mardi 22 février 2011

[Libye 2011] Benghazi en émoi, Tripoli s'enflamme


 [page commencée le dimanche 20, actualisée le lundi 21 et le mardi 22 février 2011]

La Libye, qui fait toujours l'objet d'un black-out médiatique orchestré par le régime, les organisations humanitaires dénombrent à présent plus de deux cents morts depuis le début des soulèvements, en particulier dans les villes côtières de Benghazi et d'Al Bayda, au Nord-Est du pays.

Ce dimanche 20 février 2011, le site du Point publie un compte-rendu de l'agence Reuters : Des centaines de milliers de personnes se sont rassemblées dimanche à Benghazi, deuxième ville de Libye, pour porter en terre les manifestants tués par les forces de sécurité, ont rapporté des témoins. - Les violences de la nuit de samedi à dimanche ont porté à 173 le nombre de personnes tuées en quatre jours d'affrontements, centrés sur Benghazi et les villes avoisinantes, selon un bilan établi par l'organisation de défense des droits de l'homme Human Rights Watch (HRW), dont le siège est à New York. - "Cent mille manifestants se rendent actuellement au cimetière pour les obsèques de dizaines de martyrs. Nous craignons un nouveau massacre car la route menant au cimetière est proche des casernes des forces de sécurité", a dit à Reuters un habitant de la capitale de la Cyrénaïque. "Nous ne céderons pas tant que le régime ne sera pas tombé. Nous appelons les Nations unies à intervenir tout de suite pour arrêter ce massacre", a dit cet homme. - Un autre témoin a indiqué à Reuters que des centaines de milliers de personnes, dont des femmes et des enfants, s'étaient réunies pour prier devant 60 corps, exposés près d'un tribunal du nord de Benghazi, qui compte 700.000 habitants. - "Un massacre a été commis ici hier soir", a déclaré dimanche à Reuters un habitant qui a requis l'anonymat. Les forces de sécurité ont eu recours à des armes lourdes et, a-t-il ajouté, "nombre de soldats et de policiers sont passés dans le camp des manifestants". - Des comptes-rendus contradictoires de la situation ont été donnés par des témoins, mais il semble que les rues de Benghazi soient sous le contrôle des manifestants et que les forces de sécurité se soient retranchées dans un complexe appelé le "Centre de commandement", d'où elles ont tiré sur la foule. - Un chef de tribu qui a requis l'anonymat a lui aussi laissé entendre que les forces de sécurité étaient confinées dans ce centre de commandement. "Il n'y a plus aucune présence des autorités dans la ville, les forces de sécurité sont retranchées dans leurs casernes et la ville est dans un état de mutinerie civile", a-t-il dit à Reuters. - D'après un témoin italien présent à Benghazi, cité par l'agence de presse italienne Ansa, la situation "est complètement hors de contrôle". - "Tous les bâtiments gouvernementaux et institutionnels et une banque ont été incendiés et des voyous saccagent et détruisent tout. Il n'y a personne dans les rues, pas même la police", a raconté cet Italien. - Selon le quotidien britannique The Independent, deux cents personnes auraient trouvé la mort à Benghazi, ville traditionnellement frondeuse, lors de la répression du mouvement de contestation. - Les autorités libyennes n'ont publié aucun bilan et n'ont fait officiellement aucune déclaration sur les troubles.

Le site du Nouvel Observateur publie une dépêche de l'AP Les forces de sécurité libyennes ont ouvert à nouveau le feu dimanche sur des personnes assistant à des funérailles dans la ville de Benghazi, située dans l'est de la Libye, au lendemain d'une journée déjà marquée par une sanglante répression. - Un homme, atteint d'une balle dans la jambe, a raconté que des personnes transportaient dans un cimetière des cercueils de manifestants tués ces derniers jours quand ils sont passés devant des bâtiments de l'armée, dans la deuxième plus grande ville de Libye. Selon cet homme, les forces de sécurité ont tiré en l'air, avant d'ouvrir le feu sur la foule. - D'après un médecin d'un hôpital de Benghazi, au moins une personne a été tuée et 14 autres blessées, dont cinq grièvement.
De nouveaux témoignages des villes de Benghazi et d'Ajdabiya (à 160km au Sud de la première) arrivent sur le site de L'Express ce soir : "Les militaires tuent les gens sans pitié, raconte une jeune femme alors qu'on entend les fusils mitrailleurs vider leurs chargeurs au loin. Il n'y a plus de place pour les morts dans les réfrigérateurs. Hier (samedi), il y en avait près de 300 morts. Plus de 200 n'ont pas encore été enterrés. "Plus personne n'est en sécurité. Ils sont en train de tirer sur les gens. Ils tirent des missiles sur les ambulances, ce sont des gens sans pitié. On a vraiment besoin d'aide", dit-elle encore. - Qui sont ces "bandits de Kadhafi" qui sèment la terreur dans l'est du pays? Des témoins rapportaient dimanche matin sur France Info que ceux qui tiraient seraient des mercenaires. Ils les décrivent comme "africains" portant des "casquettes jaunes".  - La situation est d'autant plus tendue qu'on murmure que certaines villes seraient désormais contrôlées par les opposants. Selon Euronews, la ville d'Ajdabiya serait, elle, aux mains des anti-Kadhafi, du moins temporairement. "Les manifestants ont formé des groupes qui dirigent maintenant la ville, raconte un habitant par téléphone. Nous appelons les Nations Unies et tous ceux qui ont une conscience à secourir Ajdabiyah. Les autorités ont envoyé des troupes pour reprendre le contrôle de la ville. Nous les attendons sur la place des martyrs. Tout le monde ici est prêt à défendre la ville contre ces mercenaires.    



 ~ nuit du dimanche 20 au lundi 21 février 2011 ~

Al Jazeera met en ligne la vidéo ci-dessous, en rapportant les propos de Seif al-Islam Kadhafi après le début d'insurrections sanglantes dans la capitale Tripoli. Il dit que son père se trouve dans le pays et qu'il est soutenu par l'armée : "Nous nous battrons jusqu'à la dernière minute, jusqu'à la dernière cartouche". Il dit aussi que le Congrès populaire discutera lundi (21-02-2011) d'un agenda "clair" de réformes, et que le gouvernement augmenterait les salaires. -  Après cet appel de Saïf al-Islam Kadhafi diffusé sur la TV d'État, un dissident libyen, Najla Abdurahman, déclare à Al Jazeera : "Il menace la Libye et tente de faire monter les peurs. Je crois qu'à part les proches du régime Kadhafi, personne en Libye ne croit un mot de ce qu'il dit."


Voici quelques extraits du discours "improvisé en dialecte libyen", que Saïf al-Islam Kadhafi  a tenu vers 1 heure du matin (21-02-2011) à la télévision (retraduits à partir de la version anglaise très lacunaire) :  "Les citoyens ont essayé d'attaquer l'armée, et ils se sont placés dans une situation difficile. L'armée n'est pas habituée à gérer des émeutes [...] Des citoyens libyens sont morts, et c'est une tragédie [...] Il y a une conspiration contre la Libye. Des gens veulent créer un gouvernement à Benghazi et d'autres veulent un émirat islamique à Bayda. Tous ceux-là ont leur propre stratégie. Évidemment, les médias arabes ont gonflé ces événements. La faute des médias libyens est de ne pas les avoir couverts [...] La Libye n'est pas comme l'Égypte, il y a des tribus et des clans, ce n'est pas une société avec des partis. Tout le monde prend ses responsabilités, et ça peut engendrer des guerres civiles [...] La Libye, ce n'est pas la Tunisie et l'Égypte. La Libye a du pétrole - qui a unifié l'ensemble de la Libye. [...] Il faut que je sois honnête avec vous. Nous sommes tous armés, même les pillards et les chômeurs. En ce moment même, des chars roulent avec des civils, À Bayda, vous avez des mitraillettes en plein centre-ville. Beaucoup d'armes ont été volées. [...] Nous allons promulguer de nouvelles lois sur les médias, les droits civiques, lever des punitions stupides, nous allons avoir une Constitution... Nous allons, demain, créer une nouvelle Libye. Nous pouvons nous mettre d'accord sur un nouvel hymne national, un nouveau drapeau, une nouvelle Libye. Ou alors soyez prêts pour une guerre civile. Oubliez le pétrole. [...] Ce pays sera divisé comme la Corée du Nord et du Sud, nous allons nous regarder à travers un grillage. Vous allez faire la queue pendant des mois pour obtenir un visa. [...] Les Libyens qui vivent en Europe et aux USA, leurs enfants vont à l'école, et ils veulent que vous vous battiez. Ils sont à l'aise. Puis ils veulent venir et nous gouverner, nous et la Libye. Ils veulent qu'on s'entretue, pour ensuite débarquer, comme en Irak."

[03:30] Sur l'antenne d'Al Jazeera, la "libération" de Benghazi, où l'armée aurait refusé d'exécuter l'ordre de tirer sur les gens, est annoncée par un protestataire au téléphone. - Des heurts auraient également eu lieu entre les unités stationnées à Benghazi et un détachement de l'armée venu de Tripoli, qui aurait ouvert le feu. - Un protestataire en ligne de Tripoli parle de répression sanglante dans la capitale, où l'on aurait tiré avec des armes lourdes sur les manifestants pacifiques. Il dit également que l'intervention de Saïf al-Islam Kadhafi a dû être enregistrée car elle ne tient aucun compte des événements récents. - Selon Al-Arabiya, qui invoque une source oppositionnelle, Mouammar Kadhafi aurait quitté le pays, peut-être pour le Vénézuela. Reprise par RT Russia (listé dans la colonne de droite), cette information non confirmée n'est pour l'heure qu'une rumeur...

France 24 a ouvert un fil d'actualité cette nuit . [02:36] Après vérifiation de la part des journalistes d'Al-Jazeera, le Venezuela ne s'attend pas à une arrivée de Mouammar Kadhafi (voir ce tweet de Dima Khatib, journaliste à Al-Jazeera (en anglais)) - [03:01] Benjamin_Muller, contact à Tripoli : "des hommes en 4x4 tirent sur la moindre personne qui traine dans la rue" #libye #Gadafi  - [04:07] c'est le flou le plus complet. Seïf Al-Islam a déclaré que son père se trouvait toujours à Tripoli tandis que des informations non confirmées évoquent une fuite à l'étranger. Le Venezuela était évoqué en début de soirée, mais les autorités vénézueliennes ont démenti.

Peu d'informations ce lundi midi. Le site du Point donne quelques précisions sur les événements de la nuit : Selon des témoins contactés lundi par l'AFP, le siège d'une télévision et d'une radio publiques ont été saccagés dans la soirée par des manifestants et des postes de police et des locaux des comités révolutionnaires ont été incendiés. - Près du centre-ville, la "salle du peuple", où se déroulent souvent des manifestations et des réunions officielles, a également été incendiée et une colonne de fumée s'élevait lundi matin au-dessus de cet important bâtiment gouvernemental, où les pompiers étaient toujours à l'oeuvre. - Dans le quartier résidentiel de Hay Al-Andalous, le commissariat de police a été incendié dans la nuit. Et dans le quartier populaire de Gurgi, une voiture calcinée et des débris de pierres témoignaient d'affrontements récents.

Sur le fil de France 24 (ci-dessus), on apprend ceci :  [11:15] La compagnie pétrolière norvégienne Statoil a commencé à évacuer "la poignée" d'expatriés travaillant pour elle en Libye. "Notre siège local (à Tripoli, ndlr) est fermé", a déclaré à l'AFP un porte-parole du groupe. La Libye, membre de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), est le quatrième producteur de pétrole en Afrique, avec près de 1,8 million de barils par jour et possède des réserves évaluées à 42 milliards de barils. [11:32] Le baril de pétrole (BRENT) a atteint 105 dollars le baril sur le marché de Londres, un sommet depuis septembre 2008  [11:41] Selon des sources médicales citées par la chaîne d'information qatarie Al Jazira, 61 personnes ont été tuées ce lundi, dans les heurts entre les forces de sécurité et les manifestants dans la capitale Tripoli. [12:41] Selon un contact dans la ville de Benghazi, joint ce lundi par les Observateurs de France 24, des soldats auraient rejoint les rang des manifestants. Ces derniers fêtent leur "victoire" contre le régime. Internet est toujours coupé. Les sms sont de nouveau opérationnels depuis ce matin. S'ils reçoivent des appels de l’étranger, ils ne peuvent pas, de leur côté, appeler. [13:54] Un important poste de police, situé dans la banlieue Est de Tripoli, est actuellement en feu, selon un journaliste de l'agence Reuters. - Le site annonce également le rapatriement de 2300 Tunisiens de Libye, ainsi que l'évacuation de Portugais, de Britanniques et le rappel à Londres de l'ambassadeur de Grande-Bretagne en signe de protestation contre les violences.

Fidèle à ses habitudes, le journal britannique Guardian  publie également un fil d'actualité. Les rumeurs concernant la fuite de M. Kadhafi sont reprises par la BBC qui dit avoir eu la confirmation par des sources "indépendantes" que le leader libyen aurait quitté la capitale. - Salem Gnan, porte-parole du Front National de Salut libyen, basé à Londres, a parlé avec des protestataires de Tripoli et de Benghazi aujourd'hui : "Ils ont encerclé la résidence de Kadhafi à Tripoli ce matin et tenté d'y entrer mais il y avait un feu nourri venant de l'intérieur, beaucoup de gens ont été tués, mon interlocuteur m'a dit que 80 personnes sont mortes." À présent, les manifestants seraient dispersés, mais ils auraient la ferme intention de revenir et "d'en finir". Quant à Benghazi, Salem Gnan raconte ceci : "Ils ont été bombardés par des tirs d'hélicoptère et d'avions de combat parce que Kadhafi veut punir le lieu dont tout est parti... Ils ont hurlé Aidez-nous, s'il vous plaît parce qu'un grand nombre de personnes ont péri sous les bombardements. C'est une situation extrêmement grave."

[14:00] La Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme (FIDH), qui avance un bilan de 300 à 400 morts depuis le début du soulèvement, affirme que plusieurs villes libyennes, dont Benghazi et Syrte [ville côtière située entre Tripoli et Benghazi], seraient aux mains des manifestants. (Sources : AFP & France 24

[14:30] Deux informations sur France 24 : Des manifestations antigouvernementales ont éclaté dans la ville de Ras Lanouf [ville côtière située entre Tripoli et Benghazi], où se trouvent une raffinerie de pétrole et un complexe pétrochimique, rapporte lundi le journal libyen Kourina sur son site internet. - La police a déserté la ville de Zaouia [40 km à l'ouest de Tripoli, raffinerie], en proie au chaos, selon des témoins rentrés en Tunisie. (Source : AFP). 

En faisant le point sur toutes les informations qui nous sont parvenues depuis hier, il semble que le pouvoir libyen n'a plus aucun contrôle de la situation : Le soulèvement populaire a embrasé toute la côte et les craintes occidentales au sujet du pétrole libyen (acheté à 75% par l'Europe) commencent à se confirmer.  D'importantes raffineries se trouvent dans les villes de Ras Lanouf (220.000 barils par jour traitées en 2008) et Zaouia (5,643 millions de tonnes de pétrole brut traitées en 2009). De plus, un chef tribal a affirmé hier qu'il stopperait l'exploitation du pétrole dans le Sud si les violences se poursuivaient. - Le nombre très important de victimes témoigne du coup de force du régime dès le début des protestations : si le pouvoir a recours à ces méthodes assassines, qui ne pourront plus être effacées de la mémoire du peuple, il estime qu'il n'a plus rien à perdre. Mais, étant donnés les succès populaires en Égypte et en Tunisie, les protestataires ne semblent pas près d'abandonner ce terrible bras de fer qui augure déjà le plus grand bain de sang de ce "printemps arabe". - Dans ce contexte, le discours télévisé de Seif al-Islam Kadhafi, cette nuit, ne peut être reçu que comme une provocation, notamment en ce qui concerne les "réformes" promises après un tel massacre. Mais surtout, l'intervenant au costume impeccable et à l'index pointé a menacé le peuple de ce qu'en d'autres temps un propagandiste a appelé la "guerre totale".

[15:00] France 24 : Une coalition de dignitaires musulmans libyens a rendu publique une déclaration appelant tous les musulmans à se soulever contre le régime du colonel Mouammar Kadhafi. (Source : AFP) - Des témoins cités par l'AFP démentent la chute de Syrte, ville natale du colonel Khadafi, aux mains des manifestants. - Le ministre libyen de la Justice, Moustafa Mohamed Aboud Al Djeleil, a démissionné pour protester contre un "recours excessif à la violence contre les manifestants", rapporte lundi le journal libyen Kourina sur son site internet. 

[15:30] Selon Al Jazeera Arabic, le nombre des morts à Tripoli - pour ce seul lundi - s'élèverait déjà à 61 ! - En signe de protestation contre les violences, le ministre libyen de la Justice présente sa démission (Reuters & Al Jazeera)


[17:30] France 24 : La Télévision d'État annonce des opération des forces de sécurité contre les "terroristes" --- deux avions militaires libyens et deux hélicoptères civils, avec sept personnes à bord affirmant être françaises, ont atterri lundi après-midi à l'aéroport de La Valette, la capitale de Malte (selon des sources militaires à l'AFP) - Nous vérifions en ce moment même les informations selon lesquelles des avions auraient ouvert le feu sur des manifestants à Tripoli. - Des sources officielles à Caracas démentent la venue de Mouammar Kadhafi au Vénézuela (Reuters)
  
[17:30] Selon Al Jazeera, des avions militaires tirent sur les manifestants à Tripoli (sur France 24)

[18:10] Total a annoncé le rapatriement de Libye de la majorité de ses employés expatriés, en raison des troubles dans le pays. Un porte-parole du groupe pétrolier français a précisé que la production n'était pas affectée par ces événements ou les rapatriements (Reuters sur France 24) -  Salem Gnan, déjà cité, rapporte des témoignages de Tripoli : "On vient d'entendre que des vaisseaux  militaires bombardent un quartier de Tripoli et que beaucoup de gens ont été tués..."

En recoupant entre eux ces quelques témoignages, il ne fait plus de doute que la capitale libyenne est en état de siège, de guerre,  et qu'un massacre de civils y est perpétré. Sur Twitter, un grand nombre d'appels au secours, auxquels personne, dans notre univers cybernétique, ne peut répondre... des morts qui se compteraient par centaines, par milliers à Tripoli, où la nuit est tombée comme un black-out supplémentaire...

[19:00] France 24 : Des témoins font état de 160 morts à Tripoli ce lundi selon la chaîne Al-Arabiya. - Un témoin cité par l'AFP affirme que dix Égyptiens ont été tués par balles près de la frontière égyptienne. - Deux pilotes de l'armée de l'air libyenne ont  déclaré à Al-Jazira English qu'ils avaient reçu l'ordre de tirer sur les manifestants à Tripoli. Les deux hommes ont décidé de faire défection. -  Alerte maximum dans toutes les bases aériennes italiennes (Ansa) [Agence de Presse italienne] - Un activiste politique à Tripoli dit sur Al Jazeera : "Il y a la mort, la peur - et des femmes pleurent partout. Les frappes [aériennes] se concentrent sur des quartiers qui ont envoyé un grand nombre de protestataires dans les rues et il y a des véhicules plein de combattants étrangers tirant sur les gens." L'homme dit que "250 personnes au moins" ont été tuées au cours des dernières 24 heures.. L'eau et l'électricité sont coupées en ville, on est à court de nourriture et de matériel médical, selon l'activiste : "C'est un génocide".

[21:00] Un certain nombre d'ambassadeurs libyens (jusqu'à sept) et du personnel d'ambassade ont démissionné de leurs postes. Beaucoup de résidents sont (ou vont être) rapatriés vers leurs pays d'origine. - Les nouvelles vont toujours dans le sens d'un bain de sang à Tripoli, mais les sources restent incertaines et les informations parviennent au compte-goutte.  - Al Jazeera met en ligne une interview (en anglais) avec Ibrahim Dabbashim, l'ambassadeur de Libye délégué aux Nations-Unies, qui se désolidarise du régime, parle d'un génocide, conseille à M. Kadhafi de partir, et se met au service du peuple :



[23:00] Selon une information donnée sur France 2, le colonel Kadhafi doit s'exprimer à la télévision  ce soir (source Al-Arabiya)- La grande majorité de la communauté internationale condamne à présent le coup de force en Libye (sur Al Jazeera). - Une réunion d'urgence de la Ligue Arabe est prévue demain matin (22-02-2011).

[23:30] En attendant l'intervention très attendue du colonel, son  fils Saif al-Islam Kadhafi a fait une courte déclaration rapportée par le Guardian (fil ci-dessus) : Il affirme que les raids aériens plus tôt ce soir visaient des dépôts de munition et non des quartiers peuplées de Tripoli et Benghanzi. "Il n'y a rien de vrai dans cette information d'un raid mené par les forces armées contre Tripoli et Benghazi", a-t-il dit à l'agence de presse officielle Jana (source : TV d'État). - Al Jazeera rapporte aussi que l'espace aérien de Libye est fermé. Avant cela, un grand nombre d'avions ont rapatrié des ressortissants européens en faisant escale à Malte, où deux pilotes de chasse de l'armée libyenne ont également posé leurs Mirage, refusant d'effectuer des bombardement de la foule [voir 17:30]. On dit qu'ils ont exfiltré des dossiers confidentiels sur les mouvements de protestation en Libye.

 ~ mardi 22 février 2011 ~

[01:16] En guise d'intervention, nous avons eu 15 secondes de Mouammar Kadhafi, une chapka sur la tête et un  parapluie à la main,  qui dit d'un air désabusé et d'une voix fatiguée : "Je suis à Tripoli, pas au Vénézuela".  (TV d'État) - C'est tout ? Rien d'autre à déclarer ? - Il semble que le colonel a donné une interview à la TV d'État qui ne la diffusera que mardi...


Le Guide suprême de la Révolution dit (traduction de la version anglaise) : "Je veux montrer que je suis à Tripoli, et non au Vénézuela. Ne croyez pas les chaînes [d'information] qui appartiennent à des chiens errants (stray dogs). Je voulais m'adresser aux jeunes de la place Verte [lieu de rassemblement symbolique à Tripoli] et veiller tard avec eux.  Mais il a commencé à pleuvoir. Dieu merci, c'est une bonne chose."

Malgré la difficulté d'obtenir des informations vérifiables en provenance de Libye, un grand nombre de fils d'actualité sont publiés ce matin : [Al Jazeera] [Guardian] [Spiegel] [Le Monde] [France 24] parmi beaucoup d'autres. Voici les nouvelles : 

[8:10] Les cours du brut continuent leur forte progression mardi dans les échanges électroniques en Asie, en raison des violences en Libye et à Bahreïn qui menacent de déstabiliser les gros producteurs de pétrole au Proche-Orient et en Afrique du Nord, ont indiqué les analystes. Dans les échanges matinaux, le baril de "light sweet crude" pour livraison en mars gagnait 6,45 dollars à 92,65 dollars. Celui du Brent de la mer du Nord pour livraison en avril s'appréciait de 1,21 dollars à 106,95 dollars. (Le Monde)

[8:30] La télévision officielle libyenne dément, mardi, des informations sur des "massacres". "Ils disent qu'il y a des massacres dans plusieurs villes, villages et quartiers en Libye. Nous devons lutter contre ces rumeurs et mensonges qui font partie d'une guerre psychologique", est-il écrit sur un bandeau rouge qui passe sur la télévision Al-Jamahiriya. Ces informations "visent à détruire votre moral, votre stabilité et vos richesses". - L'armée égyptienne a annoncé lundi sur sa page Facebook le retrait des gardes-frontières libyens en poste à la frontière entre leur pays et l'Égypte. "Les gardes-frontières libyens se sont retirés (du côté libyen de la frontière) et les postes sont actuellement contrôlés par les comités populaires", a indiqué l'armée sans préciser si ces membres des comités populaires étaient fidèles au colonel Mouammar Kadhafi. "Ce sont eux qui gèrent les entrées et les sorties de territoire libyen". - L'armée égyptienne va renforcer ses effectifs à la frontière avec la Libye et ouvrir le passage de Salloum pour permettre l'accueil en Egypte de personnes malades ou blessées, a déclaré mardi une source militaire à Reuters.  (Le Monde)

[10:20] "Concernant l'est de la Libye, les pistes de l'aéroport de Benghazi ont été détruites. Il n'est pas possible pour les vols d'Egyptair ou tout autre avion d'atterrir sur cet aéroport", a déclaré le ministre égyptien des Affaires étrangères, Ahmed Aboul Gheit, lors d'une conférence de presse. (France 24)

[10:50] Un témoin rapporte à CNN que la situation reste extrêmement tendue à Tripoli : "Nous avons entendu beaucoup de tirs, des explosions, et le hurlement de sirènes." Les pompiers n'auraient toujours pas maîtrisé l'incendie dans un bâtiment gouvernemental. (Spiegel)

[12:00] Selon le quotidien algérien « El Khabar », la fortune de Kadhafi, avoisinerait les 82 milliards de dollars. (France 24) - En concurrence avec le président égyptien déchu ... 

Ce sont les énormes quantités de richesses minières, de fortunes personnelles et d'intérêts en jeu, qui font craindre le pire pour le pays, en sachant que la Libye de Kadhafi a déjà connu le bannissement du concert des nations et que la situation a pu être gérée grâce au pétrole (tant bien que mal) : Le colonel et ses exécutants, experts, conseillers ne donnent pas l'impression d'abandonner la partie aussi facilement qu'en Égypte. Et les excentricités du Guide suprême ne sont pas faits pour nous rassurer sur ce plan-là. - Terrible aussi, bis repetitur, l'impuissance dans laquelle nous, les observateurs sans images, sans renseignements fiables, sommes placés : nous savons que l'on massacre, là-bas, si loin, si près, sur l'autre rive de la Méditerranée, que c'est la partie la plus indicible du réel que subit, au moment où nous l'écrivons, le peuple libyen, et nous sommes assis là, si proches, si lointains, devant nos ordinateurs, en proie à un monde parallèle, éminemment virtuel, face à l'écran noir du black-out. - Terrible enfin, l'inquiétude pour ces civils, ces jeunes gens, ces familles, ces enfants qui, comme on l'entend dire, sont pris dans un "bain de sang", un "génocide".  Les droits de l'Homme ont, comme pendant nécessaire, la solidarité humaine, par-delà les ethnies, religions, cultures et langues, l'humanité. Car ce n'est pas un jeu vidéo ! Ce n'est pas non plus une histoire de Twitter, Facebook, YouTube etc. Les "réseaux sociaux" ne sont - dans le black-out et la désinformation  où nous sommes plongés - que les reflets de notre impuissance. Une connexion bien plus profonde doit unir les personnes et les peuples. Car c'est une histoire de chair et de sang, de peur et de courage. Car, à la fin, cette histoire nous concerne tous, pour autant que nous soyons humains !

[12:30] Le Guardian rapporte la conversation avec un habitant de Tripoli qui affirme que la situation se serait calmée dans la matinée. Magasins fermés, mais les boulangeries sont ouvertes, rationnant le pain vendu, et des "mercenaires étrangers" vrombissent sporadiquement à travers la ville pour empêcher les rassemblements. Des donneurs se rendent aux hôpitaux où l'on manque de sang ...

Une note économique de l'AFP La poussée de violences dans le monde arabe et particulièrement en Libye a fait trembler les Bourses asiatiques et européennes, en net recul mardi, et flamber les cours de brut, sur fond de craintes d'approvisionnement en gaz et pétrole. - Tokyo (-1,78%) et Hong Kong (-2,11%) ont chuté en clôture, et Paris (-1,54%), Londres (-1,11%) et Francfort (-0,50%) baissaient sensiblement vers 11h00 GMT, les marchés américains ayant jusqu'ici été préservés par la fermeture des Bourses lundi en raison d'une fête nationale (President's Day). - Première source de préoccupation: le pétrole, qui a atteint des niveaux inédits depuis 2008, en raison principalement de l'escalade meurtrière en Libye, l'un des principaux producteurs d'or noir en Afrique, qui fait peser une menace directe sur l'approvisionnement. - A Londres, le baril de Brent de la mer du Nord s'échangeait à 106,80 dollars peu avant 11H00 GMT après avoir atteint 108,57 dollars dans la matinée, un plus haut depuis septembre 2008. - Le prix du panier de douze qualités de pétrole brut, qui sert de référence à l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), a franchi la barre des 100 dollars pour la première fois depuis septembre 2008, pour atteindre 100,59 dollars.

[12:50] Sur Al Jazeera, un médecin de Benghazi au téléphone dit que la situation est également calme dans cette ville. Il parle de nombreux blessés à l'hôpital et de la possible exécution de militaires ayant refusé l'ordre de tirer sur les civils. - Hier, on avait signalé 150 corps calcinés retrouvés dans une base militaire que le peuple avait investie à Benghazi. 

La réunion d'urgence de la Ligue Arabe, toujours conduite par le ministre égyptien Amr Moussa, doit finalement se tenir cet après-midi à 16h au Caire. - Un certain nombre de journalistes occidentaux , dont Ben Wedeman (CNN) et Martine Laroche-Joubert (France 2), ont maintenant  pénétré sur le sol libyen par la frontière égyptienne à l'Est, qui semble aux mains de l'opposition (information confirmée par le Spiegel). 

[13:20] On continue publier des "bilans humains" non vérifiables, comme sur le live blog du Spiegel :  Depuis le début des émeutes, plus de 560 personnes auraient été tuées selon l'opposition. Ce mardi,  Al-Arabiya signale aussi que 1400 personnes seraient encore portées disparues. - Human Rights Watch parle de 285 morts au moins. Dans la seule ville de Tripoli, les protestations ont fait 62 victimes depuis lundi (hier). Mais, dit un porte-parole de l'organisation humanitaire, le nombre réel des morts "est surement beaucoup plus élevé". - On se demande également, sur le site de l'hebdomadaire allemand, où Mouammar Kadhafi est passé depuis sa "confuse" prestation télévisée. Le diplomate démissionnaire Abdulmoneim Al-Honi déclare à la Deutsche Presse-Agentur (dpa) que Kadhafi se serait retranché dans une caserne de la capitale libyenne : "Il est maintenant à Bab al-Asisiyah. Le terrain fait six kilomètres carrés. À part cette base, il n'y a plus que deux autres casernes qui soient tenues par Kadhafi et ses partisans." En signe de protestation contre la violence du régime, M. Al-Honi avait quitté son poste de représentant de la Libye auprès de la Ligue Arabe en ce début de semaine, précise le Spiegel.

[15:20] Le Guardian annonce que le colonel va s'exprimer dans peu de temps (source : TV d'État). Il peut s'agir du discours enregistré hier soir, qui ne devait être diffusé qu'aujourd'hui. - Les ambassadeurs libyens aux États-Unis, en France et à l'UNESCO s'ajoutent à la liste des diplomates qui affirment clairement leur soutien aux protestataires (Reuters & Le Monde). Les ambassadeurs de Libye à Londres et à Berlin se sont également désolidarisés du régime (Spiegel).

Les évacuations de ressortissants étrangers, qui travaillent notamment dans l'industrie pétrolière et les ambassades, continuent et semblent créer une situation chaotique à l'aéroport de Tripoli ...

[15:50] Le président russe Medvedev est l'un des rares dirigeants à ne pas soutenir le "Printemps arabe" : ces émeutes pourraient amener des "fanatiques" au pouvoir ; de plus, il y aurait le risque d'un morcèlement des pays arabes en petits États séparatistes ; la région pourrait s'enflammer des années durant, et l'extrémisme pourrait gagner du terrain (propos rapportés par le Spiegel).

[16:20] Le Conseil de Sécurité des Nations-Unies a tenu une réunion de crise à New York. Aucune déclaration n 'a encore été publiée (Al Jazeera). - Trois machines de la Lufthansa ont atterri à l'aéroport de Tripoli pour ramener les citoyens allemands au pays (Spiegel). L'espace aérien libyen n'est donc pas fermé. Parmi beaucoup d'autres pays arabes et occidentaux, la France rapatrie également ses ressortissants ....

[16:40] Mardi après-midi, des habitants armés de gourdins tenaient des barrages et filtraient les entrées de deux quartiers de Tripoli (Fachloum et Tajoura), selon des témoins cités par l'AFP (sur France 24).

[16:52] Le colonel commence à parler sur la TV d'État. Son débit est haché. Il crie dans un décor surréaliste, éclairé par des projecteurs. Il parle de lui à la troisième personne : Mouammar Kadhafi est le Guide de la Révolution, il n'a rien à perdre... Une poignée de rats tapis dans l'ombre ne peuvent rien faire... mon grand-père est mort en martyre en 1911... Il déclare que lui aussi, il mourra en martyre sur le sol égyptien... Il continue de hurler... Zoom sur l'immeuble où le colonel fait son discours... Il invective les "barbus"... Vous étiez où quand Mouammar Kadhafi a été bombardé ?...  Nous n'avons jamais capitulé, nous avons beaucoup résisté... Silence... Maintenant, une minorité de jeunes attaquent des postes de police, des casernes.... Nous ne sommes pas en situation de guerre, nous sommes en paix... Ils en ont profité pour attaquer des postes de police... mais ils ne sont pas fautifs, ces jeunes, ils ont entre 16 et 18 ans... ils imitent les Tunisiens... mais il y a une minorité malade qui se cache dans les villes, qui donne de l'argent à ces jeunes pour les pousser à commettre de tels actes... Ceux qui sont tués sont des militaires, les policiers... Ceux qui les manipulent sont à l'étranger... Il revient encore sur ses exploits révolutionnaires... Où étiez-vous ? Vous êtes des mercenaires... nous avons fait des sacrifices pour entrer en guerre contre les USA, la Grande-Bretagne... La Libye a une histoire, une gloire... Nous avons donné le pouvoir au peuple en 1977... On a fait face à la France, au Tchad d'Hissène Habré, à la Tunisie de Bourguiba... même l'argent du pétrole... combien de fois, je vous ai dit de prendre mensuellement l'argent du pétrole... Je suis sûr que les masses vont créer des Comités (chabiats)... il ne faut pas bruler des lieux publics... Il ne faut pas tirer sur l'armée... Les jeunes, qu'est-ce qu'ils ont fait à Benghazi, ils ont été drogués ? Silence... Les familles doivent rassembler leurs enfants... Il faut sortir de vos maisons, il faut sécuriser les rues... nous n'avons pas encore utilisé la force... si les choses en arrivent là, nous utiliserons la force... Si j'avais un poste, j'aurais démissionné... mais je n'ai que moi et mon fusil... je n'ai peur de rien... retirez vos enfants des rues, parce qu'ils sont en train de les manipuler pour qu'on les tue... pour rien, uniquement pour détruire la Libye... Il y a des policiers, des enfants qui ont été tués.. Et eux, ils n'ont pas été tués, ils sont en Occident... A partir de demain, il faut qu'il y ait la sécurité avec la police et l'armée... A partir de demain, il faut lever les barricades... Ces gens-là risquent de détruire le pétrole,,, vous allez revenir à l'an 1952... Vous voulez que les États-Unis vous occupent comme l'Afghanistan, l'Irak. le Pakistan ? Il faut sortir de vos maisons, arrêter cette minorité terroriste qui veut construire un émirat... Il brandit la menace de Ben Laden... Arrêtez tous ceux qui sont en train de manipuler nos enfants pour qu'ils comparaissent devant les tribunaux, c'est leur seule sanction... Tous ceux qui s'attaquent aux aéroports, aux ports, aux camps militaires seront condamnés à mort, comme ceux qui travaillent avec une puissance étrangère... Ce n'est pas la faute des enfants, c'est la faute de ces barbus qui se cachent derrière vos enfants... Vous êtes tous enthousiasmés, arrêtez de tirer à balles réelles, quand il faudra utiliser la force, je vous en donnerai l'ordre... Depuis qu'il parle de la peine de mort, le colonel lit dans un dossier à couverture verte qu'il brandit par intermittence... Tous ceux qui sont derrière une guerre civile doivent être condamnés à mort... La TV d'État insère à présent l'image d'une manifestation pro-Kadhafi... À nouveau, le plan américain sur le colonel en tenue berbère marron clair qui harangue une foule absente... Il se répète beaucoup... Il est très préoccupé par la situation à Benghazi et Al Bayda... Je demande aux jeunes de former des comités de sécurité locale... Il faut mettre des pancartes aux couleurs vertes... Les comités doivent faire ce travail jusqu'à ce que la sécurité revienne... Je m'adresse également aux tribus... Je ne m'adresse pas aux agents de Ben Laden et Zerkhaoui... aux pourris... Je demande à tous les gens de sortir dans la rue... Il s'agit d'une révolution populaire... Et je suis à la tête de cette révolution... On va leur montrer ce que c'est que l'autorité populaire... Avec des brassards, défendre notre pétrole, nos infrastructures.. . partout au Nord, au Sud des comités de défense...  et des comités religieux... des savants, des vrais salafistes... A partir de demain, il y aura une nouvelle administration, des réformes concernant les blogueurs, les juges, les magistrats.... le peuple libyen peut construire un État de droit... Moi, le colonel Kadhafi, je n'ai rien en poche.. Depuis qu'il évoque les réformes, il consulte un papier... Le pétrole libyen est pour le peuple libyen... Vous pouvez en disposer comme vous voulez... Il parle de son fils Saif al-Islam qui va s'occuper de la diffusion des informations, c'est la chaîne libyenne qui va les diffuser, pas des chaînes voyous... Discours fleuve, en grande partie improvisé qui dure maintenant depuis 50 minutes... Quand il y a des problèmes en Libye, on s'adresse aux comités populaires... on ne descend pas dans la rue...il faut distinguer les manifestations pacifiques des tentatives de séparation du peuple libyen... Il peste contre les médias étrangers... Il continue d'évoquer des héros de la Révolution... Silence...  La Libye est en danger... Il faut récupérer les armes en circulation... Benghazi est en train de mourir... Il faut rendre toutes les armes aux autorités... Il faut arrêter les fauteurs de trouble... récupérer les drogues qui sont en circulation... Il faut que les magasins rouvrent...  Voulez-vous brûler notre pays ? Silence... Bruits de micro et de vent... Un assistant vient donner un verre d'eau... Le colonel K. boit... Est-il possible de détruire ce pays en étant manipulé par des agents étrangers... 


[18:00] Le commentateur d'Al Jazeera parle d'un discours plutôt "incompréhensible". Sur France 24, on commente également alors que le discours n'est pas encore terminé.


[18:05] Voilà, le discours est terminé (75 minutes). Place donc aux commentaires ... En exergue sur Al Jazeera : "Je vais nettoyer la Libye maison par maison" si les protestations ne cessent pas. - Un opposant libyen sur le plateau dit que nous avons vu le colonel K., qui a perdu le contact avec la réalité, pour la dernière fois sur une durée aussi longue : le régime est fini... - Le présentateur : Wait and see ! - Un autre observateur dit qu'il ne sera pas écouté, que plus personne n'écoutait ses discours ces derniers temps, contradictoires et bruyants ...On épilogue sur le dossier vert dans lequel il a lu des passages sur les condamnations à mort : il s'agirait de son fameux Livre Vert ou du Code Pénal... On ne sait pas si le discours a été enregistré, mais on le suppose : il était à la fenêtre d'un immeuble sans doute symbolique [en effet, comme le rappelle le fil du Monde, il s'agit de sa maison de famille qui avait été bombardée par les Américains, et qui se situe aujourd'hui dans un camp militaire], on apercevait par intermittence la sculpture en métal d'un poing doré qui serre un avion de chasse argenté... À la fin du discours, une audience improbable (apparemment peu nombreuse) l'acclame. On aperçoit la lumière du jour : le discours date donc sans doute d'aujourd'hui et a été enregistré plus tôt dans la journée (la nuit est déjà tombée sur Tripoli).



[18:15] Un commentaire des rédacteurs du live blog du MondeGlobalement, Kadhafi n'a rien lâché. Bien au contraire, il a promis une riposte encore plus dure contre les manifestants. Il a appelé ses partisans à sortir dans les rues pour s'attaquer aux opposants, dans ce qui ressemble à un appel à la guerre civile. - Les annonces de réforme ont été limités à la portion congrue et n'ont pas été détaillées. Kadhafi a simplement évoqué une révision de la Constitution et "des reformes pour les blogueurs, les juges, les avocats". Il s'en est violemment pris aux médias étrangers, notamment arabes. - Le plus troublant est finalement que ce discours - très long - était profondément déstructuré. Kadhafi a parlé de lui à la troisième personne, il a usé des références historiques absurdes et multiplié les répétitions sans aucun sens. De quoi être inquiet de la rationalité du personnage et du sort qui peut être réservé aux manifestants dans les prochaines heures. 

En effet, on peut dire que le colonel K. vient d'appeler à la guerre civile, avec toutes les conséquences que cela peut avoir pour la population civile, alors même qu'il invoque l'unité du peuple libyen que des "agents étrangers" cherchent à diviser. À propos de rationalité, on peut rappeler cet axiome très philosophique :  "Le fou a tout perdu, sauf la raison" !

[18:20] Une journaliste d'Al Jazeera remarque que le président Obama est resté muet sur les événements libyens, alors que sa ministre des Affaires étrangères, Hillary Clinton, doit s'exprimer dans deux heures.

[18.30] La TV d'État rediffuse le début du discours où le colonel K. parle de lui à la troisième personne :  Mouammar Khadafi représente une histoire. [...] Mouammar Kadhafi n'est pas un président et n'est pas un être normal contre qui on peut mener des manifestations. [...] Vous étiez où quand cette maison [sa maison de famille] a été bombardée par les Américains ? (in Le Monde) Puis la musique traditionnelle reprend sur des images de manifestations en hommage au colonel K., filmés de nuit, sans que l'on puisse savoir quand elles ont été prises, peut-être pour suggérer la liesse populaire après le discours du Guide suprême.

[19:15] La chancelière allemande Angela Merkel appelle ce discours "très, très effrayant", et elle dit aussi que le colonel K. a déclaré la guerre à son peuple (in Spiegel).

[19:30] Sur France 3, un expatrié arabe à la frontière : "C'est le massacre à Tripoli..."  Une Française retour de la capitale libyenne : "C'était chaud, dimanche..." Un compatriote : "À 18h, hier, des hélicoptères ont tiré,  bombardé, je ne sais pas si c'est le mot, tiré sur la foule en tout cas..." Un autre : "C'est tendu mais c'est calme. Et je n'ai pas vu de cadavres, vous m'excuserez. Mais j'ai entendu beaucoup de tirs, par contre..." - Chacun son style !

[20:00] Martine Laroche-Joubert (France 2) et son équipe sont arrivées (en taxi) à Tobrouk ... Elle parle d'une ville libérée, même si l'inquiétude est encore grande parmi la population... Elle montre des jeunes qui déchirent et piétinent le Livre Vert et l'effigie du colonel. Leurs commentaires recueillis après le discours de Kadhafi sont à la mesure de leur colère ... Avec la nuit, le black-out reprend la main... 

[20:30] Mme Clinton fait sa déclaration. Elle reste pratiquement muette sur la Libye, parle longtemps de Bahreïn, puis de l'Égypte et de la Tunisie.  Enfin elle s'étend sur la Lettonie après la rencontre avec  son homologue Kristovskis ... L'art de ne rien dire : l'essence de la diplomatie ?

Deux titres de la presse allemande ce soir : La danse macabre de Mouammar Kadhafi à Tripoli (Die Welt) - Kadhafi crie sur son peuple (Der Spiegel) - Et en France : Kadhafi prend le risque d'encourager une guerre civile (Le Monde) - Kadhafi s'accroche au pouvoir et menace les manifestants (Le Nouvel Observateur) - Kadhafi promet des "boucheries" en Libye (Le Point) - Personne n'a encore titré : Le délire de Kadhafi. - Même si tout le monde n'a vu que ca !

[21:15] Le ministre de l'Intérieur libyen se rallie aux protestataires. Il appelle l'armée à se joindre aux opposants  et à répondre à leurs «revendications légitimes» en écho à la langue utilisée par défection égyptienne chefs militaires avant la chute du président Hosni Moubarak, rapporte Al Jazeera. (in Le Parisien) - Le ministre de l'Intérieur, c'est du sérieux. Et toujours des informations au compte-goutte ou inexistantes sur la condition de la population. Sans doute n'y a-t-il plus de frappes aériennes. Et les défection commencent à pleuvoir : deux ministres, un grand nombre de diplomates, des pilotes de chasse, peut-être des marins au large de Malte...

[21:50] Le Parisien nous apprend que :  Le chef du gouvernement italien Silvio Berlusconi s'entretient au téléphone avec le chef de la Jamahiriya libyenne, Mouammar Kadhafi, annonce la présidence du Conseil dans un communiqué.

~ petite extrapolation (ou comment j'ai trouvé le bon titre) ~

Ce que peu d'observateurs ont relevé, c'est le style anachronique du colonel K. (*) Il s'appuie sur une histoire héroïque dont les héros sont déchus depuis longtemps : les meilleurs, comme Che Guevara, sont partis les premiers et les pieds devant. Quelques dinosaures comme Castro subsistent, mais n'en mènent plus très large. Son époque, c'est celle du jeune Yasser Arafat, combattant de l'OLP et du Fatah, invitant Andreas Baader et la Fraction Armée Rouge à s'entraîner dans les camps palestiniens. Le colonel K. en personne a été un grand révolutionnaire, adepte du terrorisme comme stratégie de combat. Aujourd'hui, il dessine ces diables de Bin Laden et Zerkhaoui sur les murs pour inciter la population à se ranger sous sa bannière. - Or, ces deux-là n'ont plus rien à voir avec la gauche communiste, jadis internationaliste, qui s'est effondrée avec le Mur de la Honte et la fin de la division européenne. Aujourd'hui, les postures de la gauche révolutionnaire des années 1960 à 80 ne sont plus acceptables, parce que beaucoup trop de leaders qui l'ont adoptée étaient de redoutables et sanguinaires tyrans. - C'est pourquoi la posture est anachronique, même drapée dans un costume de nomade du désert:. Et surtout, ce n'est plus qu'une posture, désormais, une façade détruite comme le décor dans lequel se complait le colonel K. La plupart des leaders de la dictature nazie étaient déjà de grands poseurs. Göring et Goebbels en particulier. Le caporal H. était, quant à lui, fou furieux : le tueur en série le plus prolifique de l'Histoire, depuis que le monde est monde. Et personne n'a su l'arrêter pendant douze longues années. - Voilà, j'ai trouvé le bon titre : Kadhafi fou furieux ! -  Il faut l'arrêter avant qu'il ne transforme son pays en un champ de bataille où son peuple va s'entretuer. Dans ces conditions, la destitution du tyran est une simple action de salut public.

PS : Comparons ce qui est comparable. Le nombre de victimes qu'on peut attribuer au caporal H. ou au camarade St., le colonel K. ne l'atteindra jamais. Il n'empêche qu'il est à côté de la plaque, inconscient de la situation qu'il crée. Comme beaucoup d'autres, un opposant libyen le dit à l'instant :sur Al Jazeera :  nous avons affaire à un fou, à un criminel dérangé, irresponsable. Et on l'entend crier en fond sonore, le colonel halluciné, un peu comme si un chien aboyait au loin. 

 مساء الخير


(*) Ce soir, le quotidien allemand Süddeutsche Zeitung titre tout de même : La dernière bataille d'un vieux révolutionnaire

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