Aujourd'hui, des deux côtés du Rhin et ailleurs, les gros titres sont plutôt homogénéisés : l'Astéroïde qui "frôle" la Terre, la Météorite qui explose au-dessus de la Russie, la fraude sur la viande de boeuf, l'inculpation pour meurtre du champion paralympique Oscar Pistorius.
Mais ces derniers jours, en France, on parlait d'une perte nette de 5 milliards d'euros en 2012 pour PSA Peugeot Citroën, alors qu'en Allemagne on annonce 1,3 milliards d'euros de "pertes operatives" en 2012 pour Opel. Chacun sa crise, mais de la bagnole partout.
De même, en France, on ignore plus ou moins les dix jours (et les 400 films) de la Berlinale, qui est pourtant l'un des grands festivals du cinéma mondial et le plus important en termes de fréquentation, comme on n'a pas approfondi la démission de la ministre allemande de la Formation et de la Recherche après la perte de son doctorat pour plagiat.
Et le nom de Spanghero ne dira rien aux Allemands : personne ne prendra donc la peine de leur parler de ces frères qui, après avoir savamment allié rugby et business depuis les années 1970, ont vendu 90% de leur entreprise de produits alimentaires et leur nom à Lur Berri en 2009. De même, les semaines de débats enflammés autour du mariage homosexuel se résument, dans la presse allemande, à l'"information" sur l'adoption de la nouvelle loi par l'Assemblée Nationale.
Le problème a déjà été évoqué dans l'article intitulé Le nationalisme des médias : lorsqu'on est à cheval sur plusieurs langues, plusieurs cultures, plusieurs pays, comme de nombreuses personnes le sont aujourd'hui dans le monde, la focalisation de la presse sur l'actualité "nationale" (voire régionale) peut paraître dérisoire (et provinciale) à l'heure de la soi-disant "mondialisation". Si les faits divers, les déboires des "célébrités" et les résultats sportifs accaparent une grande partie de ce qui porte le titre bien prétentieux d'"information", les problèmes politiques, économiques et sociaux subissent également un traitement "national", alors qu'à l'heure de la construction européenne la moindre des choses serait de proposer des comparatifs avec d'autres pays. Or, dans la presse française, l'Allemagne d'aujourd'hui se résume invariablement au personnage d'Angela Merkel. On n'a pas encore vraiment intégré le fait que des élections fédérales vont avoir lieu le 22 septembre 2013 et que le pays est donc déjà en pleine campagne électorale. Et on n'a pas vraiment rendu compte des derniers résultats des élections régionales où la coalition de gauche SPD-Les Verts a depuis un certain temps le vent en poupe. Sait-on que les écologistes allemands sont actuellement crédités de 16% dans les sondages ? et que le pays est en train de mettre en place un changement énergétique de grande envergure pour sortir du nucléaire ?
A l'inverse, on entend évidemment parler de l'affaire Depardieu en Allemagne, mais on ne sait rien de l'intensité des polémiques qu'elle a pu provoquer en France, ni du contexte général de l'évasion fiscale dans lequel ce fait divers a pu prendre de l'ampleur, alors que les mêmes problèmes se posent outre-Rhin. On n'est pas non plus très bien informé sur les formidables aides qui permettent au cinéma français d'être parmi les meilleurs du monde, ni sur le statut unique des intermittents du spectacle : ces informations jettent pourtant un éclairage différent - et beaucoup moins personnel - sur l'affaire Depardieu.
Pour informer, il faut mettre en relief. Or, la plupart des événements qui nous parviennent de ces pays dits "étrangers" sont plats, s'ils ne sont pas tout simplement anecdotiques. Que pouvions-nous comprendre d'un pays comme la Libye ? Alors qu'il était sous les spotlights pendant des mois et des mois : qui nous a vraiment "informés" sur son histoire et son devenir ? Et, à l'heure actuelle, qui nous parle encore de la Libye ? Que savons-nous des Touaregs ? Quelle différence y a-t-il entre les tribus du désert libyen qui sont parties à Tombouctou armées jusqu'au dents et les Touaregs qui errent dans le Sahara algérien et malien ?
Oui, la question se pose : qui nous informe ? et de quelle manière ? et dans quel but ?
De façon plus précise : comment la sélection des informations s'opère-t-elle ? doit-on satisfaire aux attentes que l'on prête à ses "fidèles" lecteurs, auditeurs, spectateurs, tout en les fabriquant peut-être ? faut-il sans cesse leur donner leur dose quotidienne de faits divers et de petites horreurs, de sport et de show-biz, et accessoirement de politique, d'économie, de culture afin que la prétention d'"informer" ne soit pas complètement absurde et usurpée ?
Car, la plupart de ces "informateurs" ne maintiennent-ils pas leur clientèle dans une sorte d'abrutissement permanent où les résultats sportifs nationaux remplissent le même espace qu'un événement décisif pour la politique mondiale, où les déboires sentimentaux ou fiscaux d'une "gloire nationale" seront présentés "sans transition" - ou "sans solution de continuité", comme on dit dans les milieux éduqués - avec la faillite ou, au choix, les profits exorbitants d'une grande entreprise internationale ?
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