samedi 6 juillet 2019

Signe de vie



L'envie de commenter une actualité de plus en plus chaotique et absurde m'a passé : cela s'explique à la fois par la succession toujours plus rapide d'événements d'une extrême gravité et par la propension humaine à la « compulsion de répétition », qui va de pair avec l'incapacité d'apprendre de ses erreurs et de s'amender devant les catastrophes majeures, passées, actuelles et prévisibles.

Tout le monde s'accorde à dire que nous entrons dans une boucle rétroactive qui accélère et potentialise des phénomènes planétaires comme le réchauffement, la désertification, la montée du niveau des mers. Nous sommes déjà confrontés à la destruction massive des espèces et des espaces naturels, à une migration sans précédent, à l’accentuation des violences de toute sorte, générées par des guerres interminables, une misère sans nom, des formations terroristes et mafieuses, qui éloignent de plus en plus tout espoir de résolution pacifique des nombreux conflits qui ne cessent de diviser des populations chauffées à blanc par les harangues d'idéologues de tous bords, dont la seule motivation est d'arriver ou de se maintenir au pouvoir.

Nos démocraties sont minées par une dictature économique à l'échelle mondiale, dont les maîtres-mots sont le profit et la « croissance » à tout prix, quelles que soient les conséquences sur les populations et l'environnement, et dont le moteur est la « crise » : interminable comme les guerres et les conflits qu'elle engendre, elle crée le terrain favorable à la dégradation des services publics et au détricotage du droit du travail, rendant la main d’œuvre disponible et docile, désintégrant les sociétés et les solidarités nécessaires à toute vie en commun.

L'exemple type est l'état actuel de l'Union Européenne, incapable de mettre en œuvre sur le plan continental un système d'assistances sociales et de taxations équitables, qui limiterait sensiblement la concurrence acharnée et souvent déloyale entre États-membres et donc l'inimité entre les peuples d'Europe, incapable également de pratiquer une politique étrangère commune, guidée par la nécessité de pacification et d'équité des termes de l'échange sur le plan mondial, ou ne serait-ce que d'harmoniser et valoriser les élections européennes pour que les résultats reflètent la volonté constructive des citoyens européens et non les querelles délétères des chefs de file nationaux qui, par la force des choses, refusent d’œuvrer à leur propre suppression dans le cadre d'une Europe politique.

La preuve pour cet état de fait est la première place aux dernières élections européennes de l'ex-Front National (1), un parti dont la sortie de l'Europe reste l'objectif principal, même s'il ne le crie plus sur tous les toits comme avant. Sans parler de la participation à ces mêmes élections des citoyens britanniques (2) qui sont censés quitter l'Union en octobre 2019 : difficile d'imaginer une situation plus absurde. Dernière en date : le parachutage probable de l'actuelle ministre allemande de la Défense Ursula von der Leyen (CDU) à la tête de la Commission Européenne, alors qu'elle est inconnue hors d'Allemagne, que sa gestion de l'armée n'était pas exemplaire et que personne n'a voté pour elle sur le plan européen.

Ce qui tend à me décourager, ce n'est pas tellement la relative « invisibilité » de mes commentaires de l'actualité, mais le phénomène d'entropie ou de « bruit » qui caractérise l'évolution actuelle d'Internet : en effet, lorsqu'on peut dire tout et son contraire, lorsque les discours argumentés ont la même valeur que les délires les plus abscons, la fameuse liberté d'expression – ce dernier argument du libéralisme pour se distinguer du totalitarisme – se retourne en son contraire. Si l'on y ajoute le système de surveillance planétaire qui, lentement mais sûrement, se met en place et l'exploitation des données personnelles aux fins les plus évidentes ou les moins avouables, si l'on y ajoute la ration quotidienne fournie à tous les trolls du monde et la « gratuité » – éloquent double-sens de ce mot ! – de la plupart des « contributions », qui alimentent de fait la gigantesque machine de communication au profit de quelques milliardaires et méga-compagnies (3), il n'y a plus qu'une solution, qui me paraît consubstantielle au rejet de la consommation à outrance et de l'impératif de « croissance » : le refus de nourrir la Machine Molle.

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(1) Ces 25 et 26 mai 2019, le Rassemblement National obtient 23,32% des suffrages, devant la REM d'E. Macron (22,42%), soit quelque 200.000 voix d'avance, l'abstention étant de 49,88%, les votes blancs et nuls de 4,52%. Les Écologistes font également un bon score avec 13,48% des voix. Les autres partis, dont la gauche et la droite parlementaires, n'atteignent pas la barre des 10%.

(2)  Le parti du Brexit, emmené par Nigel Farage, est logiquement arrivé en tête avec 30,74% des voix pour une participation de 36,9% seulement.

(3) Dans le Top Ten de la Liste Forbes des milliardaires 2019 on trouve:
1 Jeff Bezos / Amazon    131 milliards $
2  Bill Gates / Microsoft    96,5 milliards $
7 Larry Ellison / Oracle  62,5 milliards $
8 Mark Zuckerberg / Facebook     62,3 milliards $
10 Larry Page / Google   50,8 milliards $
Et l'évolution du chiffre d'affaires des GAFA en milliards de dollars (2012/2016):



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