Annette Schavan, qui se voit déchue de son titre de Docteur par l'Université Henri Heine de Düsseldorf, déclare ce mercredi matin à Johannesburg qu'elle déposera plainte et ne démissionnera pas de son poste de ministre fédérale de la Formation et de la Recherche. Et qu'elle n'en dira pas plus en raison de la procédure judiciaire qui s'annonce...
Si les partis d'opposition (SPD / Verts / Linke / Pirates) réclament déjà sa démission à grand cris, la majorité (CDU / CSU / FDP) aura du mal à couvrir la confidente et amie d'Angela Merkel au cours de cette année électorale : tempêtes cérébrales en perspective à la chancellerie...
Il faut dire que si les choses en restaient là, Mme Schavan n'aurait plus aucun titre universitaire, car elle avait suivi un cursus direct, sanctionné par le seul doctorat en 1980, sans étapes intermédiaires comme une licence ou un master : situation compliquée pour une ministre de la Formation et de la Recherche...
Cependant, Mme Schavan semble très respectée par ses pairs et ses partenaires académiques, certaines voix universitaires se faisant d'ailleurs entendre pour minimiser cette accusation de plagiat et contester la sanction de la faculté de Düsseldorf. Et la presse, éternel avocat du diable, se jette également dans la mêlée, histoire de lancer les hostilités : "Pourquoi le retrait du titre de Schavan est une erreur" (Die Welt) - "Schavan doit rester" (Frankfurter Rundschau). Bien entendu, les répliques ne se feront pas attendre : "Schavan doit partir" (Die Zeit) - "Merkel et le cas Schavan : Mauvais départ" (Der Spiegel).
En début d'après-midi, un porte-parole de la chancellerie déclare que Mme Merkel fait "entièrement confiance" à sa ministre contestée et que, dès son retour d'Afrique du Sud où Mme Schavan effectue un voyage officiel, les deux femmes auront "tout loisir de parler"...
Malgré cela, et notamment la possibilité de plaider l'anticonstitutionnalité d'une procédure intervenant 33 ans après les faits, la plupart des commentateurs voient mal comment la ministre pourrait sauver un poste où elle représente officiellement la communauté scientifique et la recherche allemandes, tout en se voyant déchue de son titre académique. Et même si elle le récupérait, ce qui serait un précédent, les interrogations sur la régularité de son travail universitaire continueraient d'occuper les esprits...
S'ajoute la position que Mme Schavan a prise lorsque Karl-Theodor zu Guttenberg était dans la même situation, bien que le doctorat de l'ex-ministre de la Défense, confectionné à l'ère du copié-collé, fût encore beaucoup plus contestable : "Je n'ai pas seulement honte en secret", avait-elle déclaré en 2011, ce qui représentait un désaveu son collègue. Et actuellement, les médias rediffusent en boucle cette image d'Annette Schavan aux côtés d'Angela Merkel, au moment où cette dernière reçoit un texto lui annonçant la démission tant attendue du Baron zu Guttenberg : le sourire de sa voisine est alors pour le moins narquois lorsqu'elle prend à son tour connaissance de la nouvelle...
Et puis, les experts doutent sérieusement du succès de la procédure judiciaire que Mme Schavan semble vouloir entamer. Or, jusqu'au jugement, elle a le droit de conserver son titre et son poste. Sauf si son amie la chancelière trouve les arguments pour la persuader de partir. Car, puisque les écarts sont tout de même serrés dans la course au Bundestag 2013, un feuilleton comme celui-ci, qui traînerait sur des mois, pourrait bien finir par déstabiliser les sortants...
Quant à cet "entretien en tête à tête" entre la chancelière et sa confidente, que les milieux autorisés nous annoncent pour vendredi soir, date du retour de Mme Schavan à Berlin, gageons qu'il a déjà eu lieu - ou qu'il est en cours - grâce à cette merveilleuse invention dont on entend parler au quotidien mais qui, pour le coup, semble avoir complètement échappé aux commentateurs : le téléphone !
(à suivre)
Mesdames Merkel et Schavan, photo dapd @ Der Spiegel
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