui lui préfère l'ancienne « chambre de la reine », jusque-là dévolue au directeur de cabinet, à l'angle Sud-Est de l'étage, et qui se sert du salon doré comme lieu de réunion avec ses collaborateurs) ont fait de ce salon leur bureau."

Si on ne le savait déjà, on l'aura deviné : le Salon doré est la pièce centrale, et donc "mythique", du Palais de l'Élysée. Mais tout de même :  un Palais comme centre nerveux du pouvoir présidentiel ! Un endroit aux origines si peu républicaines. - Choisi en 1848 comme résidence du président français, le premier et seul élu de l'éphémère IIe République, Louis-Napoléon Bonaparte, s'y installe aussitôt pour se transformer très vite en Napoléon III, et il faut attendre sa chute en 1870 pour que le chef de l'État Français occupe - avec une interruption de 1940 à 1946, Vichy oblige - les lieux de façon permanente jusqu'à l'époque présente. Comme si la demeure du président de la République devait conserver un peu de l'apparat et des fastes monarchiques ou impériales pour inspirer le respect des citoyens et symboliser le pouvoir personnel. - Au pays de la Révolution, et du régicide, le "retour du refoulé" de Freud prend alors tout son sens. Un siècle plus tôt, le philosophe Hegel (1807) avait d'ailleurs déjà pointé de tels phénomènes contradictoires avec son concept intraduisible de Aufhebung, qui signifie que l'on "annule" (refoule) et "conserve" (restitue) en même temps. C'est cette contradiction qui, pourrait-on dire, "hante" l'Élysée, puisque le palais a été construit au début du règne de Louis XV (entre 1718 et 1720) : il aura fallu attendre 150 ans et la fin du IIIe Empire (1851-1871) pour que la République Française, née dans l'extermination de la noblesse, vienne à son tour investir les lieux après tant d'années de régime autocratique.

Par contraste, la Maison Blanche, qui symbolise également un pouvoir personnel fort, a été construite spécialement pour les présidents des États-Unis  (1792-1800) dans une ville entièrement nouvelle au nom du premier d'entre eux : Washington. - Le Bureau ovale, l'équivalent du Salon doré, est de facture encore plus récente - et "moderne" - puisqu'il se trouve dans l'aile Ouest, construite sur ordre du président Roosevelt à partir de 1902. - Aujourd'hui, il est habité par un homme d'origine afro-américaine, comme on dit là-bas, ce qui 40 ans plus tôt, à l'époque de l'assassinat de Martin Luther King (1968), aurait relevé de la plus formidable utopie.

Inauguré par le président De Gaulle qui, en 1958, décida d'installer son bureau dans ce "grand salon de madame de Pompadour", le Salon doré est depuis resté le haut-lieu du pouvoir élyséen, même s'il fut boudé par le président Giscard d'Estaing qui préféra travailler dans la « chambre de la Reine ».  - Une  personnalité afro-européenne s'y installera-t-elle un jour ? Ou bien envisagera-t-on peut-être un déménagement pour définitivement tourner le dos à l'immense pouvoir personnel des Rois et Empereurs de France ?

mardi 11 janvier 2011

Le problème des primaires


Ce soir (11-1-11), on apprend par la bouche du porte-parole du PS, Benoît Hamon, que "les candidats à l'investiture socialiste pour la présidentielle de 2012 devront se déclarer entre le 28 juin et le 13 juillet, et [que] le vote, ouvert à tous les sympathisants de gauche, aura lieu les 9 et 16 octobre." - Nous actualisons donc tacitement cette note écrite la veille.

Les dates des primaires socialistes sont maintenant connues. - Le simple bon sens voudrait que le probable étalage des différends entre camarades du PS (pointé également par M. Fillon) ne s'éternise pas. Or, le calendrier veut que les hostilités prennent fin à six mois seulement du scrutin présidentiel (avril 2012). - Le problème est celui-ci : dès avant la publication de la liste officielle du 13 juillet, les attaques entre camarades vont déjà fuser pour se prolonger pendant tout l'été et une partie de l'automne 2011. Ensuite, une personnalité politique sera désignée et devra rassembler tout le monde. Ceux qui se seront affrontés un mois, une semaine auparavant, devront brusquement changer leur fusil d'épaule et parader en rangs serrés derrière l'élu(e). Il y a fort à parier que ce ne sera pas très crédible aux yeux d'une bonne partie de l'électorat. Et, pour couronner le tout, l'élu(e) socialiste n'aura plus que six mois pour endosser - et incarner -  le rôle de champion(ne) de la gauche. - Mais, comme si ce n'était pas assez, les primaires socialistes sont, en plus, ouvertes à tous les sympathisants du PS ! Gageons qu'un certain nombre de "sympathisants" des droites parlementaire et nationale vont chercher à s'introduire dans ce scrutin et favoriser la personnalité la moins qualifiée ou, si l'on préfère, tenter de bousculer la personnalité la plus "présidentiable" du Parti Socialiste. - Non ? Ce sont des choses qui ne se font pas ?

mercredi 8 décembre 2010

Le feuilleton WikiLeaks

 Compte rendu rédigé entre le 30 novembre et le 8 décembre 2010

Selon le Washington Post, une plainte pourrait être déposée contre Julian Assange, le (co)fondateur de WikiLeaks. Les autorités fédérales des Etats-Unis enquêtent sur la publication des documents gouvernementaux (notamment des dépêches internes des ambassades américaines) par WikiLeaks en cherchant à savoir s'il s'agit d'un acte criminel, voire d'un acte d'espionnage. Le garde des sceaux américain Eric H. Holder Jr. déclare que le département de la Justice et le Pentagon mènent "actuellement une investigation criminelle". De même, le FBI enquêterait sur toute personne ayant eu accès à ces documents et ayant pu les communiquer à WikiLeaks, mais aussi sur l'organisation elle-même. Cependant, on ne sait pas si ces enquêtes aboutiront ou non à une plainte fédérale. - Rappelons que "Julian Assange, un Australien de 39 ans, est [fait] l'objet d'un mandat d'arrêt international depuis la semaine dernière pour des faits de viol et d'agression sexuelle commis en Suède en août dernier." (AFP, 24/11/2010). - Sur Europe 1, une dépêche de ce jour (30/11) nous apprend que l'Equateur est prêt à accueilir Julian Assange. Sur le site Ecuadorinmediato, le vice-ministre équatorien des Affaires étrangères déclare: "Nous allons l'inviter à venir en Equateur pour qu'il puisse exposer librement, pas seulement sur Internet, mais aussi dans différentes instances publiques les informations qu'il possède et toute la documentation".
Les dernières publications de WikiLeaks ne sont pas tant des révélations que des "indiscrétions", selon un journaliste du journal Le Monde. On y apprend ce que l'on imaginait déjà : en diplomatie comme ailleurs, les acteurs possèdent une "pensée de derrière" selon l'heureuse expression du philosophe Pascal. - Mais, après les révélations sur les guerres en Irak et en Afghanistan, WikiLeaks annonce une nouvelle série de documents concernant les banques, comme on peut le lire dans Le Figaro daté d'aujourd'hui : "Après la sphère diplomatique, Wikileaks s'attaque à la finance. Le site spécialisé dans la fuite d'informations qui a mis sur la place publique des centaines de milliers de documents et télégrammes diplomatiques classés confidentiels révèle qu'il détient également des documents compromettants pour une grande banque américaine, sans donner aucun nom."
Dans une interview accordé au magazine Forbes (11/11/2010), Julian Assange précise : “Cela donnera un aperçu représentatif et vrai de la conduite adoptée par la direction des banques, et je suppose que cela occasionnera des enquêtes et des réformes." Dans la suite de l'entretien, on apprend qu'il s'agit de l'une des banques les plus importantes des USA et que la publication des documents devrait intervenir début 2011.
WikiLeaks constitue une sorte de nouveau contre-pouvoir, à la fois contre les pouvoirs des Etats, d'une "certaine presse" et du secteur privé (surtout économique), qui n'aurait pas été possible sans l'avènement d'Internet. Ainsi, WikiLeaks s'inscrit dans ce que l'on peut appeler le "Web alternatif", qui prend ici une tournure résolument politique et militante. L'entreprise est risquée, car les pouvoirs en question ne plaisantent pas et tous les moyens seront bons pour mettre fin au projet : piratage et virus, noyautage et désinformation, menaces sur la vie et l'existence des collaborateurs, Julian Assange en tête. Sans se "mouiller", certains grands journaux, comme Der Spiegel ou Le Monde reprennent les informations fournies par WikiLeaks. Mais iraient-ils jusqu'à protéger leur "source" ?
Voici encore Alain Frachon, directeur éditorial du "Monde" qui, contrairement à son collègue cité plus haut, estime que les notes diplomatiques américaines de WikiLeaks constituent bien une "révélation".