mercredi 14 mars 2012

Indépendance algérienne - cinquante ans déjà (1962-2012)

A l'occasion de ce cinquantenaire, les chaînes de radio et de télévision françaises, mais aussi la chaîne franco-allemande ARTE, présentent un certain nombre de documents très inégaux. La diffusion de l'excellente production italo-algérienne La Bataille d'Alger (1965, Lion d'Or à Venise en 1966) le 12 mars sur ARTE était précédée, la veille, d'un documentaire plutôt consternant intitulé La Déchirure, coécrit par l'historien Benjamin Stora, connu comme "spécialiste" de l'Algérie. - Une remarque sur la forme : à quoi cela sert-il présenter les images d'archives dans une version colorisée ? Est-ce pour mieux faire ressortir le sang sur la série impressionnante de cadavres montrés dans ce film ? Pour mieux distinguer le treillis des soldats français ? - Le cynisme de ces questions tient au caractère unilatéral de la perspective proposée : à aucun moment, le point de vue de ceux que l'on appelait naguère les "Indigènes" ou les "Musulmans" n'a été évoqué. Et si la perspective française en elle-même est complexe (Pieds Noirs, Gaullistes, Insoumis, OAS etc.), celle des Algériens ne l'est pas moins et ne se résume aucunement à l'idéologie du FLN. Je suppose pourtant que notre spécialiste a lu le Journal 1955-1962 de Mouloud Feraoun (Paris, Seuil, 1962). Le texte écrit au jour le jour par cet instituteur kabyle assassiné voici exactement 50 ans, le 15 mars 1962, sur son lieu de travail, à Château-Royal près d'Alger, par un commando de l'OAS, documente la complexité d'une perspective elle-même traversée par une "déchirure", comme d'ailleurs celle d'Albert Camus, avec qui il était en correspondance, né également en 1913 dans ce beau pays malmené. Tout cela - le plus important - a été pour ainsi dire passé sous silence dans ce documentaire qui ne fait que proposer une "chronologie" des "événements" entre 1954 et 1962, prétendument neutre et pourtant très orientée, voire "nombriliste". On peut ajouter que là où il n'y a pas d'images (d'archives), le silence règne en maître absolu : c'est ainsi que ce genre d'exercice audio-visuel arrive invariablement à taire l'essentiel.

Le 13 mars, ARTE donne la parole au peintre et cinéaste Jean-Pierre Meurice, né en 1938, qui arrive en 1960 à Alger en qualité de "bidasse" comme il le dit lui-même. Dans son film Algérie, notre histoire (2011), le nombrilisme fait place à une subjectivité radicale qui, si elle approfondit un peu la complexité des perspectives françaises, ignore tout aussi radicalement les différents points de vue algériens : le possessif du titre "notre histoire" ne le cache d'ailleurs pas. Meurice se limite aux années 1960-62, parle de ce qu'il a vu,revient sur les lieux, montre et commente, interviewe certains acteurs du drame comme son ami Philippe Durand-Ruel  (rencontré après la guerre), un officier gaulliste qui rallia pourtant les putschistes en 1961, et l'on retrouve Benjamin Stora, qui apparaît ici comme simple témoin : un gamin de la communauté juive de Constantine qui parle d'événements comme l'assassinat du musicien Cheikh Raymond, un jour de marché, de son enterrement, du départ en 1962, emmitouflés dans des manteaux en plein été car on supposait qu'en France, il faisait froid. En soi, ce projet, enrichi par des images d'archives et de la seule interview connue du général putschiste Challe, tournée en 1971 par Meurice lui-même, n'est pas inintéressant, notamment parce qu'il prend le contre-pied des productions qui se veulent objectives et neutres alors que leur caractère tendancieux et orienté n'est souvent que trop évident ; mais une fois encore, à la manière d'une compulsion de répétition de l'attitude colonialiste, le peuple algérien, ses désirs parfois contradictoires, ses multiples perspectives, ethnies, conditions sociales sont ignorées. Passées sous silence comme si ce peuple - et sa réalité, sa condition - n'avaient jamais compté, - existé.

Voici toutefois une autre perspective : celle de Sartre en 1961.

mardi 13 mars 2012

Algérie, une autre perspective : Sartre 1961

Voici un texte de Jean-Paul Sartre [conclusion de la préface aux Damnés de la Terre de Frantz Fanon, Paris Maspéro, 1961] qui montre en ce Cinquantenaire que d'autres perspectives - certes très minoritaires - pouvaient exister dans la France ("métropole") de l'époque, une réalité plutôt occultée dans les différents "exercices commémoratifs" des médias français :

Vous savez bien que nous sommes des exploiteurs. Vous savez bien que nous avons pris l'or et les métaux puis le pétrole des « continents neufs » et que nous les avons ramenés dans les vieilles métropoles. Non sans d'excellents résultats : des palais, des cathédrales, des capitales industrielles; et puis quand la crise menaçait, les marchés coloniaux étaient là pour l'amortir ou la détourner. L'Europe, gavée de richesses, accorda de jure l'humanité à tous ses habitants: un homme, chez nous, ça veut dire un complice puisque nous avons tous profité de l'exploitation coloniale. Ce continent gras et blême finit par donner dans ce que Fanon nomme justement le « narcissisme ». Cocteau s'agaçait de Paris « cette ville qui parle tout le temps d'elle-même ». Et l'Europe, que fait-elle d'autre ? Et ce monstre sureuropéen, l'Amérique du Nord ? Quel bavardage: liberté, égalité, fraternité, amour, honneur, patrie, que sais-je ? Cela ne nous empêchait pas de tenir en même temps des discours racistes, sale nègre, sale juif, sale raton. De bons esprits, libéraux et tendres - des néo-colonialistes, en somme - se prétendaient choqués par cette inconséquence; erreur ou mauvaise foi: rien de plus conséquent, chez nous, qu'un humanisme raciste puisque l'Européen n'a pu se faire homme qu'en fabriquant des esclaves et des monstres. Tant qu'il y eut un indigénat, cette imposture ne fut pas démasquée; on trouvait dans le genre humain une abstraite postulation d'universalité qui servait à couvrir des pratiques plus réalistes : il y avait, de l'autre côté des mers, une race de sous-hommes qui, grâce à nous, dans mille ans peut-être, accéderait à notre état. Bref on confondait le genre avec l'élite. Aujourd'hui l'indigène révèle sa vérité ; du coup, notre club si fermé révèle sa faiblesse: ce n'était ni plus ni moins qu'une minorité. Il y a pis: puisque les autres se font hommes contre nous, il apparaît que nous sommes les ennemis du genre humain; l'élite révèle sa vraie nature: un gang. Nos chères valeurs perdent leurs ailes; à les regarder de près, on n'en trouvera pas une qui ne soit tachée de sang. S'il vous faut un exemple, rappelez-vous ces grands mots: que c'est généreux, la France. Généreux, nous ? Et Sétif ? Et ces huit années de guerre féroce qui ont coûté la vie à plus d'un million d'Algériens ? Et la gégène. Mais comprenez bien qu'on ne nous reproche pas d'avoir trahi je ne sais quelle mission: pour la bonne raison que nous n'en avions aucune. C'est la générosité même qui est en cause ; ce beau mot chantant n'a qu'un sens : statut octroyé. Pour les hommes d'en face, neufs et délivrés, personne n'a le pouvoir ni le privilège de rien donner à personne. Chacun a tous les droits. Sur tous ; et notre espèce, lorsqu'un jour elle se sera faite , ne se définira pas comme la somme des habitants du globe mais comme l'unité infinie de leurs réciprocités. Je m'arrête ; vous finirez le travail sans peine ; il suffit de regarder en face, pour la première et pour la dernière fois, nos aristocratiques vertus : elles crèvent ; comment survivraient-elles à l'aristocratie de sous-hommes qui les a engendrées. Il y a quelques années, un commentateur bourgeois - et colonialiste - pour défendre l'Occident n'a trouvé que ceci : « Nous ne sommes pas des anges. Mais nous, du moins, nous avons des remords ». Quel aveu ! Autrefois notre continent avait d'autres flotteurs : le Parthénon, Chartres, les Droits de l'Homme, la svastika. On sait à présent ce qu'ils valent: et l'on ne prétend plus nous sauver du naufrage que par le sentiment très chrétien de notre culpabilité. C'est la fin, comme vous voyez : l'Europe fait eau de toute part. Que s'est-il donc passé ? Ceci, tout simplement, que nous étions les sujets de l'histoire et que nous en sommes à présent les objets. Le rapport des forces s'est renversé, la décolonisation est en cours; tout ce que nos mercenaires peuvent tenter c'est d'en retarder l'achèvement.

Encore faut-il que les vieilles « Métropoles » y mettent le paquet, qu'elles engagent dans une bataille d'avance perdue toutes leurs forces. Cette vieille brutalité coloniale qui a fait la gloire douteuse des Bugeaud, nous la retrouvons, à la fin de l'aventure, décuplée, insuffisante. On envoie le contingent en Algérie, il s'y maintient depuis sept ans sans résultat. La violence a changé de sens; victorieux nous l'exercions sans qu'elle parût nous altérer : elle décomposait les autres et nous, les hommes, notre humanisme restait intact; unis par le profit, les métropolitains baptisaient fraternité, amour, la communauté de leurs crimes; aujourd'hui la même, partout bloquée, revient sur nous à travers nos soldats, s'intériorise et nous possède. L'involution commence : le colonisé se recompose et nous, ultras et libéraux, colons et «métropolitains» nous nous décomposons. Déjà la rage et la peur sont nues : elles se montrent à découvert dans les « ratonnades » d'Alger. Où sont les sauvages, à présent ? Où est la barbarie ? Rien ne manque pas même le tam-tam : les klaxons rythment « Algérie Française » pendant que les Européens font brûler vifs des Musulmans. Il n'y a pas si longtemps, Fanon le rappelle, des psychiatres en Congrès s'affligeaient de la criminalité indigène : ces gens-là s'entretuent, disaient-ils, cela n'est pas normal; le cortex de l'Algérien doit être sous-développé. En Afrique centrale d'autres ont établi que « l'Africain utilise très peu ses lobes frontaux ». Ces savants auraient intérêt aujourd'hui à poursuivre leur enquête en Europe et particulièrement chez les Français. Car nous aussi, depuis quelques années, nous devons être atteints de paresse frontale : les Patriotes assassinent un peu leurs compatriotes ; en cas d'absence, ils font sauter leur concierge et leur maison. Ce n'est qu'un début : la guerre civile est prévue pour l'automne ou pour le prochain printemps. Nos lobes pourtant semblent en parfait état : ne serait-ce pas plutôt que, faute de pouvoir écraser l'indigène, la violence revient sur soi, s'accumule au fond de nous et cherche une issue ? L'union du peuple algérien produit la désunion du peuple français : sur tout le territoire de l'ex-métropole, les tribus dansent et se préparent au combat. La terreur a quitté l'Afrique pour s'installer ici : car il y a des furieux tout bonnement, qui veulent nous faire payer de notre sang la honte d'avoir été battus par l'indigène et puis il y a les autres, tous les autres, aussi coupables - après Bizerte, après les lynchages de septembre, qui donc est descendu dans la rue pour dire : assez ? - mais plus rassis : les libéraux, les durs de durs de la Gauche molle. En eux aussi la fièvre monte. Et la hargne. Mais quelle frousse ! Ils se masquent leur rage par des mythes, par des rites compliqués ; pour retarder le règlement de compte final et l'heure de la vérité, ils ont mis à notre tête un Grand Sorcier dont l'office est de nous maintenir à tout prix dans l'obscurité. Rien n'y fait; proclamée par les uns, refoulée par les autres, la violence tourne en rond : un jour elle explose à Metz, le lendemain à Bordeaux ; elle a passé par ici, elle passera par là, c'est le jeu du furet. A notre tour, pas à pas, nous faisons le chemin qui mène à l'indigénat. Mais pour devenir indigènes tout à fait, il faudrait que notre sol fût occupé par les anciens colonisés et que nous crevions de faim. Ce ne sera pas : non, c'est le colonialisme déchu qui nous possède, c'est lui qui nous chevauchera bientôt, gâteux et superbe ; le voilà, notre zar, notre loa. Et vous vous persuaderez en lisant le dernier chapitre de Fanon, qu'il vaut mieux être un indigène au pire moment de la misère qu'un ci-devant colon. Il n'est pas bon qu'un fonctionnaire de la police soit obligé de torturer dix heures par jour : à ce train-là, ses nerfs vont craquer à moins qu'on n'interdise aux bourreaux, dans leur pro pre intérêt, de faire des heures supplémentaires. Quand on veut protéger par la rigueur des lois le moral de la Nation et de l'Armée, il n'est pas bon que celle-ci démoralise systématiquement celle-là. Ni qu'un pays de tradition républicaine confie, par centaines de milliers, ses jeunes gens à des officiers putschistes. Il n'est pas bon, mes compatriotes, vous qui connaissez tous les crimes commis en notre nom, il n'est vraiment pas bon que vous n'en souffliez mot à personne pas même à votre âme par crainte d'avoir à vous juger. Au début vous ignoriez, je veux le croire, ensuite vous avez douté à présent vous savez mais vous vous taisez toujours. Huit ans de silence, ça dégrade. Et vainement : aujourd'hui, l'aveuglant soleil de la torture est au zénith, il éclaire tout le pays; sous cette lumière, il n'y a plus un rire qui sonne juste, plus un visage qui ne se farde pour masquer la colère ou la peur, plus un acte qui ne trahisse nos dégoûts et nos complicités. Il suffit aujourd'hui que deux Français se rencontrent pour qu'il y ait un cadavre entre eux. Et quand je dis : un... La France, autrefois, c'était un nom de pays ; prenons garde que ce ne soit, en 1961, le nom d'une névrose.

Guérirons-nous ? Oui. La violence, comme la lance d'Achille, peut cicatriser les blessures qu'elle a faites. Aujourd'hui, nous sommes enchaînés, humiliés, malades de peur : au plus bas. Heureusement cela ne suffit pas encore à l'aristocratie colonialiste : elle ne peut accomplir sa mission retardatrice en Algérie qu'elle n'ait achevé d'abord de coloniser les Français. Nous reculons chaque jour devant la bagarre mais soyez sûrs que nous ne l'éviterons pas : ils en ont besoin, les tueurs; ils vont nous voler dans les plumes et taper dans le tas. Ainsi finira le temps des sorciers et des fétiches : il faudra vous battre ou pourrir dans les camps. C'est le dernier moment de la dialectique : vous condamnez cette guerre mais n'osez pas encore vous déclarer solidaires des combattants algériens ; n'ayez crainte, comptez sur les colons et sur les mercenaires : ils vous feront sauter le pas. Peut-être, alors, le dos au mur, débriderez vous enfin cette violence nouvelle que suscitent en vous de vieux forfaits recuits. Mais ceci, comme on dit, est une autre histoire. Celle de l'homme. Le temps s'approche, j'en suis sûr, où nous nous joindrons à ceux qui la font.

Jean Paul Sartre, septembre 1961, le texte intégral de cette préface aux Damnés de la Terre se trouve sur le site algeria-watch où l'on trouvera également des extraits du livre de Fanon et un fil d'actualité très fourni sur l'Algérie.

Resondage

En plein remue-méninges médiatique sur le sondage IFOP, qui prédit que le "président candidat" devancerait le challenger au premier tour des présidentielles [ici], tombe un sondage TNS-SOFRES commandé par I-Télé qui affirme le contraire [] :
on constate une stabilité des intentions de vote en faveur de François Hollande, qui recueille 30% des intentions de vote (le même score que fin février), et un tassement des intentions de vote en faveur de Nicolas Sarkozy : 26%, en baisse de deux points par rapport à fin février
[...]
le second tour retrouve lui aussi une configuration observée fin janvier, toujours très favorable à François Hollande : il recueille 58% des intentions de vote (+1 point par rapport à fin février) contre 42% pour Nicolas Sarkozy (-1 point). 

Ces résultats contradictoires devraient jeter le discrédit sur les sondages et ceux qui les prennent pour argent comptant : médiatiques, éditorialistes, rédacteurs, analystes, commentateurs. Mais que l'on se rassure : ce "petit couac" sera aussi vite oublié que les enquêtes d'opinion qui, pendant des mois, voire des années, prédisaient que Dominique Strauss-Kahn serait le prochain président de la République.

Le choc des sondages (et le poids des mots)

Paris-Match l'affirme haut et fort dans le chapeau qui présente le dernier sondage que le magazine a commandé à l'IFOP [ici] :
Coup de tonnerre dans la campagne : selon notre sondage Ifop Fiducial pour Europe 1 - Paris Match - Public Sénat, pour la première fois depuis dans notre vague de sondages, Nicolas Sarkozy (28,5, +1,5) passe devant François Hollande (27, –1,5). Au second tour, le candidat socialiste (54,5, –2) s'effrite également mais bat toujours nettement le président sortant (45,5, +2).
Tout est dans la formule : l'expression "notre vague de sondages" marque bien une sorte de déferlement récurrent de la démocratie virtuelle sur une campagne électorale bien réelle par ailleurs. Si dans cette vague, N. Sarkozy passe devant F. Hollande, le rédacteur aurait peut-être pu préciser : "au premier tour", car il ne s'agit pas ici d'une affaire de personnes ou d'un concours de beauté, mais d'options politiques : l'électeur français est appelé à choisir le système dans lequel il vivra ces cinq prochaines années. Or c'est bien au second tour, puis avec les Législatives que cela se décide : libéralisme ou social-démocratie. Mais c'est surtout l'emploi de l'indicatif à la fin du paragraphe qui "choque" : une fois encore, on confond ici l'avis bien virtuel d'un millier de personnes "sondés" au téléphone, et "redressés" ensuite, avec le dépôt de millions de bulletins de vote dans les urnes pour l'instant encore bien réelles d'un grand pays démocratique.

Que dire enfin de la formule d'introduction, destinée bien sûr à focaliser l'attention  : Coup de tonnerre dans la campagne ! On peut imaginer n'importe quoi dans ce décor gothique de la campagne française, mais le problème reste toujours le même : comment est-ce possible de faire passer le résultat ponctuel et plutôt aléatoire d'un sondage pour un événement réel et prétendument décisif pour la suite ?


En faisant l'économie d'une réponse à cette nouvelle tentative de manipulation de l'opinion publique, voici donc le tableau proposé par le magazine spécialisé dans les "grands de ce monde" :

DATES >4-6 jan*11-13 jan**29-30 jan***9-12 fév 23-27 fév11-12 mars
CANDIDAT(E)S%%%%%%
Nathalie Arthaud (LO)0,50,50,50,50,5
Philippe Poutou (NPA)0,50,50,50,5
JL Mélenchon (FDG)67,57,58,58,510
JP Chevènement (MRC) 0,50,5NTNTNT
François Hollande (PS)2828313028,527
Eva Joly (EELV)333332,5
F. Bayrou (MoDem)1212,511,512,512,513
Corinne Lepage (Cap21)0,50,50,50,50,5
Dominique de Villepin (RS)2,521211
Hervé Morin (NC)10,50,5NTNT
Frédéric Nihous (NCPT)NTNT
Nicolas Sarkozy (UMP)262424,5252728,5
Christine Boutin (PDC)0,5-NTNT
N. Dupont-Aignan (DLR)0,510,50,511
Marine Le Pen (FN)19201917,51716
[Les principales options politiques en caractères gras, les sigles des partis rajoutés]

Et voici encore les détails techniques sur les sondages de janvier, fournis par l'hebdomadaire :

* Etude Ifop pour le JDD réalisée par questionnaire auto-administré en ligne du 4 au 6 janvier 2012 auprès d’un échantillon de 1163 personnes inscrites sur les listes électorales, extrait d’un échantillon de 1216 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus.
** Etude Ifop-Fiducial pour Europe 1, Paris Match et Public Sénat réalisée par questionnaire auto-administré en ligne et par téléphone du 12 au 14 janvier 2012 auprès d’un échantillon de 1550 personnes inscrites sur les listes électorales, extrait d’un échantillon de 1976 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus.
*** Etude Ifop/Fiducial/Paris Match/Europe1/Public Sénat réalisée sur un échantillon de 1387 personnes représentatif  de la population française âgée de 18 ans et plus et inscrites sur les listes électorales, extrait d’un échantillon national représentatif de 1 655 personnes. La représentativité de l’échantillon a été assurée par la méthode des quotas (sexe, âge, profession du chef de famille), après stratification par régions et catégories d’agglomération. Les interviews ont eu lieu par questionnaire auto-administré en ligne (CWI - Computer Assisted Web Interviewing) et par téléphone du 29 janvier à partir de 21h30 au 30 janvier 2011. 


La mention NT (non testé) correspond aux retraits de candidature annoncés par Jean-Pierre Chevènement (MRC), Hervé Morin (NC), Frédéric Nihous (NCPT) et Christine Boutin (PCD), les trois derniers ayant préféré soutenir Nicolas Sarkozy.

[Ajout] Un peu plus tard dans la journée, un nouveau sondage affirme le contraire de celui-ci, ce qui tend à prouver que l'on peut manipuler l'opinion publique avec des données complètement aléatoires.

samedi 10 mars 2012

Apolitisation

Henri Maler du site Acrimed (critique des médias) relève cette incroyable prestation d'un de ceux que j'appellerais bien volontiers nos "abrutisseurs". Ici, ce serait plutôt une abrutisseuse puisqu'il s'agit de la journaliste faussement impertinente Ariane Massenet. - L'article de Maler commence ainsi :
Le 8 mars 2012, « Le Grand Journal » de Canal Plus, toujours à l’affût d’une idée « originale », avait choisi d’inviter (pour symboliser la place seconde réservée aux femmes ?), deux porte-paroles de candidats masculin à l’élection présidentielle : Nathalie Kosciusko-Morizet (porte-parole de Nicolas Sarkozy) et Najat Vallaud-Belkacem (porte-parole de François Hollande). Si les premières minutes de l’émission furent, superficiellement, consacrées à des questions sur la condition des femmes, il devait revenir à Ariane Massenet de pulvériser toute tentation féministe, en réduisant ses interlocutrices en observatrices de la « féminité » de leurs champions. La féminité selon Ariane Massenet se résume aux poncifs les plus niais sur l’éternel féminin.
Le problème n'est pas seulement le détournement - le prétexte - de la Journée de la Femme pour poser des questions sur les deux principaux candidats - hommes - de cette élection présidentielle que les deux femmes sont venues représenter sur le plateau de cette émission d'"info-divertissement" (infotainment, comme disent les Américains) ;  ce qui est plus grave, c'est le remplissage du temps d'antenne de ces femmes politiques - et du temps d'écoute des électeurs - avec une stupidité monstrueuse. Voici un échantillon des questions posées par Mme Massenet et relevées par Henri Maler:
- Ariane Massenet : « Oui, alors journée de la femme oblige. Moi j’aimerais connaître la part de féminité, s’il y en a une, de chacun de vos candidats respectifs. D’abord une question basique : est-ce qu’ils sont galants ? […]
- Ariane Massenet : « Chose très pratique, euh, ils vont chez le coiffeur régulièrement ? » Les deux porte-paroles ont l’air interloquées :
- Nathalie Kosciusko-Morizet : « Bah écoutez, moi je ne m’en occupe pas enfin ce n’est pas ma partie du tout ».
- Najat Vallaud-Belkacem : « Voilà, c’est ça, c’est pas compris dans la fiche de poste de porte-parole.
  […]
- Ariane Massenet : « Très bien. Est-ce que... alors je crois que Nicolas Sarkozy boit du Coca Light... euh du Coca Zero, pardon [...] et Hollande du Coca Light... »  […]
- Ariane Massenet : « Une dernière question sur le poids. [Rires sur le plateau] Est-ce qu’ils font attention à leur poids ? On a dit que François Hollande avait repris un peu de poids. »
- Nathalie Kosciusko-Morizet : « Non mais nous avons aussi un cerveau ! Je veux dire, je parle pour nous deux, là [Najat Vallaud-Belkacem hoche la tête en signe d’approbation], nous pouvons parler aussi du contenu des propositions de nos candidats, pas seulement de leur famille, de leur coupe de vêtement, enfin...

- Michel Denisot : « C’était tout. Le Zapping. »
Étonnant, non ? - Rageant, surtout : nous sommes dans une situation désastreuse, tant au niveau mondial (pauvreté planétaire, destruction de la nature, globalisation ultralibérale) qu'au niveau européen et national ("crise de la dette", abolition de l’État social, absence d'une Europe politique) et voilà qu'une "journaliste" - qui n'est ici qu'un exemple du nombre impressionnant d'abrutisseurs officiant sur toutes les chaînes du monde - vient remplir le temps d'antenne dévolu en principe à l'évocation de ce genre de sujets "graves" avec ses tentatives de ridiculisation, de guignolisation, de personnalisation de la vie politique. Et nous pourrons lire, avec les chiffres des abstentions aux prochaines élections, le succès de cette entreprise de dépolitisation dont Mme Massenet n'est qu'un rouage inconscient.

Mais à qui profite donc le crime ? - Car il ne s'agit pas seulement de "détendre" les "cerveaux" des téléspectateurs afin d'obtenir du "cerveau humain disponible" pour les écrans publicitaires, comme l'avait si bien formulé Patrick Le Lay, le chef de TF1 en 2004 ; cette opération d'abrutissement a également d'autres effets : ces "esprits émoussés" n'analysent, ne critiquent plus rien ; à force de personnalisation, de "peoplization" (célébrités du show business et du sport, de la vie économique et politique), le "téléspectateur" y perd sa propre personnalité, et toutes ces vies réussies ("success stories") raturent la sienne ; devant ces existences toutes virtuelles, la vie réelle perd de sa saveur, de son sens : elle ne vaut plus la peine que l'on s'y intéresse, que l'on y travaille. Nos "cerveaux détendus", préparés par M. Le Lay et al., sont des cerveaux dépressifs, des cerveaux d'automates qui "somnambulent" dans les rayons des supermarchés pour effectuer l'un des seuls actes que l'on attend encore de nous  : l'acte d'achat. - Mais le crime profite surtout à l'entreprise planétaire de maintien du status quo : après la barbarie déshumanisée du fascisme, l'échec humain, politique et idéologique du "communisme", on nous fait croire qu'il n'y aurait plus qu'un seul système possible : celui dans lequel nous subsistons tant bien que mal. Et, dans leur tâche quotidienne d' "apolitisation", les abrutisseurs contribuent à fabriquer cette acceptation-là, cette résignation à une existence terne que l'on tente de faire oublier avec la pacotille appelée les "nouveaux moyens de communication" qui, en vérité, interdisent progressivement tout contact réel, toute vie sociale. - Puis, avec l'acte d'achat et bien sûr l'acte de travail, que nous effectuons dans des conditions toujours plus précaires, nos cerveaux "préparés" par les abrutisseurs doivent également "faire leur devoir de citoyen" : plébisciter notre propre misère !

PS. - En 1996, le sociologue Pierre Bourdieu avait livré une analyse pertinente du médium télévision que l'on peut retrouver sur philochat.

jeudi 8 mars 2012

Ziegler fait le point


Cette brève intervention de l'économiste suisse Jean Ziegler fait partie de son entretien avec Agnès Rousseaux et Alexandro Rosinha, publié début 2009 : il fait le point sur l'injustice économique qui caractérise notre monde contemporain, en donnant quelques chiffres à peine croyables. L'interview est sur bastamag.


A la même époque (et dans le même décor) l'économiste a accordé un entretien à Rue89, que le site d'information présente ainsi : A l'occasion de son nouveau livre, "La haine de l'Occident" (Eds Albin Michel [2008]), l'ancien rapporteur spécial des Nations Unies pour le droit à l'alimentation, Jean Ziegler, s'entretient avec Rue89. Une interview plus violente encore que la charge contenue dans le livre.

Choix

Une partie de l'électorat français ne semble pas s'en rendre compte, et je m'excuse pour ce ton professoral :

1) nous sommes en Europe : il s'agit là d'une réalité économique ; les candidat(e)s qui prônent - promettent - la "sortie de l'euro" ne sont pas crédibles, même s'ils se disent animés des meilleures intentions ; de même, il est absurde - anachronique - de mettre en concurrence les différents pays membres qui doivent au contraire travailler ensemble pour parvenir enfin à la constitution d'une Europe politique ;

2) ainsi, nous n'avons qu'une seule alternative, c'est-à-dire le choix entre :
a) le néolibéralisme qui brade le bien public et travaille à la suppression progressive de l’État au profit de la finance et des grands groupes internationaux ;
b) la social-démocratie qui essaye, tant bien que mal, de préserver un État social protégeant les plus démunis, assurant un revenu minimum, une couverture sociale et médicale, une retraite décente, une scolarité et une formation pour tous etc.

mardi 6 mars 2012

Opération "Charlemagne"

Beaucoup de choses se sont passées, entre la France et l’Allemagne, depuis la mort de l’Empereur “franco-allemand” Charlemagne (Karl der Große), le 28 janvier de l’an 814 à Aix-la-Chapelle (Aachen). Bientôt mille deux cents ans d’histoire “séparent” ces deux nations fratricides, pourtant “ré-unies” depuis l’époque De Gaulle – Adenauer au sein de ce qu’on se plaît à nommer le “couple franco-allemand” ou encore, de façon plus cynique et contemporaine, Merkozyland.


Cet article est maintenant disponible à l'adresse suivante :

jeudi 1 mars 2012

Engagement

Je le confesse : le rédacteur de ce blog - qui s'est contenté jusqu'à présent de relayer les informations et d'ironiser sur la démocratie virtuelle - est partisan d'un Europe social-démocrate, c'est-à-dire réellement démocratique et réellement sociale, avec un salaire minimum, des impôts et des taxes harmonisés, une couverture sociale - retraite, santé, chômage - qui tire vers le haut et non nivelée par le bas.

Je le confesse parce que les commentateurs politiques ont fini par m'énerver considérablement. L'article de Philippe Tesson paru aujourd'hui sur le site du Point [ici] a été la fameuse goutte de trop. D'ailleurs le vase déborde partout.

Né en 1928,  M. Tesson travaille l'opinion publique française depuis 1960, année de ses débuts au journal Combat. En 1974, il fonde Le Quotidien de Paris, pour se consacrer ensuite aux Arts et spectacles à la radio et à la télévision. Aujourd'hui, il titre "Hollande est seul contre tous en Europe" dans l'hebdomadaire dirigé par Franz-Olivier Giesbert, un ancien du Nouvel Obs qui vient de faire son coming-out chrétien sur toutes les chaînes nationales. Le chapeau précise : Les positions du candidat socialiste sont à l'opposé de l'exigence d'austérité qui prévaut chez nos partenaires. Irréaliste, juge Philippe Tesson.

J'ai commenté ce dernier mot comme suit, dans l'espace réservé aux internautes : Irréalisme. - Sachez - vous le savez - que le pouvoir est économique et financier (pléonasme), mais pensez aussi - et vous ne le pensez peut-être pas - que ce pouvoir est criminel : il suffit de voir avec quel cynisme les pays dits pauvres et les pauvres des pays dits riches sont exploités, sans aucun égard pour les besoins des êtres humains et pour la nature, désertifiée chaque jour davantage. - Alors si la réalité, c'est ça, oui, notre devoir est d'être "irréalistes" !

Et puis j'ai relu ces lignes de M. Tesson : Mais la cause est déjà entendue : l'opposition des dirigeants européens à François Hollande est inscrite dans les faits. Angela Merkel, forte de son leadership, aussi bien que Herman Van Rompuy, fort de sa fonction de président du Conseil européen, ne sont pas disposés à transiger. La situation économique des pays européens, qui tend à s'aggraver, n'arrange pas les intérêts de François Hollande.

Alors je me suis fendu d'un second commentaire : Irréalisme (bis). - Le partenariat Merkozy évoqué est bien fragile : comme Sarkozy, Merkel devra bientôt affronter les électeurs en Allemagne (septembre 2013), ce dont on ne tient absolument aucun compte en France. Et les candidats du SPD allemand (sociaux-démocrates) alliés aux Verts ont gagné tout ce qu'ils pouvaient gagner lors des élections "régionales" et "locales" de ces dernières années. Comme le PS français. Alors si on parlait élections réelles au lieu de virtualiser la démocratie ?

[ la suite au prochain numéro]