samedi 28 avril 2007

[France 2007] Bayrou | Débat

France 2007


Bayrou recentre le débat
(26 avril 2007)


Au moment où F. Bayrou s’adresse à la presse, Ph. de Villiers appelle à voter pour N. Sarkozy qui, un peu plus tard, fait une prestation télévisée sur TF1 (20:10) avant que S. Royal ne fasse la sienne sur France 2 (21:00). Le bilan de cette journée hautement médiatique d’hier (25 avril 2007) reste mitigé : l’annonce attendue d’un nouveau parti démocrate par M. Bayrou, qui n’aura donné aucune consigne de vote à ses quelque 7 millions d’électeurs sans cependant se priver de faire un grand nombre d’allusions permettant aux commentateurs de donner libre cours à leur imagination, l’essoufflement de M. Sarkozy qui, pour la première fois peut-être, est apparu comme un perdant potentiel ou, si l’on préfère, comme un challenger, et enfin la cacophonie qui régna sur le plateau de la chaîne publique où les deux journalistes (Arlette Chabot et Gilles Leclerq) n’ont cessé de couper la parole à Ségolène Royal. Cette dernière prestation de plus de 90 minutes a sans doute été particulièrement pénible pour la candidate socialiste car, interrogée sur tous les sujets possibles et imaginables d’une façon pas toujours correcte, si l’on admet qu’il faut laisser parler les gens, elle n’a que difficilement pu aller au bout de ses idées en faisant cependant preuve de présence d’esprit et d’humanité. Mme Royal doit en effet "tendre la main" à son électorat potentiel du centre-gauche sans décevoir les antilibéraux qui lui ont, au soir du premier tour, donné carte blanche en appelant à voter contre le candidat sortant, une épreuve dont elle s’est d’ailleurs plutôt bien sortie, quoi qu’en pense A. Krivine, porte-parole d’O. Besancenot, qui commence à amender les options prises par son mouvement pour le second tour. Soumis à une épreuve plus courte et des questions succinctes qui lui ont permis de s’exprimer librement, Nicolas Sarkozy n’a pas vraiment convaincu : certainement plus médiatique que sa rivale, il s’est laissé aller à la facilité de la répétition et de la réduction de complexité tout en cherchant à ouvrir lui aussi la porte vers le centre-gauche en reprenant, d’une façon un peu moins crédible, certaines idées séduisantes pour l’électorat de M. Bayrou qui ne lui est pas vraiment favorable. En effet, le leader centriste a fustigé le candidat de l’UMP au cours de sa conférence de presse: "Nicolas Sarkozy, par sa proximité avec les milieux d’affaires et les puissances médiatiques, par son goût de l’intimidation et de la menace, va concentrer les pouvoirs comme jamais ils ne l’ont été. Par son tempérament, et les thèmes qu’il a choisis d’attiser, il risque d’aggraver les déchirures du tissu social, notamment en conduisant une politique d’avantage au plus riche." Et l’on a également pu noter un léger avantage pour la candidate du PS dans l’esprit de François Bayrou, qui adresse cependant une critique sévère au programme trop étatiste des socialistes: "Ségolène Royal paraît mieux intentionnée en matière de démocratie, encore que le parti socialiste n’ait rien fait quand il était au pouvoir pour corriger ces maux, plus attentive à l’égard du tissu social, mais son programme, multipliant les interventions de l’État, perpétuant l’illusion que c’est à l’État de s’occuper de tout, et qu’il peut s’occuper de tout, créant je ne sais combien de services publics, va exactement à l’encontre, en sens contraire, des orientations nécessaires pour rendre à notre pays et à son économie leur créativité et leur équilibre." Ce soir (26 avril 2007), les dispositifs très différents de TF1 et de France 2 seront inversés : Mme Royal sera face à MM. Poivre d’Arvor et F. Bachy de la chaîne privée, tandis que M. Sarkozy affrontera les feux croisés de Mme Chabot et M. Leclerq. Ce sera la dernière épreuve médiatique avant le duel télévisé du 2 mai 2007 (21:00) qui déterminera sans doute le choix de ces électeurs de François Bayrou, qu’il faut désormais appeler les "démocrates".

Démocratie à la Française
(27 avril 2007)

Sans doute faut-il régler un certain nombre de choses dans la démocratie française, comme l’influence grandissante des sondages sur l’opinion publique et l’organisation des débats entre candidats souhaitant prendre à témoin cette même opinion publique, par exemple en mettant l’accent non plus sur les points de discorde mais sur des accords qui pourraient être trouvés en vue d’une rénovation indispensable la vie politique et sociale du pays. D’un côté, on note que tous les instituts de sondage français misent systématiquement sur le même homme depuis le début de la campagne et que la publication de leurs résultats unanimes reste possible jusqu’à l’avant-veille du scrutin lui-même; de l’autre, on constate qu’il a été impossible d’organiser des débats entre les candidats présidentiables dès avant le premier tour afin que l’électorat puisse se faire une opinion personnelle et "juger sur pièces"; de plus, on peut craindre que seul le débat entre les deux "finalistes" aura lieu, alors que 18,5% des électeurs ont donné leurs suffrages à un "troisième homme" qui entend bien peser sur le scrutin du 6 mai 2007, ce qui paraît légitime. Plus avant, il semble que le régime présidentiel à la française, avec tous les risques de concentration du pouvoir qu’il comporte, n’est plus compatible avec le paysage politique actuel, qui tend aujourd’hui vers un gouvernement de coalition entre un "centre démocratique" et une "social-démocratie", deux nouveaux mouvements politiques en France, qui se heurtent encore au poids du passé et des traditions. Si l’on veut que le scrutin du 22 avril 2007 se traduise dans les faits, ce qui serait la moindre des choses pour une démocratie moderne, il faut profondément rénover le système électoral en donnant du poids au parlement, appelé à élire le chef du gouvernement par le jeu des alliances entre fractions parlementaires. Si le président peut continuer d’être élu au suffrage universel, son pouvoir devrait être réduit pour, par exemple, se limiter à une "Haute Autorité" garante de la Constitution avec une option d’intervention et de décision finale dans des situations de crise intérieure et extérieure. Mais c’est à l’Assemblée Nationale, qui pourrait être élue à la fois avec une bonne dose de proportionnelle et un "numerus clausus" à 5%, qui obligerait les petits partis à se regrouper pour entrer au parlement, de valider la proposition d’un Premier ministre faite par le chef de l’État ou, le cas échéant, de voter la défiance. Or, le système étant ce qu’il est, on peut craindre que le scrutin du 22 avril 2007 n’influencera que très moyennement, voire pas du tout, la politique effectivement suivie au cours de ces cinq prochaines années, ce qui donnera un espace encore plus grand à la "politique virtuelle", mise en scène par les sondages et les médias, et à la prévisible manipulation de l’opinion publique, frustrée pour combien de temps encore d’une "démocratie réelle" que, pourtant, elle appelle de ses voeux, à en croire la sanction des urnes, que l’on tente d’ignorer par tous les moyens.



lundi 23 avril 2007

[France 2007] Effets d'annonce | Note aux indécis

France 2007
Effet d’annonce : effet rétroactif
(mardi 10 avril 2007)

Les instituts de sondage ne racontent peut-être pas n’importe quoi, mais ils ne garantiraient sûrement pas les noms des deux candidats présents au second tour des Présidentielles de 2007, même si, depuis la rentrée 2006, ils donnent gagnant le couple Sarkozy-Royal avec, invariablement, un avantage final au ministre sortant. Pour les instituts de sondage, tout paraît donc joué : Nicolas Sarkozy fera son quinquennat, soutenu par l’ensemble de l’équipe sortante, ce qui signifie que les Français se prépareraient à reconduire les hommes et les femmes au pouvoir depuis 2002.

Bien sûr, les instituts de sondage se défendent d’être partiaux. Le résultat qu’ils proposent est, répètent-ils, le fruit d’un travail sérieux, les procédés de "redressement" des "données brutes" font partie du métier de statisticien et certaines techniques "occultes" (non dévoilées) relèvent de ce qu’ils appellent le secret professionnel. Or, les sondeurs n’ont pas vu venir le candidat Bayrou, qui trouble la constellation binaire annoncée, puis ils l’ont intégré comme nouveau "troisième homme" à la place du candidat du Front National, rétrogradé en quatrième position. Il n’empêche que, malgré "l’incertitude des Français" qui "atteint un niveau inédit" (Libération, 9/04/07), on persiste à présenter le candidat Sarkozy comme le nouveau président de France et la candidate Royal comme la perdante poulidorienne du duel annoncé au second tour. On concède cependant que François Bayrou, s’il passait le premier tour, battrait à la fois Nicolas Sarkozy (avec les voix de la gauche) et Ségolène Royal (avec les voix de la droite).

Le problème est celui-ci : la victoire annoncée du candidat de l’UMP influe forcément sur le comportement des électeurs le 22 avril 2007, parce qu’on n’aime pas "miser sur le mauvais cheval" ou encore parce qu’on s’est résigné ; d’autre part, puisque la cote de Nicolas Sarkozy semble au beau fixe, les critiques de certains journalistes et porte-parole restent forcément modérées pour cette même raison ("miser sur le bon cheval") ou pour ne pas risquer les représailles du "prochain président de la République", réputé pour ses relations difficiles avec toute contestation de sa personnalité, de sa légitimité, de son autorité. On peut en conclure que l’effet d’annonce produit par tous les instituts français de sondage sans exception depuis la rentrée (septembre 2006) jusqu’à ce jour (avril 2007) influe nécessairement sur le comportement des commentateurs de cette élection présidentielle et, surtout, sur le choix des électeurs dans l’isoloir. Les scientifiques appellent ce phénomène un "effet rétroactif" (ou "feed back"), qui devrait enjoindre les instances garantes de la démocratie à interdire toute publication de sondages d’opinion bien avant le passage aux urnes pour qu’ils n’influencent pas le libre choix des électeurs et la libre expression des tenants de l’opinion publique.



France, dimanche 22 avril 2007, premier tour des élections présidentielles

vendredi 6 avril 2007

[France 2007] Identité nationale | "Soutenances"

"Identité Nationale"
(dimanche 11 mars 2007)


Après le soutien de M. Glucksmann à Nicolas Sarkozy (voir ci-dessus), Mme Simone Veil vient d’y ajouter le sien, deux jours à peine avant l’annonce de la création, "si je suis président", comme se plaît à dire le candidat de l’UMP, d’un ministère "de l’Immigration et de l’Identité nationale". Ainsi, les "fautes à pas de chance" s’accumulent, à commencer par le soutien du chanteur populaire Johnny qui, peu de temps après, s’évade en Suisse et voudrait à nouveau prendre la nationalité belge pour des raisons ouvertement fiscales. C’est ensuite l’animateur Pascal Sevran, escaladeur convaincu de la roche de Solutré aux côtés de son ami feu le président Mitterrand, qui vient soutenir le candidat Sarkozy pour se faire remarquer par quelques tirades particulièrement indécentes sur l’Afrique, qui révèlent avec une inculture fondamentale un mépris indéniable pour les peuples condamnés à la misère. Une vidéo (doc-gyneco-pete-les-plombs) montre un autre soutien de M. Sarkozy en train de "partir en live" dans un élan de vulgarité sans nom, peut-être convaincu que son ami ministre de l’Intérieur restera à ce poste pour l’éternité afin de permettre au chanteur Doc Gynéco de tenir le genre de discours mafieux que l’on profère quand on pense faire partie de la bande dominante et que le caïd viendra bientôt soumettre tous les récalcitrants: un discours du genre "racaille". Si M. Sarkozy avait déjà misé sur le "mauvais cheval" en 1995 avec son soutien à Edouard Balladur, la malchance semble ne pas vouloir lâcher prise. A cela s’ajoute le goût prononcé de l’intéressé pour l’effet d’annonce et "la formule qui tue", de sorte qu’aujourd’hui beaucoup de libéraux se détournent de lui, simplement par peur d’un ego surdimensionné toujours à l’affût de reconnaissance et prêt à tout pour rester au pouvoir. On finit alors par lui préférer M. Bayrou, dont la nature plus effacée semble plus propice à la bonne marche des affaires, qu’un vrai libéral devrait placer au-dessus de tout. - Et puis voilà que, fort du soutien de Mme Veil, ancienne déportée dans l’univers concentrationnaire, ministre sous le président Giscard d’Estaing (UDF), à l’origine de la loi qui légalisa l’avortement en France, M. Sarkozy "craque", sans doute sous la pression des sondages qui apportent un crédit phénoménal à la candidature de François Bayrou, certainement son concurrent le plus direct, pour venir "chasser sur le territoire du Front National", comme ne manque pas de titrer la presse. Et Jean-Marie Le Pen ne se prive pas, pour une fois, d’abonder dans le sens des médias. Mme Veil doit être franchement catastrophée de voir le candidat, à qui elle vient tout juste d’apporter une caution pour le moins "antifasciste", se laisser aller à de tels excès. Or, en politique, les chemins sont sans retour. M. Sarkozy ne pourra pas faire marche arrière. Et Mme Veil non plus. Car ce ne serait pas sérieux. Puisqu’on se situe actuellement sur le seul terrain virtuel des effets d’annonce, dont l’électorat pense à juste titre qu’il n’a aucun rapport avec la politique qui sera effectivement menée après l’élection, tout recul ferait immédiatement apparaître la supercherie de cette bataille des formules et des programmes. Cependant, Mme Veil pourrait simplement prendre ses distances, pour des raisons, disons, "’personnelles"...

Devant le tollé général, M. Sarkozy trouvera sans doute un moyen de désamorcer l’annonce explosive d’un "ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale". Mais la tache s’annonce difficile. Cette tendance à l’excès s’était déjà manifestée avec sa formule suspecte du "travail c’est la liberté", prononcée lors de son discours d’investiture (voir ci-dessus, "Arbeit macht frei"), ou encore avec le manichéen "la France, on l’aime ou on la quitte" et, bien sûr, avec le fameux mot de "racaille", qu’il aura ensuite fallu nuancer pour éviter un début de guerre civile dans les banlieues. M. Bayrou n’est pas le seul à noter que cette dernière association en date entre les expressions "immigration" et "identité nationale" visant à définir le cadre d’un nouveau ministère et d’une politique autoritaire semble pour le moins douteuse. Venant d’un enfant d’immigrés hongrois et grecs, dont le père s’était enfui aux États-Unis, cette insistance sur la notion d’identité nationale est révélatrice, d’autant que le discours d’investiture du candidat l’avait fondée sur "deux mille ans de chrétienté" (sic) alors que la France actuelle se distingue surtout par la "rupture" avec l’État traditionnel et ses "autorités théologico-politiques", mise en œuvre par la Révolution Française et la promulgation des Droits de l’Homme. Mais ce qui est plus grave encore pour M. Sarkozy que la "dérive autoritaire" (ou totalitaire) qui lui est reprochée, c’est sa personnalité qui se manifeste plus clairement jour après jour, annonce après annonce et qui, aux yeux d’une partie croissante de l’opinion publique, paraît de moins en moins compatible avec la fonction de président de la République Française, dont on est en droit d’attendre une attitude réfléchie, quelque circonspection et un brin de sérénité...


"Chirac plombe Sarkozy... tout naturellement"
(dimanche 25 mars 2007)

Le soutien du président Chirac à son ministre Sarkozy, accordé "tout naturellement" ce mardi 20 mars 2007, a été amplement commenté par la presse. Quelques jours plus tôt, ses "adieux télévisés" n’avaient pas fourni d’indice sur l’option qu’il allait prendre : les commentateurs avaient prévu que le caractère "solennel" de cette communication présidentielle, présumée ultime, n’autorisait aucune prise de position, par définition "partisane"; avec sa déclaration d’amour pour les Français et la France, émouvante pour les uns, pathétique pour les autres, le président Chirac avait surtout formulé des mises en garde, contre la tentation et la dérive extrémistes par exemple, qui pointeraient leur nez dans l’annonce faite le 8 mars par le candidat Sarkozy d’un "ministère de l’Immigration et de l’identité nationale" (voir ci-dessus), pour insister ensuite sur ses choix de politique étrangère, passant sous silence ses débuts catastrophiques à l’Elysée en 1995 avec sa reprise des essais nucléaires dans le Pacifique Sud, qui lui avaient valu les foudres de l’opinion internationale, et souligner sa résistance contre la politique agressive de l’administration Bush en Irak (mars 2003). 
 
Mais que faut-il donc penser du soutien que le futur ex-président français accorde au candidat choisi par les militants de l’UMP, parti qu’il avait lui-même fondé en 2002 pour asseoir sa (prodigieuse) majorité au second tour (82%) ? - Récemment, on a vu l’humoriste politique Dieudonné apporter, contre toute attente, son soutien à l’altermondialiste José Bové (le 15 janvier) qui, un jour plus tard, réplique: "Je n’en veux pas. Je suis en total désaccord avec les prises de position et les initiatives récentes de Dieudonné. C’est une manœuvre médiatique" (dans le Parisien Libéré du 16/01/07).
 
Pour M. Sarkozy, certains soutiens "people" ont également eu de fâcheuses conséquences (voir ci-dessus). Mais on le voit mal prendre ses distances avec ce "soutien suprême" qui rend pourtant plus difficile (ou moins crédible) son discours de "rupture". Car cette affaire-là marche dans les deux sens : si tu acceptes mon soutien, tu ne peux plus me désavouer...
 
Une autre option du Président de la République était de soutenir François Bayrou, sans doute plus proche de ses idées. Or, comme le candidat centriste n’a aucune chance d’être élu s’il ne maintient pas son projet de "rupture radicale" avec la droite et la gauche "traditionnelles", un tel soutien ne lui aurait pas rendu service, ce que le Président n’est pas sans ignorer, comme il sait certainement que tout soutien qu’il peut aujourd’hui formuler prend la forme d’un couteau à deux lames ou, si l’on préfère, d’un cadeau empoisonné. 
 
Enfin, le président Chirac aurait pu s’abstenir de tout soutien car il prend, malgré tout, un gros risque en misant sur un perdant potentiel, puisque le candidat Sarkozy peut être battu au second tour par M. Bayrou qui, de son côté, n’est pas assuré de passer le premier. Mais cet "abstentionnisme" eût été contre la "nature" de l’animal politique Chirac...
Si, comme beaucoup de commentateurs s’accordent à le penser sans toujours le dire, le soutien officiel (et un peu trop formel pour être crédible) de M. Chirac au candidat choisi par sa "famille politique" constitue l’une des dernières "manœuvres politiques" du président, il faudrait sérieusement se demander en quoi elle consiste, tout en sachant qu’il n’aura pas toujours eu la main heureuse sur ce terrain-là (comme avec sa fameuse "dissolution" de 1997). - Et il faut dire qu’avec ce soutien au ministre Sarkozy, le président Chirac annonce également, avant tout le reste, qu’il accepte sa démission pour le lundi 26 mars, ce qui veut dire que, désormais, certains pourraient impunément faire feu de tout bois sur le simple citoyen Nicolas Sarkozy, cependant que le futur ex-président français continue de tirer encore un peu les ficelles à l’Élysée avant de prendre une retraite politique "méritée" (car "il y a une vie après la politique") pour peut-être s’asseoir au bord de l’eau et voir passer les proverbiales dépouilles de ses ennemis les plus intimes...


Soutenance
(vendredi 6 avril 2007)

Nicolas Sarkozy a l’avantage d’être soutenu par l’ensemble du gouvernement sortant, président de la République et première dame de France compris. Aux yeux de beaucoup de citoyens, il en procède une "crédibilité " qui tient du prestige que l’on associe à l’exercice du pouvoir dans les plus hautes sphères de l’État. Mais cet avantage comporte aussi un inconvénient lié aux échecs de l’équipe sortante, qui risque de faire l’objet de l’un de ces "votes sanction" dont l’électorat français a le secret (2002, 2005). Il s’agit dès lors de savoir si  les arguments pragmatiques et les bonnes paroles de l’équipe au pouvoir visant à justifier un bilan difficile contrebalanceront une sanction électorale prévisible. Or, en considérant les soutiens du candidat Sarkozy, on se demandera surtout si les promesses de "changement" et le fameux argument de "rupture" ont encore un sens.

Ajout (mai 2007) : Pour le premier point traité ci-dessus (le soutien de J. Chirac à N. Sarkozy), l’affaire n’est pas finie. Car même avec la victoire "annoncée" aux Législatives, il faut encore que le nouveau président Sarkozy puisse venir à bout des forces politiques "extra-parlementaires" qui risquent de se manifester avec violence au cours du quinquennat à venir si certaines mesures autoritaires annoncées se heurtent, comme c’est prévisible, à la "grogne" populaire. Dans cette perspective, l’exercice autoritaire du pouvoir risque de laminer Nicolas Sarkozy. - Le second point (le "vote sanction") ne s’est pas confirmé. A droite, on dit que l’erreur de la gauche a été d’y appeler avec trop d’insistance. Mais, une fois encore, ce vote pourrait intervenir plus tard et les "voix" pourraient également se faire entendre d’une tout autre manière...


samedi 3 février 2007

[FRANCE 2007] "Gute Nacht, Herr Glücksmann !"

"Gute Nacht, Herr Glücksmann !"
(commencé le samedi, 3 février 2007)


Comme prévu, la campagne prend un tournant imprévu ! Il s’agit là d’un paradoxe, mais non d’une absurdité. - Dans le Monde daté du mardi 30 janvier, le philosophe André Glucksmann déclare son soutien à Nicolas Sarkozy (UMP). - Et François Bayrou (UDF) est actuellement crédité de 14% d’intentions de vote (LH2, lundi 29 janvier). - Enfin, José Bové (ex-porte-parole de la Confédération Paysanne) vient d’annoncer sa candidature à la présidence de la République Française (ce jeudi 1er février). On se demande d’ailleurs comment les sondages ne lui concèdent que 3% d’intentions de vote, quand on connaît la popularité du leader charismatique de l’altermondialisme, qui risque quatre mois de prison ferme dès le 4 février pour "arrachage" de plants OGM. - Après que les deux candidats "officiels" de la "droite et de la "gauche" ont essayé d’orienter la campagne sur des affaires personnelles, sous la menace constante d’un "troisième homme" bien décidé à se retrouver une nouvelle fois au second tour des présidentielles françaises, ils ont maintenant deux autres rivaux consistants, car François Bayrou est en passe d’incarner une droite libérale plus crédible et pondérée; José Bové rend, quant à lui, ses lettres de noblesse à la gauche révolutionnaire et promet de réunir la majorité des voix de la "gauche de la gauche", étant donnée notamment sa popularité internationale dont la presse mondiale ne manquera pas de se faire l’écho (*).
André Glucksmann semble trop obnubilé par une constellation binaire Sarkozy-Royal, dont on rebat les oreilles de l’électorat français depuis plusieurs mois. Comble de malchance pour M. Chance ("Glücksmann"), sa déclaration est obsolète deux jours après avoir été publiée, car elle n’a pas intégré la nouvelle alternative Bové. Son collègue Michel Onfray s’est d’ailleurs immédiatement rallié à la candidature de José Bové, quand M. Glucksmann assortit son option pour Nicolas Sarkozy de déclarations aussi privées que paradoxales: "Fils de juifs autrichiens qui combattirent les nazis en France, ce pays est mon choix et la gauche ma famille d’origine. (...) - J’ai un temps rêvé d’une candidature de Bernard Kouchner, restituant à la gauche française une dimension internationale perdue." (in Le Monde, 30/01/07) Or, surprise, José Bové déclare dès à présent qu’il appellera à voter Ségolène Royal, si elle se qualifie pour le second tour (comme ce 2 février sur RTL). Et, pour la "dimension internationale" de la gauche française, on n’a pas encore fait mieux que le Californien du Larzac. - D’ailleurs, pourquoi M. Glucksmann n’appelle-t-il pas à voter François Bayrou, qui déclare : "Élu président de la République, je ferai travailler ensemble au sein d’un gouvernement d’union, de rassemblement des gens compétents qui viendront des deux camps, qui auront été ou qui seront aux yeux des Français la garantie que les décisions qu’on leur proposera de prendre, elles ne seront pas faites dans l’intérêt des uns, d’un camp, ou dans l’intérêt de l’autre camp, que ce seront des décisions d’intérêt général" (RTL, 30/01/07, interview : Jean-Michel Apathie) ? - On connaîtra sans doute très prochainement la position des autres penseurs médiatiques, comme Alain Finkielkraut, Pascal Bruckner, ou Bernard-Henri Lévy. En tout cas, Herr Glücksmann signe ici l’entrée en campagne de ces intellectuels français qui inspirent une inquiétude légitime à l’éminent professeur Jacques Bouveresse (Collège de France): "Perry Anderson, après avoir constaté que la mort a rattrapé à peu près tous les grands noms de la pensée française (Roland Barthes, Jacques Lacan, Raymond Aron, Michel Foucault, Fernand Braudel, Guy Debord, Gilles Deleuze, Jean-François Lyotard, Pierre Bourdieu, auxquels s’est ajouté, peu de temps après la parution de son analyse, Jacques Derrida [- puis, tout récemment, Jean Baudrillard, ndrl -] ), observe avec pertinence qu’aucun intellectuel français ne s’est acquis une réputation internationale comparable à la leur, et que ce qui donne l’idée la plus exacte du niveau auquel nous sommes descendus est probablement l’importance démesurée accordée à un intellectuel comme Bernard-Henri Lévy : « Il serait difficile d’imaginer une inversion plus radicale des normes nationales en matière de goût et d’intelligence que l’attention accordée par la sphère publique en France à ce grand nigaud, en dépit des preuves innombrables de son incapacité à saisir correctement un fait ou une idée. Une telle caricature pourrait-elle exister dans une autre grande culture occidentale aujourd’hui ? »" (On en est là... in Le Monde Diplomatique, mai 2006) - Dans ces conditions, il ne reste plus qu’à souhaiter une bonne nuit à ces "fast thinkers" médiatiques, dont M. Glucksmann, car, si elle n’apporte sans doute pas de "dimension internationale" à leur pensée, il paraît cependant qu’elle porte conseil.
(*) Ajout (mai 2007) : Le pronostic donné ici sur le score de José Bové ne s’est pas confirmé. Sans doute la personnalité, mais peut-être aussi la campagne de ce leader altermondialiste et internationaliste n’ont-elles pas convaincu et permis le rassemblement de la gauche antilibérale en France. Ce sont également le succès d’Olivier Besancenot (LCR), bien plus "médiatique", ainsi qu’une division de l’extrême-gauche française savamment entretenue et totalement "contre-productive", qui peuvent expliquer cet échec. - De même, le médiatique M. Onfray, après s’être rallié à J. Bové, a fini par soutenir le médiatique O. Besancenot. - Affaire à suivre...


lundi 15 janvier 2007

[FRANCE 2007] Les "primaires de la droite"

Les "primaires de la droite"
(commencé le lundi, 15 janvier 2007)


Voilà donc Nicolas Sarkozy "intronisé", - si l’on peut dire, en parlant de M. Sárközy de Nagy-Bócsay, - comme candidat officiel de l’UMP à la présidence de la République Française. Après le scénario à trois de l’investiture socialiste, les électeurs ont eu droit, ce dimanche 14 janvier 2007, à un panneau "Ensemble tout devient possible" derrière lequel, pendant une heure et demie, un homme seul donne de la voix pour rassembler personnalités et militants (plus ou moins) conquis d’avance. Remerciements liminaires à Alain Juppé, Edouard Balladur et Jacques Chirac. Adresses personnelles tout au long du discours, par exemple à "Jean-Pierre" (Raffarin), "François" (Fillon), "Michèle" (Alliot-Marie), "Philippe" (Douste-Blazy) ou "Renaud" (Donnedieu de Vabres). Main tendue, également, à tous les Français, et surtout à ceux qui travaillent, qu’ils soient de droite ou de gauche. Place à l’émotion ensuite dans ce discours fleuve, qui passe en revue "nos origines" avec l’histoire de la République Française et la Résistance, la laïcité et deux mille ans de chrétienté. Qui présente le projet d’une "République réelle" avec une "école de l’autorité", sans "casquette" ni "voile", où les élèves "se lèvent" lorsque le "maître" entre dans la classe, où les bénéficiaires des minima sociaux fournissent un minimum de travail d’intérêt général, où "les gens ne meurent pas sur les trottoirs" grâce au "droit opposable sur le logement", où la "propriété devient un rêve accessible à tous", où les jeunes gens accomplissent un "service civique obligatoire de six mois", où l’on ne refuse pas "plus de deux offres d’emploi successives", car "le travail c’est la liberté", où les fonctionnaires sont moins nombreux mais mieux payés, dessinant ainsi le modèle d’une "démocratie irréprochable" qui fonctionne comme un véritable climax rhétorique. - Introduisant ensuite toutes ses phrases par "je veux être le président d’une France qui", Nicolas Sarkozy aborde plus succinctement les questions européennes et mondiales, affirme son oui à une Europe sans Turquie, sans "régularisation massive des immigrés" parce que "les autres c’est devenu chez nous". Et de rappeler son mot d’ordre d’une "immigration choisie", d’exposer ses ambitions méditerranéennes, africaines, atlantiques, d’embrayer très brièvement sur les questions du "réchauffement climatique", du "développement durable". De conclure enfin, du "fond du coeur" et dans une salve (mesurée) d’applaudissements, sur un "vive la République, vive la France, vive notre Patrie" pour rejoindre un choeur de garçons chantant l’hymne national, avant d’accueillir sur la scène ornée de deux larges étendards bleu blanc rouge les personnalités de l’UMP qui, submergés par l’émotion, se mettent également à chantonner. Rideau sur les "primaires de la droite".


Il y aurait beaucoup à dire sur ce discours d’investiture. Certains s’offusqueront sans doute d’un "travail c’est la liberté" qui rappelle le tristement célèbre "Arbeit macht frei" inscrit au-dessus des portails d’entrée des camps de concentration nazis comme message de bienvenue aux millions de personnes voués au travail de la mort. Le conseiller en communication et les "nègres" de M. Sárközy de Nagy-Bócsay sont-ils à ce point incultes pour laisser leur patron faire de telles phrases, quand il paraît lui-même ne pas savoir ce qu’il remue là. Un autre point est l’antinomie oratoire qu’il fait entre une République "virtuelle", que nous subirions actuellement, et une République "réelle", dont nous bénéficierions après son élection. A-t-il oublié qu’il est l’actuel ministre de l’Intérieur de la "République virtuelle" qu’il fustige ? Et n’a-t-il donc pas conscience de la signification et de l’emploi du mot "réel" dans ce contexte politique qui est le sien ? Désignant à l’origine la chose du roi, et non une chose publique, cet adjectif est en effet utilisé avec prédilection par les royalistes et l’extrême droite à l’image du fameux "pays réel" qui figure dans tous les messages d’accueil de Radio Courtoisie. On commence vraiment à se demander s’il n’y a pas un job à prendre dans le comité de rédaction de M. nagybócsay Sárközy.


D’autres diront que c’est là une communication réussie. C’est vrai qu’il faut le faire. Haranguer, en évoquant "la gauche de Jaurès ou de Blum", les "travailleurs", les petits, les braves, qui auraient été trahis par leur camp, en leur faisant miroiter la "propriété", érigée ici en principe suprême, dont la vocation première est de servir les intérêts d’un patronat qui, sous la bannière de l’idéologie néo-libérale, exploite sauvagement le travail humain et les ressources naturelles de la planète. C’est vrai qu’il faut le faire. - L’éditorial du
Monde daté du mardi 16 janvier 2007 intitulé "Un nouveau Sarkozy" souligne que le candidat officiel de l’UMP n’a pas prononcé une seule fois le nom de sa concurrente directe ni d’ailleurs le mot de "rupture" qui lui était si cher ces derniers temps. Étrange éditorial qui se conclut ainsi: Le candidat de l’UMP ne s’est pas contenté de faire référence à la "grande voix" de Jaurès. Il a parlé de la "valeur travail" et des travailleurs comme jamais M. Chirac ne l’avait fait, même en 1995, au temps de la "fracture sociale". Or ce thème est aussi celui de Ségolène Royal, qui veut rompre avec l’assistanat et réhabiliter la valeur travail. Cela peut être un vrai débat pour une élection présidentielle. Le rédacteur, anonyme, aurait-il des vues sur le job décrit plus haut ?


Le Figaro du lundi 15 janvier 2007 fait une place au côté people de la célébration:
les Doc Gynéco, Orlando, Pascal Sevran, Steevy, José Arthur, Christian Clavier ne sortent pas du carré VIP, que les télévisions ne sont d’ailleurs pas autorisées à filmer. Bien renseigné sur les coulisses, l’article de Bruno Jeudy (un ancien du Parisien Libéré) fait également état des "tensions" à l’intérieur du parti que ne reflètent pas les "98,1% des suffrages des 229 303 votants (avec une participation de 69,06 % des inscrits)" en faveur de M. nagybócsay Sárközy: Villepin, toujours souriant, boit un café. Les deux hommes se disent quelques mots. Puis se quittent. Villepin est resté trente-sept minutes. Une visite incognito et finalement sans incident. Les chiraquiens Henri Cuq et Jean-Louis Debré ne s’attardent pas. « Toute la famille est réunie, c’est bien », sourit le président de l’Assemblée nationale. Autour de qui, lui demande-t-on ? « De la famille ! », réplique-t-il. « Tout s’est bien passé selon le scénario prévu », se félicite François Baroin, benjamin chiraquien du gouvernement et probable futur ministre de l’Intérieur quand Sarkozy quittera Beauvau. L’article du Figaro semble paradoxalement plus critique ou en tout cas plus ironique que l’éditorial du Monde, comme si l’on s’y réjouissait un peu moins de l’intronisation de M. Sarkozy. Mais, depuis que le Figaro recrute au Nouvel Observateur, que le Front National engage des écrivains "marxistes", il ne faut plus s’étonner de rien. Ni d’un "front populaire" à la Sarkozy ni d’une "mise au pas" à la Royal.



jeudi 14 décembre 2006

[France 2007] Intermède théologico-politique

France 2007

Intermède théologico-politique(commencé le jeudi, 14 décembre 2006)

     Les événements, s’ils ne se précipitent pas encore, laissent déjà entrevoir certaines tendances insoupçonnées dans ce branle-bas de combat, ce feu de tous bois, ces éructations criardes, qui se tissent actuellement sur la Toile. L’orientation du débat électoral est nettement "théologico-politique", - avatar des pactes entre les différents pouvoirs religieux et politiques, si explosifs et déterminés sur la planète que l’on doit craindre à plus ou moins long terme la régression mondiale à un stade d’abrutissement et de surdité, où un effort de réconciliation ou simplement d’apaisement ne serait même plus envisageable. Et, puisque la poussée intégriste, commune aux trois monothéismes, se propage comme une traînée de poudre à travers la planète, finissant par miner les démocraties occidentales et leur projet de laïcité, les citoyens français, qui sont appelés à élire le président d’une république laïque, risquent fort de se coltiner, par politiciens interposés, les affrontements entre les trois grandes religions et leurs ambitions planétaires de domination. En France et ailleurs, le sport national consiste déjà à proférer, au nom de la laïcité, des paroles forcément perçues comme insultantes par les croyants d’une confession particulière. Or, le problème est surtout que les attaques contre une religion déterminée déclenchent nécessairement des solidarités; qu’elles soient menées pour des raisons de médiatisation personnelle ou dans un but électoral, ces attaques vont évidemment interpeller l’ensemble des gens concernés par la religion incriminée, même s’ils entretiennent une relation personnelle tout à fait "détendue" ou "lointaine" avec leurs origines et la religion de leurs ancêtres. Mais ce n’est pas tout. Puisqu’il s’agit d’une élection présidentielle, toutes ces polémiques, dont on ne peut que redouter l’amplification, vont intégrer les différentes campagnes et tous les projecteurs vont se braquer sur les options politiques des polémistes, - même les forcenés de l’egotrip médiatique vont finir par se faire happer et choisir leur camp. -


Désorientation


 En gros, il n’y a plus qu’une alternative et deux discours. Le premier peut être considéré comme modéré, démocratique. Que l’on soit UMP, UDF ou PS, on sait bien qu’on ne changera pas fondamentalement les choses; on les aménagera au mieux et on essayera sans doute de sauver ce qui reste de l’Etat-Providence après une bonne trentaine d’années de crise mondiale afin d’éviter la guerre civile au pays. L’autre discours est ouvertement révolutionnaire. Que l’on soit de la gauche ou de la droite extrême, il faut en finir avec le "Système UMPS". Il faut que le peuple se réveille, se révolte contre des dirigeants incapables et malhonnêtes, qui l’ont trahi pendant des décennies. - Voilà les deux options entre lesquelles l’électorat français va être obligé de choisir. Sa confusion sera bien sûr immense. Non seulement, la différence traditionnelle entre la droite et la gauche parlementaires semble s’estomper. Mais, à force de le répéter contre tout bon sens politique, les extrêmes ont peut-être vraiment fini par se rejoindre. Et, avec cette perte de repères et d’orientation, les votes de l’électorat français risquent d’être à la hauteur de sa confusion, une fois encore, en dépit de tout bon sens politique. 


SUITE 

jeudi 7 décembre 2006

[France 2007] Le vif du sujet

France 2007
 Le vif du sujet
commencé le samedi, 18 novembre 2006


C’est donc Ségolène Royal, élue à plus de 60% par les adhérents du PS, qui affrontera le probable candidat de l’UMP, Nicolas Sarkozy, dans la course à l’Élysée. Ce dernier s’en félicite. Depuis le début, il voulait cet affrontement (0). Peut-être sait-il quelque chose que nous ne savons pas, quelque chose que, cependant, nous ne manquerons pas de savoir au cours de ces prochains mois. On se souvient des affaires qui ont jalonné les affrontements du passé, comme l’affaire Gordji (1) qui pimenta le face à face télévisé entre François Mitterrand et Jacques Chirac en 1988 (2). Et lors des présidentielles de 1995, où le Président Chirac avait un rival à droite en la personne de son Premier ministre Édouard Balladur, c’était l’affaire des HLM des Hauts-de-Seine (3) instruite par Éric Halphen et des écoutes téléphoniques menées par Matignon, qui déstabilisa Balladur, assurant  la présence au second tour de Chirac et donc sa victoire finale sur Lionel Jospin. Enfin, en 2002, comme nous l’avons remarqué, c’était une sordide série de faits divers (4), montés en épingle par tous les médias français peu avant le scrutin, qui remit à la Une le "problème de l’insécurité", le cheval de bataille de Jean-Marie Le Pen, présent contre toute attente au second tour avec pour effet de mettre hors course Lionel Jospin, le principal rival du Président Chirac, qui aurait peut-être triomphé cette année-là.
Par les temps qui courent, point d’affaire sans médias. Et Internet en est devenu l’un des principaux fournisseurs. Dernière en date, l’aparté de Ségolène Royal sur les enseignants vu à ce jour quelque 20.000 fois sur Google et quelque 10.000 fois sur YouTube, mais plus de 650.000 fois sur Dailymotion (toutes vidéos confondues). C’est déjà la deuxième fois que Ségolène Royal provoque les foudres de l’opinion publique, après sa tirade à résonance populiste sur les mesures draconiennes qu’il faudrait prendre à l’encontre des délinquants mineurs, propos encore en ligne dans Le Figaro (du 1/06/06). La vulnérabilité qui procède de ce genre de déclarations plus ou moins "spontanées", en tout cas non mesurées, n’aura pas échappée à Nicolas Sarkozy. Laurent Fabius et Dominique Strauss-Kahn avaient déjà leurs casseroles, l’un avec l’affaire dite du "sang contaminé" (5), l’autre avec l’affaire Méry (6). Ce qui les aura rendu prudents, ces "Éléphants du PS", comme on les appelle sans grande tendresse. Quant à Ségolène Royal, ce sont pour l’instant ses frères par qui le "scandale" risque d’arriver, l’un étant soupçonné d’escroquerie (7) et l’autre du posage de la bombe qui fit couler le bateau de Greenpeace à Auckland en 1985 (8), comme le rapporte par exemple Le Nouvel Observateur (du 29/09/06). Ou bien, si les frères ne font pas l’affaire, l’opinion avide d’informations "personnelles", - toujours dérisoires face à l’enjeu colossal que représente une élection présidentielle, - va-t-elle découvrir un épisode trouble dans le passé de Ségolène Royal, une infidélité dans le couple Royal-Hollande (remake)? Et ces informations aussi dérisoires que médiatiquement performantes sont-elles déjà dans la manche des prestidigitateurs du camp adverse?
Ensuite, que nous réserve l’actualité de ces prochains mois? Quels ’faits divers" alimenteront la campagne pour l’orienter dans un sens ou dans un autre? Insécurité (remake)? Révoltes en banlieue? Attentat terroriste? Et sur le plan économique? Quels chiffres arriveront sur le tapis? Chômage? Pouvoir d’achat? Gageons que l’on n’aura pas chômé sur le sujet dans les divers QG de campagne. Et la situation internationale alors? Quels conflits mondiaux sont susceptibles de troubler cette élection somme toute "régionale" à l’échelle planétaire et la quiétude des "régionaux de l’étape" avec leurs poussives rengaines sur "l’état de la France"? Quelles seraient les réactions des ténors et, notamment, du chef de l’État Français si, en pleine campagne électorale, le pays était confronté à une crise internationale majeure, comme elle pourrait se produire en Palestine, en Irak, en Iran, ou en Corée du Nord, pour ne citer que quelques poudrières? Enfin, la "crise mondiale", qui se solde par la paupérisation croissante des populations avec l’enrichissement sourd, aveugle et absurde de quelques-uns, n’a pas dit son dernier mot. Elle pourrait prendre des proportions aussi ingérables que la destruction massive de l’environnement, qui se poursuit inexorablement sans qu’aucune mesure coercitive sérieuse ne soit prise, promettant de déboucher, lentement mais sûrement, sur une catastrophe globale face à laquelle l’Apocalypse dépeinte par l’évangéliste Jean ressemblerait à une idylle bucolique. - C’est à ce point que l’on risque de nous prier de revenir à nos moutons. Et l’on n’aura pas tort, car une crise économique mondiale, une destruction massive de l’environnement ou un conflit international majeur ne valent pas bien cher contre les possibles activités douteuses des frères Royal ou les frasques amoureuses de Mme Sarkozy.

mardi 7 novembre 2006

[France 2007] Prologue

France 2007
PROLOGUE
commencé le mardi, 24 octobre 2006


La bataille sera médiatique ou ne sera pas. En 2002, l’insécurité dominait les débats, expliquant en partie la présence au second tour des présidentielles françaises de Jean-Marie Le Pen (FN, 16,88% au premier tour). Une autre raison pour cette présence plutôt surprenante, - qui contraignit l’électorat de gauche à plébisciter Jacques Chirac (UMP, 82,21% des suffrages exprimés au second tour, contre seulement 19,88% au premier) et lui donner ainsi une légitimité inattendue, - fut le bon score de l’extrême gauche au premier tour (environ 10% des suffrages exprimés pour Arlette Laguiller, LO, et Olivier Besancenot, LCR, sans parler des quelque 16% pour Robert Hue, PCF, Noël Mamère, Les Verts, Jean-Pierre Chevènement et Christine Taubira) avec pour effet de barrer la route à Lionel Jospin (PS, 16,18% des suffrages exprimés), qui connut alors un grand moment de solitude et dont l’adieu à la politique restera certainement dans les "médiathèques" aux côtés du fameux "au revoir" élyséen de Valéry Giscard d’Estaing en 1981.
Cette situation française n’était pas sans rappeler, de loin bien sûr, les élections législatives de 1932 en Allemagne où les deux grands partis de gauche (les socialistes du SPD avec 20,4% des voix et les communistes du KPD avec 16,9% des voix) auraient peut-être pu empêcher ou du moins retarder la montée du fascisme, - le parti national-socialiste, NSDAP, totalisant "seulement" 33,1% des voix lors de ces dernières élections libres, - en concluant une alliance réaliste, comme l’était le "Programme Commun" français, cinquante ans plus tard, qui avait permis l’arrivée au pouvoir de François Mitterrand après une longue gouvernance de la droite gaullienne puis giscardienne. Or la gauche révolutionnaire allemande (KPD) n’avait aucune envie de se prêter au jeu démocratique, bien au contraire: avec l’arrivée au pouvoir du parti hitlérien, elle se promettait une situation révolutionnaire, qui servirait ses intérêts. Le muselage, l’assassinat, la déportation de tous les opposants politiques allemands l’aura rapidement détrompée. Cependant, aujourd’hui encore, l’extrême-gauche allemande (PDS-Linkspartei) semble préférer une "Grande Coalition" entre le SPD (Parti social-démocrate) et la CDU (Union Chrétienne-Démocrate) d’Angela Merkel à une union plus "réaliste" de la gauche.
En France, le candidat du Parti Socialiste connaîtra sans doute une nouvelle fois un grand moment de solitude lors du premier tour des prochaines présidentielles. Dans l’univers médiatique et "virtuel" qui est le nôtre, les erreurs d’un passé encore récent ne semblent pas peser plus lourd que le réalisme politique. Marie-Georges Buffet (Parti Communiste Français), Arlette Laguiller (Lutte Ouvrière), Olivier Besancenot (Ligue Communiste Révolutionnaire), José Bové (ex-porte-parole de la Confédération Paysanne) et les autres vont certainement profiter de la tribune en effet importante et utile qui leur est offerte pour défendre leurs idées; mais, pour des raisons rhétoriques de polémistes, ils ne manqueront pas non plus, à l’image de Jean-Marie Le Pen (Front National) ou de Philippe de Villiers (Mouvement pour la France), de mettre dans le même sac le candidat socialiste et les divers candidats de la droite, ajoutant ainsi à la confusion ambiante et à la désorientation de l’électorat français. Et c’est justement cette désorientation qui devient, par la négative, l’arme la plus redoutable des populistes, car elle leur sert d’argument pour adresser des "messages" clairs et simples au "peuple", dans un constant déni de la réalité politique que nous savons complexe, multiforme, difficile à déchiffrer, faite parfois d’alliances "contre nature" et placée sous la pression constante de la situation économique qui se joue avant tout à l’échelle mondiale.
Mais, pour l’heure, il n’est pas question de moments de solitude au PS puisque trois candidats s’adonnent depuis mardi dernier (17/10/2006) à des joutes médiatiques inédites, sous la forme de "débats" diffusés par la chaîne parlementaire Public Sénat et repris par la chaîne privée d’information continue LCI. Cette "investiture" en effet inédite au PS, qui met en scène (et en compétition) Ségolène Royal, Dominique Strauss-Kahn et Laurent Fabius, est certainement un "bon coup" médiatique et inaugure de fait la "bataille médiatique" des présidentielles qui, gageons-le, nous réserve encore quelques surprises.

jeudi 27 janvier 2005

Auschwitz, live


jeudi 27 janvier
- 14:00 - 17:00 -



Après la diffusion intégrale sur la chaîne publique France 3 de Shoah (France 1985, Claude Lanzmann, 9h30) dans la soirée et la nuit du lundi 24 janvier; la programmation sur la chaîne culturelle franco-allemande Arte du téléfilm Holocaust (USA 1978, Marvin Chomsky, 7h) en quatre parties, ce même lundi (jusqu’au jeudi 27) à 20:45, suivi mardi 25 par le documentaire Hollywood et la Shoah (USA/GB/RFA 2004, Daniel Anker, Sidney Lumet, Steven Spielberg, Branko Lustig, Rod Steiger, 90 mn), mercredi 26 par le surprenant document Falkenau (Samuel Fuller/Emil Weiss, 1945/2004, 40 mn) et jeudi 27 par les souvenirs poignants du déporté Joseph Bialot, auteur du livre C’est en hiver que les jours rallongent (Seuil, film au titre éponyme, France 2004, François Chayé, 55mn); la diffusion sur la chaîne commerciale TF1 de la version courte du documentaire Auschwitz, la solution finale (BBC, 2005, sous la direction de l’éminent spécialiste anglais Ian Kershaw, 2 x 90 mn sur les 6h de la version intégrale) mardi 25 et mercredi 26 en deuxième partie de soirée vers 23:00, précédé mercredi soir par la présentation en direct du journal de 20 heures depuis Oswiecim, conclu par le très surréaliste sourire navré de Patrick Poivre d’Arvor qui apparait sous la très cynique inscription „Arbeit macht frei" (le travail rend libre) surplombant l’entrée du camp d’extermination, les téléspectateurs en France, comme dans tous les autres pays d’Europe, probablement, sont invités à assister ce jeudi après-midi entre 14:00 et 17:00 à la cérémonie commémorative du soixantenaire de la libération des camps d’Auschwitz et de Birkenau par l’armée soviétique, retransmis simultanément sur TF1 et France 2 : Auschwitz, live.


Remarquons que beaucoup de ces programmes passent à des heures de plus faible écoute, plutôt inaccessibles à ceux qui travaillent ou étudient, comme la cérémonie de cet après-midi et tous les documents, dont notamment les 400 dernières minutes de Shoah programmées entre minuit et six heures du matin. On eût préféré voir l’enquête indispensable de Lanzmann sur trois ou quatre soirées, à la place du feuilleton assez médiocre Holocaust, auquel on peut reprocher un conventionnalisme inapproprié face à une „expérience" comme celle-ci dont beaucoup de rescapés ont souligné le caractère indicible (*), voire „immontrable", ce qui exigerait l’élaboration de formes narratives, visuelles, sonores adéquates. De plus, tout est fait, dans le découpage de cet épos dont l’action se déroule sur plusieurs scènes à la fois selon les standards télévisuels d’aujourd’hui, inaugurés entre autres par les interminables feuilletons Dallas ou Dynastie (tournés à la même époque), pour préparer aux coupures publicitaires qui, s’ils n’existent pas sur Arte, avaient donné lieu, lors de la première diffusion américaine, à de vives critiques évoquant une „commercialisation de la Shoah", quand bien même ce programme aurait fait „prendre conscience au peuple américain de la barbarie nazie"; on pense alors à cet autre film américain avec Rod Steiger sponsorisé par une compagnie de gaz : lors de sa diffusion, on avait éliminé de la bouche des acteurs le mot „gaz" associé aux chambres d’extermination. Dans ce contexte, il convient de souligner que l’excellent documentaire de la BBC sur TF1 n’a pas été interrompu, à titre sans doute très exceptionnel, par des „pages de publicité", même si les spectateurs n’ont pu voir qu’une version courte (3h sur les 6h diffusées par la chaîne câblée Histoire) de cette oeuvre dont l’élaboration a, dit-on, pris une quinzaine d’années.


Mais venons-en à la cérémonie de cet après-midi : il s’agit d’une longue suite de discours, retransmis en direct de Birkenau (le principal lieu des assassinats, sis à 3 km du camp de base - Stammlager - d’Auschwitz), tenus par d’illustres orateurs dans un décor résolument glauque et enneigé, par un froid peu propice à ce genre d’exercice, devant un parterre de personnalités, dont le visage par moments étrangement crispé du président français Jacques Chirac qui n’interviendra pas ici.


TF1 fait précéder le direct par un historique musclé : l’un de ces speakers contemporains, dont la diction professionnelle peut indifféremment faire état du parcours d’un serial killer, résumer une rencontre sportive ou vanter les mérites d’une nouvelle technologie, nous raconte en condensé la „solution finale" sur les images récurrentes de corps décharnés qu’une pelle mécanique roule dans la fosse.