Non, ce n'est pas un appel au vote pour un candidat surprise à la présidentielle française. Joachim Gauck vient d'être nommé Président de RFA, après avoir été élu par l'Assemblée fédérale (Bundesversammlung) avec 991 voix sur 1228. "Fonction honorifique" que celle de Président d'Allemagne, comme on s'empresse de le dire en France, mais tout de même chef de l’État (Staatsoberhaupt), comme on le précise "outre-Rhin". Soutenu par une "coalition" entre chrétiens-démocrates (CDU/CSU), libéraux (FDP), sociaux-démocrates (SPD) et écologistes (Die Grünen).
126 délégués auront préféré Beate Klarsfeld, appuyée par le parti de gauche (PDS/Linkspartei) et trois seulement ont voté pour Olaf Rose, un historien révisionniste, candidat de l'extrême-droite (NPD), comme le précise l'hebdomadaire Der Spiegel [deutsch]
Bien sûr, la mise en concurrence du chasseur de stasis Gauck et de la chasseresse de nazis Klarsfeld a fait couler de l'encre, la Gauck-Behörde ayant collecté et rendu publics tous les dossiers de la police politique (Staatssicherheit) de RDA, disponibles, sauvés ou reconstitués après 1989 ; quant à Beate, alors épouse de Serge et mère d'Arno Klarsfeld, sa gifle de 1968, assénée en public - devant le parlement siégeant alors à Bonn - au chancelier Kurt Georg Kiesinger, qui avait été un "membre actif" du parti hitlérien (NSDAP) depuis les débuts en 1933 jusqu'à la chute en 1945, reste un élément constitutif de la jeune RFA.
La particularité de la démocratie allemande - qui après la faillite de la République de Weimar (1918-33) et la catastrophe national-socialiste se dit "exemplaire", en particulier depuis la chute du Mur et la Réunification (1989-90) - est la priorité donnée au parlement et aux courants politiques, qui à l'occasion peuvent s'allier pour prendre des décisions consensuelles comme celle-ci. Ainsi, toute personnalisation à outrance, tout "culte de la personnalité" sont voués à l'échec, du moins ose-t-on l'espérer. De plus, il s'agit, pour les politiciens qui accèdent aux affaires, de faire preuve - eux aussi - d'exemplarité, de ne pas "tricher". C'est ce qu'a appris à ses dépens l'ancien ministre de la Défense Karl-Theodor zu Guttenberg (CSU), poussé à la démission le 1er mars 2011, parce que son doctorat était en partie le fruit de plagiats et que le scandale prenait de plus en plus d'ampleur, avec des débats interminables dans tous les médias sur le "ministre tricheur", ce "mauvais exemple pour nos enfants", et même la création du site GuttenPlag, qui détectait de plus en plus d'emprunts non signalées dans ce travail de thèse. Ainsi, Angela Merkel ne pouvait plus maintenir en fonctions ce jeune loup de la politique qu'une grande popularité eût appelé aux plus hautes responsabilités, si le scandale n'avait mis un frein à ses ambitions.
Puis ce fut au tour de Christian Wulf (CDU) de prendre la porte du château Bellevue (Berlin), le 17 février 2012, où il avait résidé comme "magistrat suprême" de RFA pendant 18 mois. Pour une affaire idiote de financement de sa villa personnelle qui éclata en décembre 2011. Mais, comme son camarade Guttenberg, le Président n'entendait pas démissionner pour de telles "broutilles". Alors de nouveaux détails, d'autres petites affaires datant de sa présidence de Basse-Saxe (l'une des 16 régions fédérales d'Allemagne) s'accumulèrent jusqu'à ce que sa position à la tête de l’État ne fût plus tenable.
Pour élargir le débat : certaines affaires qui ont pu "passer" - être dissimulées, désamorcées, étouffées - en France auraient certainement conduit à la démission des plus hauts fonctionnaires, chef d’État compris, chez "nos amis allemands".
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