jeudi 11 décembre 2014

Je veux garder mon Allemagne de Mme Merkel


Jean-Luc Mélenchon, photo : dpa, choisie par Bild (lien ci-dessous)


« Maul zu, Frau Merkel ! Frankreich ist frei ». - Dans un allemand correct, mais un peu vieillot et rudimentaire, Jean-Luc Mélenchon interpelle la chancelière qui vient à nouveau d'être plébiscitée à la tête de son parti, la Christlich-Demokratische Union (CDU). - Et le politicien démissionnaire du Parti de gauche d'ajouter : « Occupez-vous de vos pauvres et de vos équipements en ruines ! »


Si le quotidien Les Échos considère que « La presse allemande en ligne reprend largement le message de l’homme politique de gauche qui a appelé la Chancelière allemande à "la fermer" vis-à-vis de la France », l'impact sur l'opinion d'outre-Rhin n'est guère plus important que la récente élection d'un ministre-président du Parti de gauche en Thuringe l'est en France. Il est étonnant, par exemple, que l'hebdomadaire du centre gauche Der Spiegel reprend pratiquement le même texte que le quotidien populiste Bild : on en conclut qu'il s'agit de la même dépêche d'agence (isa/AFP) que les rédacteurs de ces deux publications aux antipodes n'ont pas pris la peine de développer.




Si l'on est tout de même surpris que le président Hollande et ses ministres n'affichent pas un contact plus intense et direct avec le vice-chancelier Sigmar Gabriel (SPD) et les ministres sociaux-démocrates qui participent au gouvernement allemand dans le cadre de la Grande Coalition CDU/SPD, on ne trouve pas non plus sur le fil Twitter de M. Mélenchon la trace de félicitations adressées à Bodo Ramelow (Die Linke) alors que son élection à la tête du gouvernement régional de Thuringe est une première en Allemagne fédérale.


Il semble que la gauche française préfère brandir le spectre d'une « Allemagne de Mme Merkel », refusant de voir l'évolution du pays, sans doute aussi parce qu'un certain nombre d'informations sont systématiquement passées sous silence : En premier bien sûr cette élection de Bodo Ramelow, dont j'ai rendu compte ici-même. Et, lors de l'annonce unanime par la presse française du "triomphe de Mme Merkel" en septembre 2013, personne n'a cru bon mentionner qu'une coalition rouge-rouge-verte (SPD/Die Linke/Les Verts) disposerait d'une courte majorité au Bundestag. Enfin, en Allemagne fédérale, 11 Länder sur 16 sont dirigés par des ministres-présidents de gauche (9 SPD, 1 Die Linke, 1 Les Verts), ce qui nuance tout de même le tableau.


Le fait que M. Ramelow n'a pu prendre la tête d'un gouvernement régional qu'en s'alliant aux sociaux-démocrates et aux Verts explique peut-être l'absence de félicitations officielles de M. Mélenchon, qui, lors d'un récent passage à la télévision en compagnie de M. Hamon (PS) et Mme Duflot (Les Verts), vient encore de montrer les difficultés qu'il éprouve face à ce facteur déterminant de la politique en démocratie : le compromis ! - D'autre part, le chiffon rouge d'une « Allemagne de Mme Merkel » prouve avant tout que l'on a tendance à projeter sa propre organisation politique - en l’occurrence le régime présidentiel de la Ve République - sur ses voisins : si la chancelière est effectivement aux commandes de la RFA et qu'elle y jouit sans doute encore d'une grande popularité, son pouvoir reste limité non seulement par la coalition que, toute « triomphante » qu'elle fut en 2013, elle a dû engager avec le SPD, mais encore par l'organisation fédérale du pays et la Chambre Haute du Bundesrat, où avec 27 voix sur 69 elle ne peut - comme au Bundestag - constituer de majorité qu'avec le soutien du SPD. Dans le cas, certes improbable à l'heure actuelle, où les sociaux-démocrates changent leur fusil d'épaule comme ils viennent tout de même de le faire en Thuringe, la fameuse « Allemagne de Mme Merkel » cesserait immédiatement d'exister.





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Commentaires





Dans les faits, le pouvoir présidentiel français est à géométrie variable selon la configuration parlementaire, on l'a vu lors des cohabitations où la réalité du pouvoir incombait au Premier Ministre, sauf en politique extérieure mais il se trouvait qu'elle était alors assez consensuelle. Aujourd'hui également, le premier ministre semble avoir pris une certaine prépondérance pour la politique intérieure dans le tandem exécutif face à un président assez flottant.


Écrit par : nolats | 11/12/2014

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lors de cette émission nous avons assisté à ce que la politique a de plus bas de plafond, Madame Duflot a relevé le niveau en ébauchant cette pluralité dans laquelle la démocratie allemande tente de se tenir au mieux,et que vous décrivez
mais il fallait une presque malveillance préméditée pour réduire à un face à face: nos dissidents contre une députée proche de Angela M, buzz garanti, un entonnoir maléfique qui ne risque pas de rapprocher les peuples et conforter le mythe des technocrates sévères!
il faudrait aussi avant que de se vautrer ainsi s'attacher à nous reconnaître dans nos différences et d'en faire quelque chose,


Écrit par : PARKER | 11/12/2014 |

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Je n'ai écouté que la première partie (d'une oreille distraite) en me disant que de faire parler les "frondeurs" et les "dissidents" relevait d'une stratégie de tirs sur l'ambulance car c'est vachement bien de critiquer, mais c'est bien plus dur d'agir politiquement pour changer les choses : mettre un mouchoir sur ses convictions profondes et faire des compromis (ne dit-on pas que pour bosser aujourd'hui, il faut être schizophrène : vous ne pouvez pas ne pas être dans le système mais aucune personne normalement constituée et saine d'esprit ne saurait y adhérer pleinement, ce qui est pourtant nécessaire pour y "réussir" avec tout ce que cela implique)...


Écrit par : sk | 12/12/2014 |


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c'est sur qu'il n'aimerait pas la photo du Bild...mais elle vaut celles qui sont proposées par la presse française libérale

http://www.jean-luc-melenchon.fr/arguments/contributions-sur-lallemagne/

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le dernier pour la route : les mémoires de Helmut Kohl

http://reseauinternational.net/les-memoires-de-lancien-chancelier-allemand-helmut-kohl-pourraient-enterrer-la-carriere-de-merkel/
Écrit par : kulturam | 11/12/2014 |


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J'avais lu ce "dossier" de Jean-Luc Mélenchon, les notes de blog qu'il compile sont pour la plupart antérieures à septembre 2013 (grande coalition), il n'y a aucune mention de sources et rien sur les Länder ni évidemment sur la Thuringe...

Pour Kohl, il s'agit de la publication non autorisée de certaines bandes (Vermächtnis: Die Kohl-Protokolle, Munich 2014) que les auteurs ont enregistrées (2001/2) en vue de la rédaction d'un livre de mémoires. Aucun intérêt autre qu'anecdotique : vous écoutez n'importe quel homme de pouvoir "en off" (comme vient encore de le faire Mme Trierweiler) et vous allez faire le buzz en publiant ses "déclarations croustillantes"...
Écrit par : sk | 12/12/2014 |


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Vous pouvez regarder C dans l'air de ce jour ou on y fait l'apologie de Mme Merkel


Écrit par : kulturam | 11/12/2014 |


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Le titre de cette note était ironique, ou bien y avez-vous lu une défense de la Merkel ?


Écrit par : sk | 12/12/2014 |


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Non, loin de moi de penser à une défense de la dame , je ne sais pas si ce que raconte Kôhl est vrai , c'est peut être une forme de vengeance mais il n'empêche que sous des airs timides à la limite de l'idiotie , la Merkel est une sacrée ambitieuse , autant le physique de la Thatcher était dur et arrogant , à son image de dame de fer , autant celui de Merkel est agréable et avenant mais au fond c'est la même ambition et la même volonté de faire plier ceux qui ne sont pas d'accord , compte tenu de la confusion qui a régnée à la chute du mur on peut comprendre son allégeance manifeste aux forces atlantiques , bref toujours d'accord avec les forces politiques libérales dominantes
Par ailleurs Mélenchon citent des sources à la fin de son texte , je n'ai pas vérifié mais il n'est pas du style à annoncer au hasard et sans références


Écrit par : kulturam | 12/12/2014 |


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Je ne sais pas ce que Kohl raconte, mais sa "fille" ("Kohls Mädchen") a bien plombé la politique allemande et européenne. La question est maintenant de savoir ce que devient la CDU si jamais elle ne se représente pas en 2017 ou, en tout cas, lorsqu'elle se retirera : perte sèche et significative d'électeurs, dit-on. - De même, le SPD. pour avoir participé à cette coalition avec la CDU, a perdu une partie de son électorat traditionnel. Les sociaux-démocrates étaient donc pratiquement obligés de s'allier à Die Linke en Thuringe pour le reconquérir.

En France - et malgré ces périodes de cohabitation invoquées par nolats, qui ne sont pas des coalitions - c'est quand même la politique du "last man standing", de l'homme seul qui gouverne tout là-haut et - malgré un effort soutenu de décentralisation - les choses importantes continuent de se passer à Paris, à l'image de ces Instructions Officielles de l'Éducation Nationale qu'il faut appliquer partout, nonobstant les priorités régionales. - Il est évident que si l'Assemblée Nationale était élue par proportionnelle et qu'elle devait voter pour un chef de gouvernement, il y aurait fort à parier que l'UMP et le PS se mettent d'accord pour bloquer l'extrême-droite, ou que le PS s'allie avec l'extrême-gauche et les Verts (qui bénéficieraient également de ce vote à la proportionnelle).

En Allemagne, le mode de scrutin est assez intéressant : la première voix pour le député de votre choix, la seconde pour votre parti (cette dernière étant la plus importante), on peut donc parler d'une "semi-proportionnelle".

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Mélenchon sur son blog à propos de l'émission "des paroles et des actes" : "Et le sommet de tout fut atteint avec cette député allemande, caricature de « boche » de bande dessinée avec cette phrase d’anthologie où elle déclare : « che n’ai pas bien kompris qu’est-ce que fou foulez faire sinon fou couper les chéfeux entre fous ! ». Du Jacques Villeret dans le rôle d’Apfelstrudel de « Papy fait de la Résistance » ! En moins drôle et même très glacial ! Dès le lendemain, je n’ai plus compté les gens qui m’ont arrêté dans la rue pour me féliciter d’avoir « bien répondu à l’Allemande ». Ce qui m’en apprend beaucoup sur ce que pense notre peuple."

(http://www.jean-luc-melenchon.fr/2014/12/08/stopper-la-reculade-au-point-macron)

Terrible ! - Je n'avais pas suivi la partie avec cette "députée allemande", mais quand M. dit quelques lignes plus haut : "Car le duo Saint Cricq et Lenglet, loin de vouloir faire exposer la pensée de chacun sur l’alternative, a passé son temps à l’habituel exercice de démolissage en mode « ce que vous proposez, que je résume d’une façon c a r i c a t u r a l e, est inepte »", il utilise la même méthode, avec un arrière-goût revanchard.

J'avais déjà remarqué que le "dossier" sur l'Allemagne que vous citez se terminait sur ce titre étrange en forme de dénégation : "Je ne connais pas de « boche »". M. écrit: "Daniel Cohn-Bendit m’accusa de parler des « Boches ». Rien de tel n’existe dans ce livre (Qu’ils s’en aillent tous, Paris, Flammarion, 2010)"

No comment.

http://www.lesinrocks.com/inrocks.tv/altercation-jean-luc-melenchon-eurodeputee-allemande-paroles-actes/
Écrit par : sk | 12/12/2014 |


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le problème n'est pas dans la forme mais plutôt dans le fond , le problème européen c'est aussi Mme Merkel , à lire le bilan ci-dessous fait par le journal La Tribune avec lequel je suis en partie d'accord

..... par ailleurs je dois dire que le terme de boche que tout le monde a l'air de trouvé politiquement non correct et injurieux a été utilisé et est encore utilisé , j'ai toujours entendu mes grands parents utiliser ce terme et il n'y avait pas qu'eux , il y a des blessures qui ne s'effacent pas , pour ma part n'étant pas de la même génération je n'ai rien contre les allemands si ce n'est la domination dont ils usent au sein de l'Europe et si il y a un pays qui ne les portent pas du tout dans leur coeur , ce sont bien les grecs

http://www.latribune.fr/actualites/economie/union-europeenne/20141212trib0c67c5c65/quelle-est-la-responsabilite-de-l-allemagne-dans-la-crise-europeenne.html

Écrit par kulturam

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On est d'accord : la politique du gouvernement allemand est en partie responsable du plombage ultra-libéral de l'Europe, et la Tribune donne des éléments intéressants à ce propos. Mais parler d'Allemands en général, et a fortiori de "boches", c'est stupide et anachronique en sachant que les gens nés en 1945 ont aujourd'hui 69 ans. En Allemagne, comme en France, il y a toutes sortes de personnes, revendiquer une homogénéité des populations d'un côté et de l'autre du Rhin, puis postuler une différence qui permet de faire s'affronter les ouvriers de Berlin et de Paris dans les tranchées de 14-18 (l'origine du mot "boche" et de tout ce qui a suivi : certains historiens parlent d'une "seconde guerre de Trente Ans", 1914-1945), c'est simplement criminel : refuser ce terme aujourd'hui n'a donc rien à voir avec une quelconque correction politique, il s'agit simplement d'arrêter les frais. - Je ne vais pas me mettre à ressasser encore les points que j'ai abordés dans mes articles précédents (cf. wordpress, ci-contre), mais plus je réfléchis aux différends franco-allemands à travers les époques, plus les "différences" me paraissent artificielles, montées de toutes pièces : comme dans tout bon polar, il faudrait commencer par chercher à qui profite le crime !


Écrit par sk


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Écrit par : kulturam / sk | 12/12/2014 |


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D'abord merci de rapporter mes messages envoyés au piloris par qui on sait

Comme je le disais , je n'ai fait que rapporter ce que moi même j'ai entendu dans la campagne de mon enfance et j'ai donc fait un devoir historique de mémoire (car après on se plaindra que l'histoire est déformée ) de plus j'ai aussi des vieilles cartes postales de mon arrière qui a fait celle de 14 18 (il en est mort) et c'est aussi indiqué , le fameux B.. et aussi un autre : Fri..quelquechose

Pour ce qui concerne les relations franco allemandes c'est bien de Gaulle et ensuite Mitterrand qui ont entamés les retrouvailles mais en ce qui concerne les partis de gauche cette amitié ne s'est jamais tarie même pendant la dernière guerre , tout le monde ou presque sait qu'il y avait des résistants allemands au sein des unités de résistance du PC dans les maquis , mais c'est une autre histoire

http://chrhc.revues.org/668

Sinon, pour en revenir à l'amitié entre Oscar Lafontaine fondateur de Die Linke et Mélenchon, elle n'a pas bougé d'un iota , ces hommes là sont amis depuis toujours , Oscar était là (et moi aussi à l'époque mais dans la salle) au grand meeting pour la naissance du Parti de Gauche , bon j'ai pris mes distances depuis mais il y a des moments assez inoubliables et historiques auxquels je suis heureux d'avoir participé

http://www.humanite.fr/melenchon-lafontaine-contre-merkel-sarkozy

Écrit par kulturam

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Je comprends bien, kulturam, on a monté les populations les unes contre les autres et il fallait bien les motiver, puis désigner des coupables pour les décès par millions afin de cacher les véritables assassins. Je suppose que nous pouvons tomber d'accord sur ce point aussi. - Cela dit, l'utilisation de ce vocable par un politicien né en 1951 n'est plus défendable. Et pour son lien avec son "frère" Lafontaine : celui-ci s'est retiré dans son fief de la Sarre. Alors quid de Bodo Ramelow, Herr Mélenchon ?

J'ai exporté cette note et notre discussion ici, et je ne vais pas tarder à la supprimer à l'Obs pour retourner en "hibernation". Vos interventions seront toujours les bienvenues...

Écrit par sk

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Écrit par : kulturam / sk | 13/12/2014 |


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Pour Mélenchon , je ne sais pas , je ne suis plus assez prés du parti pour connaître le fin mot de cette affaire sur Thuringe et j'ai vu suite à votre note que sur le site du parti de gauche c'était l'omerta , Lafontaine a eu un cancer et il était déjà malade en 2009 et son influence a diminué je
pense et il y a eu à ma connaissance des divergences au sein du parti à ce moment là mais je sais plus pourquoi mais je le devine , ce sont toujours les mêmes , les divergences vers plus ou moins de libéralisme et rapprochement avec les sociaux démocrates, mais quoiqu'il en soit ils sont dans le même parti européen
j'ai trouvé ce site (voir le lien ci-dessous) qui fait une excellente analyse sur les résultats électoraux de Die Linke et je trouve aussi que cette analyse pourrait s'appliquer au Front de Gauche en France , autant vous dire que je surveille aussi les pays où ça marche ! comme la Grèce avec Syrisa ou l'Espagne avec Podemos , en Allemagne c'est  le Parti des Pirates qui a débordé DL sur les mêmes idées , il a le mérite de n'être pas un parti nationaliste comme le FN en France qui lui aussi a profité des idées du FG en copié collant une partie des idées concernant la mondialisation et la financiarisation de l'économie (discours qu'il n'avait jamais eu)

http://www.transform-network.net/fr/revue/numero-092011/news/detail/Journal/the-linke-after-the-elections-of-2011.html
Écrit par : kulturam | 14/12/2014 |



3 commentaires:

  1. Le problème de la proportionnelle, c'est que ce sont les partis qui placent les candidats dans les listes, en y insérant des gens que le suffrage direct recalerait.

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    1. Salut Nolats et bienvenue ici ! En France, il est évident que le FN (mais peut-être aussi l'extrême-gauche et les Verts) y gagnerai(en)t et, comme vous dites, des candidats non élus se retrouveraient à l'Assemblée. - Mais que pensez-vous de la "semi-proportionnelle" (une voix au député local, une voix au parti) ?

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  2. Bonjour SK, un système de vote composite va produire deux catégories d'élus, ceux de terrain et ceux d'appareil.

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