samedi 8 février 2014

Une histoire de cinéma

L'histoire est vite racontée : le cinéaste bosniaque Danis Tanović, réalisateur de No Man's Land (Oscar du Meilleur Film Étranger en 2002) et du film français L'enfer (2005) tourne dans son pays natal Un épisode de la vie d'un collecteur de métaux (An Episode in the Life of an Iron Picker - Epizoda u životu berača željeza). Ce n'est pas vraiment un documentaire, mais plutôt une forme de « cinéma vérité » autour de la vie d'une famille de Roms bosniaques, dont les membres sont appelés à jouer leurs propres rôles. En voici la bande annonce :



[vimeo http://vimeo.com/59092135]


Le film est présenté à la Berlinale 2013, remporte le Grand Prix du Jury et son comédien improvisé mais néanmoins principal, le ramasseur de vieux métaux Nazif Mujic, obtient l'Ours d'Argent du meilleur acteur. Jusque là, tout va bien.


 


nazif


Mais, le film ayant été produit avec de petits moyens (17.000 €) et n'étant pas destiné à battre des records au box office, Nazif Mujic n'a pas pu transformer sa vie en Bosnie avec les cinq cents euros qu'il a gagnés. Alors il décide d'emmener sa famille à Berlin, pour trouver à s'employer dans cette ville où il a entrevu d'autres perspectives, où il s'est retrouvé sur la scène d'une salle prestigieuse devant un parterre de gens élégants...


 


Et le voici, depuis novembre 2013, demandeur d'asile, son Ours d'Argent soigneusement rangé dans l'armoire du foyer de réfugiés, mais ces jours-ci le refus tombe comme un couperet : Nazif Mujic et sa famille doivent quitter le territoire allemand le 25 février 2014 au plus tard. - Il faut préciser que les intentions de Danis Tanović étaient certainement louables : interpellé par un fait divers dans le journal relatant que, faute d'assurance et d'argent, l'hôpital avait refusé de soigner la femme de Nazif, pourtant en grand danger à cause d'un fétus mort dans son ventre, le cinéaste avait contacté la famille pour raconter l'injustice qui la frappait et la dureté de sa vie quotidienne. Il ne pouvait pas, ensuite, la protéger face aux rigueurs administratives d'un pays qui n'est pas le sien.


 


L'histoire pourrait s'arrêter là, mais voilà : la Berlinale 2014 bat son plein, certaines personnalités ont pris sa défense, il est invité à la cérémonie d'ouverture, son film sera projeté en sa présence au cinéma Krokodil le 15 février et, pour l'heure, les autorités lui accordent tout de même un « sursis d'hiver ». - Il faut espérer qu'au terme de la fête du cinéma avec ses tenues de gala et son inflation d'idées généreuses, on ne laissera pas tomber cet « enfant de la Berlinale ». Peut-être un cinéaste s'intéressera-t-il au voyage initiatique de Nazif à travers des mondes aussi différents qu'une casse de voitures bosniaque, un centre de réfugiés berlinois et un festival international du film pour écrire avec lui un nouvel épisode de la vie d'un collecteur de métaux précieux...
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> Sur le site de RBB, vous trouverez une vidéo avec quelques images actuelles de Nazif qui parlent d'elles-mêmes, la voix off allemande évoque son histoire récente.


 


> Et voici encore une courte interview en français de Danis Tanović (fév. 2013, ARTE) :


 http://videos.arte.tv/fr/videos/an-episode-in-the-life-of-an-iron-picker-de-danis-tanovic--7330598.html


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